La 28ème année
Troisième édition de mes listes de lecture entre mes anniversaires.
70 livres
créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a presque 2 ansLe Roi disait que j'étais diable
Sortie : 20 août 2014 (France). Roman
livre de Clara Dupont-Monod
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Clara Dupont-Monod a pris la figure d'Aliénor comme personnage tutélaire pour quelques uns de ses ouvrages, et celui-ci est celui où elle a un rôle central. On suit sa vie, à travers sa narration et celle de Louis VII, son mari (dans la première partie), depuis son mariage avec le roi de France jusqu'à son retour des croisades et son divorce. La deuxième partie, plus courte, prend le point de vue du fantôme de son oncle, Raymond de Poitiers, comte d'Antioche. Cette dernière partie est à mon goût la plus facile et la moins intéressante : la narration devient omnisciente et l'artifice est grossier, forcément on fait parler un mort qui observe les vivants !
Le reste de l'ouvrage se lit assez bien (merci la police de caractère énorme de Grasset), caractérisant parfaitement la dichotomie entre un Louis VII quasi-moine, empêtré dans son amour infructueux avec la belle Aliénor, qui elle est dépeinte (à tort, de l'aveu même de l'autrice) en va-t-en-guerre quasi-païenne, aimant se promener dans Paris et en vraie femme politique indépendante.
Le livre n'a pas vraiment autre chose à offrir qu'une belle introduction aux réalités politiques du XIIe siècle en France, avec toute la clique des affaires de l'époque : Bernard de Clairvaux, l'abbé Suger, l'empereur germanique Conrad, l'apparition des comtes d'Anjou père et fils... C'est bien informé et cela a le mérite d'être moderne.
Anatomie d'un instant (2009)
Anatomía de un instante
Sortie : août 2010 (France). Roman
livre de Javier Cercas
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
En Emmanuel Carrère espagnol, Javier Cercas continue de nous passionner avec ses chroniques historico-journalistico-romanesques. Ici, il se focalise sur la tentative de putsch militaire contre le Congrès des Cortès espagnol le 23 février 1981 (connu en Espagne sous le nom de "23-F"), et surtout sur les images télévisuelles qui nous en sont parvenues, montrant de façon prioritaire le geste de passivité résignée du premier ministre démissionnaire Adolfo Suarez, principal artisan de la transition démocratique depuis la mort de Franco, en 1975.
A travers ce geste, Cercas déroule comme un archiviste déroule tous les plis d'un vieux codex : Adolfo Suarez en est le personnage principal, et son passé, sa psychologie, son idéologie, ses possibles, sont analysés et décortiqués dans les moindres détails. Mais l'auteur va également voir les principaux responsables du coup d'Etat, le lieutenant-colonel Tejero, le militaire emblématique car celui qui apparaît le premier dans l'hémicycle avec son arme au poing, le général Armada, les capitaines généraux, etc. Leurs motivations, leurs alibis, la complexité de l'élaboration et de la dénégation postérieure de ce putsch y est exposée avec une rare clarté et exhaustivité. On a l'impression que tout y est, et pour un historien, il y a un vrai plaisir coupable à voir le romancier avancer des hypothèses toutes plus convaincantes les unes que les autres, mais finalement peu justifiables au regard des sources disponibles.
Cercas dit lui-même que le livre ne porte pas tant sur le coup d'Etat que sur le geste de Suarez, mais c'est finalement une chronique exhaustive du passage à la démocratie en Espagne qui y est déroulé : une démocratie voulue par tout le monde et personne à la fois, mise en place par un ancien phalangiste lui-même peu convaincu par le régime, avalisée par des généraux franquistes qui se sont faits avoir, et finalement enracinée par un coup d'Etat que militaires, partis politiques, syndicats et citoyens demandaient depuis des mois. L'Espagne n'en est pas à une contradiction près, et Cercas est là pour nous le rappeler.
Berezina
En side-car avec Napoléon
Sortie : 22 janvier 2015 (France). Roman
livre de Sylvain Tesson
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Le genre de bouquin que la 4ème de couverture suffit amplement à résumer... car finalement il n'y a rien de plus que ce qu'on peut y attendre. Sylvain Tesson reproduit la retraite de la campagne de Russie de 1812 entre Moscou et Paris, avec plusieurs de ses amis russes, sur de vieilles moto soviétiques du doux nom d'Oural. Et ce voyage se superpose aux anecdotes et récits de la véritable retraite de Russie.
Rien de bien intéressant ici, si ce n'est les quelques éléments historiques concernant Napoléon et la Grande Armée, cette gigantesque débandade pas vraiment maîtrisée. Et quelques fois Tesson nous dit qu'il n'aime ni son époque, ni son pays, et qu'il préférerait être un Russe du XIXe siècle. Son style est parfois ampoulé, mais le reste du temps assez générique, même si les passages historiques se lisent bien. Pour moi assez anecdotique.
L'Insomnie des étoiles (2010)
Sortie : 16 août 2010. Roman
livre de Marc Dugain
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Ce livre a clairement trois parties distinctes : la narration change du tout au tout entre la première (dominée par le point de vue de Maria Richter, adolescente allemande laissée pour compte dans sa ferme délabrée du sud de l'Allemagne alors qu'en 1945 le Reich s'effondre) et la seconde et troisième parties (dominée par le point de vue du capitaine Louyre, chef d'une compagnie de soldats français envoyés dans ce même village pour administrer une région reprise à la Wehrmacht). Et de ce même fait, il faut attendre un petit moment pour voir le réel intérêt du roman : le sort réservé aux handicapés mentaux dans l'Allemagne nazie dès la fin des années 1930. C'est à travers les aveux du directeur du centre de convalescence du village que l'on apprend toute la machine génocidaire nazie face aux malades, qu'il aurait fallu éradiquer pour ne pas qu'ils transmettent leurs gênes abâtardies ou qu'ils ne soient pas un poids inutile pour la collectivité. En cela, cette troisième partie du récit, centrée sur le dialogue entre le docteur et Louyre, est intense et efficace.
C'est un peu le reste qui pêche : on sent que Dugain a voulu commencer beaucoup de choses, mais ne les a pas véritablement continué. La quête du capitaine Louyre s'apparentait à un bon polar : avec de multitudes d'indices mystérieux (les restes osseux retrouvés enfouis dans une caisse dans la ferme de la jeune Maria, le centre de convalescence mystérieusement fermé), il tente de dénouer une affaire qu'il ne comprend pas vraiment. On sent même parfois du Poirot dans l'assurance qu'il a face au docteur qu'il estime coupable. Mais voilà, ça s'arrête pour laisser placer aux longs aveux du médecin. De la même façon, la première partie est bizarrement longue pour n'incarner finalement qu'une Allemagne complètement déboussolée, livrée à la famine et aux prédations, corps attendant d'être violé mais qui ne survit ni à sa propre armée, ni jamais vraiment aux Alliés. Enfin, si, on retrouve cette Maria à la toute fin, plus ou moins sauvée par le capitaine Louyre. C'est tout ? Et bien oui, Dugain joue un peu le pathos ici : l'Allemagne meurtrie par les méchants génocidaires, trouve son salut dans la bienveillance et l'oubli des Alliés.
Bon. Au moins cela se lit d'une traite.
Les Cerfs-volants (1980)
Sortie : 1980 (France). Roman
livre de Romain Gary / Émile Ajar
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Ultime roman de Romain Gary, 'Les cerfs-volants' est un épais récit de 370p retraçant l'histoire de Ludovic Fleury, neveu d'Ambroise Fleury, un créateur de cerfs-volants en Normandie, entre les années 1930 et la fin de la Seconde Guerre mondiale. La première partie du roman se déroule avant-guerre, dans l'enfance/adolescence de Ludo, et voit notamment son amour passionné pour la jeune aristocrate polonais Lila Broniscki. Au gré de leurs séparations et retrouvailles, l'Histoire se déroule, que ce soit à Dantzig où la famille Broniscki possède un château et où le jeune Ludo est célébré comme la France éternelle alliée, ou dans la Normandie occupée et bientôt libérée, où le gérant de la table d'hôtes le Clos Joli, Marcellin Duprat, entend "résister" à sa façon, en faisant perdurer la bonne chère française servie à l'occupant.
Avec une plume précise et incroyablement efficace, Romain Gary parvenait ainsi à nous dépeindre les complexités de la marche à la guerre et de la vie sous l'Occupation, que ce soit dans les engagements comme dans les conflits. Les femmes et les hommes sont pris dans un tourbillon d'absurdités, de velléités contradictoires, et doivent manoeuvre pour survivre. Certains ont la conviction chevillée au corps, comme Ambroise Fleury qui prend armes et bagages pour s'installer au Chambon-sur-Lignon afin de sauver des enfants juifs, avant de payer pour ce crime et de finir la guerre à Buchenwald puis à Auschwitz. L'image des cerfs-volants reste présente tout le long du roman, rappelant la liberté interdite aux Français, et témoignant de l'état de la France meurtrie. En 1980, Gary mettait ainsi en lumière les responsabilités, les trajectoires et les nuances dans le comportement de chacun sous la guerre, et finalement cette histoire d'amour n'en est que le corollaire : une passion mouvementée mais éternelle, entre la France et la Pologne, dans l'adolescence devenue trop tôt adulte.
La Serpe (2017)
Sortie : 17 août 2017 (France). Roman
livre de Philippe Jaenada
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Jaenada, dans sa période "faits divers", vient de pulvériser mon Carréromètre des meilleurs romanciers d'enquête non-fictives. En retraçant l'affaire compliquée d'Henri Girard, homme aux mille vies accusé d'avoir assassiné à coup de serpe rouillée son père, Georges Girard, sa tante, Amélie Girard, et la bonne, Louise, dans la propriété familiale d'Escoire, en Dordogne, en octobre 1941, P. Jaenada entend surtout bouleverser toutes les convictions affirmées autour de la culpabilité d'Henri Girard : si tout l'accuse, c'est justement parce que tous l'accusent. Et Jaenada de nous récapituler d'abord la vie picaresque de Girard, qui, après le meurtre, passera plusieurs années en errance en Amérique latine, reviendra en France pour publier le roman noir à succès 'Le Salaire de la peur', avant de s'engager dans diverses luttes, notamment en Algérie indépendante. Mais l'histoire commence véritablement quand on entre dans le fait divers : par détours, retours en arrière, inspection minutieuse de toutes les archives à disposition, l'auteur montre à quel point l'enquête a été bâclée, entièrement à charge contre Henri Girard, au mépris de tous les doutes élémentaires qui peuvent se porter sur les principaux suspects de l'auteur, les métayers et gardiens du château des Girard, les Doulet. Certes, on jubile de le voir retourner de fond en comble tous les procès-verbaux, les plaidoyers de l'accusation, montrer les incohérences et incompétences des magistrats et fonctionnaires de police plus soucieux d'enterrer une affaire si évidente que d'établir une vérité pas si évidente.
Et Jaenada de réaliser, en tant que romancier, tout ce que l'historien ou le juge ne peut faire : supposer, émettre des hypothèses qui permettent de combler les vides, d'expliquer l'inexplicable. Le dossier est certes clos, la magistrature n'ayant jamais jugé bon de le rouvrir sans déclarer Girard coupable (puisqu'il a été innocenté à la surprise générale, grâce à son avocat de choc Maurice Garçon), mais Jaenada en a rétabli une vérité parmi d'autres, à notre plus grand plaisir.
La Fabrique des pandémies (2021)
Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire
Sortie : 2021 (France). Document
livre de Marie-Monique Robin
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Introduction fulgurante aux études d'écologie de la santé (ecological disease studies ?), l'ouvrage de vulgarisation de Marie-Monique Robin (la journaliste ayant réalisé 'Le monde selon Monsanto' en 2008) est une vraie claque dans la figure pour quiconque s'intéresse un tant soit peu à l'épidémie de covid.
L'enjeu principal est de montrer en quoi les épidémies, et les virus de manière générale, sont des êtres imbriqués dans les écosystèmes, et que la perturbation voire la destruction de ces écosystèmes par l'action humaine, contribue à des conséquences multiples, dont la pandémie actuelle. Les premiers chapitres confirment bien ce qu'on sait depuis quelques mois maintenant : s'il y a une origine au covid-19, elle est probablement à chercher dans le bouleversement des forêts tropicales d'Asie, frappées de plein fouet par la déforestation, l'urbanisation et l'agriculture intensive : des espèces animales sont désorientées, extirpées de leur habitat naturel, et, contraintes de venir se nourrir à proximité des fermes, champs et villes, transmettent aux animaux domestiques et d'élevage leurs pathogènes. Le passage à l'homme est rapide, il partage 90% des gênes du cochon.
Mais la deuxième théorie passionnante, et centrale, du livre est celle de l'effet "dilution", proposée par le couple de scientifiques américains Richard Ostfeld et Felicia Keesing : les écosystèmes divers se protègent eux-mêmes face à la propagation des virus, proposant une multiplicité d'hôtes et donc de nombreuses impasses épidémiologiques. A l'inverse, lorsque la biodiversité est réduite à peau de chagrin, qu'il n'existe par exemple plus qu'une espèce de rongeur commensal capable de s'adapter à de petits forêts fragmentées, les tiques peuvent transmettre d'autant mieux la maladie de Lyme qu'il n'y a plus d'autres rongeurs qui vont servir d'impasses évolutives au virus. Cette théorie mêle brillamment la destruction de la biodiversité avec la propagation des virus.
Le reste du livre est du même acabit : M.-M. Robin a contacté plus d'une soixantaine de scientifiques du monde entier et nous montre tous les aspects de la question, allant même jusqu'à l'ethnobotanisme (comment les sociétés indigènes sont mieux capables que nous de connaître les mécanismes environnementaux pour les protéger). Bien informé et limpide, elle ne rivalise pas d'optimisme, mais a le mérite de proposer un cri d'alarme: l'ère du capitalisme est aussi celle des pandémies.
Bénie soit Sixtine (2020)
Sortie : 20 août 2020. Roman
livre de Maylis Adhémar
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Pour son premier roman, Maylis Adhémar expose l'histoire d'une famille, resserrée autour de Sixtine. Dans la première partie, elle rencontre et se marie avec Pierre-Louis Sue de la Garde, un fils de (très) bonne famille, également (très) catholique intégriste facho, dont la nombreuse famille est membre d'un clan catholique, sorte de secte, les Frères de la Croix. La discipline chrétienne y est stricte, l'observation des rituels rigoureux, et tout ou presque se fait en vase clos. Sixtine apprend ainsi à ne vivre que pour sa future maternité, à s'entendre avec sa belle-mère beaucoup trop coincée et méchante (petite facilité narrative soit dit en passant), et à refouler tous les questionnements d'une jeune femme de vingt ans. Mais quand son affreux mari meurt au cours d'une descente de fachos dans un concert d'antifa, elle ne tient que quelques semaines et s'enfuit avec le nouveau-né, Adam, dans le Tarn, où elle atterrit dans une petit village, Sauveterre-de-Rouergue : elle y découvre une autre France, les néoruraux, qu'ils soient délurés comme la coiffeuse Lydie, ou carrément des babos camés comme Pawel ou Din. Et Sixtine retrace ainsi le passé de sa grand-mère, Erika, saltimbanque vivant dans l'Ariège, et qui a vu sa fille, Muriel, lui échapper, et s'enfermer dans la secte des Frères de la Croix.
Car finalement, 'Bénie soit Sixtine', c'est d'abord le récit entrecroisé de la perte des liens familiaux : ceux de Sixtine avec toute son ascendance, qui tente de vivre à sa place, de tout contrôler sur elle, entremêlés à ceux de la mère de Sixtine, Muriel, qui a rompu progressivement le contact avec ses parents pour s'enfermer dans le catholicisme intégriste.
Le thème est intéressant, et bien mené. Mais ce récit ne rivalise pas d'originalité : la narration principale, centrée sur Sixtine, alterne avec les lettres d'Erika, sa grand-mère, adressées à sa fille Muriel, dans les années 1970-1980. On comprend vite que Muriel n'est pas comme les autres, et s'éloigne du milieu soixante-huitard de ses parents. Le passé juif de sa mère et laïc de son père, elle l'efface au profit d'un mythe de Russes blancs tués pendant la Révolution bolchévique. C'est ce passé que Sixtine cherche à retrouver, pour vivre en paix avec sa famille. Ainsi, la boucle est bouclée, encore une fois sans grande originalité, mais on ne demande pas forcément un chef d'oeuvre pour un premier roman.
La Classe de neige (1995)
Sortie : 1995 (France). Récit, Recueil de nouvelles
livre de Emmanuel Carrère
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Je le pressentais, Carrère est nettement plus intéressant depuis qu'il fait des récits qu'à l'époque de ses courts romans : avec 'La Classe de neige', il donnait corps aux angoisses d'un jeune garçon parti à la montagne avec sa classe, et donc délaissé par son père pour la première fois. Rien ne va : ses affaires sont restées dans le coffre, et son père n'a pas le téléphone (et oui on est en 1995). Il s'imagine donc que celui-ci est mort et qu'il l'a perdu à tout jamais (ficelle un peu grosse mais soit). Puis, il se rappelle que des kidnappeurs d'enfant volaient les reins et les organes des bambins, et paf ! un enfant, René, est retrouvé mort après avoir été disparu à proximité de la colonie de vacances. Toutes ces angoisses remontent, et au final Nicolas ne voit pas ce qui est devant lui : c'est son père qui est le kidnappeur !
Un roman un peu m'as-tu vu, pas désagréable à lire, et plein d'une authenticité et d'un réel saisissants, mais tout cela est peut-être un peu gros pour être crédible.
Dune (1965)
Le Cycle de Dune, tome 1
Sortie : 1970 (France). Roman, Science-fiction
livre de Frank Herbert
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Le voilà enfin, l'oeuvre matrice de tous les romans de science-fiction/fantasy dans l'espace. Premier tome de près de 850p, 'Dune' est une réflexion puissante sur la politique confrontée à la rareté des ressources (ici l'eau et bien sûr l'épice), et les conséquences que cela engendre : la guerre, la ruse, le conflit, l'exaltation religieuse... S'inspirant largement de l'islam, Herbert a donné à ses Fremen les allures de guerriers imbattables des sables, prêts à déferler en Jihad sur les Harkonnen qui ont osé chasser le duc Paul-Mua'd Dib de son trône d'Arrakis.
Inutile de vanter la qualité d'écriture, la richesse du monde et la justesse du rythme de ce premier tome, que Villeneuve a quand même très bien adapté pour sa première moitié. Le combat n'y prend pas toute la place, tandis que les dimensions spirituelles, amoureuses, familiales y sont très bien réparties. Les personnages évoluent, principalement en lien avec l'évolution de Paul Atréides lui-même, et tout est très cohérent. C'est évidemment une prouesse et un must-have de la littérature mondiale.
Marche ou crève (1979)
The Long Walk
Sortie : 17 octobre 1989 (France). Roman
livre de Stephen King / Richard Bachman
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Je commence à cerner (du haut de mes 2 lectures) ce que fait King dans ses bouquins, et qui au final ne transparaît pas toujours très bien dans les adaptations cinéma : plutôt que de montrer une intrigue très développée, des ramifications profondes et des rebondissements soudains, c'est davantage une atmosphère qu'il tisse, un air du temps, traversé par des personnages considérablement écrits, et bien souvent une métaphore de ce qu'on croit bon d'y voir : cartographie des Etats-Unis, allégorie du capitalisme ou simplement de la vie, ici, la Longue Marche est surtout l'occasion de montrer l'absurdité d'une société qui incite ses membres à se tuer à la tâche sous peine de mort, avec comme récompense une carotte qu'ils n'auront jamais. Faire miroiter à chacun l'objectif final, exterminer tous ceux qui n'y croiraient plus, et susciter la colère, la haine, les passions les plus animales, pour mieux les dominer.
Bref, 'Marche ou crève' se lit bien, quoique l'histoire aurait pu être plus développée (il a l'air d'y avoir un fond dystopique mais qui est trop peu effleuré).
L'Astragale (1965)
Sortie : 1965 (France). Récit
livre de Albertine Sarrazin
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Récit d'une partie de sa vie, mise en fiction, "L'Astragale" est le roman le plus connue de la romancière sulfureuse et proto-Virginie Despentes, Albertine Sarrazin, taularde invétérée des années 1950-1960, et malgré cela romancière reconnue de son vivant, et jusqu'à sa mort précoce en 1967. C'est d'abord le récit de son évasion, qui se solde par une fracture du pied et surtout de cet os, l'astragale. Mais cette fracture provoque l'évènement le plus important de sa vie : sa rencontre avec Julien, son amour éternel. Et "L'Astragale" est ainsi le récit de leurs amours, de leurs séparations et retrouvailles, des moments difficiles, de la cavale d'Anne/Albertine, dans les chambres parisiennes où elle se met à faire le tapin, jusqu'à l'appartement de ce célibataire client, Jean, qui l'aide à retrouver Julien, lorsqu'elle l'a localisé en prison.
Bref, Albertine Sarrazin faisait déjà le récit des déshérités, des outlaws, quand la bonne société lisait de Beauvoir et Sagan : c'est donc un récit qui gagnerait à être relu et redécouvert.
Dans la foule (2006)
Sortie : 2006 (France). Roman
livre de Laurent Mauvignier
Alexandre G a mis 4/10.
Annotation :
Mon dieu que ce livre est inutilement bavard ! Retraçant des destins individuels dans le piétinement des hooligans du stade de Bruxelles lors de la finale des clubs d'EUrope Liverpool-Turin de 1985, Laurent Mauvignier brode. Il brode sans cesse, dans un style indirect libre en apnée tout du long, qui vous fait suffoquer, avec des points de vue qui changent sans prévenir ou presque. On apprend l'histoire en cours de route, et en-dehors de cela, eh bien c'est des pages et des pages de bavardages, d'excroissances des egos heurtés des 5 ou 6 personnages principaux, d'enjeux complètement anecdotiques, et de tragédies personnelles dont on se fout royalement. Mauvignier n'a pas su me captiver une minute dans cet ouvrage beaucoup trop long.
Smith & Wesson
Sortie : 18 avril 2018 (France). Théâtre
livre de Alessandro Baricco
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Ni le livre de la décennie ou encore le meilleur de Baricco, mais comme toujours un moment de divertissement et d'évasion, à travers la folle histoire de deux hommes et une femme, Tom Smith, Jerry Wesson et Rachel, qui prennent le pari de larguer Rachel dans un tonneau à bière du haut des chutes du Niagara. C'est loufoque, parfois très drôle, et sous la forme d'une pièce de théâtre, on voit le potentiel dramatique et comique que cela pourrait avoir.
Léviathan (2009)
Leviathan
Sortie : 16 septembre 2010 (France). Roman
livre de Scott Westerfeld
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Roman steampunk d'ampleur, 'Léviathan' est en fait le premier tome d'une trilogie resituant la Première Guerre mondiale dans un passé futuriste, où les darwinistes (France, Grande-Bretagne) affrontent les clankers (Allemagne, Autriche-Hongrie). Pour faire vite, les premiers ont réussi à manipuler l'ADN des animaux pour en faire des assistants notamment à la guerre (le Léviathan est ainsi une gigantesque baleine aéronef servant de bombardier), et les clankers ont développé une puissance mécanique impressionnante. Scott Westerfeld s'amuse, étoffe son monde en calquant de nombreux axes sur la vraie histoire (un des deux personnages principaux est Alek, le fil de l'archiduc François-Ferdinand assassiné en juin 1914), et en offrant une histoire haletante, convenant parfaitement aux adolescents attirés par l'Histoire du XXe siècle tout en proposant de belles trouvailles de l'imaginaire. Une belle réussite !
Rouge vif
L'idéal communiste chinois
Sortie : 19 février 2020 (France). Essai
livre de Alice Ekman
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Une étude sur-documentée, qui prend le parti d'allier interrogatoires informels de l'auteure avec des personnalités de l'Etat chinois, des chercheurs ou des diplomaties, avec des études critiques et scientifiques sur le sujet. Evidemment, A. Ekman y démontre très bien à quel point la rhétorique et la "foi" communistes sont encore fortes en Chine aujourd'hui, malgré la libéralisation de l'économie des années Deng. Certes, il faut attendre les 50 dernières pages pour avoir un langage un peu moins proche de la rhétorique officielle, pesante et entêtante, et Ekman y propose ses théories quant à la projection de la puissance chinoise dans les années à venir.
Un livre intéressant, et Ekman est définitivement la spécialiste française de la Chine contemporaine.
Michael K, sa vie, son temps (1983)
Life and Times of Michael K
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de J. M. Coetzee
Alexandre G a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Coetzee est probablement l'écrivain majeur de l'apartheid en Afrique du Sud. Mais c'est souvent sous la forme de l'allégorie, de la fable, du conte, qu'il dépeint les absurdités, les atrocités d'un système de violence, de destruction. Et en creux, les échappatoires, les havres de paix qui peuvent s'y immiscer. Ici, Michael K, un simple d'esprit, cherche à sortir du Cap ravagée par "la guerre" avec sa mère, pour se rendre à la campagne. Il y arrive, mais sa mère décède. Michael est ensuite bringuebalé de camps de travail en prisons, mais parvient à trouver un accomplissement en cultivant un potager et en revenant à l'état de "barbare" dans la maison natale de sa mère. Isolé de tout, vivant chichement du fruit de son labeur, vivant la nuit pour ne pas se faire repérer, Michael redevient l'enfant sauvage, mais celui qui survit quand tout s'effondre. Il n'y a qu'à voir son inadaptation dans les camps de travail ou dans cet hôpital qui constitue toute la 2ème partie : la discussion est impossible avec les autres humains, ceux qui (allez, disons-le) sont asservis à cet Etat violent et totalitaire. Car on peut tout à faire lire chez Coetzee une virulente critique de l'Etat et de ses dérives de toutes façons destructrices : en asservissant les gens, en les soumettant à du travail absurde et inutile (en leur faisant miroiter leur survie), l'Etat n'est rien d'autre qu'une machine à détruire. Le salut vient alors de l'oisiveté, du refus, du nomadisme (à plusieurs reprises Michael dit qu'il peut vivre en venant arroser les plantes qu'il aura semé tout au long de l'Afrique du Sud), de l'autonomie.
Alors, certes, à aucun moment n'est précisée la couleur de peau de Michael. Mais finalement la clef d'interprétation de l'ouvrage n'est pas là : bien sûr qu'il est probablement noir, mais échapper à l'Etat convient à chacun, si tant est qu'il veut s'affirmer comme libre.
Le Patient anglais
The English Patient
Sortie : septembre 1992 (France). Roman
livre de Michael Ondaatje
Alexandre G a mis 3/10.
Annotation :
Ce livre m'est complètement tombé des mains. J'ai à peine pu venir à bout de la moitié.. Un désordre narratif qui se veut artistique, mais qui fait qu'on n'y comprend strictement rien, qu'on n'est absolument pas enclin à suivre les trajectoires émotionnelles des personnages ; une tripotée de personnages qu'on découvre sans jamais vraiment découvrir puisque les seules choses qui nous sont jetées à la figure sont des impressions, des phrases qui n'ont aucun sens, une inflation stylistique grotesque (des "silhouettes bibliques", un "regard avunculaire"...), mai à aucun moment on est invité à découvrir une histoire, à s'intéresser à ce qui s'apparente à de l'amour.
Le style d'Ondaatje est pompeux, arrogant. Il superpose des chapitres entièrement tournés vers la relation entre le patient anglais et son infirmière (en fait, le triangle amoureux qu'ils forment avec un soldat sikh), et l'histoire personnelle du patient anglais dans le désert libyen. Mais cette prose atrocement complexe ne nous donne pas du tout envie de le suivre.
Le Bloc (2011)
Sortie : 6 octobre 2011. Roman
livre de Jérôme Leroy
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Avec ses allures de polar ou de barbouzerie, 'Le Bloc' est un livre relativement accessible et bien documenté sur les milieux fachos français, à l'orée des années 2010, quand l'arrivée au pouvoir des lepénistes devenait une option de moins en moins repoussée. Deux points de vue alternent : celui de Stanko, un homme de main du Bloc patriotique, le parti en attente d'arriver au pouvoir au milieu d'émeutes qui font des centaines de morts dans les banlieues, et Antoine, gendre du "Vieux" Dorgelles, le fondateur du parti, et mari de la peut-être future Première ministre. Tous deux attendent, durant une nuit, le dénouement des tractations qui doivent amener au pouvoir une dizaine de ministres du Bloc pour régler cette "guerre civile" (dont on ne saura pas grand chose, ce qui est à mettre au crédit de J. Leroy : on est pas dans du Houellebecq de bas étage où la guerre civile est inéluctable, ici elle a lieu, et on a juste un ou deux indices nous expliquant que c'est en grande partie le fait de l'incompétence de l'Intérieur et des flics...)
Entre la construction du parti au sein même des mouvances skins, néonazies, et dans l'entourage des anciens waffen-SS, de l'Algérie ou de l'Indochine, les histoires personnelles des cadres du parti, à la morale aussi décadente que celle qu'ils critiquent chez leurs opposants, Leroy nous donne à voir une histoire vraisemblable, celle d'un parti qui se construit dans le sang, la violence, les délires millénaristes de sauvetage d'une France chrétienne blanche éternelle face aux "muzz", aux "bouquaques", de croisés défoncés aux amphét' et aux snuff movies, qui respectent davantage les antifa qui leur tiennent tête que les bobo qui sirotent rue Oberkampf. Ce roman sonne juste, et manque peut-être simplement d'un peu plus de narration pour vraiment nous accrocher : les personnages sont certes bien écrits mais ne sont pas non plus immémoriaux, on ne ressort pas du bouquin en ayant été profondément touché par ce récit qui, somme toute, ne nous parait plus si invraisemblable 10 ans plus tard...
Récidive, 1938 (2019)
Sortie : 27 mars 2019. Essai
livre de Michaël Foessel
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Découvert dans un live de Mediapart où tous les invités s'extasiaient sur cet essai visionnaire, 'Récidive 1938' n'est pas le livre qu'il se défend d'ailleurs d'être, c'est à dire une étude de l'année 1938 pour comprendre l'année 2018. Il s'agit pourtant pour l'auteur, philosophe de formation, d'examiner à la loupe la presse de l'année 1938 et les préoccupations principales de la politique française, pour mieux comprendre ce qu'elle peut nous dire sur notre époque à nous, sous -entendu : comment peut-on faire l'analogie entre ce qui a conduit à la guerre et ce qui nous conduit à la catastrophe ?
En réalité, je trouve que ce bouquin est une chronique, pas si agréable à lire que cela, sur la réaction bourgeoise au Front populaire : l'année 1938 est en effet marquée par une reprise en main du pouvoir, de façon autoritaire (généralisation des décrets-lois par le président du Conseil), par la frange conservatrice bourgeoise, incarnée par l'accession au pouvoir d'Edouard Daladier, radical-socialiste qui sait se faire la courroie de la droite des affaires quand il le faut. Alors que l'Europe se fait dévorer par Hitler, les députés français ne siègent plus et reposent sur les ordonnances de Daladier visant à détricoter point par point les avancées sociales du Front populaire. D'ailleurs, l'expression "plutôt Hitler que le Front populaire" ne s'est jamais aussi bien portée que cette année-là : les accords de Munich sont célébrés comme des garants de la paix mais surtout une respiration pour mieux s'occuper de l'ennemi intérieur, qui serait le non-travail, l'oisiveté du prolo. La France doit "se mettre au travail", les grèves doivent être matées, le PCF interdit... Bref, les priorités sont de se rapprocher le plus possible d'un régime autoritaire, et non évidemment de combattre les dictatures européennes.
En ce sens oui le livre est intéressant, mais hélas il est assez fastidieux, et peu conséquent dans la mesure où les parties qui ont été délimitées n'ont pas de réelle structure propre.
La Maison Russie (1989)
The Russia House
Sortie : 1989 (France). Roman
livre de John Le Carré
Alexandre G a mis 4/10.
Annotation :
Roman d'espionnage ou psychologisant amoureux ? 'La Maison Russie' est un récit bavard d'une fausse affaire d'espionnage : une femme soviétique, Ekaterina, souhaite envoyer des informations capitales et secrètes sur l'URSS aux renseignements britanniques, et demande à entrer en contact avec Barley, un éditeur cramé. Les 150 premières pages servent à convaincre Barley d'accepter le job. Ensuite, pendant 150p, il tourne en bourrique ses agents d'espionnage et tombe amoureux d'Ekaterina. Et enfin il s'enfuit.
Ce roman a plus d'une inconséquence, la première étant la portée de l'intrigue : on n'a strictement rien à faire de l'affaire d'espionnage, l'histoire d'amour étant le point central de l'histoire. On ne saura jamais ce qu'il y a dans les documents secrets transmis par Ekaterina, et les personnages eux-mêmes semblent désemparés face à ce secret ridicule. Ridicule dans la mesure où du même coup on se demande si toute cette comédie d'espionnage n'est pas un peu vaine face à des documents pas si importants...
D'autre part, la narration est laborieuse et complètement aléatoire : qui est ce Palfrey, dont on nous rebâche les oreilles quant à sa femme Hannah ? Son rôle n'est absolument pas démontré, et s'il raconte l'histoire, cela pourrait tout à fait être un autre tant il n'influence pas du tout l'intrigue. De plus, le récit se borne à n'être qu'une succession de faux suspenses, très mal orchestrés, et de sous-intrigues inutiles et ennuyeuses. En bref, on passe le plus clair de sa lecture à se demander si on va arriver au bout. Et au bout, il n'y a rien.
Zemmour contre l'histoire (2022)
Sortie : février 2022. Essai, Culture & société, Politique & économie
livre de Alya Aglan, Florian Besson, Jean-Luc Chappey, Vincent Denis, Jérémie Foa, Claude Gauvard, Laurent Joly et Guillaume Lancereau
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Nécessaire, ce court essai façon "Tracts" l'est sans aucun doute : il confronte les historiens professionnels au polémiste ignorant et manipulateur. A travers une quinzaine d'entrées chronologiques, il rétablit la vérité de ce que les historien.ne.s ont définitivement attesté grâce aux sources, face aux mensonges que Z. a commis depuis une quinzaine d'années dans ses ouvrages ou ses passages télévisés.
Mais rigoureux, ce tract l'est dans la mesure qui lui est permise : chaque entrée fait entre 2 et 3 pages, on ne peut donc s'attendre à ce que la contextualisation historique soit exhaustive. Pour cela, il faut se référer aux ouvrages plus développés de Gérard Noiriel ou Laurent Joly, ou plus généralement aux ouvrages d'histoire qui paraissent régulièrement. Zemmour n'est pas un historien, ne se revendique de toute façon pas tel : il utilise des faits tronqués, manipulés, modifiés, pour servir son agenda politique. Le problème avec lui, c'est qu'il le fait dans une optique nauséabonde de suscitation d'une guerre civile. D'où l'importance de cet ouvrage, qui, ne nous leurrons pas, n'aura pas la portée des ouvrages du polémiste : seuls les historiens, passionnés d'histoire, et déjà convaincus contre Zemmour, feront l'effort d'acheter et lire ce tract.
Confiteor (2011)
Jo confesso
Sortie : 4 septembre 2013 (France). Roman
livre de Jaume Cabre
Alexandre G a mis 10/10.
Annotation :
Cette somme est une prouesse. D'abord, une prouesse narrative : Jaume Cabre, dont je ne connais pas le reste de l'oeuvre mais qui apparemment écrit de cette façon, bouleverse complètement son lecteur par un usage chaotique de multiples narrations différentes, passant d'un point de vue à l'autre sans prévenir, d'une époque à l'autre, mélangeant les époques et les personnages (on apprendra ainsi que Rudolf Höss - ou Hess - était commandant d'Auschwitz, mais aussi simple soldat, mais aussi né au XIVe siècle, sans que cela ne nous déstabilise entièrement), et tout cela en restant dans une logique et une structure cohérente.
C'est en fait l'histoire d'Adria Ardevol, un universitaire catalan, et de son violon, surnommé Vial, un Storioni du XVIIIe siècle, acquis par son père de façon mystérieuse, et dont l'histoire va le poursuivre toute sa vie. C'est aussi l'histoire de son amour fou pour Sara Voltes-Epstein, dont l'histoire familiale est aussi liée à ce violon, ainsi qu'à Auschwitz-Birkenau. C'est aussi l'histoire du monastère de Sant-Pere-de-Burgal, délaissé au début du XXe siècle par la mort du père prieur. Et l'histoire de Bernat, le meilleur ami, écrivain raté mais bon violoniste, d'Adria. Bref, dans un chef d'oeuvre de récit, de sens du dialogue, Jaume Cabré nous emporte dans les moindres détails d'une vie hachée et tragique, dans des réflexions sur le pardon, sur l'impossibilité de la rédemption, sur la faute qui entache les générations à venir. Dans ce XXe siècle qui a vu la mort de Dieu, c'est par l'intermédiaire d'un violon, d'une musique, de la lecture, et du pardon, que vient le salut.
La Falsification de l'histoire (2022)
Éric Zemmour, l'extrême droite, Vichy et les juifs
Sortie : 5 janvier 2022. Essai, Histoire
livre de Laurent Joly
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
L. Joly fait ici le travail nécessaire de l'historien, c'est à dire proposer un contrepoint évident, celui d'une analyse méthodique, sourcée, face aux mensonges intéressés d'un politicien en devenir depuis 10 ans. En plusieurs chapitres, Joly démontre que ne s'improvise pas historien qui veut, et que la communauté historienne doit réagir pour ne pas laisser les méthodes et les outils qui distinguent le passionné du professionnel s'évaporer dans l'intérêt partisan et la manipulation à des fins nauséabondes et dangereuses. Le politique a son mot à dire, mais l'historien doit toujours réagir, rappeler que l'Histoire s'écrit et se débat, mais ne se prend pas comme point de départ (falsifié) à une politique, encore moins si celle ci prône l'exclusion, la haine ou la guerre civile.
Le Quatrième Mur (2013)
Sortie : 21 août 2013. Roman
livre de Sorj Chalandon
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Quel livre puissant. Dans le récit croisé de l'Antigone de Jean Anouilh et de la tentative de mise en scène par Georges, un Français, de cette pièce au Liban en 1982, en pleine guerre civile, Sorj Chalandon déroule surtout les problématiques liées à la guerre et la tragédie qui s'en suit : de la volonté du metteur en scène initial, un Grec hospitalisé en France, tous les acteurs sont de confession et d'ethnie différentes (druzes, chiites, phalangistes, palestiniens, etc.), et tous sont décimés par le conflit. Ce récit porte sur la mort, sur la terre (celle qu'Antigone verse sur la dépouille de Polynice contre le commandement de Créon, celle que Georges doit donner aux Palestiniens), mais aussi le déchirement, la guerre et la tragédie d'une existence au milieu des conflits.
La Conjuration primitive (2013)
Sortie : 2 mai 2013. Roman
livre de Maxime Chattam
Alexandre G a mis 5/10.
Annotation :
Thriller un peu exubérant, 'La Conjuration primitive' suit l'enquête de deux gendarmes, Alexis et Ludivine, sur de nombreux enlèvements, meurtres et viols, en France, en Pologne, en Espagne, en Angleterre... et se rendent compte que ces crimes sont liés à une sorte de secte malsaine où les pulsions de mort des humains sont célébrées et portées aux nues. Les assassins sont liés par une sorte de pacte, et l'histoire se termine au Québec. L'écriture y est très racoleuse, efficace, et est destinée à capter l'attention par tous les moyens : un nouveau chapitre toutes les 4 pages, des cliffhangers à répétition, aussitôt neutralisés, une histoire qui s'accélère artificiellement sans effet. L'auteur est criminologue, aussi ne peut-on pas trop lui en demander : l punk à crète, qui se dit "ANAR" parce qu'il ne "croit pas dans le système" montre assez la grande connaissance du flic... Un roman caricatural et sans grande originalité. Le deus ex machina final est proprement décevant : la situation est complètement bloquée (Ludivine est encerclée par des dizaines de tireurs) mais tout va bien car un autre inspecteur inconnu au bataillon veillait au grain depuis le début...
Faillir être flingué (2013)
Sortie : 21 août 2013. Roman
livre de Céline Minard
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Ils sont peu nombreux les romans de western qu'on peut lire aujourd'hui, tant la production cinématographique a éclipsé ce que pouvait proposer la littérature en termes d'imaginaires de conquête de l'Ouest, de cowboys contre les Indiens, ou encore de naissance d'une ville nouvelle au milieu du Midwest. A travers les itinéraires croisés de multiples migrants, qu'ils soient frères aventuriers, chasseurs de primes, cowboys, Indiennes ou Chinoise, on voit se former une communauté au milieu de la nature, avec ses entreprises de bains, son saloon agité et ses putes, et toute une atmosphère poétique en émane. Mais le livre ne m'a pas emporté, bien que tout y soit très juste et bien pensé. Il ne s'y passe finalement pas assez de choses, l'évolution des entreprises individuelles se substitue aux péripéties de chaque personnage dans la wilderness, ennuyant un peu plus le récit.
Le Grand Monde (2022)
Sortie : 25 janvier 2022. Roman
livre de Pierre Lemaitre
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Voilà (encore) un excellent roman-feuilleton de la part de Pierre Lemaître. Dans le monde de l'après-Seconde Guerre mondiale, la famille Pelletier est éclatée entre Beyrouth, Saigon et Paris. Les parents, Louis et Angèle, restent au Liban pour garder la savonnerie familiale qui a fait leur fortune ; Etienne est parti en Indochine retrouver son amour, Raymond, mystérieusement disparu en déploiement contre le Viêt-minh ; François a menti, et n'est pas à Paris pour Normale SUp : il y a rejoint un journal à la rubrique des chiens écrasés ; Jean et GEneviève vivent une vie rangée et morose dans la même ville, tandis qu'Hélène, la dernière, les rejoindra espérant trouver une vie meilleure... Et au milieu de tout cela, une affaire de meurtre d'actrice dans un cinéma parisien, de trafic de piastre indochinoise, de détournement de biens mal acquis sous l'Occupation, de "pape" d'une obscure secte vietnamienne... Bref, de multiples intrigues parfaitement ficelées, des personnages assez bien écrits (ma préférence va à Geneviève, rombière jamais contente mais à l'intelligence finement acérée) et un roman qui tient parfaitement en haleine, se lit vite et dont on a hâte de connaître la suite. Lemaître est définitivement un de nos meilleurs romanciers actuels.
Les Passants de Lisbonne (2016)
Sortie : 7 janvier 2016. Roman
livre de Philippe Besson
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Mathieu rencontre une femme dans un hôtel luxueux de Lisbonne : Hélène s'est réfugiée dans la ville portugaise depuis que son mari, Vincent, est présumé mort dans un tremblement de terre à San Francisco. Elle est venue faire son deuil, celui de l'être cher dont on ne sait pas s'il reviendra, et c'est sa rencontre avec Mathieu qui va l'aider. Car tous deux ont perdu cet être cher, mais là où Hélène n'aura jamais l'espoir de le retrouver, Mathieu, lui, a juste été quitté par son jeune amant, Diego. Et tous deux cherchent à faire revivre ces souvenirs, dans de puissants dialogues sincères et justes, parfois avares de mots pour témoigner d'une souffrance, d'injustices, des aspérités liées au travail de deuil, qu'il soit affectif ou réel.
Mais je ne peux m'empêcher de croire que P. Besson a fait de Mathieu le vrai personnage principal, et qu'Hélène n'est qu'une projection du hasard, qui, en lui montrant ce qu'aurait pu être la disparition réelle et physique de l'être cher, lui rappelle que tout espoir n'est jamais vain quand l'ancien amant est toujours là, quelque part. Que par un heureux coup du sort, il se rende compte que la vie est plus douce ensemble, et que, finalement, ils n'ont plus de raison d'être séparés. Une fois sa tâche accomplie, Hélène n'aura plus qu'à s'éloigner, à rejoindre le quotidien dans lequel elle vivait, sûre que son deuil est effectué, maintenant qu'une partie de l'amour qui lui a été enlevé est logé dans une autre relation.
Civilizations (2019)
Sortie : 14 août 2019. Roman, Histoire
livre de Laurent Binet
Alexandre G a mis 5/10.
Annotation :
Pas terminé. Ce bouquin n'est autre qu'un livre d'histoire à l'envers : Binet reprend les grandes lignes de la conquête des Amériques par les Espagnols... simplement en inversant les rôles (les conquérants deviennent les Incas et découvrent l'Europe). Pour qqun qui connaît l'histoire, c'est interminable, car il ne fait que dérouler les différentes dimensions (schématisées) de l'histoire de l'Europe au milieu du XVIe siècle (conflit pour le trône de l'Empire, invasion ottomane de l'Autriche, réforme luthérienne...), sans aucune originalité et avec un classicisme et un conformisme ronflant au possible. Tant pis !