La B.D. en flânant

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Un album plaisant, davantage texte illustré que bande dessinée, mais fort agréablement mis en page. Pas de biographie empesée, rigide, conventionnelle : le dessin de Catherine Meurisse s'accorde en cela parfaitement à l'esprit du texte enlevé, signé Alexandre Dumas, qu'il accompagne : on est dans le registre de l'œuvre de circonstance, primesautière, au ton personnel et volontiers anecdotique, ce qui en fait à la fois la force et la limite. Chez l'un comme chez l'autre, c'est le détail amusant, la notation révélatrice, la fulgurance qui sont de mise, et qui font souvent mouche. Agréables à l'œil aussi, les planches pleine page de Meurisse qui revisitent les chefs d'œuvre de Delacroix, même si leur intérêt est finalement limité. Ces tableaux, on les connaît ; était-il vraiment nécessaire de souligner ainsi, jusqu'à la caricature, les qualités de coloriste fougueux que Dumas loue sans cesse chez Delacroix ? L'intention, entre le pastiche, l'hommage et la relecture est incertaine, et n'est peut-être pas très pertinente.

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Toujours aussi impressionné par cette série, par la finesse de l'écriture et l'ampleur de la narration, même dans une forme aussi brève : il s'agit ici de quatre nouvelles qui mettent en récit la création littéraire et la puissance de l'imagination (le rêveur comme "modeleur de mondes"). En s'offrant cette espèce d'interlude en quatre temps, la série se revivifie auprès de la mythologie (la muse Calliope et le dieu Râ) et de l'histoire littéraire : la représentation du Songe d'une nuit d'été fait de la pièce de Shakespeare (déjà entrevu dans un récit du deuxième tome) un jeu de miroirs qui reflète le monde du rêve : "C'est splendide et c'est si vrai ! Cela n'est jamais arrivé ; et pourtant c'est vrai. Quel est cet art magique ?".

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Ce préquel un peu déconcertant, qui s'ouvre paradoxalement sur un arrêt des combats, l'armistice d'une guerre oubliée (en 1905, au fond de la Mandchourie) et immédiatement violé par Raspoutine, inscrit d'emblée la série dans le mélange indiscernable de réalité et de fiction qui lui est si caractéristique. On erre ainsi, dans le camp japonais, sur les pas du proscrit à la gâchette facile, dont le destin rencontre celui de Jack London, correspondant de guerre provoqué en duel par un lieutenant japonais. Corto se fait donc désirer, mais lorsqu'il surgira, ce sera pour offrir, à bord d'un bateau pour l'Afrique, une voie de sortie à celui qui va devenir son compagnon de prédilection, son ami ambigu - en même temps qu'il ouvre une échappée au lecteur, prisonnier d'un implacable gaufrier 3x4 depuis le début de ce huit clos qui l'aura laissé sur sa faim. Quoique tout faire débuter sur une fuite vers le large, cela fait, après tout, une belle ouverture à la série...

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La forme du conte oriental aurait pu brider le sens de la narration propre à Hugues Micol, foutraque et imprévisible ; il n'en est rien. Sur un récit de vengeance plutôt classique, avec ses trois méchants et ses personnages "adjuvants" - le vieillard que la jeune Maraki devra tuer, le chien, donc, dévoilé seulement à la toute fin du livre, l'amoureux - Micol fait des merveilles en opérant toujours un petit pas de côté : dialogues décalés, narration subtile (le lecteur ne découvre que progressivement la manière dont Maraki tisse sa vengeance), superbes cases et planches pleine page (ces deux visages dans le champ d'iris), au service d'un récit émouvant sur les pièges de la soif de vengeance, la nécessité de larguer le passé pour se tourner vers les promesses de l'avenir...

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Bien qu'ayant grandi avec Tintin, je n'avais encore jamais ouvert un Blake et Mortimer... Ayant choisi de commencer par l'album le plus fameux du duo d'enquêteurs, j'ai en effet été séduit par l'atmosphère british, l'enchaînement habile des rebondissements qui relance constamment l'intérêt, le fait que l'enquête l'emporte sur l'aventure - ce qui, à la relecture, est ce qui pêche parfois avec plusieurs albums de Tintin - même si celle-ci est un peu cousue de fil blanc, et la fin un peu abrupte. Quant au dessin, il est d'une rigueur parfaite, tout en parvenant à être très expressif, par des atmosphères très bien rendues (le club, avec fauteuils profonds et whiskies, le brouillard sur Londres, les rotatives du Daily Press...), qui me donne envie de poursuivre la série.

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Bravo joue ici au lecteur tatillon : remettant en cause ces conventions un peu absurdes qu'il convient d'accepter les yeux fermés, il prend "au pied de la lettre" le personnage de Spirou, son costume et son statut de groom, et relève le périlleux défi de se confronter à l'enfance d'un héros. Ainsi, il perd donc la dose d'ingénuité, d'indifférence et de crédulité qui est exigée de chaque lecteur/spectateur quand on lui impose un univers fictionnel ; ce faisant, il puise à l'identité même de Spirou pour revivifier complètement le personnage et... c'est sacrément réussi !
Et puis surtout, ce processus épouse à merveille l'évolution du personnage de Spirou, à qui les circonstances et les rencontres font perdre, à lui aussi, sa naïveté et son ignorance, jusqu'à tenter de proposer devant les représentants allemands et polonais une solution au problème du corridor de Dantzig ! Beaucoup d'humour et de légèreté aussi, donc, parfaitement dosés, dans cet émouvant récit d'apprentissage sur fond de marche à la guerre. C'est graphiquement irréprochable, évidemment ça lorgne davantage vers Tintin que vers Spirou - et comme je suis plus familier de l'univers du premier, je n'ai pu que me réjouir de cette malicieuse tentative de réconciliation entre les deux frères (gentiment) ennemis.

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On est en terrain connu avec une première nouvelle aux accents métaphysiques tout borgésiens, tandis que les autres récits s'inscrivent dans une veine plus réaliste, dans une ambiance parfois même quasi-simenonienne : récits de solitude, d'attente, dans un noir et blanc d'une rigueur admirable - et où la portée métaphysique n'est d'ailleurs pas toujours absente, tant les personnages semblent tendus dans la quête, parfois vaine, d'un ailleurs qui les dépasse.

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La ligne claire d'Hergé est agréable, surtout quand il s'agit de dessiner roches, grottes et torrents : ça tombe bien, on passe ici d'une station alpine aux sommets arides du Gopal. L'humour reste tout de même assez élémentaire, mais l'ensemble est plutôt bien rythmé et l'historiette sympathique. Et si les personnage sont assez superficiels et l'intrigue sans grand relief, on n'y trouve pas non plus le ton toujours un peu moralisateur de Tintin...

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Ce qui me rebute toujours avec la S.F., c'est l'impression que les ingrédients sont toujours les mêmes, comme s'il y avait une espèce de "pittoresque" S.F. à respecter. C'est un préjugé un peu idiot, mais qui se vérifie encore en partie ici : nous sommes à Paris, en 2023, et, dans une atmosphère post-apocalyptique des plus glauques, le pouvoir est aux mains d'une dictature néo-fasciste dont le "duce" est en quête d'immortalité. Toutefois, à partir de là, Bilal met en place un scénario original et intelligent sur la soif de pouvoir, rempli d'humour, d'ironie (y compris sur ses propres ressorts scénaristiques : "pas très crédible, cette prise de pouvoir, vous ne trouvez pas ?") et de trouvailles (les coupures de presse, le pape Théodule Ier, bien sûr les dieux égyptiens) et sublimé par une atmosphère d'une grande puissance et un dessin parfaitement maîtrisé.