Cover La censure du Cinéma au Québec

La censure du Cinéma au Québec

Liste référençant les films citées dans l’ouvrage de Pierre Hébert, Yves Lever et Kenneth Landry “Dictionnaire de la Censure au Québec”

Liste de

184 films

créée il y a 2 mois · modifiée il y a 2 mois
L'Ange bleu
7.3

L'Ange bleu (1930)

Der Blaue Engel

1 h 46 min. Sortie : 22 juillet 1930 (France). Drame

Film de Josef von Sternberg

DYNASTIA a mis 9/10.

Annotation :

“Film d'abord interdit, puis accepté avec coupures (1930)

Le réalisateur d'origine autrichienne Josef von Sternberg poursuit déja une carrière américaine florissante quand il vient à Berlin tourner le drame Der Blaue Engel, inspiré du roman Professor Unrat de Heinrich Mann, avec deux grandes vedettes, Emil Jannings et Marlene Dietrich. Dans une petite ville, un professeur sévère, terreur des adolescents, va les traquer dans une boîte de nuit où ils font leurs frasques. Le coup de foudre avec Lola, la vedette du spectacle, le transforme radicalement; il l'épouse même si elle le trompe, et tout finit lamenta-blement. Avec les scènes de cabaret, sa vision de la bourgeoisie hypocrite et un ton cherchant sou-vent la vulgarité, von Sternberg dresse un tableau réaliste d'une Allemagne en pleine décomposition morale.
On assiste sans surprise à l'interdiction du film le 13 janvier 1931, pour ces motifs: « Indecent and suggestive dressing of actress. German dialogues not translated.» Une semaine plus tard, le censeur approve une « reconstruction»:
Roll 1 - Elim: Scene of poster and shorten view of Lola in picture with the fan.
III - Elim: View of woman in pants and Lola showing her thighs.
IV - View of Lola after having slept with Professor and own bedroom.
VI - Shorten Lola's song when we see her thighs.
Le film s'en tire plutôt bien. Il faut dire que le Bureau vient de changer de président depuis à peine deux mois et qu'Eugène Beaulac n'a pas encore eu à affron-
ter de crise.
Une nouvelle copie revient devant le censeur le 7 mai 1953 et elle est approuvée, avec de moins nombreuses coupures, mais qui sont plus longues (6 minutes) qu'en 1931:
Bob. 3A, début: Eliminate scene of statue and finish cut at close-up of professor smiling.
Bob. 3A: Eliminate scene of bedroom showing empty bed and scene of old man lying down in Marlene's bed.
Start out in fade-out and finish at the next fade-out.
Le président Alexis Gagnon* (de 1947 à 1961) est le plus rigoriste de toute l'histoire de la censure locale. En 1959, pour une nouvelle copie, il retran-
che encore:
Bob. 3A, p. 15: Scène: Commencer la coupure avant qu'elle ouvre la porte, ne pas voir la chambre vide, reprendre au professeur couché sur le lit.
Bob. 6A, p. 13: Dialogue: Do you want to make love to me ... Something first. Come along.
Bob. 6B, p. 5: Scène: Éliminer le deuxième baiser dans la coulisse derrière la scène. Reprendre à la scène de l'audience.
Finalement, selon la loi de 1967, L'ange bleu est classé « Pour

Les Anges aux figures sales
7.8

Les Anges aux figures sales (1938)

Angels with Dirty Faces

1 h 37 min. Sortie : 24 février 1939 (France). Drame, Gangster

Film de Michael Curtiz

Annotation :

Film de gangsters censuré pour ne pas donner de mauvais exemples à la jeunesse (1938 et
1945)

Dans un quartier pauvre et dur de New York, deux garçons commettent divers larcins. Après un vol qui tourne mal, l'un se fait prendre et entre dans l'univers carcéral, ce qui en fait finalement un criminel endurci à l'âge adulte; l'autre devient prêtre et se retrouve dans sa paroisse d'origine. En une finale mélodramatique des plus édifiante, à la demande de son ami prêtre, le bandit joue la lâcheté en marchant à la chaise électrique pour ne plus servir de héros et de modèle aux jeunes de son quartier.
Angels With Dirty Faces est rapidement considéré comme un classique du film de gangsters.
Il est refusé par le Bureau de censure du Québec le 25 novembre 1938 avec la justification « Vols, meur-tres, etc.» Dans toute cette décennie de la crise économique, les autorités civiles et religieuses craignent que ce genre de films ne devienne une école de criminalité; c'est pourquoi les ciseaux censoriaux s'exercent allègrement sur les images d'armes de toutes sortes et sur tout ce qui pourrait enseigner aux jeunes des techniques délictueuses. Une copie légèrement modifiée est refusée le 14 janvier 1939 pour « Insufficient reconstruction». Le distributeur revient à la charge avec une nouvelle version dont il a soustrait deux minutes et demie de « shoo-ting... close-up of girl's legs... man shot... etc.» pour atténuer le caractère violent de certaines scè-nes; elle est acceptée en appel le 11 avril suivant, après que les censeurs eurent aussi retranché d'autres plans du même ordre.
En vue d'une nouvelle sortie, Angels With Dirty Faces (copie intégrale) revient devant le censeur le 9 juillet 1945 et est refusé pour « Vulgar language and school of crime». Après un autre refus le 1er août suivant, il n'est finalement accepté, avec quatre minutes et demie de coupures (tout ce qui se réfère à l'argent que le gangster veut donner à l'église de son ami), que le 21 mai 1946. Il n'arrive en version doublée, Les anges aux figures sales, qu'en 1954, d'abord en 16 mm (format qui se destine surtout aux collèges et aux salles paroissiales), et est approuvé le 17 Juin, mais avec 12 minutes en moins (les principales scènes de violence), puis en 35 mm le 18 octobre, avec le même sort. Il est finalement classé
«Pour tous» le 8 janvier 1973. Le Ciné-service catholique le classe « Adultes avec réserves» (Index de 6o0o titres de films avec leur cote morale (1948-1955)).”

Après-Ski

Après-Ski (1971)

1 h 45 min. Sortie : 31 mars 1971. Comédie, Érotique

Film de Roger Cardinal

DYNASTIA l'a mis en envie.

Annotation :

“ Le seul film québécois condamné par un tribunal (1971-1973)

Un nouveau moniteur de ski arrive à l'auberge de son employeur. Il est invité à se joindre à la fête perpétuelle dans laquelle ses collègues et les jeunés clientes sont engagés, dans une totale liberté sexuelle.
Cette comédie, adaptée d'un roman érotique éponyme de Philippe Blanchont (1965) qui circule sous le manteau, surtout dans les écoles secondaires, surfe sur la courte vague de cinéma québécois dit de « sexploitation» qui a cours depuis deux ans.
Le 29 mars 1971, le Bureau de surveillance du cinéma lui attribue le visa «18 ans». Deux jours plus tard, Après-ski prend l'affiche dans plusieurs villes, au moment où un autre film du genre, Pile ou face*, commence a susciter des réactions énergiques de la part de deux membres vociférateurs du clergé, le père dominicain Marcel-Marie Desmarais à Montréal et le curé de la paroisse Saint-Roch de Québec, Raymond Lavoie. Ce dernier écrit d'abord au maire Gilles Lamontagne pour lui demander d'interdire les deux films à Québec, mais celui-ci renvoie le problème à l'État. Le 23 avril, au nom du Centre UNEV (Univers-Évangile) de Québec qu'il dirige, Lavoie fait saisir les copies des deux films et entreprend des poursuites judiciaires contre les Cinémas Unis (Famous Players), propriétaire des salles, selon l'article 150 du code criminel relatif à l'obscénité*. Les réactions sont vives dans le milieu politique et celui du cinéma. Chez les catholiques, qui ont abandonné la cotation de « Pour tous» à « À proscrire» au profit d'une évaluation de « la valeur humaine et chrétienne», laquelle est encore publiée […] l'Office des communications sociales se prononce ainsi: «Ce film pour voyeurs dénué de toute qualité se contente d'aligner des scènes égrillardes où s'étale un exhibitionnisme d'une grossière indécence.»
Bien que soumis au même juge de la cour muni-cipale, Yvon Sirois, les deux films ont un procès séparé. Le magistrat acquitte Pile ou face le 30 novembre 1972 parce qu'il «n'a pas dépassé le seuil de la tolérance des principes moraux de notre société».
Pour Après-ski, les audiences se déroulent en mars
1973. La défense fait comparaître des personnalités comme le cinéaste et écrivain Jacques Godbout, le sociologue Marcel Rioux, la criminaliste Marie-Andrée Bertrand, qui tous jugent que le film n'ex-cade pas les normes de tolérance admises dans la société québécoise en 1971.
Leno juil siois de deux ans après la pour-suite, le juge Yvon Sirois trouve Ciné

On est au coton

On est au coton (1976)

2 h 39 min. Sortie : 13 octobre 1976 (Canada).

film de Denys Arcand

DYNASTIA a mis 7/10.

Annotation :

“On est au coton (1970-1971/1976) - Une double censure s'abat sur ce premier long métrage documentaire d'Arcand. Une première en 1970, quand le réalisateur doit retirer de son montage original, sous peine de poursuites, toutes les scènes où appa raît le patron Edward F. King, directeur de la compagnie Dominion Textile. C'est à la demande de ce dernier, et non de l'ONF, qu'Arcand se plie à cette exigence.
La vraie censure, décrétée par la haute direction de l'ONF, se produit en avril 1971 et touche le second montage. En 1976, quand On est au coton est délivré pour la diffusion par l'ONF, c'est cette copie qui devient la version officielle du film.
Comme riposte à ces attaques, ce long métrage est sauvé deux fois, en 1970 et en 1971. La première fois, en 1970, quand le montage original, contenant les interviews avec le patron King, est caché. Le film existe alors en copie de travail, en double bande. Cette copie, devenue la seule matrice existante (Arcand ayant accepté de retirer les scènes avec King, aucun négatif n'est préservé), est alors conservée par la Cinémathèque québécoise. On est au coton est sauvé une seconde fois en 1971. Des cinéastes en font une copie vidéo avant l'interdiction du film par le commissaire Sydney Newman. À partir de cet original électromagnétique, sont tirées d'innombrables copies vidéo et le film, sous cette forme, est abondamment visionné en clandestinité, de 1971 à
1976. […]
La Société Radio-Canada fournit une réponse à cette large diffusion subversive et libertaire. En 1971, la télévision publique fait produire, dans le cadre de son émission Dossier (18 et 25 avril 1971), un document d'une heure, dans lequel les discours officiels des patrons du textile (dont Edward F. King), le gouvernement fédéral et le comité paritaire sur l'industrie du textile tentent de convaincre le public: en dépit de la crise de la mondialisation et de la concurrence internationale, l'industrie du textile au Québec restera rentable et les ouvriers ne seront pas perdants. Tout le contraire du discours d'On est au coton. Ainsi, c'est la troisième fois, dans sa jeune carrière, qu'Arcand voit ses idées contrées par des «documents alternatifs ».
Paradoxalement, cette censure politique rend Denys Arcand célèbre et tout le monde connaît “On est au coton”.”

Champlain

Champlain (1964)

28 min. Sortie : 1964 (Canada).

Documentaire de Denys Arcand

Annotation :

“ Champlain (1964) - Démarré à la fin de 1962, ce court métrage est tourné en 1963 en même temps que Les Montréalistes et La route de l'Ouest. Premier d'une série sur l'histoire du Régime français au Canada, ce film est supervisé par deux historiens,
J. M. S. (Maurice) Careless et Gustave Lanctot. Le réalisateur y pose en particulier la question d'une possible pédophilie du fondateur de Québec: d'une part, parce que Samuel de Champlain épouse une jeune fille de 12 ans, Hélène Boullé, ce qui n'est pas courant à l'époque sauf pour assurer les dynasties royales; d'autre part, parce que les Amérindiens lui donnent en cadeau trois petites filles, que l'explo rateur nomme Foi, Espérance et Charité. L'ONE, par les soins des administrateurs Pierre Juneau et Fernand Dansereau, oblige Arcand à couper ce questionnement sur un Champlain pédophile.
Ébranlé par la réception négative du film, à Québec, au Congrès de l'Association canadienne des éducateurs de langue française, l'ONF décide de faire un autre «Champlain». D'abord, l'organisme demande un scénario à Alec Pelletier, travail qui n'a pas de suite; par après, il confie à Réjane Charpentier de reprendre le matériel d'Arcand et de remonter un film accompagné d'un commentaire idoine pour les écoles, nouveau film fait «d'après le film de Denys Arcand», comme le dit son générique. Réduit de 28 à 15 minutes, ce reader's digest élimine toutes les séquences d'actualité du film original, offrant ainsi un bel exemple de révisionnisme et de retouche selon la rectitude politi-que. Cet ersatz, toujours au catalogue de l'ONE, est intitulé Québec 1603.”

Volleyball

Volleyball (1966)

10 min. Sortie : 1966 (Canada).

Court-métrage de Denys Arcand

Annotation :

“ Volleyball (1966) - Ce film, demandé à l'ONF par le ministère fédéral de la Santé, est refusé par son commanditaire «qui le trouve vulgaire et ennuyeux», comme l'écrit Arcand dans sa présentation. Le réalisateur a bien essayé d'améliorer l'affaire en ajoutant, au début et à la fin du film, une série de dessins humoristiques de Kaj Pindal illustrant un commentaire « didactique», qui n'est en fait qu'une parodie du discours pédagogique des films de l'ONF.
Tout en gardant le film d'Arcand à son catalo-gue, l'ONF fait refaire ce sujet sur le volleyball pour le ministère de la Santé nationale du bien-être social - direction de la santé et du sport amateur.
La réalisation en est confiée à Hector ]. Lemieux. Le nouveau film se nomme C'est le volley-ball, et son scénario insipidement didactique et en aplat est concocté par Lemieux et Jacques Bensimon.
Il existe donc trois versions de ce sujet. La première mouture de 13 minutes, en version anglaise seulement, avec les dessins de Pindal, est conservée à la Cinémathèque québécoise. La version officielle d'Arcand, de 9 minutes, ne comprend que les scènes du match entre les équipes olympiques américaine et soviétique, filmées en octobre 1965 à l'aréna Maurice-Richard de Montréal. La troisième est celle de C'est le volley-ball de Lemieux. Les trois versions apparaissent dans le coffret DVD que l'ONF a produit en 2004 sur l'œuvre documentaire d'Arcand.”

Les montréalistes

Les montréalistes (1965)

28 min. Sortie : 1965 (Canada).

Documentaire de Denys Arcand

Annotation :

“ Les Montréalistes (1965) - Ce court métrage, qui illustre le projet mystique, par des « fous de Dieu» (comme les nomme le réalisateur), de fonder Ville-Marie sur l'ile de Montréal, en Nouvelle-France, et de christianiser les «Sauvages», ose montrer une religieuse nue, de dos, pratiquant l'autoflagellation.
Les autorités de l'ONF demandent à Denys Arcand de supprimer cette scène, dont on ne voit que l'amorce brève, et qui est remplacée par un carton noir, sur lequel défile ce texte de Marie Morin, religieuse hospitalière de Saint-Joseph, daté de 1659:
Comme Notre-Seigneur nous a marqués sic) de son amour plus sensiblement par toutes les peines qu'll a bien voulu souffrir pour nous pendant sa vie mor-telle; aussi bien ses servantes fidèles animées de son esprit de pénitence travaillent incessamment à mortifier leur chair qu'elles regardent comme l'ennemie de Jésus-Christ... mais ne se trouvant pas contentes de cela, y ajoutoient la pire des disciplines: les chaînes de fer et autres macérations qui estoient son pain quotidien. C'est le deuxième documentaire d'Arcand à être censuré à l'ONF. Après le troisième volet de ce cycle, La route de l'Ouest (1965), non censuré bien que porteur d'un texte iconoclaste, Pierre Juneau fait interrompre le programme des films sur le Régime français.“

Arise, My Love
6.7

Arise, My Love (1940)

1 h 50 min. Sortie : 16 octobre 1940 (États-Unis). Comédie romantique, Drame

Film de Mitchell Leisen

Annotation :

“ Film qui suscite l'ire de L'Action catholique à Québec (1940)
Le seul titre de gloire de ce film est d'avoir gagné l'Oscar du meilleur scénario original (Charles Brackett et William Wilder), ce qui n'est pas insi-gnifiant. En 1939, une journaliste américaine de mode, basée à Paris, se rend en Espagne et se fait passer pour l'épouse d'un jeune compatriote condamné à mort pour avoir lutté contre les troupes du général Francisco Franco. Les deux réussissent à s'évader et à parvenir en France, d'où ils se rendent Allemagne et en Pologne, puis ils se trouvent mêlés à divers événements du début de la guerre.
Le 12 novembre 1940, Arise, My Love est approuvé sans restriction par le Bureau de censure, présidé depuis peu par Elzéar Beauregard, un avocat libé-ral, et il prend l'affiche peu après. Il ne crée aucune vague à Montréal, mais à Québec, Gustave Vekeman, le rédacteur du « Ciné-bulletin»*, chronique quotidienne de L'Action catholique, écrit à Beauregard le 9 décembre:
On ne devrait pas permettre sa circulation, car c'est un film qui, sous prétexte de défendre la démocratie, fait l'éloge de ceux qui ont combattu contre Franco, conséquemment l'éloge des Rouges qui massacraient les religieux et brûlaient les églises. [...]
On oublie dans ce film d'inspiration nettement juive et internationale de dire que la véritable dictature était celle des Rouges d'Espagne et de la franc-maçonnerie*, contre lesquels Franco a défendu son pays. On fait un héros de cet Américain qui est allé combattre contre Franco et, par le fait même, on se trouve à glorifier tous ces volontaires (les faits sont là pour prouver qu'une bonne partie d'entre eux n'étaient que de purs bandits) qui ont combattu pour la franc-maçonnerie et les communistes à la solde de Moscou.
(...)
Au Au point de vue historique, c'est une farce monu-mentale; au point de vue moral, c'est une aberration cynique et, au point de vue politique, c'est ce qu'on peut appeler une belle « gaffe» car ce n'est pas l'heure d'exhiber des films contre Franco alors que l'Angleterre s'efforce de se concilier l'amitié de cet homme.
Pour ma part, j'ai écrit une note dans le journal à ce sujet et, dans une conférence que je suis à composer et que je donnerai dès que la liberté de parole nous sera de nouveau accordée en ce pays démocratique, je soulignerai les menées sournoises de l'internationale juive qui fait circuler des films à tendance nettement inter-nationale, films dont nos tenanciers de salles de cinéma ne sont pas assez …”

Par la porte d'or
7.1

Par la porte d'or (1941)

Hold Back the Dawn

1 h 56 min. Sortie : 12 décembre 1945 (France). Drame, Romance

Film de Mitchell Leisen

DYNASTIA a mis 7/10.

Annotation :

(Cont.) habiles pour découvrir le but caché: répandre l'idée d'une grande république universelle contrôlée par les juifs.
On retrouve ici un condensé de l'attitude de l'Église québécoise en regard de la guerre d'Espagne.
Toute critique de ce pays où triomphent les catholiques avec le dictateur Franco et où la censure est aussi sévère qu'ici est malvenue. On y constate aussi l'antisémitisme qui a cours depuis les années 1920 dans les attaques contre le cinéma américain parce que les grands studios appartiennent presque tous à des juifs. On note aussi les préjugés contre les francs-maçons. De là à penser que les volontaires s'étant battus contre Franco étaient souvent des «bandits», il n'y a qu'un pas.
L'ensemble de l'Église* du Québec partage cette vision car elle s'est réjouie de la victoire de Franco sur les communistes, dont elle entretient une peur viscérale (elle approuve la Loi du cadenas* en 1937).
Cette tentative de censure n' a pas abouti, mais elle manifeste un esprit largement répandu à la fin des années 1930.“

Maxime
6.7

Maxime (1958)

2 h 04 min. Sortie : 26 novembre 1958 (France). Comédie dramatique

Film de Henri Verneuil

Annotation :

“Film dont la censure crée un événement (1958)
Du lundi 3 au dimanche 9 novembre 1958, à l'initiative d'Unifrance-Films (organisme du ministère de la Culture de France) en collaboration avec le distributeur France-Film, une Semaine du film français est présentée au théâtre Saint-Denis et à la Comédie canadienne à Montréal. Huit longs métrages sont prévus, dont deux premières mondiales:
Maxime d'Henri Verneuil à l'ouverture et Les grandes familles de Denys de La Patellière le lendemain.
Les autres films sont : L'eau vive de François Villiers et Jean Giono, Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle, Celui qui doit mourir de Jules Dassin, La loi, c'est la loi de Christian-Jaque, Le bourgeois gentil homme de la Comédie-française sous la direction de Jean Mayer et Mon oncle de Jacques Tati. De tres grandes vedettes sont présentes: René Clair, Charles Vanel, Arletty*, Mijanou Bardot, Daniel Gelin, Dany Robin, Louis Malle, Jacques Tati, François Périer. L'événement de la semaine est la non-représentation de Maxime, que le Bureau de censure coupe de 40 minutes et que Unifrance refuse de projeter.
Le Larousse des films résume ainsi Maxime: «À la veille de la Grande Guerre, un vieux beau et un jeune homme fortuné se disputent les faveurs d'une jolie Parisienne. Une reconstitution soignée de la "Belle époque".»
Le film est visionné par Lucien Desbiens et Alexis
Gagnon, le président du Bureau, le 29 octobre et il est approuvé à condition de faire des coupures totalisant 40 minutes (sur 124). Sont éliminés des rendez-vous galants dans des chambres, des dialogues évoquant d'anciennes conquêtes, des réparties comme «J'ai un lit... et je sais recevoir; Demain matin, elle prendra le chocolat dans mon lit; Toute chaude dans mon lit, comme une bouillotte; Je vous désire, corps compris; Et je fais très bien l'amour...»
Des bouts de scènes et des phrases complètes disparaissent simplement parce qu'ils contiennent les mots «amant... maitresse... concubinage», mots tabous quel que soit le contexte où ils sont proférés. Les organisateurs français ne peuvent accepter cette dénaturation du film. Ils présentent à la place Montparnasse 19 de Jacques Becker, que le Bureau trouve aussi le tour de falsifier. […]
Le mardi matin, la conférence de presse avec les organisateurs et les vedettes françaises prend rapidement le ton d'un procès de la censure. Le représentant d'Unifrance ne se gêne pas pour la déclarer plus sévère que celles de l'Espagne et de l'Argentine, réputées comme les plus

Les Perles de la couronne
6.6

Les Perles de la couronne (1937)

1 h 44 min. Sortie : 12 mai 1937. Comédie, Historique

Film de Sacha Guitry et Christian-Jaque

Annotation :

(Cont.) les plus féroces. En entrevue avec des journalistes, Arletty, qui est de la distribution de Maxime, remarque avec humour: «Je n'ai pas de chance avec le Canada. On avait interdit Les enfants du paradis qui a même donné lieu à un incident diplomatique |.... Mais vous pouvez dire que cette fois, je n'y suis absolument pour rien; je suis très décemment vêtue et rien de ce que je dis ne peut faire l'objet d'une censure!» (Le Devoir, Jean Hamelin,
4 novembre 1958)“
Le mardi soir, avant la projection des Grandes familles, au moment de présenter les invités français, le populaire comédien québécois Paul Dupuis jette de l'huile sur le feu. Il fait une longue intervention non prévue, mais non improvisée puisqu'il lit un texte. Au début, les spectateurs sont tentés de prendre cette intervention pour de l'humour noir, mais le comédien se fait très sérieusement un défenseur de la censure au nom de la survie de la famille:
Nous admettons tous d'un commun accord qu'un peuple sans loi est un peuple voué à la déchéance, à l'anarchie, à la corruption la plus abjecte.
Nous admettons tous d'un commun accord que le fondement d'une société bien organisée se trouve dans le principe même de la magistrature.
La censure relève directement de ce principe puisqu'elle a le droit, le devoir et le pouvoir de discerner le bien du mal.
Habitant un pays civilisé, membres d'une société bien organisée, nous avons donc, nous Canadiens français, notre législature, notre magistrature et notre censure.
La censure doit représenter une synthèse des traditions politiques d'un peuple et la synthèse de ses croyances religieuses et morales. Elle n'est pas l'affaire d'une minorité dont vous êtes ce soir, mais bien l'affaire de la majorité.
Notre censure à nous s'explique dans un mot qui dit toute l'histoire de notre survivance, le mot famille.
Notre censure tend à protéger la famille qui demeure d'ailleurs la meilleure garantie de notre attachement à la France. Et nous, Canadiens français, quand nous parlons de notre censure, que ce mot-là au moins soit respecté. (Le Devoir, 6 novembre 1958)
L'ironie est d'autant plus grande que le film projeté dans les minutes suivantes malmène l'esprit de famille. Interrogé deux jours plus tard par Wilfrid Lemoyne à l'émission télévisée Carrefour, Dupuis renchérit en critiquant certains comédiens français, dont Charles Vanel, qui ont dit ne pas comprendre comment nos censeurs réagissaient: « Les étrangers qui viennent ici ne devraient pas critiquer…

Affaire Classée

Affaire Classée (1932)

24 min. Policier

Court-métrage de Charles Vanel

Annotation :

(Cont.) les fonctionnaires du gouvernement qui font leur devoir et ils doivent respecter le pays dans lequel ils sont de Passage.»
Ce même jeudi, le Bureau au complet revoit le film et l'interdit complètement devant le refus du distributeur d'effectuer les coupures. Le lendemain, nouveau visionnement: « À suite de votre sugges-tion, écrit Gagnon au premier ministre Maurice Duplessis*, nous avons présenté le film Maxime à un représentant de l'Archevêché, à un représentant des Dominicains et à un représentant des Francis-cains. Ils ont opiné que le dit film était inacceptable et qu'aucune circonstance ne pouvait en justifier la présentation dans la province de Québec.» […] Finalement, la projection de Maxime que tous les festivaliers espèrent malgré tout pour le lundi suivant n'a pas lieu. Ce n'est que le 11 avril 1961, deux ans et demi plus tard, qu'il est approuvé, avec moins de deux minutes de coupures, du genre de celles qui sont évoquées plus haut.
En 1961, l'Office catholique national des techniques de diffusion juge ainsi cette œuvre en reconnais-sant, ce qui est rare, que l'esthétique peut transcender la morale:
Ce film au dialogue pétillant mais facile recrée bien l'atmosphère du début du siècle. Charles Boyer et Michèle Morgan mènent bien le jeu. Il s'agit en somme d'une comédie amusante et légère qui se suit avec un certain intérêt.
Le ton de comédie et le cadre d'une époque révolue atténuent la portée de ce film axé sur le thème de la séduction et des amours faciles. Adultes, de nettes réserves. (Recueil des films, 1961)
Les péripéties entourant Maxime suscitent une réflexion nouvelle au sujet de la censure et révèlent qu'en moins de trois ans, à la fois au Bureau de censure et dans le milieu catholique, l'opinion a beaucoup évolué.

À tout prendre
6.5

À tout prendre (1964)

1 h 39 min. Sortie : 15 mai 1964 (Canada). Drame, Expérimental, Essai

Film de Claude Jutra

Annotation :

“Film coté « À proscrire » par L'Office catholique national des techniques de diffusion (1963)
Claude, cinéaste de 30 ans, célibataire et bohème, a une aventure avec Johanne, mannequin et Noire, sans cesser de coucher à droite et à gauche et en dissimulant mal son attirance pour les garçons. Il met Johanne enceinte, puis il lui trouve l'argent nécessaire à un avortement. Il disparait ensuite dans ce qui a tout l'air d'un suicide. Voilà, en 98 minutes, l'essentiel de ce que la morale traditionnelle condamne au Québec.
Apporté au Bureau de censure par le Festival international du film de Montréal, À tout prendre est accepté officiellement le 15 août 1963 (mais il a été visionné avant puisqu'il est projeté le 10 août au Festival). Il obtient le même verdict le 4 mars 1964 quand le distributeur Columbia le présente en vue de la diffusion commerciale, laquelle débute le 15 mai suivant. Projeté en compétition dans la section Festival du cinéma canadien, il remporte le grand prix. Mais la critique le reçoit de façon très mitigée. Les chroniqueurs des quotidiens ne savent trop quoi penser et se réfugient dans de vagues considérations esthé-tiques. Les revues Objectif et Parti pris le démolissent et réussissent mal à cacher leur antipathie envers le personnage principal, joué par le réalisateur lui-même. Même dans ces revues de gauche, l'aveu de l'homosexualité* de Jutra provoque un rejet qu'on a peine à comprendre quelques années plus tard. La revue de cinéma Séquences l'ignore totalement. L'Office catholique national des techniques de diffusion le classe « A proscrire» avec cette justification: « Centré sur une liaison adultère, ce film malsain fait complaisamment étalage des dérèglements de ses héros.»
Une version anglaise, réalisée avec Leonard Cohen, passe à CBC Television en avril 1965, mais « a num-ber of cuts were made, ostensibly for reasons of time but actually to remove all references to Claude's homosexual tendencies », affirme Dean Leach dans Claude Jutra, filmmaker. Radio-Canada, de son côté, le présente intégralement le 21 décembre 1965 à son Ciné-club.
Le film revient au Bureau le 28 décembre 1967, apporté par Art-Fim, et il est classé «18 ans» le 11 janvier 1968. Une copie apportée par la Cinémathèque québécoise le 21 janvier 1975 est autorisée pour les « 14 ans» et plus. Après 1991, la version sur pellicule ou sur support vidéo peut être louée aux «13 ans» et plus.”

La Poupée de chair
7.3

La Poupée de chair (1956)

Baby Doll

1 h 54 min. Sortie : 31 décembre 1956 (France). Drame

Film de Elia Kazan

DYNASTIA a mis 3/10.

Annotation :

“Film qui perd plusieurs minutes au Bureau de censure et que les catholiques condamnent (1956)
Tennessee Williams scénarise ce drame psychologique comme il écrit ses pièces de théâtre: avec des personnages tordus qui vivent à fleur de peau. Dans une petite ville du Mississippi, un fileur de coton d'âge moyen a épousé une femme-enfant qui a maintenant 19 ans, mais il a promis au père mourant de ne pas consommer le mariage avant le jour de ses vingt ans. Quand il brûle le hangar d'un con-current, celui-ce se venge en s'efforçant de séduire la jeune épouse. Elia Kazan réalise cette intrigue avec le réalisme développé dans la méthode de l'Ac-tor's Studio et brave quelques interdits du Production Code (• Critères de la censure du cinéma), dont il n'obtient le sceau qu'au prix de quelques conces-sions. Aux États-Unis, le film et son affiche représentant la jeune femme dans une pose lascive et suçant son pouce font scandale et déclenchent la fureur de l'organisme catholique, la Legion of Decency qui en demande le boycott. Du haut de la chaire de sa cathédrale St. Patrick de New York, le cardinal Francis Spellman le condamne comme « œuvre du diable». Même le Time Magazine le traite de « plus cochon» («Just possibly the dirtiest American-made motion picture that has ever been legally exhibited») de tous les films américains. Beaucoup de cinémas annulent leur réservation, mais cela n'entraîne pas l'échec financier. Et la fameuse nuisette est définitivement lancée... Le Bureau de censure du Québec approuve Baby Doll le 13 décembre 1956, après avoir exigé du distributeur qu'il retranche un peu plus de 13 minutes (sur 114), surtout des dialogues et quelques scènes de séduction. Beaucoup de belles images disparais-sent, mais la dramatique reste entière, tout autant que la sensualité de l'ensemble et la perversité de certains comportements. Les censeurs québécois, étant au courant de la polémique aux États-Unis, sont relativement peu sévères.
Pour le Centre catholique, qui en reconnaît les qualités esthétiques, « le climat d'érotisme dans lequel baigne cette œuvre, la sensualité de la majeure partie du thème obligent à déconseiller ce film ».
On s'attendait à ce qu'il le cote « À proscrire». Il est rare qu'il diverge ainsi de la Legion of Decency.”

Les Baisers

Les Baisers (1964)

1 h 37 min. Sortie : 25 août 1965. Comédie, Romance, Sketches

Film de Bernard Toublanc-Michel, Bertrand Tavernier, Jean-Francois Hauduroy, Claude Berri et Charles L. Bitsch

DYNASTIA l'a mis en envie.

Annotation :

“Film à sketchs amputé de tout un sketch et condamné par les catholiques
(1964)
Les baisers (1963) représente surtout un tremplin pour de tout jeunes cinéastes. La fiche du Centre catholique le résume ainsi:
Baiser d'été [Toublanc-Michel] : Une femme mariée fait tout en son possible pour séduire un adolescent.
Baiser de Judas [Tavernier] : Irritée par l'infidélité de son amant, la maîtresse d'un bandit vient près de le livrer à la police. Baiser du soir [Hauduroy): Au cours d'une soirée, Jacques parie avec un ami qu'il embrassera une mystérieuse invitée, Cher baiser (Bitsch) : Un flirt avec une étrangère entraine un jeune homme dans une aventure imprévue.
A cette liste, il manque le quatrième, Baiser de 16 ans, de Claude Berri, retranché entièrement par la censure.
Le film ne cause aucun émoi en France. Quand il arrive au Québec, on n'en est plus à la période où les censeurs raccourcissaient ou faisaient carrément disparaître cette marque d'affection. Même que depuis plus de deux ans, les ciseaux sont définitivement rangés, au moins officiellement. Le film est pourtant refusé le 31 janvier 1964, avec ce justifica-tif: « Le sketch "Baiser d'été" est d'une moralité ambigué et l'épisode "Baiser de 16 ans" est "risqué" car il met en scène des garçons et des filles de 14 et de 16 ans qui mettent à profit l'absence des parents pour draguer et bambocher. Le climat de ce film est totalement malsain.»
Le 6 février, le distributeur Copa Films écrit à André Guérin*, président du Bureau de censure:
Monsieur le président,
Nous nous permettons de faire appel à la décision d'interdiction de censure concernant le film « Les Bai-
sers ».
Après un nouveau montage ce film a été modifé de
la façon suivante:
Bobine 1- coupures [Ajouté à la main]: « Toute allusion au fait que le garçon se fera "curé". Scène où la femme se tient les seins.»
Bobine 4 - Supprimée complètement [Ajouté à la main] : «Baiser de 16 ans.»
(Ceci correspond aux indications données dans votre lettre du 4 février.)
Nous nous permettons de vous renouveller (sic] notre demande concernant l'urgence d'une décision sur ce film.
Cette lettre nous apprend d'abord que malgré les prétentions de Guérin devant la presse à l'effet que la censure n'existe plus, un grand nombre d'interdits demeurent, inavoués mais tout aussi con-traignants. La « reconstruction» où tout un sketch est disparu, à la demande même du chef censeur, et où un autre perd des réparties et des plans révèle que Guérin demeure parfois sensible aux ma

Something Good - Negro Kiss

Something Good - Negro Kiss (1898)

1 min. Sortie : 1898 (États-Unis).

Court-métrage de William Nicholas Selig

Annotation :

(Cont.) aux manifestations de la sexualité, surtout lorsque des mineurs sont en cause, et aux références religieuses. La version approuvée compte 24 minutes de moins que l'originale et elle est acceptée le 25 février. Même amputé, Les baisers est sévèrement jugé par les catholiques: « Ce film se déroule dans un climat d'amour libre et d'amoralité totale. Le caractère particulièrement délétère du premier sketch motive la cote la plus sévère. À proscrire.» Ce film n'est jamais représenté par la suite à la censure québécoise. Le public n'a donc pu voir que les trois quarts du film. Mais la télévision l'a sans doute projeté intégralement quelques années plus tard.“

Beau Geste
6.9

Beau Geste (1939)

1 h 52 min. Sortie : 27 avril 1956 (France). Action, Aventure, Drame

Film de William A. Wellman

Annotation :

“Film d'abord accepté, puis interdit à la suite de pressions de la part de diplomates français (1939)
Depuis que les studios américains se sont donné le Production Code (Critères de la censure du cinéma) qui aseptise leurs réalisations, peu de films hollywoodiens subissent une censure significative au
Québec. Tout au plus perdent-ils quelques scènes de violence exacerbée, aussi bien dans les films policiers que dans les westerns. Dans Beau Geste, pour sauver l'honneur familial à la suite d'une fraude, les trois frères anglais Geste (Beau est le prénom du personnage principal) s'engagent dans la Légion étrangère de France. Après divers conflits avec le sous-officier Markoff, parti culièrement sadique, ils meurent lors d'une bataille contre des Arabes. […]
Il ne semble pas faire problème lorsqu'il est apporté au Bureau de censure, qui l'approuve le 26 août 1939, avec cette seule indication: « Eliminate:
All scenes of Markoff lashing two deserters». Cinq jours plus tard, le 31, le président Hervé Rock avise par lettre le distributeur Paramount qu'il a reçu la veille du procureur général [en l'occurrence, le premier ministre Maurice Duplessis*, qui dirige aussi ce ministère] instruction de retirer le permis au film, « following protests by French Consulates in Montreal and Quebec». Beau Geste est donc retiré de la circulation. La communication entre le consul de France à Montréal, Noël Henri, et Duplessis s'était sans doute déroulée au téléphone. Le 14 septembre, Henri écrit à Rock: Vous avez bien voulu me faire demander quelles raisons avaient motivé notre désir de voir interdire au
Canada le film « Beau Geste».
J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'ayant visionné le film, les principaux représentants de la Colonie française ont été unanimes pour juger, avec moi, qu'il était de nature à produire une impression fâcheuse, à une époque où nos deux pays sont alliés pour abattre le germanisme menaçant. L'image que le film donne de notre Légion étrangère est, en effet, bien plus celle d'un bagne que celle de l'Armée française.
Je sais bien qu'aux Etats-Unis, à la demande de l'Ambassadeur de France à Washington qui avait menacé de faire interdire en France tous les films Paramount sì aucune modification n'était apportée à « Beau Geste», il a finalement été décidé que le film pourrait être projeté moyennant certaines coupures. C'est le film rectifié que nous avons vu; nous l'estimons franchement mauvais. Qu'un tel film soit projeté aux États-Unis, pays neutre, ….

Beau Geste

Beau Geste (1926)

1 h 42 min. Sortie : 21 août 1926 (États-Unis). Aventure, Action, Drame

Film de Herbert Brenon

Annotation :

(Cont.) cela ne saurait changer en rien notre conviction de son inopportunité en terre canadienne, pays allié.
Il faut attendre presque un an avant que Paramount en apporte une « reconstruction ». Elle a fait disparaître le prologue «This picture makes no attempt to portray life and conditions in the French foreign legion, either in the past or in the present.
The entire story and all the characters are purely fictional» et une ligne de dialogue (Schwartz) :
«Do you know what I think of the French Army?
After we kill Markoff and you, I'm gonna tear off this uniform and spit on it.» Ce n'est toutefois pas suffisant et le censeur pratique encore 12 coupures, surtout des paroles et gestes du cruel Markoff (métrage non indiqué), avant de l'accepter le 29 juin, après s'être assuré de l'autorisation du bureau du procureur général. Le 5 mai 1950, une version doublée est approuvée, sans indications de coupures, donc intégrale, et elle se retrouve en salles le 15 juillet, sans même un commentaire de la critique; il faut dire que la guerre appartient au passé.
Le Centre catholique de Montréal et le « Ciné-bulletin*» de L'Action catholique cotent Beau Geste « pour tous».
A de nombreuses reprises, le Bureau de censure se préoccupe des sensibilités nationales face à certaines images et invite des représentants de groupes spécifiques à siéger avec les évaluateurs. Beau Geste représente toutefois l'unique cas où un gouvernement étranger intervient directement pour demander et obtenir l'interdiction d'une œuvre.“

Un chien andalou
7.2

Un chien andalou (1929)

16 min. Sortie : 6 juin 1929. Fantastique, Épouvante-Horreur, Muet

Court-métrage de Luis Buñuel

DYNASTIA a mis 6/10.

Annotation :

“Film d'un réalisateur qui subit plus souvent qu'à son tour les foudres de la censure (1952);
Poète et critique de cinéma, Luis Buñuel se lie d'amitié avec les surréalistes français dès la fin des années 1920. Devenu réalisateur, son premier film, Un chien andalou (court métrage, 1928), pure fantaisie co-écrite avec Salvador Dali, représente la plus éclatante réussite filmique du mouvement.
Deux ans plus tard, son Age d'or, quoique moins éclaté, s'inscrit dans cette mouvance libertaire et suscite tellement de réactions de la droite qu'il est interdit en France. Personne ne se risque à présenter ces deux œuvres, comme d'ailleurs Las hurdes (Terre sans pain), documentaire réalisé en Espagne en 1932, à la censure québécoise. Peut-être certaines copies circulent-elles clandestinement après la Seconde Guerre mondiale, mais on ne les voit ouvertement que dans les années igoo, dans le mouve ment des ciné-clubs (Un chien andalou est approuve pour l'Université de Montréal le i19 octobre 1962), parfois même à la télévision. Indésirable en lapagne franquiste, Buñuel poursuit sa carriere surtout au Mexique et en Prance.“

Los Olvidados
7.8

Los Olvidados (1950)

1 h 25 min. Sortie : 14 novembre 1951 (France). Policier, Drame

Film de Luis Buñuel

DYNASTIA a mis 10/10.

Annotation :

“Los olvidados (Pitié pour eux), drame social au traitement quasi documentaire tourné en 1950, met en scène des jeunes délinquants d'une banlicue de Mexico n'ayant pour tout présent qu'un univers de violence, sans espoir d'en sortir. Le 14 mars 1952, le Bureau de censure l'interdit, dans une version avec sous-titres anglais deja amputée de 10 minutes sur 89 (par son distributeur mexicain ou son intermé diaire américain). Trois semaines plus tard, le & avril, il l'accepte après que le distributeur local l'eut ainsi modifié en retranchant environ quatre minutes:
Titre changé: Nouveau titre: «The Young and the
Damned»
Bobine/Page:
1B/9: Raccourcir la scène du meurtre 24 frames avant le close-up finir à la fin du close-up.
3B/21: Eliminer la scène de Jaibo revenant vers la femme ainsi que Dial: «Going...»
4B/30: Éliminer toute la scène quand jaibo tue Pedro à partir du Dialogue: « Jaibo... Get dressed.»
4B/30: Éliminer le sous titre: « They should be killed
before they re born ».
4B/30: Eliminer les sous titres: «Good night... Good night.,."
4B/30: Éliminer toute la scène de l'âne et le corps de Pedro jeté parmi les déchets.
Ces coupures diminuent quelque peu l'effet violent du film. Elles n'en altèrent pas la cruauté, le caractère impitoyable et la profonde tristesse devant cette jeunesse désespérée dont l'univers, dit le critique André Bazin, se réduit « à une sorte de paradis terrestre inversé dont une épée de feu interdit la sortie». Le 3 septembre suivant, avant la sortie en salle, le Bureau accepte un changement de titre pour The Young and the Damned parce que c'est ainsi que le film s'intitule dans le reste de l'Amérique du Nord. Le centre catholique le classe ainsi: « En raison de la cruauté de certaines scènes et de l'érotisme qui en imprègne d'autres, l'œuvre s'adresse aux adultes avertis. »“

Belle de jour
7.2

Belle de jour (1967)

1 h 40 min. Sortie : 24 mai 1967. Drame, Romance

Film de Luis Buñuel

DYNASTIA a mis 8/10.

Annotation :

“Seul autre film de Buñuel à subir l'interdit, Belle de jour ne reste que deux mois sur les tablettes. Il est refusé le 19 juin 1967 à cause « des scènes d'intimité, un épisode de nécrophilie, des séquences sadiques et une atmosphère générale équivoque». Mais ce refus relève presque d'une subtilité juridique: le Bureau aurait voulu le classer «18 ans et plus», dans l'esprit de la législation votée trois jours auparavant, mais celle-ci n'est pas encore sanctionnée et avaliser le film serait le destiner aux 16 ans et plus. La sanction officielle de la loi advient le 12 août et le film reçoit son classement de « 18 ans » le 28. Une semaine plus tard, ce qui s'appelle désormais Bureau de surveillance oblige le distributeur à supprimer de la bande-annonce la mention finale « Ce film de référence est interdit aux moins de 18 ans» dans le but de mieux renseigner le public et à cause de la connotation «sexploitation» que le fameux «18 ans» est en train de prendre. Le 21 janvier 1972, il est reclassé «14 ans», ce qui se traduit dans le répertoire actuel de la Régie du cinéma par «13 ans+». L'Office catholique vient, quant à lui, d'abandonner ses fameuses cotes morales pour les remplacer par une évaluation de la « valeur humaine et chrétienne»; il en dit: « Étranger à la morale, ce film troublant présente le cas d'une jeune femme mariée qui se laisse aller à un étrange désir d'avilissement. Le sujet donne lieu à des scènes d'un réalisme sordide.»”

Naissance d'une nation
6.3

Naissance d'une nation (1915)

The Birth of a Nation

3 h 10 min. Sortie : 22 octobre 1920 (France). Drame, Historique, Romance

Film de David Wark Griffith

DYNASTIA a mis 10/10.

Annotation :

“Film très censuré dans son pays et un peu au Québec (1915)
Dans l'histoire du cinéma américain, la sortie controversée de The Birth of a Nation (Naissance d'une nation) marque l'année 1915, non seulement à cause de son sujet, la guerre de Sécession américaine et la naissance du Ku Klux Klan, mais surtout parce que sa facture crée l'essentiel du langage cinématographique et parce qu'il consacre à tout jamais le goût du public pour le long métrage de plus ou moins deux heures.
Lucide, D. W. Griffth anticipe les réactions qu'il va provoquer, étant donné que son film s'inspire de la pièce raciste, The Clansman (1905), de Thomas Dixon. Entre le carton représentant sa signature et le titre du film, on peut lire cet intertitre:
Un plaidoyer pour l'art cinématographique. Nous ne craignons pas la censure, car nous n'avons pas l'intention d'offenser par des impropriétés de langage ou par des obscénités, mais nous exigeons la liberté de montrer le mauvais côté du mal, afin de mettre en relief le bon côté de la vertu... C'est la même liberté qui est accordée à la littérature, art auquel nous devons la Bible et les œuvres de Shakespeare [traduction de l'anglais].
Aux États-Unis, le film suscite d'énormes vagues, des émeutes dans quelques grandes villes américaines et provoque le plus important phénomène de censure à ce jour. À Montréal, il est apporté au Bureau de censure le 17 septembre 1915 par The Basil Corporation, en une version de 12 rouleaux de 1000 pieds (environ 180 minutes), ce qui signifie que le distributeur a déjà retranché certaines scènes, la version dite officielle durant 190 minutes, le film étant projeté à 16 images/seconde. Il est approuvé le 20 suivant par Louis-Joseph Lemieux*, président, avec les quelques coupures suivantes inscrites sur la fiche officielle:
Cut in reel
II: White man hanging mulatto woman
IX: Pursuit of girl by negro
Subtile: « For her who had learned the stern lesson of Honor, we should not grieve that she found sweeter the opal gates of death»
XI: Colored woman, immodestly dressed, drinking
White girl in the arms of a mulatto
Puis, sur un feuillet à part, non signé, s'ajoute cette exigence:
IV: Cut all scenes of white girl in mulatto office
Subtitle: The town being given to drunken negroes.
[…]

The Birth of a Race

The Birth of a Race (1918)

1 h 30 min. Sortie : 1 décembre 1918 (États-Unis). Drame, Historique

Film de John W. Noble

Annotation :

(Cont.) “Selon les quotidiens, il sort à Montréal le 27 septembre 1915. Quelques jours auparavant, le 23, La Presse fait état d'une protestation de la communauté noire de la ville:
Un groupe important de la population noire de Montréal s'est réuni hier soir, au Union Congregational Church, sous la présidence du docteur ]. Arthur Thomas [...] pour protester contre la représentation d'un film annoncé pour la semaine prochaine, et intitulé The Birth of a Nation. Il appert que nos concitoyens de la race noire ont appris d'une manière certaine que ce drame, tel que mis à la scène, est de nature à provoquer l'antagonisme du public contre les nègres. Ceux qui assistaient à la réunion d'hier soir ont manifesté l'intention de faire tous les efforts pour empêcher cette série de représentations.
Le jour du lancement, dans l'édition de l'après-midi, La Presse fait un gros titre avec « Un coûteux incendie se déclare ce matin au théâtre Princess».
L'article est suivi d'un autre texte relatant que la veille, un nègre se serait présenté au théâtre Princess et aurait déclaré au gérant, M. Wright, que si on n'arrêtait pas la production de la pièce Birth of a Nation, il entendrait parler de lui. Cet incident précédant immédiatement l'incendie de ce matin a, naturellement, porté les intéressés à croire qu'une main criminelle a bien pu diriger l'œuvre de l'élément destructeur.
Une enquête est lancée; elle ne pourra prouver une activité criminelle. Le film prend quand même l'af fiche le 27 septembre, mais au théâtre Arena, loué pour la circonstance. Un orchestre de 30 musiciens accompagne les deux représentations quotidiennes, offertes à 1,50 $ le soir, 1,00 $ en matinée, un prix quatre à six fois supérieur à l'admission habituelle, ce qui, à sa façon, est une forme de censure. Le succès en est quand même total. Le film revient, dans les mêmes conditions, à l'Orpheum, le 1° mai 1916, et au St-Denis le 26 novembre suivant, cette fois aux tarifs habituels (de dix cents à un dollar pour les sièges réservés) malgré l'ordre exprès du distributeur d'imposer le même prix que partout en Amérique. Le St-Denis a aussi son « orchestre symphonique» et sa publicité annonce fièrement:
« avec titres en français et en anglais, pour la première fois dans le monde entier ». Mais la saga de ce film ne s'arrête pas là. Le 9 novembre 1921, une copie est ramenée au
Bureau, qui a maintenant une nouvelle équipe de censeurs, dirigée par Raoul de Roussy de Sales. …

Birth of a Notion

Birth of a Notion (1947)

07 min. Sortie : 12 avril 1947 (États-Unis).

Court-métrage de Robert McKimson

Annotation :

(Cont.) “ Il est visionné le 15 et est refusé pour «immorality» et «race prejudice», puis redonné au distributeur, avec les coupures effectuées en 1915.
Le 26 juin 1924, une copie « reconstructed» (ce qui signifie que le distributeur a lui-même effectué des coupures, probablement les mêmes que celles que le Bureau avait faites en 1915), est refusée par Roussy de Sales et C. A. MacDiarmid. La raison évoquée par de Sales demeure la même qu'en 1921:
« Immorality and race prejudices». Mais sur la même fiche s'ajoute cette note, écrite deux jours plus tard, signée des trois censeurs et du secrétaire de Rous-selle:
Accepted in appeal with the following eliminations
X. Negro shooting at white man
XII. Elsie tied in chains + gagged
Lynch kidnapping Elsie
Cela signifie sans doute qu'il y a eu alors une nouvelle sortie du film au moins dans une salle. La valeur de spectacle de cette œuvre ne se dément pas. Il demeure impossible de savoir si le public est attiré par la valeur cinématographique ou par le récit qui conforte des attitudes plus ou moins racistes, car cette question n'a pas été documentée.
Le 18 novembre 1931, le son s'étant imposé dans presque toutes les salles, une version de 13 000 pieds, donc l'originale ou ce qui s'en rapproche le plus, est acceptée modifiée, avec les coupures suivantes:
Eliminate
VIII - Negro servant tied up and shot for wrong voting
The passage of Bill providing (?) for the intermarriage of Blacks and whites
IX - Negro chasing white girl
X - Negroes shooting at white men
View of body of negro on steps of Lieut. Governor's house
THE BERTH OF A NATION
XI - III treatment of Cameron (father) by negroes
The master (Cameron) in chains parraded (sie) before his former slaves
Negro struggling with Elsie
XII - Girl tied to chair and gagged
Kidnapping of Elsie by negro.
C'est cette copie, sonorisée avec bruits d'ambiances et une musique enregistrée par un orchestre de 125 musiciens qui est programmée à l'Orpheum, à prix populaires (de 25 à 40 cents) dans les jours suivants et qui fait salle comble. Au sujet de la sono-risation, la critique de Léon Franque dans La Presse est mitigée. Il se range du côté des puristes qui croient que le film doit être revu dans sa « première beauté» et son esthétique particulière du muet et il louange le génie de Griffith. Toutefois, il ne donne pas tort à « ceux qui croient à l'évolution du cinéma [...] pour qui un film peut toujours être travaillé à nouveau, repris, recommencé et amélioré».”

The Fall of a Nation

The Fall of a Nation (1916)

Sortie : 6 juin 1916 (États-Unis).

Film de Thomas F. Dixon Jr.

Annotation :

(Cont.) “Finalement, des copies en 16 mm vont entrer, dans les années 1940 ou 1950 et à travers les ciné-clubs, mais on n'en trouve pas de trace dans les archives du Bureau, qui ne censure le 16 mm qu'à compter de septembre 1947. Dans l'Index des 6000
titres de films avec leur cote morale, publié en 1955 par la Fédération des centres diocésains de cinéma, il est coté «Adultes», avec les plus hautes « cote artistique» et « valeur d'intérêt». De temps en temps, il est ensuite projeté par la télévision, avec des intertitres en français.
[…]
Dans les réactions provoquées en 1915 par The Birth of a Nation comme dans celles des commentaires près d'un siècle plus tard l'expression « chef-d'œuvre dégoûtant... » revient souvent, ce qui indique bien que l'art véritable ne se laissera jamais endiguer dans des formules et qu'il contiendra toujours sa part de provocation.”

Brute Force

Brute Force (1914)

32 min. Sortie : 25 avril 1914 (États-Unis). Drame, Muet

Court-métrage de David Wark Griffith

Annotation :

“ En 1915, ce n'est pas la première fois que Griffith subit les foudres des censeurs. A Misunderstood Boy, un court drame, est le premier film « modifié» par les censeurs (sans indication du contenu coupé) le 16 avril 1913; The Adopted Brother est interdit le 27 août suivant, tout comme Primitive Man (titre complet: Primitive Man: A Psychological Comedy Founded on Darwin's Theory of the Genesis of Man) le 17 novembre 1913 (« Not fit for observation; show-ing evidence of child birth») et Battle of Sexes le 28 avril 1914. D'autres seront aussi rejetés plus tard:
Scarlet Days le 20 janvier 1920; Way Down East le 5 janvier 1921; Dream Street: « Trop de coupures nécessitées pour rendre ce film acceptable», le 26 juillet 1921; White Rose pour « Offense to the Christian profession» et cette note est ajoutée: « This feature was submitted to Reverend Canon Shatford and Reverend Mr. Major and was objected to by both gentlemen», le 13 septembre 1923; Love and Sacrifice pour « Offensive scenes to the British army» le 12 novembre 1924. Quant à son autre grand chef-d'œuvre, Intolerance*, il connaît sa part de mésaventures.
Premier parmi les grands réalisateurs dramatiques du cinéma américain, Griffith cherche presq que toujours à provoquer sa société en abordant des sujets controversés. Il atteint son but, mais cela en fait souvent une des plus grandes victimes de la censure.”

Le Blé en herbe
6.3

Le Blé en herbe (1954)

1 h 46 min. Sortie : 20 janvier 1954. Comédie dramatique

Film de Claude Autant-Lara

Annotation :

“Film controversé en France et le deuxième plus mutilé par la censure québécoise (1955)
Tiré du roman éponyme de Colette (pseudonyme* de Sidonie Gabrielle Colette), Le blé en herbe, tourné en 1954, s'attache surtout à l'initiation à l'amour d'un adolescent de 16 ans par une femme mûre. Il arrive de France avec une réputation sulfureuse, ayant été interdit dans plusieurs villes. Au Québec, Colette n'est pas la bienvenue. Déjà, le 2 février 1951, la censure a refusé Minne ou l'ingénue libertine de Jacqueline Audry et ne l'a accepté que retranché de 15 minutes le 26 août 1952, et en faisant disparaitre du générique « D'après L'ingénue libertine de Colette de l'Académie Goncourt».
La version intégrale du Blé en herbe (106 minutes) est refusée par le Bureau de censure le 18 août 1955, avec ce commentaire: « Immorale. Initiation d'un jeune homme de seize ans, Phil, par une femme d'âge mûr, Mme Hedwige Feuillère.» Le distributeur Ciné France (propriété de Jean-Pierre Desmarais) en apporte une copie « reconstruite» de 90 minutes le 16 novembre suivant. Les censeurs approuvent le film le 22 novembre, mais après lui avoir retranché encore 32 minutes de dialogues. Ils imposent aussi de ne pas mentionner dans la publicité* que le film est tiré de l'œuvre de Colette. Des 106 minutes, il ne reste donc plus que 58 minutes. Avec 48 minutes en moins, Le blé en herbe passe à l'histoire en tant que deuxième film le plus charcuté par les censeurs québécois (la palme revenant à Le rouge et le noir du même réalisateur). À cette version édulcorée, la Fédération des centres diocésains de cinéma octroie la cote « Adultes avec réserves». Pour l'exploiter, Desmarais loue le Radio-City, à Montréal, anciennement le Gayety, vieille salle de vaudeville et de cinéma qui en a vu de toutes les couleurs et qui deviendra finalement le Théâtre du Nouveau Monde. Avec une publicité racoleuse «Pourquoi un jeune homme est-il attiré vers une femme beaucoup plus âgée que lui? Pourquoi va-t-il reporter ensuite sur sa jeune amie les fruits de son expérience? Pourquoi le flambeau de l'amour se transmet-il?»), il le lance le samedi 3 décembre, en programme double avec La symphonie fantastique, film de Christian-Jaque (1942), une biographie d'Hector Berlioz acceptée sans coupures et déjà programmée en 1946. Le film ne reste à l'affiche que quelques jours, selon Le Devoir du 14 décembre 1955 qui souligne:
Ce cinéma, à vrai dire, n'en présentait que des bribes, et il a dû abandonner la partie (...).

Le Blé en herbe

Le Blé en herbe

Téléfilm de Serge Meynard

Annotation :

(Cont.) “Le film a subi le même sort que Le Rouge et le Noir. On n'en voit que des « morceaux choisis». Les critiques, afin de rester professionnels, doivent s'abstenir de porter un jugement puisque l'ensemble des intentions du film n'est pas accessible.
André Fortier ajoute que les spectateurs mécontents demandent le remboursement du prix d'admission. Onze ans plus tard, le 9 décembre 1966, France-Film soumet en procédure d'appel une copie 16 mm et il est alors accepté intégralement. […]
Au moment de sa sortie intégrale, en 1967, l'Office des communications sociales (catholique) le décrit ainsi: « En évoquant les émois amoureux de deux adolescents, le film présente comme naturelles les expériences sexuelles prématurées. L'intervention d'une femme d'âge múr qui se fait l'initiatrice du jeune héros est décrite avec sympathie.» A lui seul, ce film permet de mesurer l'évolution de la censure. En 20 ans, de film interdit, puis lourdement amputé, il accède à la cote « réservé aux 18 ans et plus» en retrouvant son intégrité, puis il devient enfin acceptable pour tous. Cela ne signifie pas que l'intrigue de base, l'initiation d'un garcon de 16 ans par une femme mûre, soit banalisée et considérée comme « normale», mais simplement qu'une esthétique de qualité et l'absence d'images ambiguës rendent le produit acceptable. Cela indique aussi que le censeur a bien assumé le sens de la classification, qui ne signifie pas que le film est bon pour tel groupe d'âge, mais simplement qu'il ne peut faire de tort à une personne normalement saine psychologiquement de ce groupe, selon le consensus social de l'heure.“

Méliès et ses bonimenteurs

Méliès et ses bonimenteurs (2018)

05 min.

Court-métrage de Sami Lorentz et Audrey Espinasse

Annotation :

“BONIMENTEURS DES VUES ANIMÉES
Des commentateurs qu'on essaie de faire taire
Au Québec, pendant toute la période du cinéma muet (1896-1928), les films sont souvent commentés par des bonimenteurs que le public local appelle « conférenciers». Plusieurs d'entre eux sont des comédiens de théâtre, qui récitent aussi des monologues ou interprètent des chansons entre les films, le spectacle de l'époque comprenant d'autres attractions diverses. Comme tous les performeurs, ces conférenciers improvisent et se permettent souvent des commentaires de leur cru. Acceptés en général assez bien par leur public habituel, ils sont souvent critiqués de façon acerbe par les chroniqueurs de spectacle qui s'en prennent surtout à leur élocution ou leur manque d'érudition. Ils semblent toujours échapper à la censure légale, mais ils sont victimes d'une censure institutionnelle qui cherche à contraindre leur embauche ou leur prestation.
Quand les premières salles se multiplient en 1906 et 1907, le boniment est une attraction mise en valeur dans la publicité et soulignée par les chroniqueurs de spectacle: Forget du Ouimetoscope est « très documenté», Bissonnette a une « voix de stentor» et André de Reusse est reconnu pour « ses explications si curieusement détaillées ». Le boniment est une attraction commerciale, mais sa qualité est déjà évaluée par des gens qui veulent le faire disparaître, ou le remplacer par un autre plus cultivé:
“Quand donc perdra-t-on cette stupide habitude d'expliquer les vues animées? Le public, d'abord, serait assez content de constater qu'on le croit assez intelligent pour les comprendre tout seul; et puis nous n'aurions plus le désagrément d'entendre les innombrables cuirs (un vice de langage qui consiste à prononcer à la fin d'un mot un t lorsqu'il y a un s, et réciproquement, ou à employer à tort l'une de ces deux lettres pour lier deux mots ensemble] et aneries [sic) débités par les soi-disants (sic] « conférenciers». (Le Petit Québécois,
27 février 1909)
À l'extérieur de l'institution, la critique* est surtout moraliste, et le plus souvent exercée par les journalistes catholiques. À Québec, ville où le clergé catholique est nombreux et puissant, on écrit beaucoup de textes parlant du conférencier, mais très souvent pour le dénigrer: (…)

Les Bonimenteurs

Les Bonimenteurs

1 h 15 min. Comédie

Spectacle de Hervé Mimran et Yankel Murciano

Annotation :

(Cont.) “Mais il faut toujours compter avec les commentaires du bonhomme qui explique les vues. Dans certains de nos théâtres, il se donne par ce moyen, des vrais tours d'impiété, sans compter les leçons d'immoralité. Ainsi, pas plus tard que vendredi dernier, un de ces savants se payait le luxe de vouloir ridiculiser la dévotion à Saint Antoine (sic). C'est un cas entre dix mille.”
Pourtant, ni les critiques de spectacles ni les critiques de la morale ne semblent faire taire les bonimenteurs; elles conduisent cependant certains d'entre eux au chômage, et quelques-uns en prison: ainsi en 1916 à Québec, le bonimenteur Meussot est arrêté et écroué avec son patron pour avoir commenté des films un dimanche, jour où le règlement municipal interdit l'ouverture des cinémas.
Si la parole est difficilement contrôlable, elle semble du moins être plus sévèrement surveillée pendant la Première Guerre mondiale*. La Loi des mesures de guerre amène la nomination d'un censeur de la presse, dont les pouvoirs sont plus tard étendus au cinéma et aux spectacles. Son rapport insiste particulièrement sur les « numéros» et pièces de théâtre, disant que « des hommes haut placés et de jugement |...] ont fait remarquer que les chansons de certains vaudevilles exprimaient une envie pathétique de la paix à tout prix et visaient de toute évidence à provoquer un sentiment de lassitude à l'égard de la guerre».
Le rapport ne cite aucun texte en particulier, mais les magazines de l'époque publient plusieurs chansons composées par les artistes des scopes, chansons dont le ton antibelliciste et anticonscritionniste est évident. Armand Leclaire, comédien, revuiste et monologuiste, signe par exemple le couplet suivant:
Faut n'être pas trop surpris
Si on coupe les salaires
Aux rich's tout est permis
Faut manger d'la misère
Ou s'enrôler « Oversea»!
Ce texte n'a manifestement pas été soumis à l'attention du censeur ou de ses collaborateurs, car on y critique ouvertement la guerre comme une politique que destinée à enrichir les tuns aux dépens de la vie des autres, Leclaire rait loin d'etre le seul la proferer ce genre de critique sarcastique. Un auteur dont le pseudonyme était Pas Rosal et qui écrit beaucoup pour Le Passe rede acompose plusieurs poemes satiriques traitant de la conscription. Dans un texte intitulé « Nos braves conscriptionnistes», Rosal s'en prend ensuite à ceux qui réclment la conscription pour les autres mais veulent cux-mèmes y
échapper: (…)

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