Le cinéma en 2018
39 films
créée il y a presque 7 ans · modifiée il y a 3 moisMektoub, My Love : Canto uno (2018)
3 h 01 min. Sortie : 21 mars 2018 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Abdellatif Kechiche
Alifib a mis 10/10.
Annotation :
Tout l'enjeu du film, toute ses intentions pourraient se résumer dans trois scènes. La première est la scène de sexe du tout début, où Amin - double assez évident de Kechiche - se retrouve en position de voyeur, cette scène est à la fois l'expression la plus crue du désir charnel qu'on retrouvera tout le long du film, mais fait aussi part d'une intention en ne faisant pas intervenir Amin dans la scène, en ne le laissant pas interrompre les ébats avant la jouissance. Il s'agit de voir se dérouler la vie dans ce qu'elle a de plus banal et frivole sans la « voler » aux personnages. Reste à savoir quel regard on porte sur ces scènes, et surtout comment le porter. Il y a cette scène dans la bergerie entre Amine et Ophélie, où cette dernière est assise sur le rebord d'une fenêtre, un simple champ / contre-champ, sauf que dans le regard d'Amin, il y a cette lumière qui éclaire le visage d'Ophélie, qui dévore le cadre et qui apporte quelque chose à ces dialogues banales : une sorte de subjectivité cherchant toute la beauté, l'éclat dans les petits riens de la vie, dans des paroles prosaïques ou dans le sourire d'une amie. Tout le long Kechiche recherche cette lumière, cherche à exalter la vie. Et puis il y a cette scène de l'accouchement qu'Amin photographie, là encore il s'agit de sublimer la vie mais surtout de se demander comment se positionner par rapport au sujet qu'on filme, pour capter à la fois son essence et sa beauté, sans le troubler, le manipuler. Ce qu'il y a de très beau aussi, c'est cette absence de malveillance de la part de Kechiche, tous les personnages ont leur conception de l'amour, leur façon de la vivre mais jamais Kechiche n'y portera un jugement, pour autant il ne se privera pas de montrer tout ce que font ces personnages, rien n'est caché mais il n'y a aucune chape morale. J'ai encore beaucoup à dire mais je m'arrête là, vivement le Canto Due.
Le Livre d'image (2018)
1 h 24 min. Sortie : 24 avril 2019. Expérimental
Film de Jean-Luc Godard
Alifib a mis 9/10.
Les Âmes mortes (2018)
Dead Souls
8 h 26 min. Sortie : 24 octobre 2018 (France). Historique, Drame
Documentaire de Wáng Bīng
Alifib a mis 9/10.
Annotation :
Wang Bing présent lors de la diffusion de la troisième partie nous a confié que sa plus grande crainte était non pas de faire un film sur les morts mais sur les survivants. C'est probablement ce qui rend ce film aussi important et aussi beau. Important, parce que c'est à la fois un devoir de mémoire (ce qui explique le rôle parfois exceptionnellement actif de Wang Bing) et un travail d'historien, c'est tout simplement l'archive d'aujourd'hui et de demain sur les « camps de rééducation » chinois, la seule archive valable peut-être, les documents officiels accessibles et les films étant jusque-là très éloigné de la réalité (sic). Beau, parce que Wang Bing a un profond respect pour les morts et les survivants, il écoute tout discours, jusqu'au bout, sans trahir, il aide les gens à s’ôter d'un poids et à transmettre toute parole avec dignité. Il offre aux morts évacués par une histoire tragique, un nom, une identité, une trace, il leur redonne toute l'humanité qu'on a essayé de leur ôter. Il y a cette séquence finale qui m'a terrassé, où pendant un long moment Wang Bing revenu sur les lieux d'un ancien camp, accorde 30 secondes, 1 minute, à chaque ossement qu'il voit, afin d'offrir à ces hommes et ces femmes la sépulture qu'ils n'ont pas eu, pour leur redonner leur identité et leur dignité ; c'est bouleversant.
Heureux comme Lazzaro (2018)
Lazzaro Felice
2 h 07 min. Sortie : 7 novembre 2018 (France). Drame, Fantastique
Film de Alice Rohrwacher
Alifib a mis 7/10.
Phantom Thread (2017)
2 h 10 min. Sortie : 14 février 2018 (France). Drame
Film de Paul Thomas Anderson
Alifib a mis 8/10.
Annotation :
Je ne sais toujours pas où me situer, si je laisse parler mon cœur, le film m'a conquis, mais les quelques jours de recul me laissent aujourd'hui avec une certaine frustration. Tout du long, j'étais drapé dans le film, envoûté par son émotion diffuse, intime, charmé par l'aspect à la fois complexe et évident de ces personnages solitaires que l'amour va faire vibrer, par ses petits détails, regards, rougeurs, gestes. Une émotion qui m'est très précieuse au cinéma et qui trouvait son acmé lors d'une scène qui restera gravé en moi : la fête de la Saint-Sylvestre, la beauté du contraste qui se retrouve jusque dans la musique. Enfin PTA se laisse aller à l'émotion, enfin sa mise en scène - bien qu'on puisse la trouver guindée - se fait plus subtil, et mieux encore, vecteur de l'émotion du film. C'est peut-être trop maniérée, oui, mais j'ai vu un cœur battre dessous. Puis est arrivée la fin, qui certes donne le film à être revu, mais qui - sur le coup - de part sa rupture de ton, a brisée quelque chose dans la relation que j'entretenais avec le film. Toute l'émotion feutrée tombait dans le vulgaire, tous les non-dits dans le racoleur, dans l'envie de faire une fin qui claque et ça m'a sorti du film. A ce moment, j'ai commencé à remettre tout le film en question, à l'observer d'un œil plus analytique pour y voir peut-être ce que je redoute en revoyant à la filmographie de PTA : la vacuité. Cette impression que la virtuosité du film, sa tendance à la grande forme, force le spectateur a essayer d'y déceler une certaine complexité, mais rien y fait plus je gratte, plus ce que le film cache sous ses attraits charmeurs me parait mince, creux, et paradoxalement c'est peut-être cette forme très contrôlée qui étouffe toute tentative d'y déceler autre chose que ce qui est donné à voir. Non pas qu'il n'y ait rien, il y a ce jeu dominant/dominé, qui pourrait être vu comme une conflit entre l'ordre/rigidité et le désordre/frivolité (et ce sera magnifiquement explicité à l'image lors de la scène de la Saint Sylvestre) et on peut bien sûr y voir un lecture méta, PTA sous les traits de DDL, mais j'ai cette vague impression de superficialité, d'un fond qui n'arrive pas à atteindre ce que la forme lui offre comme prétentions. Mais au même titre que PTA/DDL qui cède à la fin du film (Du coup la lecture méta justifie cette rupture de ton/formelle), je craque également avec l'impression de me faire avoir par une illusion, mais merde tu m'as eu.
Pentagon Papers (2017)
The Post
1 h 56 min. Sortie : 24 janvier 2018 (France). Biopic, Drame, Historique
Film de Steven Spielberg
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Il faudrait revoir le film sans le son pour se rendre parfaitement compte de l'évidence de la mise en scène de Spielberg. C'est d'une rare complexité et virtuosité, mais pourtant tout est limpide. Par ses mouvements de caméra, et surtout par la composition de ses cadres il parvient à rendre compte des rôles, des conflits et des interrogations de chacun des protagonistes,. A ce titre il faudrait voir et revoir la séquence précédent l'autorisation de Meryl Streep de publier le journal, tout se passe par téléphone mais pourtant, tout est dans l'image, le montage (il y a notamment ce raccord entre deux gros plans sur le visage de Meryl Streep avec un changement d'axe qui est fabuleux). Ça me tue, parce que ça donne une dimension supplémentaire aux dialogues, ça leur donne toute leur force politique, les fait entrer dans l'histoire. Ah, et surtout, comment nier que Spielberg est le plus grand conteur d'histoires du cinéma ?
Le 15h17 pour Paris (2018)
The 15:17 to Paris
1 h 34 min. Sortie : 7 février 2018 (France). Drame, Thriller, Biopic
Film de Clint Eastwood
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Il faudrait que je revoie les deux précédents films d'Eastwood pour y voir un peu plus clair, une trilogie se dessine très nettement sur le héros américain et notamment sur le rapport avec le "Print the Legend" fordien. Mais il y a un rapport très ambigu avec Ford, et encore plus dans celui-ci puisque il ne s'agit plus d'imprimer la légende, mais de montrer la réalité, brut, sans enjeux particuliers ni élans romanesque. Il filme cette bande d'amis avec un regard simple et humain, et même l'attaque déjouée n'est pas montré héroïquement, on y voit tout le hasard et toute la part de chance qu'il y a derrière. Sans pour autant le nier ou le rejeter, il y a presque une démythification du héros américain, puisque même dans les archives à la fin du film, - mêlés de façon très intéressante aux images de cinéma - il ne s'agit plus d'offrir la légende en effaçant toute l’ambiguïté du réel, mais d'ancrer ces images dans le réel, elles sont la conséquence direct de ce qui s'est passé avant, avec toute la banalité que cela comporte. Très beau film en tout cas, et qui sera je n'en doute pas bien plus intéressant avec les deux films précédents en tête.
Mademoiselle de Joncquières (2018)
1 h 49 min. Sortie : 12 septembre 2018. Drame
Film de Emmanuel Mouret
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Si il y a élégance et raffinement dans la mise en scène d'Emmanuel Mouret c'est dans sa volonté de ne jamais supplanté ce qu'il filme. Il parvient à donner chair, émotion aux mots et dialogues pour ne jamais qu'il sombre dans la « simple » littérature, et ce tout en respectant l'intimité de ses personnages sans être dupe sur ce qu'ils sont, il évite le gros plan quand il serait trop impudique, comprend les souffrances de ses personnages et les soutient quand il le faut, et aère son récit de plan large. Et par dessus tout, il contourne constamment le cynisme auquel cette histoire se prête, en rattrapant et comprenant les travers de chaque personnage sans pour autant mentir. Et puis, il y a la beauté du verbe...
The House That Jack Built (2018)
2 h 35 min. Sortie : 17 octobre 2018 (France). Drame, Thriller, Épouvante-Horreur
Film de Lars von Trier
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Je m'attendais à quelque chose de bêtement provocateur et gratuit, il y a un peu de ça, oui, mais (on est pas chez Gaspar Noé) ça reste cohérent avec la thèse que semble vouloir défendre LVT et il y a une espèce de distance ironique qui place le film dans un entre deux, c'est à la fois glaçant, brûlant de tension et presque insoutenable par moment (l'incident numéro 4) mais aussi très drôle, j'aime beaucoup ce travail d'équilibriste tout du long. Par contre, le film me parait un peu limité dans sa réflexion, c'est à dire que non seulement je trouve le pensum un peu simpliste mais surtout il n'est développé que par le texte et non par l'image, c'est triste pour un cinéaste qui semble vouloir créer un manifeste. Reste qu'il y a tout de même quelque chose, dans la façon qu'à LVT de regarder le mal droit dans les yeux, et de le rendre pleinement tangible dans l'épilogue, kitsh certes mais son imagerie baroque m'a marqué.
J'ai beaucoup pensé aux Chant de Maldoror sinon, dans sa façon de traiter le mal déjà, mais certains passage de Lautréamont auraient très bien pu être retranscrit dans ces « accidents »
Trois Visages (2018)
Se rokh
1 h 24 min. Sortie : 6 juin 2018 (France). Drame
Film de Jafar Panahi
Alifib a mis 7/10.
Annotation :
C'est surtout la première partie du film qui m'intéresse, la plus théorique, j'ai toujours la sensation d'être face à du sous-Kiarostami mais j'y vois tout de même des choses très belles et intéressantes. En soit, cette première partie est la quête de deux personnes cherchant à savoir si les images qu'ils ont vu sont réelles ; ces images me paraissent intéressantes pour deux raisons : le régime d'image, et le hors champ. La régime d'image car celles-ci sont captées grâce à un smartphone, on en revient donc à un régime d'image utilisable par tous, des images qu'on a tous la capacité de créer et qui par conséquent nous paraissent ontologiquement vraies, des images qui ne mentent pas. Et c'est aussi la démonstration du pouvoir de hors-champ, de part la violence qui secoue cadre et ce qui précède, on croit de facto que le drame a eu lieu, quand bien même celui-ci n'est pas directement filmé. C'est autant une mise en garde qu'une fascination qui se créé pour le cinéma à ce moment-là. Tout le monde croit aux images, tout le monde est fasciné par elles, il n'y a qu'à voir l'arrivée de Behnaz Jafari au village, tous les enfants sont en admiration non parce qu'ils voient la femme telle qu'elle est, mais parce qu'ils voient son image (elle est une actrice connue), certains enfants la filme avec leur téléphone, ils veulent ancrer cette image, la ramener au réel. On en revient aussi à la nécessité d'amplifier/modifier/remettre en scène le réel, parce que comme le dit Marziyeh jamais Behnaz ne serait venue si elle avait dit la vérité.
Bon, et les échos direct à la filmographie de Kiarostami sont parfois un peu trop appuyé mais le fils rend hommage au père, et c'est très beau.
Cold War (2018)
Zimna Wojna
1 h 28 min. Sortie : 24 octobre 2018 (France). Drame
Film de Paweł Pawlikowski
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
J'ai entendu beaucoup de personnes reprocher au film sa trop courte durée au vu du sujet, et donc son incapacité à se vouloir exhaustif ou du moins claire sur la vie pendant la guerre froide. Si ce n'est sur un point, j'ai du mal à comprendre ces critiques, ça ne me semble pas être le sujet du film qui est avant tout un récit de l'intime qui évite tout drame, tout pathos. C'est d'ailleurs peut-être un peu trop maniéré dans la démarche et c'est ma plus grande réserve avec le film, disons que tout me parait trop propret, trop soigné, trop proche du travail méticuleux d'un photographe, il y a parfois des plans « plus grand » que les personnages, trop voyant, ce qui à mon sens éloigne le film de toute authenticité. Néanmoins, ça m'a touché, disons que toute la beauté du film se cristallise dans ses ellipses, le drame n'est pas dans les images, mais lorsqu'elle n'est plus là, lorsque les personnages le quitte, on peut y voir quelque chose de trop aride et même poseur mais ça ne m'a pas laissé insensible. Et puis quand bien même le film parait très maniéré, les regards des personnages, eux, sont véritables.
Ready Player One (2018)
2 h 20 min. Sortie : 28 mars 2018. Action, Aventure, Science-fiction
Film de Steven Spielberg
Alifib a mis 5/10.
Annotation :
D'un point de vue théorique et technique le film me passionne, et plus précisément dans sa façon qu'il a de ne plus créer une dichotomie franche entre réel et virtuel (et d'une certaine manière pellicule/numérique, réel/performance-capture) en comprenant que le virtuel, l'imagerie numérique est devenue une composante du monde contemporain, contrairement à son traitement qui jusque là, traitait cette partie comme à part, extérieur à notre monde. Spielberg procède tout du long à une remise à niveau de ces deux univers, de ces deux régimes d'images, tout en embrassant les possibilités propre à l'imagerie numérique, et plus exactement à sa façon de redéfinir l'espace. Les cinq premières minutes en témoignent, en un seul mouvement de caméra nous passons du réel au virtuel, d'un espace limité par les contraintes physiques, à un espace définit en un plan séquence où les limites sont celles de l'imagination. Il y aurait beaucoup de choses à analyser sous ce prisme, tout consistant à lier les deux mondes, à les traiter comme reflet du contemporain. On retrouve même les traces de ce virtuel dans le réel, à travers des plans filmant les casques de l'extérieur en laissant apparaitre les marques du virtuel, ou bien à travers « l'egg » dont la lumière brille jusque dans le monde réel. Il mesure l'importance du numérique, tout comme son inconséquence, c'est formulé explicitement à la fin, mais aussi tout du long, la mort n'est réduite qu'à un tas de pièces, échapper à cette virtualité est parfois nécessaire pour ne pas que le réel, lui, en subisse les conséquences (mort de la tante, libération d'Artemis possible seulement via le monde réel, Perceval qui tue Artemis etc...). Au fond, Spielberg fait part du fait que réel et virtuel sont aujourd'hui indissociables, et que de ce fait le refuge totale dans le virtuel est autant une erreur que son abandon total au profit du réel.
D'un point de vue plus personnel par contre, le film me déçoit un peu, disons qu'on est dans la veine plus enfantine de Spielberg, celle qui m'intéresse le moins, que l'esthétique JV (ou du moins d'une frange du JV) me repousse un peu, ça reste du très bon divertissement, bluffant techniquement, assez prenant, mais j'en suis un peu éloigné. Tout de même un peu touché, par le portrait assez évident de Spielberg en Halliday, et là dessus aussi il y aurait beaucoup à dire.
Mes provinciales (2018)
2 h 17 min. Sortie : 18 avril 2018. Drame
Film de Jean-Paul Civeyrac
Alifib a mis 7/10.
Annotation :
Il y a quelque chose de détestable dans la première partie du film, un mépris qui résonne dans le montage et qui prend de haut chaque personnage gravitant autour d’Étienne. C'est à dire qu'au début du film, à quelques exceptions, personne ne semble avoir droit de vivre dans le même cadre qu’Étienne, et si quelqu'un y trouve sa place, il ne sera que mieux balayer dans le raccord qui suit. Deux exemples : la scène de la rencontre entre Étienne et sa colocataire, une discussion bénigne, la spontanéité de Valentina qui se heurte à l'introversion d’Étienne, aucune relation ne semble avoir le temps de se créer qu'on passe brutalement à la scène suivante, gros plan sur le visage perdu d’Étienne qui ne semble pas vouloir se rabaisser au groupe, tout le long de la soirée, les personnages seront filmés dans son contre-champ, en position d'infériorité. Deuxième exemple, la rencontre avec Solène, tout aussi expéditive, la scène se coupe et en un raccord Solène est déjà en train de jouir, aucune place pour la vie, tout n'existe que sous le prisme étriqué de son protagoniste. De plus, j'ai rarement vu un personnage aussi humilié que celui de William, j'étais très mal à l'aise, d'autant plus qu'il témoigne d'un mépris de son auteur – et d'une frustration -, pour toute culture jugée non-noble, le cinéma de genre est balayé pendant que Civeyrac accumule de façon ostentatoire les références dites respectables. J'étais à deux doigts de quitter la salle, mais à un moment quelque chose se passe, une soudaine ouverture, et je comprends alors la portée initiatique du film voire l'auto-critique qu'il propose, qui remet donc en cause tout le début du film. Je ne sais situer ce moment, mais il trouve son point culminant lors du baiser entre Étienne et Valentina, où au lieu de réitérer son champ-contre champ, Civeryac laisse s'approcher les deux visages, lie les personnages, donne à Étienne à voir autrement que par son petit-soi. Il y a de très belles choses suite à ça, très touchantes, la vie semble peu à peu prendre sa place dans le film, il n'y a plus ce rapport conflictuel, ce repli ; jusqu'au plan final très symbolique où Étienne parvient enfin à prendre sa vie dans son ensemble, à prendre –littéralement – le cadre dans son entièreté, et se heurte à son propre vide. J'aurais aimé plus d'humilité, l'abandon de cette posture agaçante, un récit plus resserré qui aurait permis au film de se laisser aller à toutes les émotions qu'il effleure.
Seule sur la plage la nuit (2017)
Bamui haebyun-eoseo honja
1 h 41 min. Sortie : 10 janvier 2018 (France). Drame
Film de Hong Sang-Soo
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Les plus belles scènes du film sont probablement celles où Kim Min-Hee est seule, que ce soit à l'écran ou avec elle même. Lors d'une prière sur un pont, une chanson, une séance de cinéma, un rêve sur la plage, et surtout lorsque de sa solitude naît un conflit, à ce titre la scène où Kim Min-hee hurle à ses amis qu'ils ne sont pas qualifiés pour l'amour est peut-être la plus touchante du film (voire de son cinéma, du moins de ce que j'en connais). C'est qu'une mélancolie émane de ces scènes, que HSS arrive à être juste, à toucher à quelque chose d'intime, là où dans le reste du film le jeu sur les codes son cinéma et les renvois à sa vie privée (déjà présents dans son précédent film) ont tendance à m'agacer, j'aimerais y voir transparaître sa sensibilité mais je ne peux m'empêcher d'y voir quelque chose peut-être trop théorique qui épuise l'émotion du film. Peut-être un de ses films les plus réussis tout de même, mais je vois toujours un HSS avec la sensation de vouloir aimer son cinéma plus que je ne l'aime vraiment.
Une affaire de famille (2018)
Manbiki Kazoku
2 h 01 min. Sortie : 12 décembre 2018 (France). Drame
Film de Hirokazu Kore-eda
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Il y a des choses extrêmement belles, je pense notamment à ces scènes où Kore-Eda s'approche au plus près de seulement deux personnages et où bien souvent la tristesse du passé ou du quotidien refait surface - là où j'accroche plus difficilement aux scènes de groupe, où les liens et l'empathie entre les personnages se fait à mon sens moins tangible - . Il y a deux choses qui transparaissent lors de ces scènes : la solitude profonde des personnages et la nécessité de l'autre ; c'est très beau, car dans ces scènes seul le besoin, la beauté de l'instant compte, tout le reste est oublié, ce sont des moments presque figés dans le temps sans lesquelles la vie n'est plus possible, et ce peu importe la douleur qu'ils peuvent porter. Je n'aime pas trop la structure du film par contre, la fin presque roublarde qui nous est assené et qui rompt avec la douce mélancolie et la subtilité du reste du film. Un petit Kore-Eda peut-être, mais en ces temps, je prends bien volontiers.
Les Indestructibles 2 (2018)
Incredibles 2
1 h 58 min. Sortie : 4 juillet 2018 (France). Animation, Action, Aventure
Long-métrage d'animation de Brad Bird
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
Il faut quand même relevé l'efficacité du film, de son rythme à l'élégance formelle, tout est action, et chaque plan à son rôle dramaturgique, comique ou de caractérisation. C'est un très bon blockbuster indéniablement, divertissant, attachant, aux thèmes simples (voire simpliste) et universels mais problème pour moi, ce côte effréné, « efficace » retire chez moi toute assise dramaturgique, tout va trop vite pour que je me sente vraiment impliqué. C'est très bon, oui, mais pas pour moi.
Miraï, ma petite soeur (2018)
Mirai no Mirai
1 h 38 min. Sortie : 26 décembre 2018 (France). Animation, Drame, Fantastique
Long-métrage d'animation de Mamoru Hosoda
Alifib a mis 5/10.
Fausto (2018)
1 h 10 min. Sortie : 9 août 2018 (Canada).
Documentaire de Andrea Bussmann
Alifib a mis 6/10.
Call Me by Your Name (2018)
2 h 11 min. Sortie : 28 février 2018 (France). Drame, Romance
Film de Luca Guadagnino
Alifib a mis 5/10.
Annotation :
Comme la sensation que le film aurait pu être grand si il y avait eu un grand metteur en scène derrière. Guadagnino ne parvient pas à donner vie à ce qu'il filme, je salue sa pudeur, le refus de la stylisation, les non-dits, mais tout s'arrête là, jamais le premier désir esquissé ne parvient à devenir chair, même les scènes où les corps entrent en contact s'évanouissent à cause d'une trop grande timidité, comme si elles n'étaient pas assumées et qu'il fallait les couper avant qu'elles prennent vie. C'est peut-être ça aussi le problème, toutes les scènes son coupées au moment où ce qu'elles dessinent devrait apparaître clairement, au moindre geste ou regard tout est abandonné. Reste que par intermittences le film a ses fulgurances, le premier contact, les scènes avec Marzia (C'est d'ailleurs Chalamet et Garrel que l'alchimie se fait la plus prégnante), et quelques moments suspendus dans la dernière demi-heure. Il y a peut-être aussi un côté trop bourgeois qui fait que je suis un peu éloigné du film, mais quoi qu'il en soit, je reste frustré de ne pas avoir eu tout ce que le film promet à quelques rares moments.
Le Poirier sauvage (2018)
Ahlat Agaci
3 h 08 min. Sortie : 8 août 2018 (France). Drame
Film de Nuri Bilge Ceylan
Alifib a mis 7/10.
Annotation :
C'est comme si Ceylan loupait son sujet, tout le film est une succession de discussions et de rencontres plus ou moins passionnantes qui à chaque fois aboutissent à un « moment » pour Sinan, où il se confrontera à lui même, où les choses nichées au plus profond de son être se révéleront ; il se drapera dans la haine et le ressentiment tout le long, avant l'acceptation finale. Le problème c'est que Ceylan n'arrive pas à filmer, à capter ces moments malgré toute la solennité qu'il essaye de leur insuffler de façon maladroite. Vent, bruissement de feuilles, recueillement qui résonnent comme des manifestations d'une révélation d'ordre spirituelle mais qui jamais ne prennent corps, matière dans l'image ; on est loin de Tarkovski qu'il semble parfois évoquer dans son oeuvre (Et de façon très explicite dans Uzak). De ces « moments », il ne reste que l'antipathie, sans la substance même que sont censés former ces longues scènes.
Je reconnais avoir été un peu pris par le film dans la dernière heure, à partir de la discussion avec l'imam. Une discussion qui semble tout droit sortie d'un roman russe, et en même temps que la longue discussion passait et me passionnait, je me suis rendu compte que je me moquais de ce qui était montré à l'écran, que c'était d'ailleurs très mal filmé, et j'en venais presque à me demander la pertinence de ce genre de discussion au cinéma (Heureusement, je me suis souvenu d'Andreï Roublev...). Ça me frustre, bien que le film m'ait un peu touché dans sa dernière partie, je ne peux m'empêcher d'être frustré par ce qui aurait pu être un grand film si il avait été fait par un grand cinéaste.
Madame Hyde (2018)
1 h 35 min. Sortie : 28 mars 2018. Comédie, Fantastique
Film de Serge Bozon
Alifib a mis 5/10.
Annotation :
J'ai cru comprendre que Bozon détestait le cinéma naturaliste, ça se voit, et c'est ce qui me pose le plus problème avec le film. Bozon semble vouloir créer le décalage, le fantastique mais au delà de ça il semble surtout construire son film autour d'un dispositif, un concept, une idée (la transmission) ça donne quelque chose d'assez théorique, d'assez distant, calculé qui laisse peu de place à l'émotion, à l'authenticité. En soit ça ne me déplait pas, mais le problème c'est qu'il ancre ça dans un contexte social, politique qu'il ne connait visiblement pas et auquel il se refuse toute envie de véracité et de naturalisme, ça participe certes à ce décalage, mais ça crée surtout un propos infertile.
Sauvage (2018)
1 h 39 min. Sortie : 29 août 2018. Drame
Film de Camille Vidal-Naquet
Alifib a mis 5/10.
Annotation :
Un peu agacé par la tendance d'un certain cinéma naturaliste à empiler les scènes crus pour interpeller, marquer, à défaut de réussir à atteindre une quelconque justesse.
Manta Ray (2018)
Kraben Rahu
1 h 45 min. Sortie : 24 juillet 2019 (France). Drame, Romance
Film de Phuttiphong Aroonpheng
Alifib a mis 5/10.
Burning (2018)
Beoning
2 h 28 min. Sortie : 29 août 2018 (France). Drame, Thriller, Film noir
Film de Lee Chang-Dong
Alifib a mis 6/10.
Annotation :
C'est frustrant de voir Lee Chang-Dong abandonner tout ce qui pouvait faire l'intérêt, la beauté du film au profit d'un thriller lancinant, aux fatigants penchants esthétisants , aux contours artificiels et au suspens un brin roublard. C'est à dire qu'en soit il est aisé de rationaliser cette histoire qui s'efforce de créer des zones d'ombres pour tenter maladroitement d'ouvrir des portes sur d'autres sujets, le problème c'est cet acharnement constant à vouloir à tout prix tromper le spectateur en déployant lourdement dans sa dernière partie des choses brièvement évoquées au détour d'un plan ou d'une discussion, dans le seul but d'essayer de rendre incohérente ou du moins improbable chacune des interprétations (mon interprétation "rationnel" en souffre aussi, mais elle semble être la plus en accord avec ce que le film tente de dire). Mais surtout, Lee Chang-Dong, comme beaucoup de ses compatriotes cinéastes, est un roublard, il dissémine des petits éléments sociaux, politiques et économiques de façon superficielle, et espère que les errements et les flottements qu'il filme leur donneront une épaisseur, bref comptons sur le spectateur pour projeter mille et une chose sur du vide et soyons trouble à défaut de pouvoir être profond.
Jusqu'à la garde (2018)
1 h 33 min. Sortie : 7 février 2018. Drame
Film de Xavier Legrand
Alifib a mis 4/10.
Annotation :
Il me semble que beaucoup rapproche ce film d'un Haneke ou d'un Ostlund, je ne souscris pas totalement à la comparaison car je n'ai pas senti chez Legrand cette façon de juger, d'enfermer les personnages. Il y a certes une vision assez froide et clinique mais j'ai tout de même perçu une certaine empathie à l'égard de la mère et du fils. Là où le film me pose un peu plus problème par contre – et où le rapprochement avec les deux cinéastes fait sens -, c'est dans sa mécanique générale, implacable, programmatique, pour mieux nous asséner des coups jusqu'au final. Legrand joue assez malhonnêtement avec le père pour que ça fonctionne, en faisant le yo-yo entre empathie et répulsion, et en jouant en permanence la corde de la tension en dépit de la justesse de l'ensemble qui hésite constamment entre social et thriller. Malgré ça, j'ai quand même senti une certaine humanité derrière qui fait que par intermittence, le film fonctionne.
Alive in France (2018)
1 h 19 min. Sortie : 15 août 2018. Musique
Documentaire de Abel Ferrara
Alifib a mis 4/10.
Annotation :
Il y a bien quelque chose dans les captations de concert qui parsème le film, l'innocent bonheur et la sincérité de ce piètre groupe - avouons le -, la bienveillance envers un public pas toujours respectueux, les danses de Christina Ferrara (quand même !), et quelques rares élans formaliste mais globalement ça ne me convainc pas tant que ça. Disons que tout me parait un peu brouillon, part un peu dans tous les sens sans réelle intention, enfin bref, j'ai eu du mal à voir la pertinence et la volonté qu'avait Ferrara en faisant ce film et ça m'a pas mal ennuyé.
(Cela-dit ça valait le coup pour la présentation d'Abel Ferrara, qui même si elle ne m'a pas aidé pour le film, m'a rendu le personnage éminemment sympathique)
3 Billboards - Les Panneaux de la vengeance (2017)
Three Billboards Outside Ebbing, Missouri
1 h 56 min. Sortie : 17 janvier 2018 (France). Comédie, Policier, Drame
Film de Martin McDonagh
Alifib a mis 3/10.
Annotation :
Martin McDonagh est un petit malin, il tente de jouer habilement de jouer avec le drame et la comédie, de faire dialoguer les deux registres dans la même scène voire le même plan mais tout ceci me parait bien vain. Disons qu'on le sent réciter sa formule inlassablement à longueur de scène dans le seul but d'impressionner, de choquer, d'essayer de toucher quelque chose de viscéral en nous ; seulement ça s'émousse assez vite, pire ça devient parfois extrêmement gênant quand il se laisse aller à son délire dans des scènes assez déplacées qui trouvent difficilement leur place dans l'ensemble (je pense au fameux plan-séquence...). Aussi divertissant que superficiel pour résumé brièvement, avec le recul la seule chose qui me plait réellement - en dehors des acteurs - c'est que je n'ai jamais senti de mépris pour les personnages, il leur donne tous une chance, même aux plus pathétiques d'entre eux.
Silent Voice (2016)
Koe no Katachi
2 h 09 min. Sortie : 22 août 2018 (France). Animation, Drame, Romance
Long-métrage d'animation de Naoko Yamada
Alifib a mis 4/10.
Annotation :
C'est assez agaçant de voir que tout ce que le film évoque avec plus ou moins d'intelligence, se vautre dans les pires penchants mélodramatiques japonais, et se noie sous le déluge d'une musique agaçante répété ad nauseam tout du long. Et puis, il est m'est assez difficile de m'attacher à un film qui a pour figure principale un personnage aussi niais que Nishimiya, caricature du personnage « kawaii » de ce genre de production, qui irrite plus qu'il ne touche.
BlacKkKlansman - J'ai infiltré le Ku Klux Klan (2018)
BlacKkKlansman
2 h 16 min. Sortie : 22 août 2018 (France). Comédie, Policier, Biopic
Film de Spike Lee
Alifib a mis 3/10.
Annotation :
Je me sens bien mal à l'idée de critiquer le didactisme et la lourdeur du propos politique du film, il émane d'une urgence et d'une rage, et la nécessité, le besoin pour Spike Lee de réagir peut justifier un matraquage, ou du moins celui-ci peut se comprendre. Le problème, c'est qu'à trop vouloir mettre des gifles et hurler sa colère, Spike Lee en oublie peut-être d'essayer de faire bouger de ligne, de construire quelque chose à la fois politiquement et cinématographiquement. On exècre le klan tout du long, on ne reste pas insensible aux images d'archives concluant le film, on est écœuré, oui mais même si c'est important, à trop vouloir interpeller émotionnellement, il oublie de construire quelque chose derrière pour que tout soit durable, ou puisse du moins éveiller les consciences (ce qu'il semble vouloir faire), ces gueulantes et moqueries ne sont là que pour prêcher des convaincus. La faute peut-être, à un récit un peu hésitant, une fiction un peu molle qui peine à intéresser et qui donne bien trop souvent lieu à de la simple dérision ; Spike Lee veut jouer sur tous les plans et se perd donc un peu dans tout ce qu'il entreprend. On se serait également peut-être passé du règlement de compte peu malin avec Naissance d'une Nation.
Les Frères Sisters (2018)
The Sisters Brothers
2 h 02 min. Sortie : 19 septembre 2018. Western, Drame, Policier
Film de Jacques Audiard
Alifib a mis 3/10.
Annotation :
Je suis bien embêté, j'ai à ce point été en dehors du film, il s'est tellement déroulé sans moi que je suis incapable d'articuler quoi que ce soit à son propos, et trois jours après je n'en garde presque aucun souvenir.