Le palais d'images — 2022
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créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a 8 joursLa Mort suspendue (2004)
Touching the Void
1 h 46 min. Sortie : 11 février 2004 (France). Aventure, Drame, Sport
Documentaire de Kevin Macdonald
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
On commence cette nouvelle année cinématographique avec un film d'alpinisme, pas que j'aime vraiment ce genre mais l'histoire m'intriguait beaucoup dans ce que j'avais lu hier. Escaladant de dangereux monts enneigés du Pérou, deux alpinistes casse-cou se retrouvent en mauvaise posture. L'un deux, Joe, finit la jambe cassée, suspendu dans le vide par une corde attachée à son acolyte, Simon. Au vu de la situation, c'est l'équivalent d'une condamnation à mort. Simon, après avoir cherché en vain un moyen de le secourir, finit par se résigner et coupe la corde pour ne pas mourir avec Joe. Celui-ci tombe d'environ 45 mètres dans une crevasse, et Simon rentre au campement, de bonne foi persuadé que l'autre est mort.
Sauf que non seulement Joe ne l'est pas, mais il va en plus réussir à s'extirper de la crevasse et retourner au camp rampant en quelques jours, en dehors de toute probabilité de survie. Tout le film est une reconstitution de ce drame et de la prouesse qui a suivi, entrecoupée des témoignages des deux alpinistes et de celui qui est resté à la base. Des faits montrés de manière souvent très terre-à-terre, au point que la musique épique qui s'élève parfois parait inconvenante. Si l'anecdote de la chanson de Boney M. qui résonnait dans la tête du rescapé aux portes de la mort est aussi incongrue qu'amusante, je suis moins fan de l'effet de mise en scène trop tape-à-l’œil qui est exposé en même temps pour montrer le délire.
Le sujet de l'homme qui doit se dépasser pour sa survie est digne d'un documentaire de Werner Herzog, même si en moins bien. Plus que le rappel de 'Gasherbrum', c'est celui de 'Petit Dieter doit voler' et des 'Ailes de l'espoir' qui résonne, avec ces hommes et ces femmes qui avaient toutes les chances de mourir mais qui ont miraculeusement échappé à leur sort. Mais 'La Mort suspendue' amène une autre dimension : celle de la culpabilité. Simon le dit de nombreuses fois : il n'a cessé d'éprouver des remords quant à son geste d'abandon, qui aurait eu toutes les chances de se transformer en geste d'exécution. Joe l'a pourtant toujours défendu. Forcément on en vient à se demander ce qu'on ferait dans la même situation. Mais l'ironie est que si Simon était resté accroché à Joe, les deux seraient morts, de manière encore plus certaine que l'abandon de Joe aurait dû le mener à la mort. C'est cet acte de résilience qui a offert la ridicule petite chance à Joe de s'en sortir comme son ami.
Choeur de Tokyo (1931)
Tôkyô no kôrasu
1 h 30 min. Sortie : 15 août 1931 (Japon). Drame, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Dans l'incomplet 'J'ai été diplômé, mais...', dans 'Le Fils unique' ou encore dans ce 'Chœur de Tokyo', on peut constater à quel point il importait pour Ozu de montrer, déjà sans misérabilisme à l'époque, ou du moins pas trop forcé, la vie de différents types de familles devant s'adapter face aux difficultés financières impitoyables du monde nippon. Dans cette histoire, un homme se fait licencier pour avoir défendu un de ses collègues. Il doit essayer d'assumer le regard de sa femme et de ses enfants comme une violence sociale.
Alors que le film commence avec le temps insouciant de l'enfance, la vie se révèle être bien plus difficile à l'âge des responsabilités. Ozu rend superbe chaque regard, qu'il soit coupable ou joyeux, au point qu'on pourrait comprendre chaque situation sans comprendre ce que les personnages se disent. Cette mise en scène tendre et belle, jamais pathétique malgré la désespérance qui pointe parfois, a ses pics d'émotion, comme le passage où le père administre une correction physique au fils qui se plaint d'avoir reçu une trotinette plutôt qu'un vélo. Sa culpabilité le pousse peu après à retourner en magasin. La pauvreté n'a pas encore mis à terre la famille qui peut faire des choix, y compris quand la fille tombe malade et qu'Okajima vend les vêtements pour la guérir. La compréhension mutuelle, et peu verbale, entre lui et sa femme fait toute la beauté de ces scènes où il agit avec la conscience du prix à payer. Les enfants, encore innocents, se contentent quant à eux de jouer et désirer.
Tokihiko Okada est merveilleux dans son rôle de père trop fier. Dans cette histoire où chacun transmet ses émotions par la force simple du visage c'est lui qui mène la danse.
Une auberge à Tokyo (1935)
Tôkyô no yado
1 h 20 min. Sortie : 21 novembre 1935 (France). Drame, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Plus qu'ailleurs, Ozu montre avec 'Une auberge à Tokyo' qu'il prévoit ce que sera le néoréalisme italien. Il explique par le mélodrame la situation socio-économique d'un pays en crise. Les similitudes scénaristiques avec 'Le Voleur de bicyclette' sont remarquables : un père qui a connu le travail indigne poussé à voler en réaction de désespoir face à la misère. Pourtant, le vol en lui-même sera quasiment éludé. Presque seule reste la dernière barrière morale qui tombe alors que Kihachi erre dans la ville nocturne sous les feux d'artifices. Avant ça, jamais la dignité n'aura été enlevée par Ozu lui-même aux personnages pourtant bien pauvres. La vie, tournant autour des auberges comme oasis de fortune, est décrite avec la même justesse que dans 'Chœur de Tokyo' et ces autres films qu'il réalise de longues années avant de faire varier ses histoires autour d'un autre thème, celui de la famille plus précisément.
Jamais les paysages n'ont paru aussi mornes et répétitifs chez le réalisateur, quand on n'est pas dans l'auberge terrains déserts et villes se succèdent sans éclats, révélant sans appuyer trop la morne vie des prolétaires japonais lors de ces années 30 très sévères pour le pays, et la difficulté pour les protagonistes de survivre là où rien ne les attend.
Perceval le Gallois (1978)
2 h 20 min. Sortie : 7 février 1979 (France). Drame, Historique
Film de Éric Rohmer
Azguiaro a mis 4/10.
Annotation :
Premier Rohmer de l'année, et pas le dernier, je pense. Celui-ci se distingue dans la filmographie de l'auteur par l'artificialité des décors peints, de l'aspect presque enfantin de la forme. Le texte inachevé de Chrétien de Troyes sur le chevalier Perceval est fidèlement restitué, certaines parties sont chantées comme à l'époque des chansons de geste, retranscrivant étonnament l'ambiance médiévale comme rarement on l'a fait au cinéma, il faut bien le reconnaître. La gestion plus ou moins théâtrale du dispositif scénique ne m'a pas dérangée en soi, contrairement à ce que je craignais. Elle permet de toucher à l'essentiel, c'est-à-dire au verbe.
Au-delà des passages hermétiques, c'est surtout le fait que le concept ne tienne pas la durée - 2h20 de ça c'est pas rien ! - et qu'il y a donc de grosses pertes de rythme. que je considère ce film comme assez raté. Cela fait même ressortir le kitsch de l'ensemble, alors qu'au début on arrive à s'immiscer dans la fausseté et à en tirer quelque chose de vrai, au moins un peu...
Où sont les rêves de jeunesse ? (1932)
Seishun no yume ima izuko
1 h 32 min. Sortie : 13 octobre 1932 (Japon). Comédie dramatique, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Du coup en ce début d'année je vais continuer à explorer la filmographie de l'un des plus grands réalisateurs japonais, au moins le maximum de ce que je n'ai pas encore vu. En 1932, Ozu est encore dans le muet malgré l'apparition du parlant environ un an plus tôt au Japon, et ne se décidera à en sortir que 4 ans plus tard avec 'Le Fils unique'. 'Où sont les rêves de jeunesse ?' montre comment quatre amis d'enfance entrent en conflit une fois adultes à cause d'une femme. La première partie du film montre ce qui sera perdu par la suite jusqu'à la fin, à savoir la joie, l'insouciance et la camaraderie. La deuxième partie fait état de l'âge adulte et de ses obligations professionnelles (thème omniprésent à cette période de la filmographie d'Ozu). L'homme devenu patron accepte d'embaucher ses trois amis, ce qui modifie leur comportement vis-à-vis de lui. Si la fin est plutôt heureuse, les illusions de jeunesse ont bien été malmenées. Même une amitié aussi forte n'est pas inébranlable.
Femme de Tokyo (1933)
Tokyo no onna
47 min. Sortie : 9 février 1933 (Japon). Drame, Muet
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
La durée plutôt courte de 50 minutes semble idéale pour cette petite histoire cruelle comme un conte, se rapprochant beaucoup de Mizoguchi et ses films sur des femmes qui consentent des sacrifices que les hommes sont incapables de voir. Mais le tout dans une forme déjà très ozulienne, où avant tout on contemple l'état des choses par des plans où l'immobilité règne (déjà apparaît une de ces fameuses théières). Chaque regard est incroyablement intense, chaque cadre est travaillé avec un talent qui préfigurera tous les grands films qui suivront, déjà le temps est déroulé avec délicatesse, et le rythme est excellent.
L'ingratitude des hommes est donc mise en avant, avec ce frère qui fait de la prostitution une affaire d'honneur personnel bafoué et se suicide par conséquent. Les dernières paroles de Chikako sont délicieusement violentes, presque libératrices : Ryoichi est mort pour rien, elle n'a pas à le plaindre entièrement. Les autres hommes du film sont tout autant méprisables : ces journalistes qui ne cherchent que le scoop, et dont le côté charognard est exagéré pour bien se voir dans les visages.
Hommage appuyé d'Ozu à Lubitsch, son réalisateur préféré, dans cet extrait du film collectif 'Si j'avais un million', précisément le segment du réalisateur étasunien.
La Danse du lion (1936)
Kagamijishi
24 min. Sortie : 29 juin 1936 (Japon).
Court-métrage documentaire de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
Un documentaire de commande sur le kabuki, jamais projeté en salles en raison de reproches sur la manière de représenter d'Ozu. On voit les préparatifs et on écoute les explications, puis on regarde le spectacle. Pas désagréable mais très anecdotique dans l’œuvre du cinéaste.
Histoire d'herbes flottantes (1934)
Ukikusa Monogatari
1 h 26 min. Sortie : 23 novembre 1934 (Japon). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
Je ne saurais pas expliquer clairement ce qui m'a passablement ennuyée durant 'Histoire d'herbes flottantes', ma première vraie déception du cinéma d'Ozu. Il y a quelque chose de trop désincarné dans cette histoire de troupe théâtrale qui se désagrège progressivement alors qu'un problème familial doit finir de se régler. Peut-être parce que trop de personnages manquent de présence et d'âme ? Ou alors c'est le film qui traîne en délivrant trop peu de cette émotion esthétique de l'état impermanent habituelle chez le réalisateur ? Ou alors c'est juste moi qui n'aime pas quand un groupe soudé se décompose ? En tout cas c'est difficile à apprécier.
Reste que Takeshi Sakamoto se démarque malgré tout du lot avec son regard pénétrant qui transmet tant, et que les dernières minutes sont tout de même belles, mélancoliques et en même temps pleines d'espoir.
Récit d'un propriétaire (1947)
Nagaya shinshiroku
1 h 12 min. Sortie : 8 juillet 1992 (France). Comédie dramatique
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Ozu revient après cinq ans et offre un film d'une élégance et d'une force émotionnelle impressionnantes. Comme si le contexte le poussait à faire état d'une communauté plus que seulement deux personnages principaux que sont cet enfant égaré et cette vieille dame qui doivent s'apprivoiser, 'Récit d'un propriétaire' (sacrée erreur de traduction française au passage) divague délicieusement parfois et lorgne du côté d'autres citadins, proposant à chaque scène une fraîcheur qui ne disparaît jamais. Le réalisateur saute de la joie à la tristesse et de la tristesse à la joie comme un enfant sur une marelle, chaque personnage à son importance, même moindre, dans ce récit d'à peine 1h20 où on ne s'ennuie jamais. Même la séparation, bien que touchante, n'a pas vraiment de lourdeur, et la vieille femme fond en larmes de joie et comprend l'importance de la solidarité et du bien commun, encore un signe de l'époque où il fallait reconstruire toute la société comme le gamin doit construire sa vie.
Il était un père (1942)
Chichi ariki
1 h 26 min. Sortie : 29 juin 2005 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Un film où Ozu développe un thème qui deviendra très important chez lui quelques années plus tard, à savoir la séparation entre les parents et leurs enfants. Un père, se sentant responsable de la noyade d'un de ses élèves, retourne dans sa région natale et emmène son fils avec lui, avant de s'en séparer faute d'argent et de le placer dans un internat, après une semaine inoubliable pour le garçon. Ils se retrouveront à plusieurs moments de leur vie, avant que le père meurt.
Curieusement, ce film est peut-être pourtant l'un des moins Ozu parmi les Ozu. Il est coincé entre la première partie dramatique et néoréaliste de sa filmographie et celle la plus dénuée d'action, position bâtarde qui amène un étrange sentiment d'inachevé, malgré la beauté certaine de scènes comme celles de pêche où toute la philosophie du quotidien et du temps qui passe et nous emporte se fait sentir. Après la guerre, le réalisateur ne cessera de dépouiller sa mise en scène pour pouvoir toucher à l'essentiel des choses ; ici il se cherche encore et ne peut s'empêcher de laisser traîner un peu de mièvrerie qui ne lui ressemble pas. Heureusement, la paix de l'ensemble et l'observation du monde déjà sans jugement rend le film très sympathique, et parfois touchant.
Été précoce (1951)
Bakushu
2 h 04 min. Sortie : 9 février 1994 (France). Drame
Film de Yasujirō Ozu
Azguiaro a mis 10/10.
Annotation :
Pour 'Été précoce', le cinéaste ne s'est pas encore décidé à mettre de la couleur dans ses images, recommençant à faire ses anciens drames familiaux et à préciser ainsi un thème phare de son œuvre : l'impermanence dans la permanence, et inversement. Un sommet de l'art cinématographique japonais qui se réalise dès ce film proprement bouleversant et dont la mélancolique sous-jacente ne prend jamais le pas sur le bonheur ambiant, la vie commune et ses petits riens qui sont tout. Une femme en âge de se marier ne se sent pas apte à la vie de couple, malgré sa famille qui essaie de la pousser tant bien que mal sur cette voie. Voici le pitch qu'on on a déjà vu dans 'Printemps tardif', puis qu'on retrouvera dans 'Le Goût du saké' en qu'histoire testamentaire du réalisateur, constat qu'il faut accepter le passage du temps.
Ozu n'a jamais été aussi en forme dans sa mise en scène, très épurée mais qui dissémine des trésors de construction et de montage. Plusieurs faux raccords amènent une subtilité incroyable dans le développement, par exemple lors de ce plan de Noriko et son amie se déplaçant sur la pointe des pieds dans un restaurant pour aller espionner un prétendant, qui débouche sur un plan dans le couloir de la maison familiale, à des lieux plus loin. Délicat et discret message de pudeur, d'amusement et aussi un peu d'amertume quant au fractionnement de la famille qu'entraînerait une rencontre amoureuse.
Mais l'histoire prend son temps et finalement s'efface longtemps. L'acceptation du mariage par Noriko arrive aux trois quarts du film. Avant il était surtout question d'observer avec tendresse et joie les relations humaines dans une communauté. Quand une dernière photo de famille, souvenir de ce noyau sur le point de se fractionner, arrive à mettre les larmes aux yeux avec une délicatesse hors du commun, on sait qu'on a affaire à un chef-d’œuvre inoubliable.
Le Silence de la mer (1949)
1 h 27 min. Sortie : 22 avril 1949 (France). Drame, Guerre, Romance
Film de Jean-Pierre Melville
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
L'un des films précurseurs de la Nouvelle Vague, expliquant déjà l'intérêt des auteurs du courant pour Melville. Le premier film du réalisateur suit très bien le texte duquel il est tiré et s'applique à transmettre le même message qui dit que rien de réellement bon ne peut sortir de l'entreprise de la guerre, et ce malgré l'idéalisme de certains de ses membres. Si 'Le Silence de la mer' montre d'abord l'entêtement d'un vieil homme et de sa nièce à rester mutiques face à un officier allemand pourtant ouvert et sans intention belliqueuse, il va pourtant progressivement mettre en lumière la naïveté de ce dernier qui ne peut s'empêcher de voir un rapprochement entre les peuples dans ce qui n'est qu'une politique de conquête.
Huis-clos d'ombres noires d'encre et de lumière blanche, où toute la communication ne se fait pas tant par les monologues du soldat que par les quelques regards et focalisations sur des signaux corporels, en particulier entre Werner et la nièce. Une relation singulière à double niveau de lecture : certes il y a l'idée de sentiments amoureux développés, mais très évasive ; mais surtout il y a la métaphore de la France à travers le seul personnage féminin que l'Allemand cherche vainement à séduire. Lorsqu'il revient de Paris chargé de désillusions, il n'arrive pas à la regarder en face, dans cette scène de faux-raccords où entre deux plans de plus en plus rapprochés du visage de la nièce il y a celui de l'officier qui se cache les yeux.
Et vogue le navire... (1983)
E la nave va
2 h 02 min. Sortie : 4 janvier 1984 (France). Comédie dramatique
Film de Federico Fellini
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
C'est en 1979 que Nino Rota, l'un des grands compositeurs ayant travaillé pour le cinéma et surtout le cinéma de Fellini, finit par décéder, laissant derrière lui l'une des œuvres les plus puissantes de la musique pour l'image animée. À partir de là, il ne faudra pas attendre cinq ans pour que le réalisateur italien sorte un film basé sur le quatrième art. Peut-être est-ce un hommage discret à celui qui a tant donné pour l'âme de sa filmographie ?
En tout cas, la croisière symphonique, qui réunit artistes, politiciens et autres personnalités importantes en pleine mer pour la dispersion d'une diva adulée à la veille de la Première Guerre mondiale, contient des merveilles de moments touchants, drôles ou mélancoliques, de cette mélancolie si fellinienne qui n'a aucun équivalent dans le reste du Cinéma. La première partie suit le quotidien des premiers jours des invités, et la seconde raconte l'arrivée de migrants serbes qui troublent les festivités. Les bourgeois restant des bourgeois, presque tous rejettent les réfugiés politiques avant que leur danse populaire ne les rendent plus sympathiques à leur yeux, message de Fellini qui voit en l'art le pouvoir de rapprocher les peuples. Une vision naïve mais sans illusions sur ce que sont les plus riches, prouesse sachant qu'on embrasse leur point de vue durant tout le long-métrage.
Voyage jusqu'au bout de la nuit car le paquebot plein d'histoires finit par couler, jusqu'à l'aurore puisque le navire militaire aussi sombre face à un simple geste de révolte, un jeune Serbe prêt à être livré avec les siens qui lance une ridicule bombe artisanale, et enraille la machine de la guerre.
La présence quasiment surréaliste de l'hippopotame sonne comme un rappel de la fantaisie du cinéaste, alors que l'histoire s'assombrit progressivement. Fantaisie si légère qu'à la fin l'animal tient sur le canot de sauvetage sans le faire couler. La découverte de ce genre de traits d'humour me manquera une fois que j'aurai tout vu de l’œuvre immense à laquelle appartient ce film.
Quand tu liras cette lettre... (1953)
1 h 44 min. Sortie : 26 juillet 1953 (France). Drame
Film de Jean-Pierre Melville
Azguiaro a mis 3/10.
Annotation :
La seule commande dans la filmographie de Melville, et pour ainsi dire un beau ratage malgré les intentions. On peut adhérer ou non à cette idée moraliste d'une force de la destinée qui punit Max, le personnage détestable par excellence, tueur, violeur, voleur et encore manipulateur, et qui récompense Denise, l'incarnation de la pureté, de l'innocence, et, on peut le dire, de la naïveté. Moi je n'ai pas adhéré. En tout cas, le reste est franchement mauvais. Mélodrame bavard, sans les subtilités auxquelles Melville nous habituera par la suite, temporellement saboté, jusqu'à ces quelques gros plans trop longs sur ces lettres qui donnent leur nom au titre, tellement anti-cinématographiques qu'ils cassent le rythme des scènes. À côté de tout ça, on sent que Juliette Gréco fait de son mieux pour avoir une forte présence dans son rôle de nonne sur le retour (puis sur le nouveau départ), ferme dans sa bonté.
Deux hommes dans Manhattan (1959)
1 h 24 min. Sortie : 16 octobre 1959 (France). Policier, Drame, Thriller
Film de Jean-Pierre Melville
Azguiaro a mis 4/10.
Annotation :
Melville veut jouer chez les yankees. J'avoue que j'aime quand même un peu ce film parce qu'il est le seul de sa filmographie où on a droit à une performance du réalisateur en personne, et surprenamment très agréable. Le ton de ce cher Jean-Pierre, calme, suave, avec un timbre qui lui est propre, donne un cachet assez unique dans le domaine des protagonistes de films noirs. Parfois tout de même un peu trop posé, il change à lui seul l'air ambiant.
Ce n'est cependant pas encore ça dans la mise en scène, n'en déplaise à ses tentatives. Le côté jazzy et nuit urbaine façon 'Ascenseur pour l'échafaud' est craché avec un saxophone bien criard dès les premières secondes. Cette atmosphère ne permet pas de compenser totalement une histoire molle dans ses intentions et qu'on pourrait résumer en enlevant bien 20 minutes. Mais du coup j'avoue avoir quand même un petit faible pour ce film maladroit et plus modeste qu'il n'y paraîtrait, qui provoque malgré tout de la sympathie, due à l'absence de ressentiments de toutes sortes qu'il occasionne... peut-être consciemment ?
Ali au pays des merveilles (1975)
1 h 01 min. Sortie : 1975 (France). Société
Documentaire de Djouhra Abouda et Alain Bonnamy
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Film d'avant-garde sur le racisme envers les Algériens en France dans les années 70, entre haine, indifférence et exploitation économique, largement oublié jusqu'à il y a quelques petites années où il a bénéficié d'un petit souffle chez certaines niches marxistes et antiracistes. Sur des images de travailleurs algériens et autres immigrés de ce pays errant dans la rue jusqu'à la nuit, sont superposées musiques maghrébines, et voix d'Algériens parlant leur condition à peine française. Évidemment militant, le film ne laisse pas d'illusions sur les réponses. Le mépris raciste envers les Nord-Africains ne date pas d'hier, et on le ressent dans ces critiques qui viennent du fond des cœurs. Mais ce qui est le plus passionnant dans 'Ali au pays des merveilles' est le laisser-aller expérimental de plus en plus présent, avec des jeux de montage qui ont cet effet d'imprimer les images dans la rétine, donnant un corps sensationnel au travailleurs immigrés, avec une colère d'une immense élégance formelle.
L'une des deux personnes qui ont réalisé ce film est Djouhra Abouda, une chanteuse d'origine kabyle, Djura de son nom de scène. Arrivée très jeune en France puis repartie en Algérie pour fuir son père, elle finit par y revenir après avoir refusé de se conformer à la vie musulmane traditionnelle. Tout en restant dans le pays elle fuit sa famille immigrée une seconde fois et fait des études d'arts plastiques. C'est quelques années avant sa carrière musicale qu'elle réalise ses films, dont celui-ci. Les témoignages sont connectés aux difficultés du déracinement qu'elle-même a vécu, ainsi que des millions de Maghrébins francisés.
La Femme de l'aviateur (1981)
1 h 46 min. Sortie : 4 mars 1981 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Éric Rohmer
Azguiaro a mis 3/10.
Annotation :
Nouveau Rohmer, avec toujours ces histoires de triangles amoureux, ici plus fantasmé que réel, un type insécure qui jalouse un autre type qui traîne avec celle qu'il aime, alors il mène l'enquête avec une lycéenne. Les dialogues sont toujours aussi assommants, ça change pas, pas plus que les beaux décors et le soleil réconfortant gâchés par les baisses de rythme et le côté bourgeois. C'est du Rohmer, donc, je m'attendais pas à apprécier mais je n'ai toujours pas réussi à m'enlever cette obsession de vouloir tout regarder de lui, du moins ses films en couleurs, peut-être parce qu'au fond je l'aime bien, et qu'il y a quelque chose de rassurant dans son Paris gentil, son soleil radieux, ses personnages toujours calmes (ou presque), et que merde, j'aurais vraiment voulu l'aimer...
Le Fanfaron (1962)
Il sorpasso
1 h 45 min. Sortie : 27 juin 1963 (France). Comédie dramatique, Road movie
Film de Dino Risi
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Road movie culte du cinéma italien, 'Le Fanfaron' met en scène deux personnages principaux, un étudiant qui découvre la vie extérieure loin de ses cahiers et un quadragénaire qui ne la connaît que de son prisme libertarien. Une comédie aux nombreux dialogues amusants (que Dino Risi a coécrits avec deux autres hommes dont Ettore Scola), et qui pourtant cache à peine son regard presque mélancolique qui prend tout son sens à la fin, tragique et servant de violent retour à la réalité.
Roberto, malgré le fait qu'il soit le plus jeune des deux, est consciencieux, modeste, droit dans ses bottes. On le devine presque romantique avec les femmes et considère qu'il est promis à une certaine Valeria. Il représente une conception plus ancienne du monde, telle qu'on pouvait la comprendre dans l'Italie des années 60, après le miracle économique des années 50. C'est lui qu'on entend en voix off, quand son compagnon de route dira tout ce qu'il pense à voix haute.
Bruno est sans gêne, opportuniste, éternel rieur et irresponsable. Il drague jours et nuits, profite d'occasions malheureuses pour essayer de faire des affaires, ne pense qu'à un bonheur à court terme alors qu'il n'a jamais cessé d'essuyer les échecs amoureux, conjugaux et professionnels. Il a pourtant assez d'argent pour passer sa vie sur les routes transalpines, symbole d'un modernisme libéral où prime l'individualisme. Il finit par digérer toute nouvelle difficile, y compris la relation entre sa jeune fille et une homme plus vieux que lui.
Pour autant, Risi ne s'avère pas aussi binaire qu'on pourrait le croire. Bruno a ses moments tendres, comme ceux où il essaie vraiment de passer pour un bon père, et son caractère de Don Juan pathétique trahit parfois une insécurité profonde. Quant à Roberto, il va se confronter à une réalité sociale différente de ce qu'il attendait. Son passage chez son oncle et sa tante est le point central de cette désillusion : il ne retrouve plus la magie des lieux, les sentiments amoureux envers sa tante Lydia, et en conclue qu'on fantasme la beauté de l'enfance, qui elle-même fantasme le monde. Il remet alors en question son attache à son amour Valeria.
Le plus dramatique est que c'est lorsque Roberto commence à adhérer au style de vie en roue libre de Bruno qu'arrive comme un coup cynique du destin l'accident mortel, signe que ces deux visions de l'existence sont encore loin d'être compatibles.
Ginger Snaps (2000)
1 h 48 min. Sortie : 17 octobre 2002 (France). Drame, Fantastique, Épouvante-Horreur
Film de John Fawcett
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Avec 'Ginger Snaps' on entre dès 2000 dans l'esthétique très sombre et sale de l'horreur de la décennie naissante. Les sujets abordés au travers de la transformation en monstre, et plus précisément en loup-garou, n'ont pas grand chose de nouveau, mais sont d'une grande pluralité : le passage à l'adolescence, bien sûr, mais aussi les MST, la drogue, ou encore les violences sexuelles, et plus globalement le film traite de façon tragique et déchirante de l'union puis de la séparation familiale. 'Ginger Snaps' est simple dans son histoire mais plus dense qu'il n'y paraît, plus d'une fois macabre et d'une plastique d'abord perturbante : le grain de l'image et la manière de filmer donnent de la singularité à l'ensemble, un cachet parfois presque irréel renforcé par le peu de changements de décors, entre la banlieue pavillonnaire sépia et le lycée étasunien classique hérité des années 80-90.
Un film qui joue à inverser les rôles de sexes : ce sont les femmes qui mènent la danse, leurs problèmes sont au premier plan mais aussi leur violence très masculine (les bastons au hockey), leur mépris ou leur indifférence face aux hommes, constamment en retrait. Le père, effacé, n'a pas beaucoup de répliques, bien que l'une d'entre elles soit d'une très fine observation, alors que les deux filles cherchent à cacher un cadavre : si elles sont en pleine adolescence, alors pourquoi écouteraient-elles ce qu'a à dire leur mère ? Aux hommes la passivité et la réflexion, aux femmes l'action, le sport, le travail en extérieur, ou encore la bestialité sexuelle... Ce qui est drôle car sur ce dernier point le film fait parfois mine d'être parti sur un schéma traditionnel, avec les allusions des garçons regardant les filles jouer ou encore Ginger et sa mère répétant que les mecs ne pensent qu'au sexe. Mais la transformation a bien eu lieu.
France (2021)
2 h 13 min. Sortie : 25 août 2021. Comédie dramatique
Film de Bruno Dumont
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Sans doute le meilleur film de Dumont depuis 'Hors Satan' (et je parle bien des films et non pas des (mini-)séries, sinon évidemment 'P'tit Quinquin' et 'Coincoin et les Z'inhumains' jouent à un autre niveau).
Le sujet de la classe médiatique pourrie, auto-satisfaite et complaisante avec la classe politique est bien loin d'être un sujet original. On voit dans 'France' la même observation des rouages du cynisme que dans de nombreuses autres œuvres : fabrication de moments, théâtralisation de l'information, hypocrisie devant la caméra et mépris ouvert derrière... France de Meurs s'élève dans le monde journalistique contemporain en exploitant pleinement son immoralité. Mais un accident qui causera une jambe cassée à un livreur ubérisé qui était la seule source de revenus pour sa famille va être le déclencheur d'une descente de plus en plus raide. France va développer malgré elle des excès d'empathie, ce qui ne l'empêchera cependant pas de replonger dans la manipulation de l'information, ni de rectifier un retour de karma qui semblera n'en jamais finir. Comme une graine de bonté qui aurait progressivement germé en elle, la poussant à une certaine compassion pour les petites gens dont jusqu'ici elle exploitait sans gêne la misère.
C'est qu'il est beaucoup de question de moral dans le film, en particulier du Mal, tapis sur les plateau télévisés, dans les pays en guerre, ou chez un homme qui bousille un vélo en pleine rue sans aucune explication. Le personnage de Léa Seydoux doit apprendre à le reconnaître, à l'extérieur mais aussi à l'intérieur d'elle. Sa dépression arrive quand elle percute un homme, et se heurte donc littéralement à la réalité en dehors de son univers de bonnes façades, de Mal bien maquillé. Toujours pas de manichéisme chez Dumont cependant, qui s'interroge alors constamment sur la spiritualité, et semble toujours tendre la main à sa protagoniste en lui faisant admirer ce que le monde recèle en beauté.
De façon transparente, presque avouée, France est aussi une allégorie de la France, d'abord en haut de sa gloire et de son orgueil, puis qui chute face à ceux qu'elle exploite (le motard percuté vient d'une famille d'immigrés). À elle d'accepter le Mal qu'elle a fait pour aller de l'avant en faisant mieux, en réparant ses torts, ou de sombrer.
Unfriended (2014)
1 h 22 min. Sortie : 24 juin 2015 (France). Épouvante-Horreur, Thriller
Film de Levan Gabriadze
Azguiaro a mis 4/10.
Annotation :
J'avais déjà regardé 'Unfriended : Dark Web' il y a quelques mois, j'ai pu ce soir trouver un lien pour le premier film... et comprendre pourquoi il est moins aimé que son successeur.
Je dois dire cependant qu'il manipule déjà bien le dispositif de la mise en scène sur l'écran d'ordinateur, on comprend toujours ce qu'il se passe devant nos yeux alors que les fenêtres se bousculent, ce qui a dû demander un important travail sur la fluidité tout en préservant le côté réaliste. Et à part quelques petites réactions idiotes ou absurdes, les personnages sont plutôt convaincants dans leur rôle de potes d'école qui payent le prix de leur harcèlement et de leur lâcheté.
Maintenant il faut pointer du doigt l'élément scénaristique qui gâche presque tout ce qui a été établi : l'intrusion du fantastique dans cette horreur numérique. Le hacker meurtrier aurait pu être un ami vindicatif et acharné de Laura, surdoué en informatique, au lieu de ça c'est Laura elle-même qui revient d'entre les morts, cassant complètement la suspension d'incrédulité. Idée stupide et hors de propos : il n'y a plus aucun enjeu à partir de là puisque pouvoir décider de la mort de quelqu'un instantanément quand on est un revenant moderne à la James Wan n'a rien d'impressionnant. La communauté de hackers du second film est beaucoup plus dérangeante puisque c'étaient de simples humains, mais très organisés dans la vie réelle et touts-puissants sur Internet. Ils symbolisent une inquiétude très forte vis-à-vis du web qui est qu'on n'est jamais vraiment en sécurité en s'exposant virtuellement. Ici, comme l'ennemi est surnaturel, difficile d'angoisser.
Le pire est qu'on se doutait un peu de cette révélation nettement avant la fin, car le compte de Laura envoie les messages écrits immédiatement après que quelqu'un lui ait parlé. La vengeresse est omniprésente, omnisciente et omnipotente ; aucun suspens, donc.
Le Mystère de la chambre jaune (2003)
1 h 58 min. Sortie : 11 juin 2003. Comédie, Policier
Film de Bruno Podalydès
Azguiaro a mis 9/10.
Annotation :
Adaptation de la première histoire du journaliste détective Joseph Rouletabille, ce film de Podalydès est d'abord comme un film d'enquête bien ficelé, comme dans ces romans policiers qui ont largement composé la littérature populaire, puis dérive sur la fin dans un drame déchirant. Réalisation magistrale, cherchant toujours à insérer la mécanique pour signifier la logique parfois décevante, mais qui cache toujours des vérités terribles et tragiques.
L'intrigue par rapport au texte originale est décalée de quelques décennies en avant, gadgets et autres mécanismes comme une canne-poignard ou une voiture qui roule à l'énergie solaire sont ajoutés au cadre. Tout pour rappeler les bandes-dessinées de Tintin avec les inventions du professeur Tournesol, dans un château comme celui de Moulinsart, et un jeune reporter comme héros intelligent et logique. Quelque chose s'affilie à l'impressionisme, ou au naturalisme : la beauté solaire du jour est celle des déductions, de la raison, qui contraste avec les pulsions sexuelles et meurtrières de la nuit, comme a rarement su le démontrer aussi bien le genre policier. Un monde rassurant et son négatif comme littéralement des zones d'ombre et de lumière, voire non pas des lieux mais des périodes temporelles. Percevoir les écarts de temps est d'ailleurs essentiel pour résoudre l'histoire : l'homme qui a voulu assassiner Mathilde n'était pas dans la chambre jaune quand tout le monde a entendu la jeune femme crier, mais s'y trouvait des heures avant, bien avec elle, dans des retrouvailles amoureuses à l'issue dramatique, à l'ombre de cette pièce où pouvaient donc s'exercer les pulsions. Il faudra aussi du temps au journaliste pour aller reconstituer l'histoire en Amérique. Il en faudra également à Mathilde pour oublier cet homme criminel qu'elle aime encore, et qu'elle n'aurait pas supporté voir en prison. Rouletabille l'a bien compris et laisse s'échapper Frédéric Larsan.
La phrase-clé du mystère est "Le presbytère n'a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat". Tirée directement du texte originale, qui lui-même avait réinterprété une phrase d'une lettre de George Sand : "Le presbytère n'a rien perdu de sa propreté, ni le jardin de son éclat". Référencée également par Prévert et Brassens, mais aussi par Jean Rollin dans son film 'La Fiancée de Dracula'.
The Babysitter (2017)
1 h 25 min. Sortie : 13 octobre 2017 (États-Unis). Comédie, Épouvante-Horreur
Film de McG
Azguiaro a mis 3/10.
Annotation :
Comme je m'y attendais, 'The Babysitter' est l'une de ces quintessences de la connerie étasunienne, un amoncellement de moments débiles, gras ou grossiers, un jeu de la bouteille qui vire au sacrifice de puceau, une scène beaucoup trop longue de branlette de papa quadragénaire, ou encore un gosse de 10 ans qui vole une voiture pour la faire s'écraser en vol plané dans son salon, car c'était évidemment à ça que tout le monde aurait pensé dans le contexte.
Ce gosse, au début, c'est un gamin qui n'arrive pas à grandir. Du coup, en plus d'avoir une amie bientôt amoureuse qui a une curiosité aussi perverse que lui, ses parents ont embauché une babysitter trop cool pour s'en occuper, et il s'avère qu'en plus elle est la chef d'un groupe de jeunes gens satanistes. Bref, il devrait avoir la meilleure vie du monde, mais en fait la blonde stylée ne lui a jamais rien dit parce qu'elle veut prendre de son sang pour un rituel. En plus elle manque d'empathie, donc le petit va tomber de haut.
Le film est vraiment très mal foutu, avec sa mise en scène aléatoire et ses intertitres complètement gratuits, son propos sur le passage à l'âge adulte d'une platitude qui n'a d'égal que son expédition, et pourtant j'ai vraiment savouré ce truc tout nul. C'est super con mais inoffensif, et c'est tout ce que j'attendais, évidemment ç'aurait été plus cool que Bee soit sincère dans son amour pour Cole, mais je suppose que c'était trop pour ce film qui n'est transgressif qu'en apparence, et encore, parce que des histoires comme ça aux USA maintenant il doit y en avoir des citernes entières. Dommage, parce que la morale du "Tu tues des gens et c'est pour ça que je t'aime plus", c'est d'autant plus mauvais dans ce genre de film. Je veux tout de suite voir le deuxième opus, ceci dit, et en même j'ai peur qu'il soit pas aussi merveilleusement débile que celui-ci.
Un dernier truc : il faut noter l'indifférence prodigieuse des habitants des banlieues pavillonnaires étasuniennes la nuit, alors qu'on peut entendre la police arriver, puis des hurlements d'enfant, puis des coups de fusil, puis le bruit d'une voiture qui s'écrase dans une maison, puis encore la police avec des ambulances.
The Babysitter : Killer Queen (2020)
1 h 41 min. Sortie : 10 septembre 2020. Comédie, Épouvante-Horreur
Film de McG
Azguiaro a mis 2/10.
Annotation :
Je ne sais pas quoi penser de cette suite. Elle me rend borderline, j'ai envie de lui mettre 2, puis 1, puis 3, elle est encore plus vulgaire et stupide que le premier film, mais en beaucoup plus saoulante parce qu'on repère le côté cynique d'un réalisateur qui n'en a plus rien à foutre car il sait ce que les gens attendent. L'intrigue est plus que jamais éclatée, et la réalisation se barre en couilles proportionnellement aux délires embarrassants de l'équipe du film, mais à côté de ça on sent qu'il y a eu des moments où ils se sont éclatés (d'ailleurs quasiment tout le casting du premier a rempilé). La plupart des personnages sont si peu développés qu'on oublie leur nom en 10 secondes top chrono, et en même temps pour les deux ou trois un peu dignes d'intérêts ils se sont lâchés, notamment pour le himbo psychopathe et bien sûr pour Bee, qui revient pour un final rédempteur complètement niqué de la tête.
Si ça avait été un autre film je l'aurais défoncé pour ce même foutage de gueule, mais ici ça donne un cachet qui parvient parfois à être proprement fascinant. Je sais même pas pourquoi je m'attarde à ce point sur ce truc, en général on remarquera que malgré la diversité de mes visionnages j'essaie de me grandir, mais là je suis à un de ces moments régressifs où je me laisse juste aller. Bon allez parce que j'aime bien le fait que Cole se réconcilie avec Bee (même si j'aurais préféré que ce soit dans une vie sataniste), je lui mettrai pas 1, car même si je crois que je le déteste cette note je la garde toujours pour les films qui me donnent envie de faire taire à jamais leur réalisateur.
Le Règne de l'impunité (2013)
1 h 02 min. Société
Documentaire de Arnold Antonin
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
Pour comprendre pleinement l'importance de ce film d'Antonin, qui a largement parlé politique à travers son cinéma, il faut avoir connaissance du règne sanglant des Duvalier père & fils à Haïti, de ce que la papadocratie et ses tontons macoutes ont laissé comme trace dans le pays depuis la fin des années 50, inspirés du fascisme et qui a fini par être jugée à travers Jean-Claude Duvalier. Et si "Baby Doc" est finalement décédé avant le verdict du tribunal, le documentaire du réalisateur est resté, avec les témoignages à charge contre l'ancien régime des opposants politiques, ex-prisonniers et autres qui raniment la mémoire. On remarquera une passion de la simplicité du dispositif documentaire pour les créoles, beaucoup de face-caméra comme c'est le cas dans de nombreux autres films du même genre, je pense à l'antillais 'Mé 67' vu il y a quelques mois. La technique est bien trop primaire cependant, que n'excuse pas totalement la volonté de touche à l'essentiel, bien plus éducative qu'artistique, même si très sincère.
Sex and Zen (1991)
Yu pu tuan: Tou qing bao jian
1 h 30 min. Sortie : 17 août 1994 (France). Comédie, Érotique, Drame
Film de Michael Mak Dong-Kit
Azguiaro a mis 2/10.
Annotation :
Si je n'ai rien contre le sexe montré, loin de là, car il peut montrer la profondeur d'une relation, en dévoiler la violence ou la tendresse, ou l'ancrer un peu plus dans le naturel, j'ai un problème avec la plupart des films érotiques qui ne savent pas l'incorporer correctement. C'est que l'érotisme suit trop souvent la même voie que la pornographie, à savoir que le cul passe avant tout. Résultat : aucun sens du rythme, l'ennui est de plus en plus palpable, et l'histoire n'est qu'un prétexte (même quand c'est une adaptation) et se révèle rarement intéressante. C'est un vrai frein à l'immersion, ce qui est d'autant plus problématique que même le sexe a besoin de ce principe pour fonctionner à son maximum. 'Sex and Zen', c'est totalement ça. Même si le moment des lesbiennes qui se servent d'une flûte comme d'un sextoy me vendait du rêve, finalement ni les scènes de sexe ni ce qu'il y a entre n'a le moindre impact émotionnel, passé l'instant comique de la greffe du pénis de cheval. Les temps morts sont affreux - et ils sont nombreux - et même si pour le coup on peut effectivement voir la cruauté d'une certaine relation, l'érotiser comme le reste n'est pas la meilleure idée qui soit, d'autant que niveau violence masculine ça y va fort. Mais même sans la jouer moraliste c'est d'une vacuité esthétique incroyable.
Rage ! (1977)
Rabid
1 h 30 min. Sortie : 3 août 1977 (France). Épouvante-Horreur, Science-fiction
Film de David Cronenberg
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Film de contamination virale débouchant à un état de zombie enragé, dans la grande ville de Montréal, au Canada. À l'origine de tout ça, une expérience qui a mal tourné pendant une opération sur une femme entre la vie et la mort. Cronenberg, encore une fois, ou plutôt dans l'une de ses premières fois, parle de transformation et de destruction du corps humain. Cette aiguille organique que Rose possède, elle l'utilise de la manière la plus pratique étant donné son emplacement, à savoir en serrant les gens dans ses bras. Acte d'ordinaire chaleureux mais qui débouche sur l'horreur et le chaos, un peu plus à chaque fois. Ce geste fait pour rapprocher les êtres dans la convivialité, la tendresse ou le sexe, devient le début de l'anéantissement de l'humanité.
Souvent est ce qui attend le protagoniste cronenbergien : la libération du commun rassurant des mortels, la marginalisation ou la solitude, opérées dans la violence. Dans 'Faux jumeaux', l'un charcute l'autre pour devenir individuel. Dans 'La Mouche', la métamorphose fait progressivement perdre au scientifique sa nature humaine. Dans 'Rage !' le schéma est un peu différent, puisque Rose va transformer les autres en même temps que de s'isoler. En cela on est plus proche d''eXistenZ' où tous les personnages adhèrent progressivement à la fusion avec le jeu vidéo. Reste que chacun est plus seul que jamais. Dans 'eXistenZ' cela mène aux trahisons répétées, ici cela mène à l'état de monstre carnassier qui brûle de se satisfaire à court terme (le vieux contaminé qui fait une scène car il veut manger le premier).
Le Festin nu (1991)
Naked Lunch
1 h 55 min. Sortie : 11 mars 1992 (France). Drame, Expérimental, Fantastique
Film de David Cronenberg
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Certainement le film de Cronenberg le plus mental vu jusqu'à présent, une expérience hallucinée, parfois longue, de la drogue et de la littérature qui alimentent le protagoniste dans une étrangeté fascinante.
Bien que cette poudre jaune soit incluse dans pas mal d'intrigues de cette histoire sans queue ni tête, on se demande très souvent si ce n'est pas qu'un produit accentuant un état psychotique déjà bien présent chez Bill Lee, tant le film a l'air d'être à de nombreux moments une représentation de la schizophrénie. L'homme à la mémoire troublée parle avec une faible voix dénuée d'émotions, a souvent de longs moments de réaction et de réflexion. À partir de là on peut se douter que beaucoup de ce qu'il voit n'est réel que pour lui, des bruits de chaos musical dont on doute soudainement du caractère extra-diégétique, des hallucinations de créatures organiques, ou tout simplement toute cette intrigue délirante où il se retrouve au coeur d'une entreprise de magouilles et d'espionnage sans aucun sens, dans un autre monde, par des supérieurs énigmatiques. Et sans compter des termes comme "paranoïde" ou "hébéphrénique", lancé au détour d'un phrase et qui sont autant d'indice laissés par Cronenberg.
Une aventure à essayer pour se laisser emporter par une autre réalité, parasitée par la maladie, la drogue, et la nécessité du retrait, et un aperçu tourmenté de la puissance maudite de l'écrivain.
La Mort vous va si bien (1992)
Death Becomes Her
1 h 44 min. Sortie : 23 décembre 1992 (France). Comédie, Fantastique
Film de Robert Zemeckis
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Avec 'La Mort vous va si bien', les scénaristes Koepp et Donovan ne s'embarrassent pas d'autre chose que d'un simple élément surnaturel qu'est la potion d'immortalité et de jouvence pour rire à gorge déployée de l'obsession de la beauté, de la jeunesse, en particulier chez les célébrités. Les deux femmes principales deviennent des êtres transcendant la mort, sans que ça n'améliore leur personnalité – bien au contraire. Madeline et Helen cherchent d'abord à s'entre-tuer puis après leur résurrection veulent forcer Ernest au même sort qu'elles, par pur intérêt parce qu'il peut parfaitement les rabibocher physiquement. Leur déshumanisation, égoïste et agressive, se répercute symboliquement sur leurs corps endommagés, alors qu'elles avaient justement payé le prix fort pour l'apparence idéale.
C'est cependant bien l'homme du trio qui aura le plus subi dans ce film. Il acceptera sa vieillesse, sa mort et une vie plus longue dans les cœurs des gens qu'il a aidés après cette histoire. Les deux autres poursuivront leur amitié houleuse, dans la vie éternelle cachée de tous.
La Dernière Piste (2010)
Meek's Cutoff
1 h 44 min. Sortie : 22 juin 2011 (France). Western, Drame
Film de Kelly Reichardt
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Le minimalisme de Reichardt a toujours ce défaut d'être légèrement hermétique. Il fallait cependant de l'audace pour prendre le western, genre d'action, et en sortir un film aussi anti-spectaculaire. Il ne se termine pas lorsque la troupe errante trouve enfin un point d'eau, ou lorsqu'elle arrive à destination, mais au moment où l'autochtone prisonnier s'en va sans résistance. Devant les migrants qui trouvent un signe indiscutable d'eau à proximité, il sait qu'ils n'ont plus besoin de lui, et Emily, désormais dirigeante de la piste sans haine, l'approuve du regard.
Quand la communication verbale est impossible, il n'y a que les signes discrets ou symboliques qui vaillent. Même pour un long-métrage aussi taiseux, les voyageurs parlent, se racontent des histoires, pour casser l'ennui, ou essayer de détendre l'atmosphère alors que tout le monde méprise le guide Meek qui les a perdus. Mais devant l'étranger, dont on se méfie, on finit par se taire, et on donne des objets pour se faire comprendre ou se rendre redevable. À une femme que revient ce travail, et de garder la tête froide, éviter la violence. Emily ayant été la plus soucieuse de conserver l'union de la troupe, endosse finalement la responsabilité d'orienter le voyage.