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Le palais d'images — 2023
442 films
créée il y a presque 2 ans · modifiée il y a 6 joursOn l'appelait Milady (1974)
The Four Musketeers: Milady's Revenge
1 h 48 min. Sortie : 11 août 1976 (France). Action, Aventure, Drame
Film de Richard Lester
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Je commence 2023 avec la suite de ce que j'ai découvert le dernier jour de 2022, 'On l'appelait Milady', le deuxième opus de la trilogie des mousquetaires de Richard Lester, adaptée des livres légendaires d'Alexandre Dumas.
Il n'y a pas grand chose à dire de plus sur ce film qui n'est que la continuité du précédent. Même humour et mêmes intrigues, celui-ci devient malgré tout plus sombre sur la fin quand "Milady" assassine l'amour de d'Artagnan, avant d'être elle-même exécutée. La manipulatrice ayant elle-même été celle qu'a aimé Athos, ce deuxième long-métrage est placé sous le signe de la dégradation du romantisme, à laquelle s'oppose avec toujours autant de vigueur la force de l'amitié entre Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan.
Caravage (2021)
L'ombra di Caravaggio
1 h 58 min. Sortie : 28 décembre 2022 (France). Biopic, Historique, Drame
Film de Michele Placido
Azguiaro a mis 4/10.
Annotation :
Déçue par 'Caravage' après certains éléments prometteurs gâchés par une approche bien trop convenue, voire grossière. Trop longue, aussi, jusqu'à une fin fondée sur les rumeurs d'assassinat qui amène un ultime discours intérieur pas très important. Le peintre milanais est raconté dans une représentation assez classique de son époque, dans sa face de débauche et de misère dans laquelle l'un des plus grands artistes de son temps s'est complu. La narration se déroule principalement par flashbacks, les personnages interrogés par "l'Ombre" lui racontant les parties importantes de sa vie qui l'emmèneront à sa perte. Pour autant, le film reste très basique dans son approche faite de musique minimale pour créer des émotions de crainte ou de tristesse, d'une Rome artificielle, et d'une Ombre montrée comme un méchant de film hollywoodien, filmée en contre-plongée menaçante par-ci, sortant des ténèbres par-là, lourdeur symbolique que n'arrange pas un Louis Garrel qui en fait des caisses avec son regard pas content. Là est vraiment le coeur de l'échec de 'Caravage', qui cède autant à l'académisme pour raconter la vie et l’œuvre d'un peintre qui ont été marquées par la subversion envers le pouvoir catholique.
Tout n'est pourtant pas à jeter dans le film de Placido. Les moments que le peintre passe avec les gens du peuple, pour la peinture ou les festivités, dévoilent bien l'amour puissant qu'il leur porte. Le montage lors du bain avec la fiancée du notaire permet de montrer la densité de leur relation, de façon aussi rapide que délicate. Quand le cadavre d'Anna est posé sur la table de l'atelier, bien que le réalisateur en rajoute lourdement avec une référence directe au tableau sur la Vierge qui en ressortira, on voit avec beaucoup de clarté la beauté émouvante que ressentait le peintre chez les rebus de la société. Aussi, le côté didactique du film permet d'expliquer un peu ce qui aurait pu déplaire à l’Église dans l'art de Merisi. La confrontation finale, bien qu'elle soit formellement convenue, indique que la subversion des tableaux ne viendrait peut-être pas du fait que l’Église croit que Caravaggio est un païen. Le danger qu'il représente viendrait de sa foi profonde mais singulière, trop ambiguë dans sa transposition artistique en raison des modèles, qui fait de lui un agent du chaos face à un ordre catholique désireux de maintenir la cohésion face à la Réforme protestante.
Manon des sources (1952)
1 h 57 min. Sortie : 16 décembre 1952. Drame
Film de Marcel Pagnol
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
'Manon des sources' et 'Ugolin' sont deux films en un sur la vengeance d'une jeune femme sur un village d'égoïstes et de superstitieux. L'un d'entre eux a indirectement provoqué la mort de son père par des problèmes d'irrigation, et c'est ainsi par la coupure nette de l'eau des collines qui fournit le village que Manon tiendra par la gorge cette communauté provençale. Le côté théâtre filmé, toujours présent chez un Pagnol qui ne voyait plus alors le cinéma que comme un divertissement, reste très plaisant cinématographiquement grâce à l'ancrage des scènes dans la durée, et par conséquent du public dans la campagne typique de l'époque. Par des dialogues superbement écrits, le cinéaste saisit du début à la fin l'attention, et peut donc faire durer les situations. Cela lui permet de tirer du drame d'une histoire tout à fait sérieuse, mais aussi de l'humour qui s'établit méticuleusement, sans que chacun de ces aspects ne voile totalement l'autre, jusqu'à ce que dans 'Ugolin' le drame l'emporte pour affirmer la repentance. Là-dessus est exemplaire la scène où le clerc de notaire presque sourd raconte sa rencontre avec la famille des sources avant la mort du "bossu", qui est ponctuée par le jeu du "poil au..." des auditeurs, avant que le sujet des plaisanteries retourne gaiement la situation à son avantage.
Mais toutes les scènes ont leur teneur en comédie dramatique superbement rythmée (et quand la caméra s'en tient presque toujours à du démonstratif, le rythme peut tout rehausser). Par l'ancrage si juste des personnages dans leur environnement, Pagnol sauve même un peu moralement les plus stupides et méchants d'entre eux en les sublimant à l'écran.
Têtes de pioche (1938)
Block-Heads
57 min. Sortie : 13 juin 1945 (France). Comédie, Guerre
Film de John G. Blystone
Azguiaro a mis 4/10.
Annotation :
Enfin je découvre Laurel et Hardy dans un film, parmi les acteurs mythiques du cinéma muet étasunien, et, dans le cas de ce film, de ce qui a suivi juste après, aussi. 'Tête de pioches' est un film parlant puisque le duo fait partie des légendes hollywoodiennes dont la chance a souri lors de la transition. Pour le mieux, ça je n'en sais rien. Le postulat de base est amusant, mais une fois passé, l'ennui est bien présent, dû à une platitude, à une absence de folie malgré les gags qui s'enchaînent inlassablement, comme souvent pour ce genre d'acteurs comiques basés sur la stupidité d'au moins un personnage. Il manque l'énergie burlesque qu'il peut y avoir dans un bon Keaton sans la parole.
Symphonie industrielle (1931)
Philips-Radio
36 min. Sortie : 27 août 1931 (Pays-Bas).
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Ce n'est donc que bien plus tard de mon visionnage de 'À Valparaíso' que je continue et donc découvre pour de bon la filmographie de Joris Ivens en enchaînant les films de lui que je peux regarder. Grand nom du cinéma documentaire, propagandiste communiste mais aussi amateur de constructions, Ivens a fondé une œuvre féroce à l'identité affirmée où sont contemplées les architectures imposantes, les luttes sociales, les travailleurs en plein effort, de façon brute, avec parfois un montage brutal, surtout dans sa propagande ('Le Chant des héros'). Mais son ardeur, très souvent politique, ne passe jamais pour de l’agressivité ; elle cherche simplement à rendre honneur au développement des peuples (dont Ivens saura montrer la face parfois sombre en la chose des inégalités sociales), au rapport entre la civilisation et la nature, au rêve socialiste, à la puissance humaine. Et parfois, il est en colère.
Quant à 'Symphonie industrielle', sur les ouvriers d'une usine Philips, l'ambiguïté socialiste du réalisateur le poussant à admirer sincèrement le progrès tout en critiquant, l'air de rien, l'aliénation des travailleurs du bas de la chaîne, montre une nuance qu'on attendrait pas non plus d'un propagandiste. L'influence esthétique de Dziga Vertov, à coup de surimpressions, de montage virevoltant et d'apologie des capacités humaines, se fait plus que jamais ressentir.
Komsomol ou Le Chant des héros (1933)
Pesn o gerojach (Komsomol)
50 min. Sortie : 13 mars 1933 (Union Soviétique). Historique
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Un documentaire de propagande pour l'URSS staliniste, où la caméra chante la gloire des ouvriers de Magnitogorsk, vitrine du pouvoir industriel du nouveau régime, qui affrontent chaque jour un milieu désertique pour y construire un haut fourneau.
Nouvelle Terre (1933)
Nieuwe gronden
36 min. Sortie : 14 décembre 1933 (France).
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
'Terre nouvelle' est un autre bon exemple de l'énergie de Joris Ivens. Il fait le remake de son propre documentaire sorti auparavant sur des ouvriers affrontant la mer pour construire une digue gigantesque et assécher le Zuyderzee, un golfe hollandais responsable de beaucoup d'incidents en raison des turbulences fréquentes. Il en a aussi gardé les images des premiers labours sur les nouvelles terres, mais à cela il décide d'ajouter un commentaire révolté sur les destructions de récoltes excessives, en superposant les céréales jetées à la mer à une famine touchant les plus pauvres, y compris les enfants. Très joli exercice de subversion de sa propre propagande à l'origine commandée par le gouvernement néerlandais.
Avant de t'aimer (1949)
Not Wanted
1 h 31 min. Sortie : 2 mars 1951 (France). Drame
Film de Elmer Clifton et Ida Lupino
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Un film commencé par Elmer Clifton, encore quasiment inconnu en France, puis terminé par Ida Lupino dont c'est la première réalisation. La cinéaste s'incarne déjà en tant qu'autrice narrant les sujets tabous de la société étasunienne. Dans 'Avant de t'aimer', celui qui est développé est le choix de certaines jeunes mères de déposer leur nouveau-né dans une agence d'adoption, ne pensant pas pouvoir s'en occuper. Dans le cas de l'héroïne Sally, l'enfant est issu d'une relation avec un amant qu'elle pensait pour la vie. Le dépôt du bébé qu'elle ressent comme un abandon lui provoque une dépression qui la fait délirer et voir son enfant dans celui d'une autre, ce qui la mène en prison le temps d'une nuit.
Cette structure en sandwich n'est pas très intéressante. Les ruptures au début et à la fin ne se justifient que par le folklore du flashback dans le cinéma nord-américain, et ne se ressentent donc que comme un manque d'inspiration. Mais cela s'explique peut-être par le changement de réalisateur durant la production.
Avec l'amant qui la rejettera, Sally entretient une relation très mentale. La tonalité presque film noir du début avec les jeux d'ombre amène à ce ressenti, finalisé par cette scène de surimpression où le visage de Sally se superpose aux mains de celui qu'elle aime jouant au piano. Sa relation avec l'employé de garage est beaucoup moins ruminante, plus joyeuse, et ce bien-être est symbolisé par les contextes de l'enfance : les trains électriques et la fête foraine. Mais des détails la font toujours replonger dans sa torture psychologique. Sally est tellement aveuglée par l'amour impossible avec son pianiste que ce n'est qu'à la fin qu'elle voit une possible relation avec son prétendant, qui lui proposerait tout ce dont elle a besoin, y compris oublier son enfant. Lupino déclare ainsi, de façon assez subversive, que la maternité n'est pas la finalité de la vie d'une femme. Pour l'avoir aussi bien révélé, elle rattrape les quelques maladresses.
Misère au Borinage (1934)
36 min. Sortie : mars 1934 (Belgique).
Documentaire de Joris Ivens et Henri Storck
Azguiaro a mis 9/10.
Annotation :
Avec Henri Storck, Ivens observe et met en scène les conditions et la révolte d'ouvriers de la houille en Wallonie, avec une vision communiste enragée et revendiquée. Face au capitalisme et à sa police, l'organisation prolétarienne est flamboyante.
Terres de Berbérie (1960)
16 min. Sortie : 1960. Société
Court-métrage documentaire de Georges Delpoux
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Probablement tourné dans les années 50, ce petit documentaire un brin nostalgique avant l'heure raconte la fabrication de poteries par les femmes des villages kabyles. Les tilaouines occupent à peu près toutes les images, et le traditionalisme patriarcal devient alors une admiration du savoir-faire féminin pour un artisanat qui tendrait à disparaître, puisque dans les villages voisins les seaux en zinc remplacent progressivement les fabrications en terre cuite. Le cinéma préserve plus longtemps les souvenirs des choses, toujours vouées à disparaître trop vite.
Terre d'Espagne (1937)
The Spanish Earth
55 min. Sortie : 6 avril 1938 (France).
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Entre les images du front et celles de l'arrière où les soldats et paysans alimentent la population, ce documentaire pro-républicains de la guerre d'Espagne est une réussite militante et esthétique, même si l'issue désormais connue du conflit laisse forcément un goût amer dans la bouche...
(Avec un commentaire vocal d'Ernest Hemingway !)
Le Chat potté 2 - La dernière quête (2022)
Puss in Boots: The Last Wish
1 h 42 min. Sortie : 7 décembre 2022 (France). Animation, Aventure, Comédie
Long-métrage d'animation de Joel Crawford et Januel Mercado
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Pour qui a un problème, légitime, avec l'animation en images de synthèse, très souvent laide, ce film est à craindre. 'Le Chat Potté 2' parvient pourtant à contourner suffisamment le manque d'âme de ce style de dessins animés en mélangeant plusieurs styles plus originaux. Si elles pèchent parfois, à d'autres moments les animations d'actions plus saccadées sont assez efficaces, fluides, et suivent un rythme qui, s'il est un peu trop effréné, tient quand même la route.
On pourrait également craindre un résultat bateau, gnian-gnian, lourd dans ses blagues, et il arrive en effet plusieurs fois où le film n'échappe pas à son époque, bataille verbale par-ci, un discours trop appuyé par-là... Évidemment tout le parcours qui se dresse dans la forêt magique est métaphorique, technique pratique mais tiède. Soit.
Les chercheurs de l'étoile qui sont moralement sauvables désirent tous par le voeu quelque chose qu'ils ont déjà, ou pourraient obtenir d'eux-mêmes sans difficulté. Potté veut de nouvelles vies pour pouvoir jouir de *la* vie sans craindre la mort, et doit donc apprendre à savourer celle présente. Pattes De Velours désire des relations de confiance, alors que Perrito et un Potté en pleine évolution sont devant elle. Bouclette désire une famille humaine, avant de réaliser que celle des ours l'aime comme elle le souhaite. Jack est moralement irrécupérable, un monstre d'égoïsme qui est le seul à chercher toujours plus. Perrito ne désire pas le vœu de étoile, il se contente à chaque fois de ce qu'il a, malgré la vie misérable qui le précède. C'est pourquoi la forêt magique ne lui crée aucune mise à l'épreuve dans le parcours qu'elle lui impose. Il porte le message du film.
Le Loup, incarnation de la Mort, est une rupture de ton en lui-même dès sa première scène, contrecoup de l'arrogance du Chat Potté dont la crédibilité en tant que menace est encore plus incarnée en version française, grâce à la voix incroyable du rappeur Doudou Masta.
Tout n'est pas forcément très bien pensé (que Bouclette veuille quitter sa famille actuelle n'a pas beaucoup de sens), mais le tout est quand même plein de qualités, et générateur d'émotions, ce qui manque vraiment dans l'animation grand public actuelle.
Les 400 Millions (1939)
The 400 Million
53 min. Sortie : 14 mars 1939 (États-Unis).
Documentaire de Joris Ivens et John Fernhout
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
Dans les documentaire d'Ivens, celui-ci est nettement moins efficace que d'autres, une commande sino-étasunien qui a le problème d'une propagande plus vulgaire, et d'un rythme plus pénible. Mais il reste prenant dans son parti pris d'aller rencontrer des Chinois communistes se joignant au Kuomintang afin de s'organiser face à l'invasion japonaise en Mandchourie. Comme toujours, le réalisateur encense avec une grande sincérité l'union entre les populations ou les individus contre un oppresseur commun.
Faire face (1949)
Never Fear
1 h 22 min. Sortie : 30 septembre 1970 (France). Drame
Film de Ida Lupino
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
Un autre Lupino sur un sujet social tabou ou presque : ici la maladie (poliomyélite) et son acceptation. Pourtant, même si des fois trouve les crises de colère sont légèrement surjouées, les dialogues sont bien écrits, le rythme idéal enchaîne notamment les scènes de disputes et de rééducation.
Une jeune femme doit faire le deuil de sa vocation, raccrocher et se soigner. Le sentiment d'injustice la rend instable émotionnellement. Le personnage principal n'est pas le dernier dans l’œuvre de Lupino à être tiraillé entre deux amours. Cela aboutit à cet émouvant discours de séparation à la fin, "Aimer et être amoureux, c'est différent, et tu le sais". Lupino montre sans cesse des humains qui doivent apprendre à contrôler leur vie, tout en acceptant qu'elle leur échappera toujours à certains moments. C'est un combat quotidien qui amène inévitablement à de la souffrance, mais aussi à des joies inespérées.
L'Électrification et la terre (1940)
Power And The Land
38 min. Sortie : octobre 1940 (États-Unis).
Court-métrage de Joris Ivens et Pare Lorentz
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
D'une commande du ministère de l'Agriculture étasunien en faveur de l'électrification des campagnes du pays, Ivens fait une observation tendre de l'Ohio rural au travers d'une famille de fermiers. Seule la voix off promotionnelle est de trop.
The House (2022)
Skinamarink
1 h 40 min. Sortie : 28 juillet 2023 (France). Épouvante-Horreur, Expérimental
Film de Kyle Edward Ball
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Première surprise de 2023, et en plus dans l'horreur nord-américaine (canadienne, pas étasunienne, mais quand même) ! Avec un grain d'image basse définition et des angles de caméra singuliers dans le noir plus ou moins complet, Ball donne vie à l'imagerie des creepypastas dans une mise en scène expérimentale d'une lenteur audacieuse. C'est peu dire si 'Skinamarink' ne ressemble pas du tout au reste de l'épouvante contemporaine, très exigeant envers son public qui pourtant arrive en nombre grâce à un buzz important sur les réseaux sociaux.
Le minimalisme du film joue complètement en sa faveur. L'histoire, très évasive, ne donne que le minimum pour une immersion basée sur la contemplation des ténèbres, dans une maison où le père des deux enfants restants a disparu, ainsi que toutes les portes et fenêtres. Sans doute que beaucoup de gens se sentiront floués devant un objet étrange qui ne propose des artifices de terreur que de façon très sporadique, et sans caractère spectaculaire. Avant qu'une poupée ne vole ou qu'un jouet-téléphone ne glace le sang, de très longues minutes peuvent s'écouler, à ne regarder qu'en direction d'une obscurité grésillante en raison de la pixellisation de l'image. Mais cette austérité couplée à cette basse qualité alimente de plus en plus une angoisse quasi-paranoïaque, la sensation que quelque chose de terrifiant se trame sous nos yeux et qu'on est incapable de le voir. Chaque ombre, chaque zone plus sombre d'un plan devient une menace potentielle, pour les deux enfants comme pour le public qui embrasse parfaitement leur point de vue, astuce casse-gueule - car complexe sur la question de l'empathie - probablement héritée des creepypastas où le visionneur derrière l'ordinateur est censé être une cible possible des forces malveillantes. Une réussite que n'a presque jamais atteint 'Paranormal Activity', et qui est sans doute le fruit de sa mise en scène radicale et étonnament bien dosée.
L'Indonésie appelle (1946)
Indonesia Calling
22 min. Sortie : 9 août 1946 (Australie).
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Durant les troubles de la révolution nationale indonésienne, Joris Ivens filme d'un point de vue idyllique l'entente entre les dockers locaux et d'autres nationalités alliées, pour une grève destinée à déstabiliser les colons néerlandais. C'est galvanisant, et c'est fait pour : très rares sont ceux à filmer les mouvements politiques populaires avec autant d'implication qu'Ivens.
Un jour un chat (1963)
Až přijde kocour
1 h 45 min. Sortie : 8 décembre 1965 (France). Comédie, Fantastique
Film de Vojtech Jasny
Azguiaro a mis 9/10.
Annotation :
Par une utilisation originale des couleurs, Jasný montre du regard d'un chat ce qui prime émotionnellement dans chaque âme humaine, dans sa relation à l'autre : l'amour, l'infidélité ou le mensonge, le rouge, le jaune ou le violet. Bien évidemment, les humains n'apprécient pas qu'on les sonde et qu'on les affiche aux yeux de tous, et certains veulent se débarrasser du chat forain. Heureusement, le courage des enfants, éduqués aux qualités humaines par un vieil homme sosie du magicien, parviennent avec de la pression à ramener le chat à sa propriétaire, empêchant de s'exaucer l'histoire racontée en classe au début où l'animal est tué.
Joyeux, drôle, mélancolique et tout simplement virtuose, 'Un jour un chat' déploie une créativité sans pareil dans presque chacun de ses plans, culminant lors des spectacles de magie où les gens se colorent et dévoilent ce qui les anime dans des valses énergiques qui transportent de beauté. Il affirme que les hommes ne peuvent s'épanouir que par le biais d'une femme ou des enfants. Les chasseurs, malveillants quand ils complotent ou se saoulent entre eux, éprouvent des remords quand ils s'en font pour leurs gamins en fugue, et le directeur, psycho-rigide, voulait cacher sa couleur rouge trahissant sa passion, qui lorsqu'elle est percée à jour le transforme. Le professeur qui n'a d'yeux que pour la foraine au chat la poursuit comme un rêve qui à la fin s'avère inatteignable, dans un départ profondément triste. Mais comme le vieil Oliva dans son clocher, il peut encore se tourner vers les enfants de l'école, qui parviennent à lui décrocher un sourire malgré tout.
La Seine a rencontré Paris (1957)
31 min. Sortie : 20 novembre 1957 (France).
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Joris Ivens, hors de son cinéma militant, renoue avec son amour des débuts pour l'urbanisme et l'eau. Un poème de Jacques Prévert, une interprétation vocale de Serge Reggiani et une composition sonore de Philippe-Gérard. Le résultat, une description lyrique de la Seine, a beau être parfois guimauve, les gens montrés sont émouvants, et on se laisse emporter par le courant calme.
Mademoiselle de Joncquières (2018)
1 h 49 min. Sortie : 12 septembre 2018. Drame
Film de Emmanuel Mouret
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
Plutôt sympathique mais plus anecdotique que d'autres de Mouret, ce dernier faisant mieux dans la comédie. Une adaptation d'une histoire de Diderot sur la vengeance d'une femme déçue en amour. Finalement, le plus grave n'est pas l'acharnement de Madame de La Pommeraye à faire ruiner émotionnellement et socialement son ancien amant le marquis des Arcis, mais qu'elle le fasse en manipulant au passage deux anciennes prostituées dans la misère. Elle qui déclare que sa méthode devrait servir d'exemple pour toutes les femmes, elle se fiche des dégâts causés sur celles-ci.
Liberté-Oléron (2001)
1 h 47 min. Sortie : 20 juin 2001 (France). Comédie
Film de Bruno Podalydès
Azguiaro a mis 5/10.
Annotation :
Les vacances d'une famille où se rencontrent surtout les classes moyennes et les petits bourgeois. Un comique de situation qui tourne autour d'un père qui s'ennuie profondément, et qui essaie donc de vivre pleinement son rêve bleu en achetant un petit voilier d'occasion pas très performant. Une âme peu sereine en vérité, franchement désagréable, même s'il essaie systématiquement de faire croire qu'il est maître de la situation, jusqu'à ce point culminant où au retour de l'île d'Aix toute la famille finit à la mer après une crise de nerf collective. Le film est plus intéressant quand il s'attarde sur le reste de la famille : la mère (superbe Guilaine Londez) qui a des vues sur un professionnel de la voile aux tendances naturistes, un des enfants qui veut séduire cette fille qui le sait bien, cet autre qui récite du Cyrano, notamment pendant une jolie scène, suspendue, où devant ses deux jeunes frères il joue sa mort dans un cimetière...
Rotterdam Europoort (1966)
20 min. Sortie : 29 avril 1966 (Pays-Bas).
Court-métrage documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Un film de Joris Ivens un pied dans la fiction, où les images émouvantes de la caméra documentaire qui filme les gens se conjuguent à celles de l'intrusion de la légende du Hollandais Volant, de retour en ville. Étrange et merveilleux.
Pour le mistral (1966)
33 min. Sortie : août 1966 (France).
Documentaire de Joris Ivens
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
En Provence pour observer le mistral. Ivens cherche à le rendre matériel à l'écran en capturant son passage. C'est aussi un prétexte pour filmer la nature de cette région d'Occitanie, et les domaines humains affectés par ce puissant vent de couloir.
De la terreur, mes sœurs ! (2019)
28 min. Sortie : 20 octobre 2019. Comédie
Court-métrage de Alexis Langlois
Azguiaro a mis 6/10.
Annotation :
J'ai beaucoup aimé ce film que j'attendais tant parce qu'il montre la rage, la détresse et les pulsions sexuelles qui bouillonnent chez les transsexuelles, dans un des mondes fantasmagoriques et tamisés d'Alexis Langlois, aussi refermé qu'il ne demande qu'à exploser. Je suis malgré tout un peu déçue parce que je ne m'attendais pas à tant de didactisme, qui amène à une distinction américano-queer entre le sexe et le genre. Ça fait porte d'entrée pour non-initiés, alors que le reste est bien sale, ça bouffe des bites, ça transforme une thérapie de conversion en orgie, entre Fassbinder pour les surcadrages et les miroirs, et Mandico pour le côté sexuel underground. C'est parfois jubilatoire, un peu cassé mais ça reste à regarder. Mes sœurs sont sublimes.
Le 17e Parallèle : La Guerre du peuple (1968)
1 h 53 min. Sortie : 12 juillet 1968 (France). Guerre
Documentaire de Joris Ivens et Marceline Loridan-Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Le premier film que Joris Ivens a tourné avec son épouse Marceline, et un document incroyable sur la vie sous les bombes de paysans vietnamiens durant les attaques étasuniennes. La tendresse et le montage font tout, et ce malgré quelques images choc peu pertinentes, même pour propager les raisons de la lutte d'un peuple.
Fanfreluches et idées noires (2016)
27 min. Sortie : 2016 (France). Musique
Court-métrage de Alexis Langlois
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Peut-être le plus mélancolique des films de Langlois, qui ne dit pas grand chose de clair si ce n'est une tendresse timide, un monde de gouines, de pédales et de transsexuels qui ne sont biens qu'ensemble mais diffusent une tristesse latente et presque angoissante. Pour se protéger, on se complaît entre nous, ça fait du bien, ça lasse, ça fait jouir, ça déprime. Les marginaux dans leur réaction maniaco-dépressive à une société qui ne veut pas d'eux. C'est beau et émouvant.
La pharmacie n°3 - Shanghai
1 h 21 min.
Documentaire de Joris Ivens et Marceline Loridan-Ivens
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
Premier film de la série du couple Ivens "Comment Yukong déplaça les montagnes" sur la Chine maoïste, pendant la révolution culturelle. Les persécutions parfois meurtrières de cette période sont évidemment absentes : les cinéastes, encore dans l'idéalisation du régime, accordent une crédibilité naïve aux paroles enregistrées. Ce qui n'empêche pas une approche empathique du quotidien de pharmaciens shanghaïens, qu'encourage l'échelle très locale des images. Comme tout le pays, les employés sont sous le coup des appels à l'enquête et à l'autocritique, ce que montrent les discussions et les réunions qui ont pour vocation d'améliorer leur service. Le projet a beau être propagandiste, difficile de ne pas adhérer à ce souci socialiste d'aider autrui, qui dans une utopie communiste bien loin des exactions orchestrées par Mao serait la plus évidente des normes.
Une histoire de ballon - lycée n°31 pékin
Documentaire de Marceline Loridan-Ivens et Joris Ivens
Azguiaro a mis 8/10.
Annotation :
Huitième film de la série de douze métrages documentaires "Comment Yukong déplaça des montagnes", par Joris Ivens et sa femme Marceline Loridan-Ivens. Ou comment régler une embrouille entre élève et professeure dans une école chinoise. Ce qui a tout d'une simple propagande maoïste s'avère être une démonstration redoutable de l'importance de bien traiter les enfants, selon une pédagogie où le débat de groupe est privilégié pour comprendre et résoudre. Si à la fin l'élève admet sa rancune qui l'aurait poussé à envoyer le tirer le ballon au-dessus de la tête de sa professeure, cette dernière admet en retour avoir été injuste la veille, apaisant la tension. Les Ivens laissent se dérouler cette histoire à la leçon admirable de maturité, en saisissant des portraits touchants d'une école chinoise à la fin du règne tyrannique de Mao Tsé-toung.
A Short Story (2022)
Pòsuì tàiyáng zhī xīn
15 min. Aventure, Fantastique
Court-métrage de Bì Gàn
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
La réussite esthétique principale de ce poème visuel n'est pas tant les compositions pourtant soignées de ses plans, que la manière dont Bi Gan va les explorer et les révéler comme une succession de tours de magie. Une chambre d'amnésique s'éclaire puis se transforme en wagon de train, un homme filmé au ralenti est rembobiné en plan-séquence, et encore quelques autres astuces qui pourraient avoir l'air triviales ou convenues, mais qui entre les mains d'un réalisateur chinois très prometteur deviennent les artifices d'une grande beauté d'un conte de chat surprenant.
Journal intime (1993)
Caro diario
1 h 40 min. Sortie : 25 mai 1994 (France). Biopic, Comédie, Drame
Film de Nanni Moretti
Azguiaro a mis 7/10.
Annotation :
En trois parties, Nanni Moretti raconte trois pages de journal intime durant le film, d'abord en errant à travers Rome et ses différents quartiers, ses différents passants (dont l'actrice de 'Flashdance') et ses différentes salles de cinéma, puis en visitant différentes îles Éoliennes, accompagné par un ami à lui pour chercher un endroit où travailler, et enfin en évoquant l'année terrible où, mis à mal par un prurit, il se fait diagnostiquer un cancer.
La dernière partie est en-dessous des deux autres, pourtant plus personnelle encore puisque Moretti raconte sa découverte d'un gros problème de santé dont il a guéri depuis, mais dont l'intimisme bigarre justement trop avec les deux autres où il y a une part nettement plus importante d'ouverture aux autres. La série de médecins antipathiques ne vaut pas la beauté des lieux visités et des gens rencontrés pendant la balade dans Rome, dans des dialogues surprenants dont le cinéaste a le secret, avec une bande-son libératrice et un motard si heureux sur la route. Ni des moqueries durant le périple insulaire où on voit le bruit de Lipari, les enfants monopolisant les téléphones de Salina, le maire délirant de Stromboli, le dandysme bourgeois de Panarea et la solitude d'Alicudi. Difficile de cerner un film aussi léger qui bondit de sujet en sujet, philanthrope, asocial, moderniste et critique de son époque. Moretti ne dresse pas vraiment de bilan sociologique mais veut parler de lui pour rendre compte du monde, et inversement. Un solitaire presque toujours entouré qui parle du cinéma, de la télévision, des gens, de l'Italie contemporaine.
Les musiques les plus réjouissantes de la première partie : 'Batonga' d'Angélique Kidjo, qui commence le film, et 'Didi' de Khaled.