lectures 2018

Annotation :

L'aire Saint-Mittre, c'est le carré originel, le nid, le berceau fécond de toute la fresque de Zola.
De là naîtront les quatre enfants de l'aïeule, Pierre, Aristide, Antoine et Pascal. Trois Rougon, un Macquart. Trois enfants légitimes, un bâtard. Dans le recoin de cette parcelle de cimetière que l'aire saint mittre éclot un fleur typique du Second Empire: une famille bourgeoise, arriviste et bouffie d'ambition. Zola l'annonce dès son préambule: le propos de ses romans est de retracer le parcours des gènes, de cerner les mystères de l'hérédité à travers plusieurs générations. Son travail débute ici, et de quelle manière.
Le Zola politique est peut-être encore plus pertinent que le disséqueur social. La bataille entre républicains populaires et bourgeois conservateurs, entre corps en mouvement et ordre établi, entre Colonne s'insinuant et remparts défendant, est dépeinte avec une férocité qui sonne vrai. L'auteur ne fait de cadeau à personne. Les républicains sont tout aussi cons que les bonapartistes ou que les monarchistes. Chez Zola, on est marchand d'huile arriviste ou marquis décadent avant d'être méchant ou gentil. Le statut social et tout ce que cela implique de subtil et de non-dit; là est l'enjeu.

Ici s'épancheront également les adolescents épris, Miette et Silvère. A la manière de Marius et de Cosette, les deux enfants consumeront leur passion dans les bras d'une révolution politique. A ceci près que Zola l'a voulue meurtrière. Les scènes d'amour vibrent d'un scintillement tour à tour lunaire et crépusculaire: toutes les scènes fortes ont lieu de nuit. Le lyrisme des décors contraste avec la froide et scientifique description des usines dans l'Assommoir par exemple: Zola exprime son lyrisme sans détour dans la Fortune. Sa sensualité, également: la végétation provençale enserre voluptueusement le couple comme un python qui titillerait sa proie avant de l'avaler. On se prépare au drame alors que les deux amants se cherchent, tâtonnent, se découvrent. Puis finissent par s'aimer sous les balles royalistes.

Annotation :

Le rappeur Gaël Faye m'avait émerveillé. Alors j'ai décidé lire le Petit Pays qui a fait sa réputation. Mais l'auteur Gaël Faye ne me fait pas rêver. C'est une belle histoire, poignante certes, mais sans réelle surprise. Les personnages sont un peu caricaturaux. On sent que Gael Faye se passionne pour ses souvenirs, sensoriels et émotionnels. On retrouve son style musical et chaloupé sur certains passages, magnifiques, mais il a du mal à tenir la longueur. Il n'évite pas quelques généralités balancées en fin de paragraphes, comme des parenthèses réflexives mais qui ressemblent malheureusement, parfois, à de la philosophie de comptoir. C'est dommage, parce qu'il nous emporte à de nombreuses reprises dans un tourbillon de sensations. Son livre rayonnne quand il se fait tropical, chaleureux, poussiéreux. Il nous donne envie de plier nos bouquins sous des bougainvilliers... En revanche, il sonne presque creux quand il s'aventure dans dans de longs dialogues surfaits, ou dans des analyses politiques peu crédibles.

Gael Faye fait pourtant un choix fort en centrant son récit sur une victime, et un pays, collatéral(e) au génocide rwandais. Plutôt que d'assister aux massacres, on en perçoit la rumeur lointaine, au-delà de l'impasse où il habite. Cette violence périphérique a beau surgir au centre de l'action vers la fin du roman, elle nous évoque assez efficacement le silence de la guerre à l'arme blanche.

Gaël Faye romancier a encore du chemin à faire pour Gaël Faye poète. Et à ceux qui s'ébahissent devant son roman, courez écouter - ou même lire - ses chansons !

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Marcel Frémaux est biographe. Il gobe votre histoire et la relâche, écrite et mise en forme. Il vient de perdre son père. Il regrette de ne jamais avoir gobé son histoire à lui, résistant pendant la 2de GM. Un matin, Lupuline Beuzaboc, cheveux grisaille et chaussures rouges, lui demande d'écrire l'histoire de son père,Tescelin Beuzaboc. Un Résistant.

John Irving disait à quel point il était inutile et absurde de se demander si un livre était autobiographique. Ici, on sait rarement où s'arrête l'auteur et où commence le personnage. Mais peu importe.

La légende de nos pères évoque avec tendresse le respect et l'intimidation que provoque un père chez ses enfants, même très tard. Tescelin reconnaît qu'il profitera de la naïveté de sa fille. Toutes les nuits, éclairés par le globe de lumière. Toutes les nuits, des mensonges de héros, un usurpateur couronné. La Résistance survit au temps grâce à quelques braves, deux ou trois passionnés, et surtout, grâce aux silencieux; à ceux qui allaient à la boulangerie tous les matins sous l'occupation, ceux qui ont fait leur petit geste, chacun, dans son coin. La mémoire se lègue dans le vent des générations.

Sorj Chalendon transmet également son amour des mots. La méthode de l'écrivain, voire du journaliste, est disséquée. On rêvait de s'immiscer à la table de travail de l'écrivain, Chalandon nous laisse y pénétrer avec le plaisir d'un père envers son enfant. Son style, nu, dépouillé, frissonnant, est éblouissant. Le talent se lègue aussi, père chalandon.