lectures 2019

Annotation :

Mais quel livre...Quel monument ! Quelles pages enfiévrées, quel style passionné, jamais la forme d'une oeuvre n'avait autant épousé son personnage ! Martin Eden est un marin rêveur, un gueux romantique, un vagabond intellectuel qui, du jour au lendemain, après être tombé sur le miracle de sa vie (Ruth), se donnera corps et âme dans la recherche de la beauté et l'apprentissage de son expression. Martin Eden surpasse tous les romans d'apprentissage que j'ai pus lire. Raconté à la 3e personne mais toujours à travers la focale unique du personnage, on ressent l'évolution de sa vision du monde, de sa sensibilité, de sa philosophie. Les mots choisis, la syntaxe et même la ponctuation épousent ses états d'âme et, surtout, se confondent avec la trame narrative. Les phases de l'histoire sont claires : d'abord Martin Eden est un rêveur ignorant, puis un intellectuel idéaliste, et enfin un génie désabusé. La bulle de l'illusion explose quand Martin Eden se rend compte de la futilité humaine, de l'hypocrisie de la bourgeoisie qu'il avait pourtant commencé à cerner bien avant. C'est violent. Tout y passe, même son amour, même sa fièvre romantique qui m'a tant plue au début. Mais une fois l'épilogue bouclé, on prend conscience que si l'on a lâché la passion en route, c'est pour mieux rebondir sur la complexité du propos. Jamais je n'avais si bien ressenti la désillusion romantique. Jack London embrasse le lecteur à pleine bouche pendant 300 pages, avant de lui tirer dans l'estomac, avec une vieille arme rouillée, pessimiste, grinçante, mais terriblement efficace.

Annotation :

Dans « Slade House », sise non loin de ­Westwood Road et du pub Renard et ­Mâtins, le cadre éponyme du septième roman de David Mitchell, le porche de la mort n’est rien d’autre qu’une « petite porte en ­métal noir », « noire comme le rien », « basse et étroite », qu’une ­simple pression de la main suffit à faire pivoter. Mais à qui la franchit est réservée une surprise qui saisira tour à tour, entre 1979 et 2015, le petit Nathan Bishop et sa ­pianiste de maman, l’inspecteur Gordon Edmonds, Sally Timms et son groupe d’amateurs de paranormal, sa sœur Freia et la psychiatre Iris Marinus-Fenby. Reçus par Lady Grayer, la sémillante Chloe Chetwynd, une escouade de fêtards ou le jeune complotiste ­Bombadil, tous seront initiés aux ­opaques mystères et à l’effrayante vérité qui hante Slade House.

David Mitchell réussit l'exploit de toujours surprendre le lecteur alors même que la construction de son intrigue est basée sur la répétition (tous les neuf ans, les Grayer doivent faire le même rituel pour se nourrir des âmes). A chaque fois, des personnages toujours aussi bien brossés (avec pour chacun d'eux un style d'écriture différent, collant à son caractère), et surtout un renouvellement de l'effet de surprise. Alors qu'on croit toujours ne plus se faire prendre par les Grayer, on retombe dans leur piège, jusqu'au dernier chapitre, qui est un peu en-deça des cinq autres. Magistral quand même !

Annotation :

Hope Clearwater est une éthologue chargée de surveiller un groupe de singes inexplicablement entré en sécession. Elle découvrira rapidement que ces singes sont atteints de cannibalisme, et font preuve d'une cruauté effroyablement humaine. Malheureusement, comme depuis le début de sa carrière, sa découverte se heurtera à la vanité scientifique (incarnée par Mallabar). Brazzaville plage raconte comment la Science peut égarer le scientifique. "La route du savoir mène en enfer" lui dit Amilcar. Crime de lèse-majesté pour tout enfant des Lumières. Pourtant, c'est bien ce dont il s'agit ici : l'ivresse du savoir peut conduire à la folie (pour John à travers l'obsession d'avoir un théorème à son nom ; pour Mallabar pour son identité même de spécialiste des chimpanzés). Le roman parle aussi avec gourmandise du fabuleux univers des mathématiques, comme de celui de la recherche scientifique sur le terrain. On apprend à comprendre ces gens qui donnent leur vie pour faire avancer le savoir universel. "A quoi bon?" dit cependant Amilcar, superbe personnage, décisif dans la nuance du propos.
Je découvre William Boyd. C'est magnifiquement scolaire, c'est à la fois rigoureux, classique (chaque paysage, chaque scène est décrite méthodiquement, efficacement) et en même temps systématiquement juste et original. Si vous voulez apprendre à écrire, lisez William Boyd. Il a trouvé le juste milieu entre l'académisme plat et la créativité prétentieuse.

Annotation :

1. L'économie morale et le pouvoir - Samuel Hayat : Le mouvements des gilets jaunes n'est pas si disparate qu'on l'entend. Il est uni autour de l'économie morale : en gros, des revendications pour que l'économie retrouve son bon sens premier, sa justice de base. Prend l'exemple des grèves d'Anzin.

Annotation :

Flaubert a voulu faire de l'anti-romanesque : il ne s'y passe rien. Les débuts de péripéties s'effondrent : par exemple, la scène du duel qui se termine par un évanouissement. Les personnages ratent tout. Pathétique.
Roman de la rue. Beaucoup de scènes ont lieu dans la rue, des rencontres entre des personnages au gré du hasard.
Flaubert se méfie des groupes, des mouvements littéraires, c'est un individualiste forcené.
Flaubert aimait se couper du monde pour écrire, portant l'ascèse littéraire au rang de condition à l'accomplissement esthétique : il coupait les mots, les laminait, les épurait, jusqu'à arriver à ce qu'il entendait être la perfection.
Flaubert fait jouer des amours l'un contre l'autre. Rosanette est la sensualité. Arnoux la passion.
Flaubert déteste la morale. Ce n'est pas l'immoralité de Frédéric la cause de ses échecs. Mais il y a une mise en cause de la passion.