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41 livres

créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a presque 2 ans
L'Enracinement
7.9

L'Enracinement (1949)

Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain

Sortie : 1949 (France). Essai, Philosophie

livre de Simone Weil

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« La symbolique grecque explique le fait que Pythagore ait offert un sacrifice dans sa joie d'avoir trouvé l'inscription du triangle rectangle dans le demi-cercle.

Le cercle aux yeux des Grecs, était l'image de Dieu. Car un cercle qui tourne sur lui-même, c'est un mouvement où rien ne change et parfaitement bouclé sur soi-même. Le symbole du mouvement circulaire exprimait chez eux la même vérité qui est exprimée dans le dogme chrétien par la conception de l'acte éternel d'où procèdent les relations entre les Personnes de la Trinité.

La moyenne proportionnelle était à leurs yeux l'image de la médiation divine entre Dieu et les créatures. Les travaux mathématiques des Pythagoriciens avaient pour objet la recherche de moyennes proportionnelles entre nombres qui ne font pas partie d'une même progression géométrique, par exemple entre l'unité et un nombre non carré. Le triangle rectangle leur a fourni la solution. Le triangle rectangle est le réservoir de toutes les moyennes proportionnelles. Mais dès lors qu'il est inscriptible dans le demi-cercle, le cercle se substitue à lui pour cette fonction. Ainsi le cercle, image géométrique de Dieu, est la source de l'image géométrique de la Médiation divine. Une rencontre aussi merveilleuse valait un sacrifice. »

« Il est certain que la neutralité est un mensonge. Le système laïque n'est pas neutre, il communique aux enfants une philosophie qui est d'une part très supérieure à la religion genre Saint-Sulpice, d'autre part très inférieure au christianisme authentique. Mais celui-ci, aujourd'hui, est très rare. Beaucoup d'instituteurs portent à cette philosophie un attachement d'une ferveur religieuse. »

« L'État est une chose froide qui ne peut pas être aimée mais il tue et abolit tout ce qui pourrait l'être ; ainsi on est forcé de l'aimer, parce qu'il n'y a que lui. Tel est le supplice moral de nos contemporains. »

Journal
7.9

Journal

Sortie : 1964 (France). Journal & carnet

livre de Jean-René Huguenin

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Les grands romanciers sont ceux qui savent faire du mystérieux avec du quotidien, de l'extraordinaire avec du banal, du divin avec de l'humain -ceux qui savent faire quelque chose avec rien, comme l'espoir. »

« L'amour est nécessaire à la plupart des êtres parce qu'il est un des rares moyens qui leur permette d'oublier cette réalité douloureuse : je vis. »

« Un ciel bleu, sec et froid, dur comme un diamant, tintant comme une cloche immense, allègre et joyeux comme un petit caillou, net, limpide, frais, eau glaciale sans une ride, infini, semblable à un aigle planant au-dessus de Paris, dardant sa froide précision céleste sur les maisons, bleuissant les toits, rosissant les murs, enveloppant chaque chose dans sa gaine inflexible. Voilà le temps que j'aime. Un temps dur et tendre à la fois, infaillible. Les gens dans la rue ont le visage rose, le nez pincé par le froid, les lèvres serrées et pâlies, les traits un peu figés mais resplendissants de bien-être. C'est un temps qui sait ce qu'il veut. Mon bel hiver ! »

« Dans ce monde qui s'effondre et se dissout, il faut plus que jamais vivre debout ; profiter de la moindre lumière ; rester maître de ses passions comme de sa fatigue, de ses démons comme des élans de son cœur. »

« Régner sur les foules, sur un pays, m’exaltait moins que de régner sur moi. Le seul empire que j’aie jamais voulu posséder, c’est l’empire sur moi-même. »

Sous le soleil de Satan
7.5

Sous le soleil de Satan (1926)

Sortie : 1926 (France). Roman

livre de Georges Bernanos

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles, que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d’autrui. »

« J'ai connu trop d'âmes, Sabiroux, j'ai trop entendu la parole humaine, quand elle ne sert plus à déguiser la honte, mais à l'exprimer; prise à sa source, pompée comme le sang d'une blessure. Moi aussi, j'ai cru pouvoir lutter, sinon vaincre. Au début de notre vie sacerdotale nous nous faisons du pécheur une idée si singulière, si généreuse. Révolte, blasphème, sacrilège, cela a sa grandeur sauvage, c'est une bête qu'on va dompter... Dompter le pécheur! ô la ridicule pensée! Dompter la faiblesse et la lâcheté mêmes ! Qui ne se lasserait de soulever une masse inerte ? Tous les mêmes! Dans l'effusion de l'aveu, dans l'élargissement du pardon, menteurs encore et toujours ! »

« Pourquoi pas ? Dans la confession, l'expérience du péché est-elle jamais complète ? N'y a-t-il pas, dans la honte et dans l'aveu, même incomplet, déloyal, une sensation âpre et forte qui ressemble au remords, un remède un peu rude et singulier à l'affadissement du vice ? Et d'ailleurs les maniaques de la libre pensée sont bien sots de dédaigner à l'église une méthode de psychothérapie qu'ils jugent excellente et nouvelle chez un neurologiste de renom. Ce professeur, dans sa clinique, fait-il autre chose qu'un simple prêtre au confessionnal: provoquer, déclencher la confidence pour suggestionner ensuite, à loisir, un malade apaisé, détendu ? Combien de choses pourrissent dans le cœur, dont le seul effort délivre ! »

Tao-tö king
7.9

Tao-tö king

(traduction Liou Kia-hway)

道德經

Sortie : 1990 (France). Essai, Art de vivre & spiritualité, Philosophie

livre de Lao-Tseu (Laozi)

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Les paroles vraies ne sont pas agréables ;
les paroles agréables ne sont pas vraies.
Un homme de bien n'est pas un discoureur;
un discoureur n'est pas un homme de bien.
L'intelligence n'est pas l'érudition;
L'érudition n'est pas l'intelligence.

Le saint se garde d'amasser;
en se dévouant à autrui, il s'enrichit,
après avoir tout donné, il possède encore davantage

La voie du ciel porte avantage sans nuire;
la vertu du saint agit sans rien réclamer. »

Pensées sans ordre concernant l'amour de Dieu
7.7

Pensées sans ordre concernant l'amour de Dieu (1940)

Sortie : 26 avril 2013 (France). Essai, Philosophie

livre de Simone Weil

ElFamosoKhey a mis 7/10.

Annotation :

https://youtu.be/EDTgePswXaw (je vous recommande fortement la chaîne entière, n'étant pas adepte des livres audios je trouve la lecture très agréable)

Comme toujours avec Simone Weil, un français simple qui pourtant exprime une pensée profonde.

« La vie telle qu'elle est faite aux hommes n'est supportable que par le mensonge. Ceux qui refusent le mensonge et préfèrent savoir que la vie est intolérable, sans pourtant se révolter contre le sort, finissent par recevoir du dehors, d'un lieu situé hors du temps, quelque chose qui permet d'accepter la vie telle qu'elle est. »

Le Prophète
7.5

Le Prophète (1923)

The Prophet

Sortie : 1926 (France). Essai, Poésie

livre de Khalil Gibran

ElFamosoKhey a mis 7/10.

Annotation :

« Il est bon de donner quand on le demande, mais il est encore mieux de donner par discernement, quand on ne le demande pas ; et pour la main ouverte, chercher celui qui recevra est une plus grande joie que de donner. Et que pourriez-vous refuser ? Tout ce que vous avez, sera donné un jour ; donnez donc maintenant, afin que le moment de donner soit le vôtre et non celui de vos héritiers. »

« La raison, gouvernant seule, est une force limitée ; et la passion, livrée à elle-même, est une flamme qui brûle jusqu’à sa propre extinction.
Que votre âme élève donc votre raison à la hauteur de la passion, en sorte qu’elle puisse chanter ; et qu’elle laisse votre raison guider la passion afin que votre passion puisse vivre chaque jour à sa résurrection et, comme le phénix, renaître de ses propres cendres. »

« Et dans beaucoup de vos discours, la pensée est à moitié assassinée.
Car la pensée est un oiseau de l'espace qui, dans la cage des mots, peut déployer ses ailes mais ne peut pas voler. »

Le Contre-Ciel
7.9

Le Contre-Ciel (1936)

suivi de Les Dernières Paroles du poète

Sortie : 23 octobre 1970 (France). Poésie

livre de René Daumal

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

LA PEAU DU FANTÔME

Je traîne mon espoir avec mon sac de clous,
je traîne mon espoir étranglé à tes pieds,
toi qui n'est pas encore,
et moi qui ne suis plus.

Je traîne un sac de clous sur la grève de feu
en chantant tous les noms que je te donnerai
et ceux que je n'ai plus.
Dans la barque, elle pourrit, la loque
où ma vie palpitait jadis ;
toutes les planches furent clouées,
il est pourri sur sa paillasse
avec ses yeux qui ne pouvaient te voir,
ses oreilles sourde à ta voix,
sa peau trop lourde pour te sentir
quand tu le frôlais,
quand tu passais en vent de maladie.

Et maintenant j'ai dépouillé la pourriture,
et tout blanc je viens en toi,
ma peau nouvelle de fantôme
frissonne déjà dans ton air.

Lettre à un otage
7.4

Lettre à un otage (1943)

Sortie : août 2008 (France). Correspondance

livre de Antoine de Saint-Exupéry

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

« Comment se reconstruire ? Comment refaire en soi le lourd écheveau de souvenirs ? Ce bateau fantôme était chargé, comme les limbes, d'âmes à naître. Seuls paraissaient réels, si réels qu'on les eût aimé toucher du doigt, ceux qui, intégrés au navire et ennoblis par de véritables fonctions, portaient les plateaux, astiquaient les cuivres, ciraient les chaussures, et, avec un vague mépris, servaient des morts. Ce n'est pas la pauvreté qui valait aux émigrants ce léger dédain du personnel. Ce n'est point d'argent qu'ils manquaient, mais de densité. Ils n'étaient plus l'homme de telle maison, de tel ami, de telle responsabilité. Ils jouaient le rôle, mais ce n'était plus vrai. Personne n'avait besoin d'eux, personne ne s'apprêtait à faire appel à eux. Quelle merveille que ce télégramme qui vous bouscule, vous fait lever au milieu de la nuit, vous pousse vers la gare : " Accours ! J'ai besoin de toi ! " Nous nous découvrons vite des amis qui nous aident. Nous méritons lentement ceux qui exigent d'être aidés. »

« Et comme le désert n'offre aucune richesse tangible, comme il n'est rien à voir ni à entendre dans le désert, on est bien contraint de reconnaitre, puisque la vie intérieure loin de s'y endormir s'y fortifie, que l'homme est animé d'abord par des sollicitations invisibles. L'homme est gouverné par l'Esprit. Je vaux, dans le désert, ce que valent mes divinités. »

Baleine
8.1

Baleine (1982)

Sortie : 1982 (France). Nouvelle

livre de Paul Gadenne

ElFamosoKhey a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« La pureté du site nous exaltait. La côte, sur une longue distance, était plate, et nous circulions dans une parfaite solitude, entre deux ou trois lignes simples, ou notre oeil n'aurait pu déceler le plus léger accident : la ligne noire de la forêt, à notre droite ; une ligne dorée, devant nous, à la frontière du sable et de l'écume : et à gauche, un horizon liquide, dur et gonflé. Toutes ces lignes couraient se rejoindre sous nos yeux, en un point éloigné vers lequel nous entraînait leur convergence, et qui fuyait toujours. »

« Ce blanc aurait pu être celui de certaines pierres, dont l'effort vers la transparence s'est heurté à trop d'opacité, et dont toute la lumiére est tournée vers l'intérieur. Mais on distinguait, par endroits, des tâches d'un vert fondant et, prés de la tête, des serpentements mauves ou bleu ciel, fort subtils, qui disaient bien leur appartenance. Les teintes de la mort sont exquises: parfois nous croyions voir s'entrouvrir une rose. Devant cette chose qui ressemblait plus à un catafalque qu'à une bête morte, devant ce monument orné de signes délicats, qui viraient ça et là au colchique ou à la violette fanée, nous étions pris d'un doute- à quoi s'ajoutaient par moments, d'une façon bien inattendue, la sorte d'inquiétude qu'on ressent au chevet d'une personne malade. »

« Cette baleine nous paraissait être la dernière ; comme chaque homme dont la vie s’éteint semble être le dernier homme. Sa vue nous projetait hors du temps, hors de cette terre absurde qui dans le fracas des explosions semblait courir vers sa dernière aventure. Nous avions cru ne voir qu’une bête ensablée ; nous contemplions une planète morte. »

Pour en finir avec le Moyen Âge
7.4

Pour en finir avec le Moyen Âge (1977)

Sortie : 1979 (France). Essai, Histoire

livre de Régine Pernoud

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Je me rappelle l'entretien que j'avais eu avec un journaliste de la télévision catholique ; c'était à propos du procès de Jeanne d'Arc (...) Il me demandait comment étaient connus les actes du procès et je lui expliquai qu'on en possédait l'authentique, le relevé, fait par les notaires, comme dans toute action juridique à l'époque, des questions posées par le tribunal et des réponses faites par l'accusée.
- Mais alors on écrivait tout ?
- Oui, tout.
- Ça doit faire un gros dossier.
- Oui, très gros.
J'avais l'impression de converser avec un analphabète.
- Alors, pour le publier, il y a des gens qui ont tout recopié ?
- Oui, tout.
Et je le sentais plongé dans une stupéfaction si intense qu'insister eût été délicat ; il murmura pour lui-même : "On a du mal à croire que ces gens-là pouvaient faire les choses avec tant de soin..."
"Ces gens là... avec tant de soin..." A mon tour de m'étonner : ce journaliste n'avait donc jamais regardé une voûte gothique ? Il ne s'était jamais posé la question de savoir si pour tenir pendant bientôt un millénaire à quelques quarante mètres de haut, il ne fallait pas qu'elle eût été faite avec soin ? »

« En négligeant la formation du sens historique, en oubliant que l'Histoire est la Mémoire des peuples, l'enseignement forme des amnésiques. On reproche parfois de nos jours aux écoles, aux universités, de former des irresponsables, en privilégiant l'intellect au détriment de la sensibilité et du caractère. Mais il est grave aussi de faire des amnésiques. Pas plus que l'irresponsable, l'amnésique n'est une personne à part entière; ni l'un ni l'autre ne jouissent de ce plein exercice de leurs facultés qui seul permet à l'homme, sans danger pour lui-même et pour ses semblables, une vraie liberté. »

Le Petit Prince
7.8

Le Petit Prince (1943)

Sortie : 1943 (France). Conte, Jeunesse

livre de Antoine de Saint-Exupéry

ElFamosoKhey a mis 7/10.

Annotation :

« "Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde"
....
"Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé..."
...
"Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche :
-Ah ! Dit le renard... je pleurerai.
-C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
-Bien sûr, dit le renard.
-Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
-Bien sûr, dit le renard
-Alors tu n'y gagnes rien !
-J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé" »

Un héros de notre temps
7.8

Un héros de notre temps (1840)

(traduction Boris de Schlœzer)

Geroy nashego vremeni

Sortie : 1973 (France). Roman

livre de Mikhaïl Lermontov

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Oui ! Et telle fut ma destinée, dès ma plus tendre enfance. Tout le monde lisait sur mon visage les signes des plus mauvais penchants ; ces signes n’existaient point, mais on les pressentait, et ils ne parurent jamais, j’étais modeste, on m’accusa d’astuce et je devins sournois. Je ressentais profondément le bien et le mal ; personne ne me prodiguait la moindre caresse ; tous m’outrageaient ; je devins vindicatif. J’étais morose, les autres enfants étaient gais et babillards ; je me sentais au-dessus d’eux, on me mit plus bas, je devins envieux. J’étais disposé à aimer tout le monde ; personne ne me comprit ; j’appris la haine. Ma jeunesse flétrie s’écoula au milieu d’une lutte entre la société et moi. Craignant de voir tourner en ridicule mes meilleurs sentiments, je les enfouis au fond de moi-même et ils s’évanouirent. J’aimais la vérité, on ne me crut pas : je me mis à mentir. Connaissant à fond le monde et le mobile de la société, je devins habile dans la science de la vie et je m’aperçus que d’autres, sans la moindre habileté, étaient heureux et recevaient des honneurs et des avantages que je briguais infatigablement. Alors le désespoir naquit dans mon cœur, mais non pas ce désespoir que guérit la balle d’un pistolet ; non ! mais un désespoir froid et sans force, qui se cache sous un sourire aimable et bienveillant. Je devins un paralytique moral. Une moitié de mon âme languit, se dessécha, et mourut. Je la coupai et la rejetai. L’autre partie s’agita et se mit à vivre dans chacune de ses parties, et personne ne remarqua cela, parce que personne ne savait l’absence de la moitié perdue. Mais vous venez de réveiller en moi son souvenir et je vous lirai son épitaphe. Au plus grand nombre, les épitaphes paraissent ridicules, mais à moi, non ; je pense toujours à celui qui repose sous elle. Du reste je ne vous prie point de partager mon opinion ; si ma sortie vous paraît ridicule, riez-en ! Je vous préviens que cela ne m’affligera pas le moins du monde. »

Le Déclin du courage
8.1

Le Déclin du courage (1978)

Sortie : 1978. Culture & société

livre de Alexandre Soljenitsyne

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Le chemin que nous avons parcouru depuis la Renaissance a enrichi notre expérience, mais nous avons perdu le Tout, le Plus-Haut qui fixait autrefois une limite à nos passions et à notre irresponsabilité. Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest, la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue.
Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette Terre n’en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés. Inéluctablement, nous sommes amenés à revoir l’échelle des valeurs qui sont répandues parmi les hommes et à nous étonner de tout ce que celle-ci comporte aujourd’hui d’erroné. »

L'Éducation sentimentale
7.4

L'Éducation sentimentale (1869)

Sortie : 1869 (France). Roman

livre de Gustave Flaubert

ElFamosoKhey a mis 7/10 et le lit actuellement.

Annotation :

« Elle mordait dans une grenade, le coude posé sur la table; les bougies du candélabre devant elle tremblaient au vent; cette lumière blanche pénétrait sa peau de tons nacrés, mettait du rose à ses paupières, faisait briller les globes de ses yeux; la rougeur du fruit se confondait avec le pourpre de ses lèvres, ses narines minces battaient; et toute sa personne avait quelque chose d’insolent, d’ivre et de noyé qui exaspérait Frédéric, et pourtant lui jetait au cœur des désirs fous. »

« Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues.
Il revint.
Il fréquenta le monde, et il eut d’autres amours, encore. Mais le souvenir continuel du premier les lui rendait insipides ; et puis la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. »

« On se réfugie dans le médiocre, par désespoir du beau qu'on a rêvé ! »

« Il y a un moment, dans les séparations, où la personne aimée n'est déjà plus avec nous. »

Au-dessous du volcan
7.8

Au-dessous du volcan (1947)

Under the Volcano

Sortie : 1949 (France). Roman

livre de Malcolm Lowry

ElFamosoKhey a mis 8/10 et le lit actuellement.

Annotation :

« Et c'est ainsi parfois que je pense à moi-même comme à un grand explorateur qui, ayant découvert un extraordinaire pays, n'en peut jamais revenir pour faire don au monde de son savoir : mais le nom de ce pays est enfer. » (s'il fallait résumer le livre en une phrase)

« Oui, elle le comprenait maintenant, toute cette histoire de taureau, c'était comme une vie: l'importante naissance, la belle chance, le tour de l'arène d'abord hésitant, puis assuré, puis à demi désespéré, un obstacle aplani - exploit mal reconnu - puis l'ennui, la résignation, l'effondrement; puis une autre naissance, plus convulsive; un nouveau départ; les efforts circonspects pour s'y reconnaître dans un monde maintenant franchement hostile; l'encouragement apparent, mais décevant, de ses juges , dont plus de la moitié étaient endormis; les embardées dans les commencements du désastre, à cause de ce même obstacle négligeable qui avait été jadis franchi d'un coup, la chute finale… »

« Si notre civilisation devait dessoûler deux jours de suite, le troisième elle crèverait de remords. »

« A présent le Consul faisait de cette Vierge-ci l'autre qui avait exaucé sa prière et, comme ils se tenaient en silence devant elle, il pria encore : "Rien n'est changé et malgré la miséricorde de Dieu je suis toujours seul. Bien que ma souffrance semble n'avoir aucun sens je suis toujours dans l'angoisse. Il n'y a pas d'explication à ma vie." En effet il n'y en avait pas, et ce n'était pas là non plus ce qu'il avait voulu exprimer. "Je vous en prie, accordez à Yvonne son rêve - rêve ? - d'une vie nouvelle avec moi - je vous en prie laissez-moi croire que tout cela n'est pas une abominable duperie de moi-même", essaya-t-il... "Je vous en prie, laissez-moi la rendre heureuse, délivrez-moi de cette effrayante tyrannie de moi. Je suis tombé bas. Faites-moi tomber encore plus bas, que je puisse connaître la vérité. Apprenez-moi à aimer de nouveau, à aimer la vie." Ça ne marchait pas non plus... "Où est l'amour ? Faites-moi vraiment souffrir. Rendez-moi ma pureté, la connaissance des Mystères, que j'ai trahis et perdus. Faites-moi vraiment solitaire, que je puisse honnêtement prier. Laissez-nous être heureux encore quelque part, pourvu que ce soit ensemble, pourvu que ce soit hors de ce monde terrible. Détruisez le monde !" cria-t-il dans son cœur. Le regard de la Vierge était baissé comme pour bénir, mais peut-être n'avait-elle pas entendu. »

Mémoires d'Hadrien
8

Mémoires d'Hadrien (1951)

Sortie : 1951 (France). Roman

livre de Marguerite Yourcenar

ElFamosoKhey a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur et le lit actuellement.

Annotation :

« Comme tout le monde, je n'ai à mon service que trois moyens d'évaluer l'existence humaine : l'étude de soi, la plus difficile et la plus dangereuse, mais aussi la plus féconde des méthodes ; l'observation des hommes, qui s'arrangent le plus souvent pour nous cacher leurs secrets ou pour nous faire croire qu'ils en ont ; les livres, avec les erreurs particulières de perspective qui naissent entre leurs lignes. »

« Je ne méprise pas les hommes. Si je le faisais, je n'aurais aucun droit, ni aucune raison, d'essayer de les gouverner. Je les sais vains, ignorants, avides, inquiets, capables de presque tout pour réussir, pour se faire valoir, même à leurs propres yeux, ou tout simplement pour éviter de souffrir. Je le sais : je suis comme eux, du moins par moment, ou j'aurais pu l'être. Entre autrui et moi, les différences que j'aperçois sont trop négligeables pour compter dans l'addition finale. Je m'efforce donc que mon attitude soit aussi éloignée de la froide supériorité du philosophe que l'arrogance du César. Les plus opaques des hommes ne sont pas sans lueurs : cet assassin joue proprement de la flûte ; ce contremaître déchirant à coups de fouet le dos des esclaves est peut-être un bon fils ; cet idiot partagerait avec moi son dernier morceau de pain. Et il y en a peu auxquels on ne puisse apprendre convenablement quelque chose. Notre grande erreur est d'essayer d'obtenir de chacun en particulier les vertus qu'il n'a pas, et de négliger de cultiver celles qu'il possède. »

« Tout bonheur est un chef-d'œuvre : la moindre erreur le fausse, la moindre hésitation l'altère, la moindre lourdeur le dépare, la moindre sottise l'abêtit. »

« Quand tous les calculs compliqués s'avèrent faux, quand les philosophes eux-mêmes n'ont plus rien à nous dire, il est excusable de se tourner vers le babillage fortuit des oiseaux, ou vers le lointain contrepoids des astres. »

Faust
7.8

Faust (1808)

adaptation d'Edmond Rostand

Sortie : 20 septembre 2007 (France). Roman, Théâtre

livre de Johann Wolfgang von Goethe

ElFamosoKhey a mis 7/10, l'a mis dans ses coups de cœur et le lit actuellement.

Annotation :

« Maudite soit d'abord la haute opinion dont l'esprit s'enivre de lui-même ! Maudite soit la splendeur des vaines apparences qui assiègent nos sens ! Maudit soit ce qui nous séduit dans nos rêves, illusions de gloire et d'immortalité ! Maudit soient tous les objets dont la possession nous flatte. »

« Cherchez donc une succès honnête, et ne vous attachez point aux grelots d'une brillante folie ; il ne faut pas tant d'art pour faire supporter la raison et le bon sens, et si vous avez à dire quelque chose de sérieux, ce n'est point aux mots qu'il faut vous appliquer davantage. Oui, vos discours si brillants, où vous parez si bien les bagatelles de l'humanité, sont stériles comme les vent brumeux de l'automne qui murmure parmi les feuilles séchées. »

Iliade
7.9

Iliade

(traduction Mario Meunier)

Ἰλιάς

Sortie : 1943 (France). Mythes & épopée

livre de Homère

ElFamosoKhey a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et le lit actuellement.

Annotation :

« Ainsi que des moissonneurs, qui, face les uns aux autres, vont, en suivant leur ligne, à travers le champ, soit de froment ou d'orge, d'un heureux de ce monde, et font tomber dru les javelles, ainsi Troyens et Achéens, se ruant les uns sur les autres, cherchent à se massacrer, sans qu'aucun des deux partis songe à la hideuse déroute. La mêlée tient les deux fronts en équilibre. Ils chargent comme des loups, et Lutte, qu'accompagnent les sanglots, a plaisir à les contempler. Seule des divinités, elle se tient parmi les combattants. Aucun autre dieu n'est là : ils sont assis, tranquilles, en leur palais, là où chacun a sa demeure bâtie aux plis de l'Olympe. Ils incriminent, tous, le Cronide à la nuée noire : ils voient trop bien son désir d'offrir la gloire aux Troyens. Mais Zeus n'a souci d'eux. Il s'est mis à l'écart, et, assis loin des autres, dans l'orgueil de sa gloire, il contemple à la fois la cité des Troyens, et les nefs achéennes, et l'éclair du bronze — les hommes qui tuent, les hommes qui meurent. »

« Et, cependant qu'en son âme et son cœur il remue ces pensées, voici que de lui s'approche le fils de l'illustre Nestor, qui verse des larmes brûlantes et lui dit l'affreuse nouvelle :
« Hélas ! fils du brave Pélée, tu vas apprendre la cruelle nouvelle de ce qui n'eût jamais dû être. Patrocle gît à terre ; on se bat autour de son corps — son corps sans armes : ses armes sont aux mains d'Hector au casque étincelant. »
Il dit : un noir nuage de douleur aussitôt enveloppe Achille. À deux mains il prend la cendre du foyer, la répand sur sa tête, en souille son gentil visage. Sur sa tunique de nectar maintenant s'étale une cendre noire. Et le voici lui-même, son long corps allongé dans la poussière ; de ses propres mains il souille, il arrache sa chevelure. Les captives, butin d'Achille et de Patrocle, le cœur affligé, poussent de grands cris et sortent en courant entourer le vaillant Achille. Toutes, de leurs mains se frappent la poitrine ; aucune qui ne sente ses genoux rompus. Antiloque, de son côté, se lamente et verse des larmes. Il tient les mains d'Achille, dont le noble cœur terriblement gémit : il craint qu'il ne se tranche la gorge avec le fer. Mais Achille a poussé une plainte terrible. »

Les grandes villes et la vie de l'esprit
7.4

Les grandes villes et la vie de l'esprit

Sortie : septembre 2007 (France). Essai

livre de Georg Simmel

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Ainsi, le type de l’habitant des grandes villes – qui naturellement existe avec mille variantes individuelles – se crée un organe de protection contre le déracinement dont le menacent les courants et les discordances de son milieu extérieur : au lieu de réagir avec sa sensibilité à ce déracinement, il réagit essentiellement, avec l’intellect, auquel l’intensification de la conscience, que la même cause produisait, assure la prépondérance psychique. »

« Aux yeux du blasé, elles [les choses] apparaissent d’une couleur uniformément terne et grise, indigne d’être préférée à l’autre. Cette attitude d’âme est le reflet subjectif fidèle de la parfaite imprégnation par l’économie monétaire ; pour autant que l’argent évalue de la même façon toute la diversité des choses, exprime par des différences de quantité toutes les différences respectives de qualité, pour autant que l’argent avec son indifférence et son absence de couleurs se pose comme le commun dénominateur de toutes les valeurs, il devient le niveleur le plus redoutable, il vide irrémédiablement les choses de leur substance, de leur propriété, de leur valeur spécifique et incomparable. »

« Si nous envisageons la culture énorme qui s’est incarnée depuis cent ans en objets et en connaissances, en institutions et en confort, et si nous lui comparons le progrès de la culture individuelle dans le même temps – au moins dans les positions sociales les plus élevées –, une différence effrayante de croissance se montre entre les deux, et même en plusieurs points plutôt une régression de la culture individuelle sur le plan de la spiritualité, de la délicatesse, de l’idéalisme. Cette discordance est essentiellement le résultat de la division croissante du travail : car celle-ci réclame du particulier une production toujours plus unilatérale, dont la progression extrême fait souvent s’étioler sa personnalité globale. En tout cas, l’individu est de moins en moins apte à se mesurer à l’envahissement de la culture objective. Peut-être moins consciemment que dans la pratique et dans les sentiments collectifs obscurs qui s’y enracinent, il est réduit à être « quantité négligeable », un grain de poussière face à une organisation démesurée de choses et de forces, qui lui ravissent totalement tous les progrès, toutes les valeurs spirituelles et les valeurs morales, et les conduisent de la forme de la vie subjective à celle d'une vie purement objective. »

Grèves et joie pure
8

Grèves et joie pure (2016)

Une arme nouvelle, les occupations d'usine, 1936

Sortie : 5 mai 2016. Articles & chroniques, Politique & économie

livre de Simone Weil

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« C’est que dans ce mouvement il s’agit de bien autre chose que de telle ou telle revendication particulière, si importante soit-elle. Si le gouvernement avait pu obtenir pleine et entière satisfaction par de simples pourparlers, on aurait été bien moins content. Il s’agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence pendant des mois et des années, d’oser enfin se redresser. Se tenir debout. Prendre la parole à son tour. Se sentir des hommes, pendant quelques jours. Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. Une joie sans mélange. »

« Il faut serrer les dents. Tenir. Comme un nageur sur l’eau. Seulement avec la perspective de nager toujours, jusqu’à la mort. Pas de barque par laquelle on puisse être recueilli. Si on s’enfonce lentement, si on coule, personne au monde ne s’en apercevra seulement. Qu’est-ce qu’on est ? Une unité dans les effectifs du travail. On ne compte pas. À peine si on existe. »

« Comme on aimerait pouvoir laisser son âme dans la case où on met le carton de pointage, et la reprendre à la sortie ! Mais on ne peut pas. Son âme, on l’emporte à l’atelier. Il faut tout le temps la faire taire. À la sortie, souvent on ne l’a plus, parce qu’on est trop fatigué. Ou si on l’a encore, quelle douleur, le soir venu, de se rendre compte de ce qu’on a été huit heures durant ce jour-là, et de ce qu’on sera huit heures encore le lendemain, et le lendemain du lendemain… »

« Le travail, cela représente les hommes qui peinent. La propriété, cela représente des choses, de la pierre, du bois, du métal. L’éternelle revendication ouvrière, c’est qu’on ait enfin un jour plus d’égard aux hommes qu’aux choses. »

Rabelais, il a raté son coup
7.8

Rabelais, il a raté son coup (1994)

Sortie : 1994 (France). Entretien

livre de Louis-Ferdinand Céline

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Il faudrait comprendre une fois pour toutes (assez de pudibonderie !) que le français est une langue vulgaire, depuis toujours, depuis sa naissance au traité de Verdun. »

https://archiveslfc.blogspot.com/2016/11/rabelais-il-rate-son-coup-quand-celine.html?m=1

La Morte
8

La Morte (1887)

Sortie : 31 mai 1887. Nouvelle

livre de Guy de Maupassant

ElFamosoKhey a mis 6/10.

Annotation :

« Je l’avais aimée éperdument ! Pourquoi aime-t-on ? Est-ce bizarre de ne plus voir dans le monde qu’un être, de n’avoir plus dans l’esprit qu’une pensée, dans le cœur qu’un désir, et dans la bouche qu’un nom : un nom qui monte incessamment, qui monte, comme l’eau d’une source, des profondeurs de l’âme, qui monte aux lèvres, et qu’on dit, qu’on redit, qu’on murmure sans cesse, partout, ainsi qu’une prière. »

A l'agité du bocal
7.7

A l'agité du bocal (1948)

La lettre de Céline sur Sartre et l'existentialisme

Sortie : octobre 2006 (France). Essai

livre de Louis-Ferdinand Céline

ElFamosoKhey a mis 7/10.

Annotation :

Relecture

Mea Culpa
7.9

Mea Culpa (1936)

Sortie : 28 décembre 1936. Essai

livre de Louis-Ferdinand Céline

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

Relecture

Madame Dargent
8.2

Madame Dargent (1922)

Sortie : 1922 (France). Nouvelle

livre de Georges Bernanos

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Elle s’est retournée vers la ruelle, et il ose maintenant la regarder à travers de vraies larmes.
Qu’elle est jeune encore ― à quarante ans ― et blonde ! Comment ! il l’a aimée un an, peut-être deux, ils ont vécu côte à côte, ô stupeur ! et pour la première fois il s’aperçoit qu’elle a été, sous le même toit, une étrangère, une mystérieuse étrangère. D’où revient-elle, à présent, la vagabonde ? Quelle trame inconnue a-t-elle achevé de tisser, la petite main de cire, qui frémit à peine sur le drap, inoffensive, sa tâche accomplie ?… »

L'Iliade ou le poème de la force
7.7

L'Iliade ou le poème de la force (1941)

et autres essais sur la guerre

Sortie : 8 janvier 2014 (France). Essai, Philosophie

livre de Simone Weil

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

« Rien de précieux, destiné ou non à périr, n'est méprisé, la misère de tous est exposée sans dissimulation ni dédain, aucun homme n'est placé au dessus ou au dessous de la condition commune à tous les hommes, tout ce qui est détruit est regretté. Vainqueurs et vaincus sont également proches, sont au même titre les semblables du poète et de l'auditeur. »


« A force d'être aveugle, le destin établit une sorte de justice, aveugle elle aussi, qui punit les hommes armés, de la peine du talion ; l'Iliade l'a formulée longtemps avant l'Évangile, et presque dans les mêmes termes :

"Arès est équitable, et il tue ceux qui tuent."

Si tous sont destinés en naissant à souffrir la violence, c'est là une vérité à laquelle l'empire des circonstances ferme les esprits des hommes. Le fort n'est jamais absolument fort, ni le faible absolument faible, mais l'un et l'autre l'ignorent. Ils ne se croient pas de la même espèce ; ni le faible ne se regarde comme le semblable du fort, ni il n'est regardé comme tel. Celui qui possède la force marche dans un milieu non résistant, sans que rien, dans la matière humaine autour de lui, soit de nature à susciter entre l'élan et l'acte ce bref intervalle où se loge la pensée. Où la pensée n'a pas de place, la justice ni la prudence n'en ont. »

« Mais rien de ce qu'ont produit les peuples d'Europe ne vaut le premier poème connu qui soit apparu chez l'un d'eux. Ils retrouveront peut-être le génie épique quand ils sauront ne rien croire à l'abri du sort, ne jamais admirer la force, ne pas haïr les ennemis et ne pas mépriser les malheureux. »

L'Ecclésiaste : Un temps pour tout
8.9

L'Ecclésiaste : Un temps pour tout

Qôhéléth

Sortie : juillet 1977 (France). Poésie

livre

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

« Vanité des vanités, disait Qohélet ; vanité des vanités ; tout est vanité !

Quel profit l’homme retire-t-il des peines qu’il se donne sous le soleil ? Une génération s’en va ; une génération lui succède ; la terre cependant reste à sa place. Le soleil se lève ; le soleil se couche ; puis il regagne en hâte le point où il doit se lever de nouveau. Tantôt soufflant vers le sud, ensuite passant au nord, le vent tourne, tourne sans cesse, et revient éternellement sur les cercles qu’il a déjà tracés. Tous les fleuves se jettent dans la mer, et la mer ne regorge pas, et les fleuves reviennent au lieu d’où ils coulent pour couler encore.

Tout est difficile à expliquer ; l’homme ne peut rendre compte de rien ; l’œil ne se rassasie pas à force de voir ; l’oreille ne se remplit pas à force d’entendre.

Ce qui a été, c’est ce qui sera ; ce qui est arrivé arrivera encore. Rien de nouveau sous le soleil. Quand on vous dit de quelque chose : « Venez voir, c’est du neuf », n’en croyez rien ; la chose dont il s’agit a déjà existé dans les siècles qui nous ont précédés. Les hommes d’autrefois n’ont plus chez nous de mémoire ; les hommes de l’avenir n’en laisseront pas davantage chez ceux qui viendront après eux. »

Odyssée
8

Odyssée

(traduction Victor Bérard)

Odýsseia

Sortie : 1924 (France). Mythes & épopée

livre de Homère

ElFamosoKhey a mis 9/10 et le lit actuellement.

Annotation :

« Sur la terre, il n'est rien de plus faible que l'homme, de tous les animaux qui marchent et respirent : tant que les Immortels lui donnent le bonheur et lui gardent sa force, il pense que jamais le mal ne l'atteindra ; mais quand des Bienheureux, il a sa part de maux, ce n'est qu'à contrecœur qu'il supporte la vie. En ce monde, dis-moi, qu'ont les hommes dans l'âme ? ce que chaque matin, le Père des humains et des dieux veut y mettre !... »

Le Démon
7.7

Le Démon (1841)

Sortie : 1841. Poésie

livre de Mikhaïl Lermontov

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Un ange déchu, un démon plein de chagrin volait au-dessus de notre terre pécheresse. Les souvenirs de jours meilleurs se pressaient en foule devant lui, de ces jours où, pur chérubin, il brillait au séjour de la lumière... depuis logtemps réprouvé, il errait dans les solitudes du monde sans trouver un asile. »

« Au-dessous de lui, les neiges éternelles du Kazbek scintillaient comme les facettes d’un diamant ; plus bas, dans une obscurité profonde, se tordait le sinueux Darial, semblable aux replis tortueux d’un reptile. Puis le Terek, bondissant comme un lion à la crinière épaisse et hérissée, remplissait l’air de ses rugissement »

« Que sont les hommes, que sont leur vie et leurs peines ? Elles ont passé, elles passeront ; l'espérance leur reste ; un jugement équitable les attend et à côté du jugement reste encore le pardon ! Ma douleur à moi est constamment là et comme moi elle ne finira jamais et ne trouvera jamais le sommeil de la tombe ! »

Lettres à un jeune poète
7.8

Lettres à un jeune poète (1908)

Édition bilingue (traduction Marc B. de Launay)

Briefe an einen jungen Dichter

Sortie : 6 mars 1991 (France). Correspondance, Essai, Poésie

livre de Rainer Maria Rilke

ElFamosoKhey a mis 7/10 et le lit actuellement.

Annotation :

« Si votre vie quotidienne vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous plutôt, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour en convoquer les richesses.
Pour celui qui crée, il n'y a pas, en effet, de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent. »

« Ah! si l'homme pouvait recevoir avec plus d'humilité, porter et supporter avec plus de sérieux ce mystère dont la terre est remplie jusque dans ses plus petites choses, et sentir
combien ce mystère est effroyablement lourd et difficile, au lieu de le prendre à la légère ! »

« C'est là, au fond, le seul courage que l'on exige de nous : être assez courageux pour accueillir ce qui peut venir à notre rencontre de plus étrange, de plus extravagant, de plus inexplicable.
La lâcheté des hommes à cet égard a causé à la vie des dommages sans limites; les expériences vécues que l'on nomme « apparitions », tout ce que l'on appelle le « monde des esprits », la mort, toutes ces choses qui nous sont si apparentées ont été à tel point expulsées de la vie, par une résistance quotidienne, que les sens avec lesquels nous pourrions les saisir se sont atrophié. Ne parlons pas de Dieu. Mais la peur de l'inexplicable n'a pas seulement appauvri l'existence de l'individu, elle a aussi confiné
les relations d'être humain à être humain, les a en quelque sorte tirées du lit d'un fleuve d'infinies possibilités pour les laisser sur
une friche de la grève à laquelle rien n'advient. Car cela n'est pas dû à la seule paresse, si les rapports entre les humains se répètent
d'un cas à un autre avec la même indicible monotonie, dans une absence totale de renouvellement, cela est dû à la crainte de
tout vécu nouveau, imprévisible, qu'on ne se croit pas de taille à affronter. »

ElFamosoKhey

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