Lectures 2022 : de calembredaines en lucidités.

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(2022-01-01) Déçu par cet exposé par trop superficiel de la doctrine existentialiste, au reste assez confuse. Mieux vaut lire L'Être et le Néant, où le style se fait moins lacunaire, encore que plus ballot, et où les idées se retrouvent, pour une fois avec Sartre, élaborées de fond en comble, sur un abyssal complexe de huit-cent pages. L'effort s'y requiert à coup sûr, mais l'on goûte à son terme force saveurs impromptues, qu'il convient de saluer.

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(2022-01-01) Il faut souffrir d'un puéril caractère, d'une balluche mésestime, pour affubler Lao-Tseu de sagesse. Au contraire, je ne perçois, à y bien regarder, que l’œuvre d'un dynamiteur forcené des conceptions plates, non point la complexité d'un avis maintes fois soupesé. Il agit d'abord en poète : aussi c'est en poète qu'il excelle.

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(2022-01-06) La frontière entre littérature et cinéma tient à ce que l'une court sans cesse quelque objectivité condamnée à l'infinitude du regard personnel, cependant que l'autre s'emmanche avec fièvre sur la poursuite d'une subjectivité malignement dénaturée dès lors que l'équipe de tournage s'y mêle. Zola, qui fut littérateur, eût tout aussi bien pu se révéler, né cinquante ans plus tard, un invétéré cinéaste, pour ce que son roman expérimental ne se positionne carrément qu'à la jonction de ces deux métiers.

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(2022-01-08) Debord cerne avec son univoque lucidité ce qui conduit nos espoirs à se bâillonner. Et, encore une fois le réitéré-je, l'on procède souvent à vide sur l'exégèse des édifices conceptuels qui paraissent insurmontables pour qui ne les apprécie guère. Somme toute, lecteur, si tu passes par ici, cesse de prêter attention aux âneries proférées par ces trop nombreux commentateurs qui n'évoquent de ce texte que l'ersatz, lui suçant par là même son potentiel d'attraction révolutionnaire; non, lecteur, si tu passes par ici, lis-le.

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(2022-01-12) Massive exploration de l'angoisse à déglutir lorsque parole s'émet. Du lourd.

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En critique, il est moins question de contenu que de méthode; et c'est bien par sa méthode que ce livre s'écroule aux pieds d'une virginale niaiserie, typique des mentalités puériles dont souffrent les hommes dits savants. Son exposé n'évacue que trop vite ce qui saurait autrement, sinon me passionner, à tout le moins m'aguicher. Cela se percevra en particulier au cours des passages où l'auteur s'emploiera à caractériser cette manière d'élitisme politique semblant tenir d'une lecture hâtée de La Psychologie des Foules selon la conception freudienne de même que des plus scorieux substrats d'une philosophie nietzschéenne abondant à peu de frais. Qui plus est, la doctrine que promeut Bernays se voit mal étayée, certes greyée d'un fatras d'exemples, mais dénuée de toute excavation des moyens qu'elle préconise. En résulte donc un ouvrage infiniment risible pour le caractère divinateur de ses prescriptions, anéanti tristement par la naïve brièveté de son argumentaire.

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(2022-01-17)

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(2022-01-14)

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(2022-01-22) Apollinaire trottinant au carrefour d'une paillardise alla Boccace et d'une fougue toute d'exactions sadique, quiconque conclurait de ce volume, très singulièrement trépidant, qu'il pèche par formalisme à se beurrer trop épais la biscotte tiendrait là une opinion dont je lui saurais gré, et pour cause : il en faut, de ces pugnaces récits, qui ne se laissent prendre qu'à revers, en levrette hâtée - il en faut plus encore que leur hardiesse se fait rare, que leur vitriol s'embrouille souvent de gloses si oiseuses qu'elles en neutralisent l'âcre saveur - il en faut parce que cette lice où s'entriquent onze mille verges, qu'elle soit un brin transgressive ou scandaleusement cruelle, n'est autre que vie jutée à son acmé.

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(2022-01-30) Beau livre, c'est le cas de le dire. Une narration dépouillée de toute immixtion malhonnête, sa trame se tissant à hauteur d'homme par le groupe même. Pour peu qu'il entretienne assez sa culture musicale, je soutiens que tout lecteur révérera prestement cet ouvrage en ce qu'il écarquille une profusion d'anecdotes exhilarantes, goûtues. Bémol certain, cependant : le ton se fait quelquefois un peu trop angélique, la faute s'attribuant sans doute à ce que la conscience hippie a ce don de m'irriter plus que de raison, en particulier dans ses assommantes admonestations moralinatrices au sujet de la paix, cette paix si infantile qu'elle n'avive chez ceux sur qui elle se dresse que de réfractaires violences par ennuis fortifiées.

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(2022-02-03) L'envergure de cette analyse des troubles identitaires force au respect. Carrère, qui a fructueusement communiqué avec le protagoniste du récit avant que d'en entreprendre la rédaction, parvient ici à s'émanciper de la structure classique du polar en se positionnant d'abord au plan de la juste investigation psychologique, jusqu'aux méandres des méninges.

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(2022-02-03) Un livre qui se consomme, puis s'efface. Quelques justesses disséminées au fil des chapitres, qu'aisément l'on oublie tant la médiocrité générale du style englobe de sa fadeur toutes éventualités d'acuité.

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(2022-02-11) Ouvrage d'une rare acuité quant à la nature des relations érotiques tressées entre hommes noirs et femmes blanches. L'auteur s'y accorde le droit au succulent cynisme, coudoyant de brio l'érudition littéraire qu'il distille par cet étrange récit de fesses écachées sous monticules de romans. Laferrière, sans conteste, figure parmi ces écrivains contemporains qui ne trempent guère leur plume en quelque petit-lait. Tel qu'il le raconte dans L'Odeur du Café, vaut mieux touiller l'encre violette à la seule vigueur de son vît. C'est-y pas comique, ça?

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(2022-02-22) Tabernaque, le jeu en valut la chandelle - et j'en arde fort mieux. En voici un volumineux, d'essai! Capitaux constant et variable ont beau demeurer notions quelque peu floues pour mon esprit divagant, le sublime de cet exposé n'a eu de cesse de m'épater.
L'analyse historique et sa peinture sociale, l'édifice conceptuel exhaussé, la charpente économique admirablement fondée, le vitriol de cette prose par instants si gredine : on ne peut que gésir sur le cul, lorsqu'il nous incombe de méditer ce que l'on vient de lire.
De la dynamite à exulter.

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(2022-03-16) À la lisière du roman total, Moby-Dick se loge où abonde l'hiatus. De-ci de-là nous sont évoqués rudiments halieutiques, portraitures de généalogies immémoriales, vivisections des anatomies cachalesques, concetti saillants, contemplations étales, balourdises de gabiers, toutes excavations piquées à même la béance d'une ère aux ras des effondrilles algales. Sans nul doute est-il des ouvrages mieux approfondis, certes; mais non plus le protéiforme de leurs langues que la sagacité de leurs larges vues ne sauraient jouter contre le vieux Melville en ce qui concerne l'avidité pour la vie par fractales.

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(2022-03-18) À ces pages ne se cramponne nulle rancœur dont l'acrimonie seule suffirait à taire les richardes réserves du lecteur, pareille manœuvre s'opérant avec une exactitude d'orfèvre, faute de quoi s'affaireraient porte-plumes et tâcherons de la hautaine faconde pour vous celer la voix. Cette portraiture, croquée dans la moelle d'une bourgeoisie gigotante, harassante à force de défections, douille sa déferlante en traquenards rhétoriques, féroces à ainsi poser devant le fait accompli, - à ce stade perpétré, et ce sans qu'en fait de fongueuse désinvolture s'alestent les coupables, - quiconque se munit, pour plaidoirie, de larmoiements salpêtrés, de méprisantes saillies, d'idoine indifférence, de nuances d'aloi sûr, rutilances d'ardélion, montrant patte immaculée, gantée. Les Pinçon-Charlot ont beau arborer quelque clownesque patronyme, notable, il est vrai, par le tintinnabulant précipice au creux de sa prononciation, ils en jouissent comme larrons en foire, qui, par là mieux insinués parmi les cercles concentriques des puissances d'argent, ne fomentent que davantage le pendant critique de leurs instantes dérélictions.

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(2022-03-28) Yourcenar écrit droite, pense profuse, contemple vide et ressent pleine. Ne la connaissant auparavant que de nom, m'y frotter fut d'un ravissement parent des extases ébauchées aux neuvième et seizième chapitres : est-il envisageable, m'interrogeais-je alors, que l'on puisse camper sous les charmes de cette prose, à la manière d'une huître close au bruit, la posture indocile des bouchonnés, si recru soit-on de nos propres prurits?
S'il s'agit là d'avant-goûts d'ouvrages plus denses encore, j'en appelle presto à mes joies imminentes.

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(2022-03-22) Galeano verse dans le galéanisme, quoi : fidèle à soi-même, son ambition substitue à l'Histoire de nombreuses historiettes, vignettes donnant tantôt dans l'esclaffade, tantôt dans la virulence, tantôt dans la poésie drue, tantôt dans le rappel à la source, ce pour ne plus s'abîmer aux oubliettes du siècle venteux.

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(2022-03-30) Merci, Rohmer. Se lit d'une traite; assez plaisant en son genre.

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(2022-04-02) Poulin, écrivain du tendre, répugne à romantiser l'amour. En résulte chaque fois une œuvre ou bien brillante, ou bien correcte, et qui, à tout prendre, dépose en sillage cette soûleur de la saison québécoise même au lecteur le moins conquis.

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(2022-04-08)

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(2022-04-18)

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(2022-04-21)

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(2022-04-22) Il en est qui écrivent avec la tête, d'autres qui écrivent avec le cœur; et, de tête ou de cœur, ceux-ci, ceux-là, n'écrivent jamais vraiment qu'avec leurs pieds.
Camus, lui, écrit avec les mains, selon tout ce que cela comprend de sueur, d'effort, et de vie.

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Remarquable. Lénine, que je connais mal en tant que figure révolutionnaire, se révèle par ce menu bréviaire de l'analyse étatique un polémiste rompu aux enjeux de la société de classes. Il ne manque pas de casser son sucre sur le dos d'opportunistes à la Kautsky, dont la parole et l'action se disjoignent, ou bien d'éreinter ces camarades anarchistes que berce une foi en la bonne marche de la raison révolutionnaire tout à fait illusoire quant aux réels impératifs de la vie en commun.

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(2022-05-08) Un roman somme toute bercé de descriptions exceptionnelles, quoique l'on en vienne à regretter sa propension à singer aux dialogues un parler joual enjolivé afin d'en atténuer la brutalité concassée. Une certaine filiation avec les écrivains qui s'en sont suivis, malgré que Guèvremont n'en pose que d'encore trop rigides prémisses.

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(2022-05-14) Un récit? une ode? Encore une fois, Laferrière prouve à tous les étriqués de la colonne identitaire, - n'en déplaise aux chroniqueux de gluante glotte qui cochonnent leur chemise de logorrhées racistes à tout propos, - qu'un apatride de plume noire, ainsi que le « poisson hydrophobe », écrit mieux le passage des saisons vers l'hiver stoïque que tout batifoleur blanchi à la page vierge.

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(2022-05-31) J'avais écrit un long texte que je viens de supprimer comme un troufion, à cause de la récente mise à jour du site. Seule me reste cette fin, qui résume mes sentiments à l'égard du chapitre conclusif de façon plutôt juste : « Ni converti, ni convaincu, j'en demeure pourtant, encore, ému. »

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(2022-06-10)

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(2022-06-17) À relire lors d'épisodes suicidaires, pour en capturer la pleine vibration.