Lectures ´22
Liste de 61 livres
créee il y a presque 3 ans · modifiée il y a presque 2 ans
Le Fil du rasoir (1944)
The Razor's Edge
Sortie : 1944 (Royaume-Uni). Roman
livre de Somerset Maugham
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
(anglais)
Il y a dans “The Razor’s Edge“ un personnage fascinant, Larry, jeune pilote qui a survécu à la guerre presque par miracle et qui a tout pour être heureux, une femme riche et aimante, de l’argent, oui, mais il est en quête d’absolu sans trop savoir exactement ce que cela signifie encore. Aussi il va tout plaquer, voyager, chercher dans les livres, dans les religions... Chaque page où il apparait dégage une grande force, il est assez magnétique, très calme et secret et pourtant riche de mille choses. À l’extrême opposé, le roman tourne autour de la figure du dandy mondain Elliot, qui écume les soirées diplomatiques ou les cocktails de la famille royale avec pour but obsessionnel „d’appartenir“ (à un club, à une société des plus riches, des plus importants, à ceux qui ont une réputation, peu importe...). Être et paraître sont donc plus ou moins les deux pôles du roman, avec au milieu Somerset Maugham qui est pour la première fois un personnage central du roman et qui prend un plaisir évident à se mettre en scène. Un roman ambitieux qui m’a donné l’impression sur 150 pages d’être un très grand livre avant de retomber peut-être un peu dans sa deuxième moitié. Un grand plaisir de lecture jamais démenti. Un langue très simple mais une belle ampleur dans les meilleures pages.
Les Coups (1941)
Sortie : 1941 (France). Roman
livre de Jean Meckert
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Félix est ouvrier, il n’est pas un intellectuel. Son histoire n’est pas du tout romanesque, elle est même terriblement ordinaire et c’est bien consciemment que Jean Meckert se lance dans ce roman. Par son écriture simple et profonde, il va réussir le tour de force de raconter un homme qui ne trouve pas les mots pour dire ce qui lui arrive, qui se frustre et qui frappe parce qu’il ne sait pas toujours exprimer autrement son amertume. C’est une histoire de classes, un texte puissant sur le langage comme élément central de la vie, mais toutes ces choses ne sont pas exprimées telles quelles, tout est en arrière plan, le quotidien prend toute l’énergie des personnages, les petites joies, les conflits un peu minables, le dîner, le chef au boulot. L’histoire d’amour est à l’avenant, étriquée, une parodie, dont Félix rêve un temps avant de comprendre que la réalité colle aux semelles, que sa petite femme le trahira comme elle a trahit le précédent. Félix est un personnage incroyable et unique parce qu’on s’identifie dans une certaine mesure, il est le héros, le coeur du livre, mais il est aussi limité et violent. Pourtant il dit des choses belles et pertinentes parfois, à sa manière un peu bourrue. “Les coups“ capture tout ça, l’amour, la petitesse, les ambiguïtés, tout est étroit et sale mais on ne peut se retenir de capter de la beauté ça et là.
Nous avons toujours vécu au château (1962)
We Have Always Lived in the Castle
Sortie : 1971 (France). Roman
livre de Shirley Jackson
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
(anglais)
Si je suis moins séduit que par ses nouvelles, Shirley Jackson parvient une fois encore à installer un mystère, une atmosphère, et les 50 premières pages de ce court roman sont très réussies. Qu’est-on en train de lire au juste ? Pourquoi toute la petite bourgade en veut à cette famille étrange et isolée ? On retrouve l’ambiance de complot des textes rassemblés dans “La loterie“, avec peut-être une touche de fantastique, mais Jackson semble longtemps ne pas jouer cette carte. Mais alors, ce grain de folie, viendrait-il de ces adolescentes qui habitent le château ? Derrière l’intrigue principale, des détails touchants, une relation entre deux soeurs, un cousin envahissant et cupide, beaucoup de pistes mais aussi une “résolution“ qui m’a déçu. Je crois Jackson tout à fait capable de briller sur cette distance de la novella mais le côté exagérément fantasque de ce roman n’est pas vraiment fait pour moi...
Les Guérillères (1969)
Sortie : 1 septembre 1969. Roman
livre de Monique Wittig
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Un peu comme pour son premier roman, également très radical, j’ai un respect pour Wittig même une certaine admiration mais ses textes ne me remuent pas. Elle convoque un certains nombre de mythes, travaille avec un vocabulaire très riche et recherché, et son combat est noble mais je trouve ça très intellectuel et froid (à l’exception des dernières pages) alors que le texte incarne une sorte de guerre menée par des amazones. Je serais toutefois toujours du côté de l’innovation et de la recherche formelle et là Wittig est forte, avance et crée sa propre littérature. Il me semble que certaines choses ont un peu vieilli (mai 1968 et tout) mais il est presque impossible de ne pas prendre “Les Guérillères“ au sérieux. Encore une fois, Wittig ne me touche pas mais le texte est indéniablement important et dégage une aura.
Hiroshima (1946)
Lundi 6 août 1945, 8h15
Sortie : 1946 (France). Récit
livre de John Hersey
bilouaustria a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
(anglais)
Because explosion atomique et because essai monumental et expérience irréelle, mon premier réflexe serait de rapprocher ce livre de celui d’Alexievitch “La supplication“, texte effrayant sur Tchernobyl. Mais les récits de ces survivants d’Hiroshima va peut-être encore plus loin. Pour raconter une expérience vécue, il faut mettre un soin à se rappeler les détails parce que les détails changent tout, ils vous donnent à voir, ils sont plus vrais que nature et ce petit livre, qui a été publié à l’origine comme article puis allongé au fil des années, ce livre en regorge. Hiroshima c’est l’enfer sur terre, c’est l’apocalypse. Ce docteur, cette infirmière, ce prêtre le racontent avec leurs mots mais tous parviennent à nous transmettre des images horrifiques et terrifiantes. John Hersey a suivi ces survivants pendant plus de trente ans, a pris de leurs nouvelles, les a observés dans leur vie après la catastrophe, pour voir s’ils se remettaient du choc, pour regarder leurs corps aussi soumis aux radiations. C’est un grand livre simple et plutôt modeste qui raconte sans fioritures - pas besoin d’en rajouter, l’événement en soi est au-dessus de tout ce qui est imaginable.
Kaputt (1944)
Sortie : 1946 (France). Roman
livre de Curzio Malaparte
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Malaparte est un écrivain particulier, mondain incroyablement érudit, qui adore se mettre en scène et s’écouter parler capable d’écrire des passages fulgurants et souvent très visuels et aussi de flirter avec la provocation un peu facile et le mauvais goût. En voulant écrire une certaine atmosphère de décadence, il retranscrit (ou imagine) ses diverses conversations avec un certain nombre de nazis notoires ou de princesses et de rois dans des salons tout en marbre et or, alternant avec des souvenirs de guerre, de boue, de sang, de froid, du caviar et de la cruauté, la mort et la musique de chambre. Nombreuses sont les anecdotes sidérantes dans ce livre (peut-être vécues, sûrement racontées de deuxième main), nombreux aussi les festins un peu asphyxiants, et à force de se frotter à la vermine du monde, on se demande si Malaparte ne prend pas un certain plaisir à être au mauvais endroit au mauvais moment. Le roman me paraît antipathique, comme celui d’une fierté mal placée. Pas de doute sur les talents de raconter d’histoire de Malaparte. Pas de doute sur son égo également. “La peau“ m’avait si fortement impressionné jadis, mais c’était il y a bien quinze ans, et je trouve aujourd’hui l’auteur de “Kaputt“ talentueux mais un peu imbus et infréquentable. Peut-être me faudra-t-il y revenir à nouveau dans quinze ans (et alors j’y trouverai à nouveau autre chose ?...).
Personne ne sort les fusils (2020)
Sortie : 20 août 2020.
livre de Sandra Lucbert
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Voilà un livre fort, un livre qui travaille sur la langue et redonne foi en la littérature parce que Sandra Lucbert fait ici ce que le journalisme ne peut faire : décortiquer, analyser les mots et le phrasé capitaliste, la langue de l’entreprise, dans ce qu’elle a de plus abjecte. Elle convoque Kafka ou Melville pour essayer de comprendre le procès France-Télécom avec de nouveaux yeux mais surtout elle le fait d’une manière jeune, dynamique, explosive. Elle évite l’écueil de son propre jargon (belles phrases, figures de style, notes de bas de pages). Elle rentre dans le lard - après tout ce sont eux qui ont commencé - et étudie comment des patrons ont mis des méthodes en place pour s’enrichir et en pousser leurs employés au suicide. C’est tout bonnement hallucinant. Les deux parties ne se comprennent jamais dans ce procès parce qu’ils parlent justement deux langues différentes. La langue des humains n’est pas celle du CAC40 ou des bilans comptables. En soi, Lucbert n’invente rien certes, mais formellement son texte percute, avec ses phrases courtes droit dans les failles, entre les mots, entre les silences, si bien que sa littérature dégage une puissance et une saine colère tout en remettant les choses dans une juste perspective. Souvent la littérature engagée n’a pas les moyens de ses ambitions. Ici l’osmose entre fond et forme produit des étincelles. Il est rare d’utiliser les mots “nécessaire“ et “littérature“ côte à côte mais “Personne ne sort les fusils“ rentre dans cette catégorie.
Anéantir (2022)
Sortie : 7 janvier 2022. Roman
livre de Michel Houellebecq
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Houellebecq, dernier millésime. Que dire de nouveau qui n’a pas déjà été écrit mille fois ? "Anéantir" est plus noir que ses livres précédents, il y a moins d’humour me semble-t-il, même quand ici ou là il fait un peu retomber la pression étouffante. C’est un roman sur la mort, et elle est brutale, c’est pas joli joli, et Houellebecq ne nous épargne pas les détails. Son style est toujours à l’avenant, Wikipédia et robinet d’eau tiède pour certains, Balzac contemporain pour d’autres, le chroniqueur de notre quotidien, celui qui ausculte notre société et notre économie tous les 3-4 ans. Je reviens quand même toujours vers ses livres, sans jamais être tout à fait convaincu, parce que j’aime avoir ses opinions mordantes sur certains sujets qui nous entourent. Et puis il est intelligent et place ses petits italiques là où il faut (moins cette fois). Cette fois son personnage principal évolue dans la sphère politique, ce qui va permettre à Houellebecq de tacler un peu grossièrement les communicants. Bien sûr c’est bien vu mais plus très original en 2022. Comme ses livres précédents, en particulier sur les dix dernières années, pas de quoi laisser une trace durable - pas de quoi l’accabler non plus. Ses premiers romans se revisitent bien pourtant. Peut-être que le temps donnera un peu de valeur à "Anéantir"...
N'avez-vous pas froid
Sortie : 1963 (France). Roman
livre de Hélène Bessette
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
J’avais été époustouflé par “La Tour“ et “Ida ou le le délire“, et ainsi j’avais déjà en quelque sorte décidé d’aimer “N’avez-vous pas froid“ avant de l’ouvrir... Mais je trouve que cette fois l’idée du livre, son concept, me plaît sans doute davantage que le roman en lui-même. “N’avez-vous pas froid“ est entièrement composé de lettres entre un homme et une femme en instance de divorce, en froid, mais nous n’avons que les lettres de l’homme. C’est un échange épistolaire sans contrepoint ce qui biaise forcément notre perception et prive la femme de voix (c’était finalement aussi le principe d’Ida, dont on faisait le portrait à travers le témoignage des autres, Ida était absente, ayant eu la mauvais idée de mourir). Dans le texte qui nous intéresse ici, les silences de la femme, ses lettres que nous ne pouvons lire résonnent tout de même et laissent comme un écho dans les lettres de son mari/ex-mari. Le problème en réalité, ce sont ces lettres, parfois trop littéraires, très directes aussi avec beaucoup d’idées (de Bessette bien entendu) que nous ne trouverions jamais dans ce type de lettres mais qui servent le roman. Donc le texte est riche mais extrêmement construit au point qu’une certaine artificialité est inévitable. Je suis peut-être dur avec Bessette qui a écrit quelques livres parmi les plus importants à mon sens des années 1950-1960, toujours en avance formellement sur ses collègues écrivains, mais je ne pense pas que ce soit son meilleur livre. On devine ici plus que dans ses autres romans un caractère autobiographique qui est assez fascinant. La postface de Maylis de Kérangal est éclairante à ce sujet.
Être un homme (2020)
Sortie : 2021 (France). Recueil de nouvelles
livre de Nicole Krauss
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
(anglais)
On ne peut reprocher à Nicole Krauss d’écrire ses nouvelles selon un quelconque modèle ou formatage. Ces dix histoires, au lieu boucler une boucle et de prouver, par une structure maîtrisée, la toute puissance de sa créatrice, semblent au contraire avancer par coïncidences, comme si le texte s’improvisait. Nous sommes en Suisse, au Japon, à New York ou à Tel Aviv. Et une histoire est souvent le prétexte à une dérive qui nous mènera vers de nouvelles histoires parallèles et de nouveaux personnages. On a par moments le sentiment que ces textes courts sont aussi riches et complexes que la vie, qu’ils ne sont qu’un arrêt sur image, et qu’il y a eu une vie avant comme il y aura une vie après ces quelques pages. L’errance, le judaïsme et le deuil sont des thèmes qui reviennent et se répondent d’une nouvelle à l’autre mais là aussi, il n’y a pas la volonté chez Krauss de faire homogène, de rassembler ses textes sous une bannière ou une étiquette. Une femme se trouve un étrange mari de substitution, une jeune femme se découvre un nouveau père de remplacement. On se laisse porter, comme dans ma nouvelle préférée, End Days, où une adolescente passe un été seule à New York, sans ses parents fraîchement divorcés, trouve un poste chez une fleuriste alors qu’un incendie progresse en ville... Krauss multiplie les pistes, les sous-intrigues, on ne sait plus où donner de la tête mais sans jamais perdre le fil. Un joli recueil qui encourage à lâcher prise.
Monument national (2022)
Sortie : 6 janvier 2022. Roman
livre de Julia Deck
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Julia Deck est une échenozienne à l’écriture précise et l’ironie subtile. Dans “Monument national“, elle revient par le biais d’une enfant-narratrice sur les dernières années de la vie d’un acteur à la Delon, riche et célèbre mais désormais quasiment à la retraite, sorte de mythe people, vivant dans un château un peu bling bling avec des tonnes de voitures de course dans le garage et une armée de serviteurs. À cette figure, Deck ajoute des éléments du contemporains (Macron, gilets jaunes, Covid etc) et une sorte d’enquête criminelle jamais loin de la parodie. Le mélange des genres et le ton parfait où se cachent des centaines de petites perles entre les phrases procurent un vrai plaisir de lecture proche de la jubilation dans les meilleures pages. Le roman est court et les enjeux ne sont pas majeurs mais Deck réussit tout ce qu’elle entreprend, dispose avec finesse ses clins d’oeil au lecteur, et impose sa voix pétillante.
La Conquête du courage (1895)
(traduction Dominique Aury)
The Red Badge of Courage
Sortie : 1996 (France). Roman
livre de Stephen Crane
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
(anglais)
Texte culte de la littérature américaine (les mille pages de Paul Auster consacrées à Stephen Crane en attestent), "The red Badge of Courage“ nous plonge dans une expérience de la guerre, très concrète, le temps de plusieurs batailles au présent, avec ce que cela implique de chaos, de violence et de confusion, de rumeurs, mais aussi et surtout de questionnements. Notre personnage principal, jeune et inexpérimenté, engagé volontaire mais terrorisé à l’idée de se battre, passe par toutes les émotions possibles et imaginables. Il craint la mort, s’effraie aussi de sa lâcheté, et certaines scènes, bien loin de ces images d’Épinal du héros fort et brave, rappellent davantage des passages de "Guerre et paix“ où le champ de bataille est une pure loterie dont sortent vivants les plus chanceux qui écriront l’Histoire à leur sauce. Le texte est un condensé puissant d’instants, de moments où, toujours pris de cours, on regarde sans tout à fait savoir ce que l’on voit. Crane est réaliste, terre à terre, mais il trouve aussi de la poésie au milieu de l’horreur, dans des petites phrases et des détails. Peu lu en France, il est un auteur à découvrir.
My Absolute Darling (2017)
Sortie : 1 mars 2018 (France). Roman
livre de Gabriel Tallent
bilouaustria a mis 5/10.
Annotation :
Page turner nimbé d’un certain suspens, “My Absolute Darling“ est aussi un roman truffé de défauts. Tallent pour son premier texte pousse les compteurs au maximum. Le père est un cauchemar de contes pour enfants, Turtle est une sauvageonne qui marche pieds nus et reconnais les traces des bêtes, ses amis des petits “génies“ qui parlent de Virginia Woolf comme l’auteur lui-même - on ne croit pas une seconde à ces personnages et leurs voix. Tout est un peu gros, et le livre tient uniquement sur l’horreur qu’il distille dans le premier chapitre et l’espoir que l’héroïne échappera à son destin tragique. C’est un procédé suffisamment fort, si on y regarde pas de trop près, pour qu’on avale le livre en quelques jours. On ne lit alors que l’histoire, l’intrigue disons. Pour ce qui est du style, Tallent ne tiendrait jamais avec un autre sujet, moins polémique et explosif. On ne sent jamais la naissance d’un écrivain mais plutôt une prise d’otage émotionnelle. Je crois que c’est vraiment l’amalgame autour de ce livre, le viol, l’adultère qu’il évoque sont tellement insupportables que la forme reste au second plan dans toutes les critiques dithyrambiques autour du livre (la préface de Busnel ne parle jamais d’écriture).
Une sortie honorable (2022)
Sortie : 5 janvier 2022. Récit
livre de Éric Vuillard
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Mon intérêt à la lecture de “L’ordre du jour“ avait été plutôt mitigé mais je sens que je me vuillardise. Ses anecdotes historiques sont parfois un peu légères et peuvent donner le sentiment que, mises bout à bout, elles ne forment pas tout à fait un livre (entre histoire et roman) mais ce serait oublier le style délicieux qui, dans "Une sortie honorable", fait vraiment des étincelles. Vuillard décrit ces hommes qui ont fait et défait l’Indochine, ces parlementaires et ces militaires, mais il les décrit par mille détails savoureux, comme le ferait un romancier et jamais avec la distance et le respect d’un historien plus traditionnel. Il "donne à voir" comme personne, on a tout de suite Mendès devant nous, en chair et en os. Et puis son récit bien documenté traverse les coulisses de l’histoire avec pertinence, on sent comme dans “L’ordre du jour“ un crescendo, une sourde colère se mettre en place, chapitre après chapitre, jusqu’à l’explosion finale. Magouilles et cynismes sont démasqués avec élégance. Vuillard signe un livre aussi court que raffiné et intelligent, traversées par quelques piques humoristiques bien senties.
The Big Goodbye (2020)
Chinatown et les dernières années d'Hollywood
The Big Goodbye: Chinatown and the Last Years of Hollywood
Sortie : 10 juin 2021 (France). Essai, Cinéma & télévision, Beau livre & artbook
livre de Sam Wasson
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
(anglais)
Le genre d’enquête à l‘américaine, exhaustive et riche en anecdotes de tournage. Sam Wasson connaît parfaitement son sujet et écrit plutôt bien, ce qui ne gâche rien. Si son livre prend “Chinatown“ comme sujet, on sent que son ambition est bien plus grande : celle de raconter une époque (la fin d‘un monde ?) où l‘on faisait encore des films sans être obsédé par les marges de profits et les produits dérivés. Wasson en profite également pour revenir en profondeur sur les vies mouvementées de Polanski, Nicholson Robert Towne le scénariste et Robert Evans le producteur glamour. La manière dont Wasson explore son sujet par tous les angles possibles est très satisfaisante. C‘est l‘histoire d‘un tournage, d‘Hollywood dans les années 1960 et 1970, de Los Angeles, de l’émergence de la télévision, du tout publicitaire, de la drogue dans des proportions grotesques et de la fin de l’innocence. Pour les fans du film et pour les autres aussi.
La Septième Croix (1942)
(traduction Françoise Toraille)
Das siebte Kreuz
Sortie : 23 janvier 2020 (France). Roman
livre de Anna Seghers
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
J’ai retrouvé dans le roman d’Anna Seghers ce qui m’avait fait apprécié « Uranus » de Marcel Aymé, où cohabitaient résistants et collabos dans une France complexe et ambiguë. Dans « La septième croix » il s’agit d’évadés d’un camp de travail nazi dans les années 1930. Ces sept prisonniers qui se sont faits la malle vont devoir trouver des appuis dans le village voisin, c’est une question de survie. Mais ils ne savent jamais si les gens qu’ils vont croiser sont prêts à faire un geste pour les aider, prêts à risquer quelque chose pour un inconnu, ou bien si au contraire ils seraient décidés à les dénoncer. Seghers marie la psychologie au roman de suspens, construit parfaitement chaque personnage secondaire de son livre, agence patiemment les détails qui font la vie d’un homme, de quel côté il bascule, pourquoi et quand mentir ou être soi-même. Les rencontres sont pleines de regards, de silence, parfois tout se joue en une seconde sur une intuition : faire confiance ou fuir. Extrêmement intelligent et lisible, un très beau roman qui fait réfléchir tout en restant constamment haletant.
Regardez-nous danser (2022)
Le Pays des autres, tome 2
Sortie : 3 février 2022. Roman
livre de Leïla Slimani
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
La saga s’essouffle avec ce deuxième tome assez sage. Cette fois on se concentre davantage sur les jeunes gens qui deviendront les parents de Leïla Slimani. On se demande si le texte est plus excitant à écrire qu’à lire, si les souvenirs sont authentiques ou romancés. Peu importe, le roman ne dégage pas de puissance, c’est gentil mais un peu étriqué, avec des chapitres très courts et un arrière-goût un peu anecdotique. On dirait que Slimani veut englober une génération ou faire un peu de sociologie en passant, ce qui est à mode mais pas évident à réussir. Du coup on a du Ernaux-Eribon light, pas grand chose quoi, même si on suit avec plaisir cette famille. Le troisième tome devrait prendre la direction de la France... Mais ce sera sûrement sans moi. Il y avait un peu plus de mordant et d’acidité dans son Goncourt il me semble, là je la trouve de plus en plus bonne élève et sans relief.
Sister Carrie (1900)
Sortie : 1996 (France).
livre de Theodore Dreiser
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
(anglais)
L’histoire d’une ascension fulgurante. Carrie monte de sa campagne pour découvrir Chicago et s’installer dans une banlieue minable chez sa sœur. Mais de rencontres en rencontres, parce qu’elle est séduisante et se révélera pragmatique et même une actrice talentueuse, Carrie finit au sommet, adulée par le tout Broadway. Qu’on veuille faire de Dreiser le Zola américain m’intrigue un peu, il y a ici beaucoup de rebondissements parfois à la limite du vraisemblable mais peu de descriptions réalistes d’un milieu. Dreiser ne fait pas du Upton Sinclair non plus, son Chicago est simplement une toile de fond pour autre chose, un jeu de séductions et de dupes où l’argent prend les décisions à votre place. Sorte de super page-turner qui a un tout petit peu vieilli, « Sister Carrie » est assez stimulant pour qu’on pardonne à Dreiser les défauts de ce premier roman qui à l’époque est passé totalement inaperçu.
Les Vrilles de la vigne (1908)
Sortie : 1908 (France). Roman
livre de Colette
bilouaustria a mis 5/10.
Annotation :
Haut la main le pire livre que j’ai lu cette année ! Colette écrit un recueil de petites impressions, façon Robert Walser mais (malheureusement) tendance 30 millions d’amis. Le plaisir de caresser un chat le matin, les chants du rossignol… Pire, elle se met dans la peau d’un chien ou d’un oiseau pour raconter leurs batifolages. J’imagine que tout cela serait délicieux si ce n’était pas totalement consternant. Plus de la moitié du recueil est de ce tonneau. Quand elle dépasse le stade animalier, Colette retrouve immédiatement des couleurs et les textes de la deuxième partie sont bien plus convaincants, ils dégagent alors souvent une certaine tristesse voire mélancolie. C’est un peu la deuxième face d’un pièce jusque là naïve. Je ne crois pas vraiment que Colette soit particulièrement faite pour la forme courte. Ses romans valent bien mieux.
The Five (2019)
The Untold Lives of the Women Killed by Jack the Ripper
Sortie : 9 avril 2019 (Royaume-Uni). Histoire, Biographie, Version originale
livre de Hallie Rubenhold
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
(anglais)
Le livre tourne à peine autour de Jack l’éventreur, c’est bien davantage un argument marketing qu’autre chose. Hallie Rubenhold écrit un livre d’histoire très sérieux et très documenté avec l’envie de redonner aux femmes assassinées une certaine dignité et de raconter leurs destins. Ce sont des vies dans le Londres de 1880-1895, entre insalubrité, promiscuité, alcoolisme et violences faite aux femmes. On parle donc d’un essai féministe en quelque sorte, ce qui est très à la mode, mais Rubenhold se concentre sur la vie quotidienne de femmes inconnues sans insister. En déroulant les faits qui crient à l’injustice à toutes les pages, elle obtient ce qu’elle cherche à démontrer sans forcer. Pourquoi a-t-on voulu faire de ces femmes des prostituées ? Il y a eu un sensationnalisme de mauvais goût autour de ce fait divers qui a simplement tout emporté sur son passage. Sur la forme et le style, RAS, Rubenhold s’attache strictement à son enquête et a sa restitution la plus simple possible.
Les Abeilles grises (2018)
Серые пчелы
Sortie : 3 février 2022 (France). Roman
livre de Andreï Kourkov
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Kourkov est un équilibriste de la même famille qu’un Kaurismäki. Quelques scènes un peu euphoriques parsemées de moments extrêmement plombants, un dosage très précis qui fait que la balance tient tout juste. On peut en déduire que la vie est triste à pleurer, injuste et accablante s’il n’y avait le bonheur simple de prendre soin de ses abeilles et de dormir auprès d’elles, de produire du miel dans le respect de la nature. Ou que la vie est belle, malgré les bombardements et les arrestations arbitraires. Que Kourkov tienne tout ça sur un fil est un gage de son talent de « monteur », du ton apaisant de son roman qui garde toujours les pieds sur terre. Dans les épreuves les plus cruelles, on a plaisir à être avec ces personnages. On relativise. Kourkov mélange aussi habilement l’immobilisme le plus complet de la première partie à un Road-Movie un peu improvisé. Il touche beaucoup de sujets sans en avoir l’air, ne tombe pas dans la facilité. Sagesse et patience sont ici récompensées.
Mansfield Park (1814)
(traduction Denise Getzler)
Sortie : 1814 (Royaume-Uni). Roman
livre de Jane Austen
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
Dans ses cours de littérature, Nabokov ne fait l‘honneur, sur près de mille pages, de ne parler que d‘une femme, Jane Austen et un roman qu‘il considère son meilleur, « Mansfield Park ». Une histoire typique de classes sociales et d‘amours impossibles ponctuées de missives et autres ballades dans le parc. Le talent d‘Austen est de faire passer beaucoup de choses en sous-main dans des dialogues où l‘on sent absolument le caractère des personnages et leurs dispositions aux mots qu‘ils choisissent. Il y a donc une société d’apparence et tous les sous-entendus que le texte nous laisse deviner. Austen est douée pour ce genre de page-turner assez subtil pour qu‘on lui consacre une petite semaine (650 pages qui s’avalent comme une sucrerie). « Mansfield Park » a un grand nombre de points communs dans l’intrigue et les personnages avec « Raison et sentiments ». La fin en forme de happy end est inévitable et gâche quelque peu le plaisir parfois plus mordant du reste du livre. Austen n‘est jamais naïve, bien au contraire. Cette fin, Nabokov la pardonne, en acceptant dès le début que tout cela n’est qu’un joli conte de fées…
Les Dévastés (2019)
Porazenite
Sortie : 2022 (France). Roman
livre de Théodora Dimova
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
1944, Bulgarie. Les communistes arrivent au pouvoir, mais il faut voir comment… Le roman de Dimova se concentre autour de femmes (survivantes) et de longs flash-backs sur la vie d’avant. Celle où leur mari était encore là, où l‘on s‘aimait, où il aurait été temps de fuir encore peut-être. Et puis à une vitesse folle, voilà que l‘horreur vous tombe dessus, les injustices, la bêtise, les tortures, un pays entier qui règle ses comptes, c’est dégoûtant, on se croirait dans Funny Games parfois. La langue elle est forte et tient l’ensemble, il y a quelques passages vraiment forts, et un goût de méchanceté et de saleté qui reste dans la bouche. Dimova n’évoque pas un idéal politique mais montre au contraire comment les actes ont été avant tout motivés par la bassesse et les petites jalousies.
Le Dernier Mouvement
Der letzte Satz
Sortie : 3 février 2022 (France). Roman
livre de Robert Seethaler
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Seethaler aborde le mythe Gustav Mahler avec modestie et simplicité. Le compositeur, sur le pont d’un paquebot, est proche de la fin. Il repense à sa vie, ses réussites et ses échecs aussi retentissants l’un que l’autre. Comme dans ses autres romans, Seethaler écrit des scènes fortes qui restent particulièrement en mémoire, comme photographiées dans l’instant. Si le texte n‘est pas son meilleur, il trouve les mots pour raconter l’essence d’une vie, son drame, en décrivant avec précision la nature ou une scène bouleversante avec sa fille. Autant de petites choses qui sont sur le moment ordinaires et prendront avec les années une valeur immense. Il peut créer une émotion avec des moyens assez limités, quelques phrases courtes, rien de dramatique ou de spectaculaire mais qu‘il parvient à tenir par l’intensité de son écriture. On peut dire un peu vite qu‘il ne se passe par grand chose dans « Le dernier mouvement » mais pour moi c’est un livre d’une centaine de pages très riches en impressions.
Bouvard et Pécuchet (1881)
Sortie : 1881 (France). Roman
livre de Gustave Flaubert
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
Moi qui avais tellement aimé Madame Bovary et Le dictionnaire des idées reçues, je crois malheureusement n‘avoir jamais tout à fait compris ce que Flaubert cherchait à faire avec ce dernier roman… Une comédie encyclopédique ? Deux zigotos s’essaient à toutes sortes d’expérience avec une certaine incompétence qui les rend sympathiques. Le roman est absolument jusqu‘au boutiste et mécanique : on prend un nouveau champ de connaissance (botanique, politique, médecine, religion…) on tente de l’épuiser par la lecture et la pratique (dans la mesure du possible) puis nos bougres constatent leur échec et se lassent. La somme des connaissances ne semblent que mener à des impasses et autres contradictions… ou alors nos héros sont deux idiots mais alors comment s’attacher à eux ? Y‘a-t-il ici une critique particulièrement fine et intelligente de quoi que ce soit ? Une métaphore de notre vaine condition ? Peu importe tant la répétition systématique crée une lassitude. Après 50 pages, on en a lu 400, à peu de choses près. Avec un peu de bienveillance, on pourrait considérer cette répétition dans un registre comique comme une accumulation bienvenue mais tout est trop appuyé, lourd, épuisant. Flaubert veut-il simplement étaler son savoir ? Nous dire qu’une expertise en vaut une autre ? Ce livre et les éloges qui l‘entoure me dépassent.
Cardiff, près de la mer (2020)
Cardiff, by the Sea
Sortie : 2022 (France). Récit
livre de Joyce Carol Oates
bilouaustria a mis 6/10.
Annotation :
4 nouvelles à suspense d‘une petite centaine de pages chacune, avec des thèmes et traitements typiques de la littérature propre à Joyce Carol Oates qui n’est pas à proprement une autrice de genre, mais qui attire à elle (plus qu’elle est attirée je crois) la violence, le secret, l‘angoisse. Donc il y a un petit côté film d’horreur dans ces textes, mais une horreur à la Jordan Peele, sournoise, lente et progressive, pleine de doutes. Oates déploie des personnages féminins fragiles et peu sûres d’elles, mises dans des situations désagréables, un peu comme sait le faire Laura Kasischke dans certains romans. Héritage, famille d‘adoption, relations étranges, tout est bon pour installer un malaise et le faire perdurer jusqu’à ce que la violence explose (quand cette bulle d’inconfort finit par éclater). Je trouve cela dit que JCO est moins forte sur ses derniers livres, en pilote automatique sur la masculinité toxique et la paranoïa. Souvent la construction est habile mais l’écriture en soit un peu paresseuse.
Le Fond du problème (1948)
The Heart of the Matter
Sortie : 1950 (France). Roman
livre de Graham Greene
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
(anglais)
Et si Graham Greene était simplement l’un des écrivains les plus sous-estimés du 20ème siècle ? Si son Power and the Glory est un magnifique roman, The Heart of the Matter est aussi saisissant et dramatique. Dans une Afrique de fiction, chaude et humide, pourrie par la corruption, Scottie est le dernier flic honnête, la boussole morale de cette ville portuaire (qui rappelle la Sierra Leone où l’auteur a vécu et sans doute puisé une partie de son inspiration). Greene est connu pour ses romans catholiques et Le fond du problème en est un exemple parfait : Scottie va tomber amoureux et céder dans ses principes, commencer à faire des compromis. Évidemment, tout va lui tomber dessus à ce moment là. Et l‘homme le plus droit et le plus juste d‘entre tous va devenir aussi vulnérable qu‘un autre. Sa faiblesse, c’est son cœur. Il sera trop tard pour aller à confesse - l’honneur et la morale, c’est bien sûr entre soi et soi-même. Greene écrit l’effondrement d‘un homme fort qui ne peut plus tenir sa foi et les codes éthiques qu‘il s’était fixés. La chute est terrifiante.
Là où tout se tait (2021)
Sortie : 7 janvier 2021. Roman
livre de Jean Hatzfeld
bilouaustria a mis 8/10.
Annotation :
Jean Hatzfeld un peu à la manière d‘Alexievitch recueille des témoignages et les retranscrit. Ces témoignages comme ceux d‘“Une saison de machettes“ sont à couper le souffle, les détails vous restent en mémoire parce que ce génocide dépasse tout ce qui est imaginable. Donc le fond est déjà captivant, la nature humaine, les phénomènes de groupe, mais Hatzfeld ne se limite pas à un travaille purement journalistique, il choisit les mots qui donnent les voix de ses témoins et ces mots sont beaux, littéraires, ça respire le vieux français, le Congo belge peut-être, les prénoms sont colorés, les expressions un peu dépassées mais inimitables. On sent vraiment une langue au travail, je crois que c’est un aspect essentiel du livre. Ça et le fait de cette fois rétablir en quelque sorte les „justes“ qui ont essayé de stopper l’hémorragie insensée de violence, qui ont aidé des victimes et qui la plupart du temps ont été „coupés“ à leur tour. Amour et violence. Parole et silence. Le massacre Rwandais est un événement absolument hors du commun dans l’histoire.
Le Retour du soldat (1918)
The Return of the Soldier
Sortie : 1918 (Royaume-Uni). Roman
livre de Rebecca West
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
(anglais)
Rebecca West est une autrice britannique qui est restée dans quelques mémoires (son nom est plutôt oublié en France) pour son immense livre de non-fiction Black Lamb and grey Falcon qui est un récit de voyage de près de 1200 pages en Yougoslavie en 1937. longtemps avant d’écrire son chef d’œuvre, West a écrit ce court roman, The Return of the Soldier, une histoire de soldat qui rentre amnésique de la guerre et est attendu par trois femmes : sa cousine, sa femme et une relation amoureuse qui date de plus de dix ans. Et sa mémoire est étrangement affectée de sorte qu’il ne souvient que de cette ancienne idylle et pas des quinze ans qui ont suivi. Au début, on ne le prend pas bien au sérieux, mais finalement cette « folie » est peut-être un mal pour un bien qui agit comme un révélateur… West semble démasquer le jeu des apparences de cette société très figée et crispée sur elle-même. Le soldat est bien victime mais sa mémoire sélective est une protection contre une vie qui le condamnerait. A-t-il désiré inconsciemment oublier sa femme ? Troublant, le texte de Rebecca West progresse un peu à contre sens, à mesure que les efforts pour se souvenir portent plus ou moins leurs fruits et révèlent quelques éléments sur les personnages présents.
Empire du Soleil (1984)
Empire of the Sun
Sortie : 1985 (France). Roman
livre de J.G. Ballard
bilouaustria a mis 7/10.
Annotation :
(anglais)
De forte inspiration autobiographique, il convient ici tout de même de parler de roman (Ballard était avec ses parents dans le camp, pas orphelin comme le héros ici). Comme toujours beaucoup d’idées plus ou moins bien mises en forme et intégrées. Malgré le contexte très intéressant de cette deuxième guerre mondiale vue depuis un camp de prisonnier à Shanghai par un garçon anglais, totalement original à mes yeux, je ne pense pas que ce soit son meilleur roman. L’étiquette “faits réels“ n’est pas nécessairement un gage de qualité. Il y a des longueurs mais les pages dans la ville fantôme au début sont réussies. Ballard joue consciemment sur la guerre vs l’image de la guerre, sa représentation pour un garçon de 10-11 ans. Quand la réalité débarque il y a un mélange d’excitation et de déception qui est parfaitement rendu. La galerie de personnages dans le camp ne m’a pas passionné mais là encore, des choses ici ou là : son attirance pour les japonais, le traitement de la violence qui est parfait, sa découverte de la sexualité… Je préfère toujours les entretiens avec Ballard à ses livres (il y en a un formidable sur Empire of the Sun), on voit comment il pense et à quel point ses livres sont intelligents. En les lisant, bizarrement, quelque chose se perd chez moi - de la théorie à la réalisation…