Lectures bestiales 2022

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Seulement pour ces riches et méditerranéennes descriptions de l'Ermitage, de la Marina, des champs, des falaises de marbres, je pourrais en lire mille pages !
Du reste, une ode à la liberté, à la solitude heureuse face à la médiocrité, la décadence et la dictature, bref, l'émigration intérieure. Du symbole, oui, mais du symbole loin d'être stérile mais véritablement sylvestre, foisonnant, plein de sève à l'image de l'herbier du narrateur et de frère Othon.
Sublime.

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Un proto-Conan ? N'empêche que ces aventures du début du XXe siècle en plein Orient (et Afrique) fantasmé, bariolé et sauvage se suivent vraiment déplaisir, avec des moments de bravoure qui prennent aux tripes.

Alors oui, ça n'a pas le côté intemporel de Conan, on sent plus que jamais l'aspect pulp, certaines nouvelles n'ont pas été terminées (à nous d'imaginer la fin de l'évasion de la tour des Turcs ou la découverte de la cité des marécages au Congo) mais parler du côté daté mais qui n'en reste pas moins un charme.

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Anthologie concise, bien expliquée et bien délimitée.

Des premiers poèmes épiques aux haïkus, en passant par les périodes fortement influencées par la culture chinoise (on y ressent fortement le confucianisme).
Le japonais étant à l'écrit l'art des idéogrammes, la traduction française fait très certainement perdre beaucoup de nuances, mais des moments sublimes émergent toujours, des nuances infinies au sein de vers extrêmement concis.

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Première rencontre avec Spinrad couronnée de succès.

Sorte de space-opéra (sur le début) qui devient rapidement une aventure cynique, gore et vraiment très bis, l'auteur évoque une tentative de coup d'Etat sur une planète totalement sanguinaire (qui s'appelle d'ailleurs Sangre, on y dévore des nourrissons vivants pour des raisons aussi religieuses que purement divertissantes) où finalement les bons sentiments révolutionnaires pour changer le quotidien de populations éloignées donnent souvent des résultats encore pires.

Écrit pendant la guerre du Vietnam et suite à l'aventure bolivienne ratée de Che Guevara, ceci expliquant cela.

Écriture nerveuse, ambiance putride, cynisme et humour noir à tous les étages, j'ai adoré.

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« Je parle de drame, mais ce n’est pas le mot qui convient. Il n’y a pas de drame, chez nous, messieurs, ni de tragédie, il n’y a que du burlesque et de l’obscénité »

Il y a chez Martinet une fausse exubérance pour mieux mettre en valeur le froid et la grisaille de sa rue Froidevaux, pour mieux avec l'humour noir et le sordide de son protagoniste. Le rire est jaune, salement jaune, à peine salvateur mais génial dans sa tentative pathétique de vouloir trouver dans ce méandre de merde et de petites bassesses un morceau de beauté humaine.

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Le jeu narratif d'un brio total, une écriture virtuose, cette neige... et la condition humaine...

Une lecture indispensable.

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Cours de catéchisme assuré par le disciple de Polycarpe de Smyrne, lui-même (selon certaines sources, je précise) disciple de l'Apôtre Jean.

De la Génèse à la Résurrection en passant par les preuves, soit l'annonce des prophètes, Irénée se montre didactique.

Clair, simple, d'époque (il fait encore quelques confusion, use d'évangiles apocryphes par moment, merci aux notes de bas de page d'aiguiller), c'est clairement un des premiers écrits chrétiens mais avec déjà de longues et nécessaires tirades contre les hérésies et pour le caractère trinitaire de Dieu.

Dire qu'un livre aussi accessible et facile d'accès ait 18 siècles...

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Bataille écrit bien. Mais je trouve que le fond l'emporte sur la forme avec cette triste et pathétique épopée d'un homme détruit, autodétruit même, conscient de sa propre vanité et cherchant dans la fange qu'il s'est lui-même bâti, son salut tout aussi vain.

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Puissante, très puissante synthèse de l'un des théologiens les plus importants du XXe siècle ; Mais justement, cela reste surtout une synthèse et qui, titrée ainsi, pourrait apparaître trompeuse. Sur 230 pages, seules quarante apparaissent traiter stricto-sensu du christianisme et comme secte juive messianique.

Il s'agit néanmoins d'une solide introduction au travail de Bultmann où l'on devine aisément en introduction son thème de prédilection à venir : la démythologisation. Mais d'abord il situe les religions et leur philosophie inhérente par le biais de la philologie, notamment grecque à l'époque où Jesus a mené son ministère ;
L'on apprend que le judaïsme, passé de la transcendance à la Loi du temple par un phénomène historique unique, était en réalité, malgré une praxis très dirigiste et rigide, de plus en plus hellénisé, vraiment perméable aux idées greco-romaines, notamment avec le travail intellectuel de Philon d'Alexandrie.
L'on suit les évolutions de la philosophie grecque, de l'homme noble dans la Cité, de son rapport au Cosmos transcendants ou anthropologique, juif ou hellène, très différents (thème central du livre) pour finir au stoïcisme, conclusion ultime de Platon et Socrate.
L'on a enfin une introduction très claire et lisible aux religions orientales du mystères (Isis et Osiris, l'Adonis syrien ou encore Mithra) qui allaient pénétrer l'Occident romain, annonciateurs du gnosticisme apparu avant les premiers temps du Christianisme et de leur différence fondamentale avec la Foi révélée du christianisme au sens où nous l'entendons actuellement.

Au final, Bultmann nous éclaire sur un christianisme primitif présenté comme religion syncrétique, ultime spiritualité révélée mais jamais achevée, toujours en devenir, pour interpréter l'existence humaine, un angle de lecture original mais très casse-gueule, l'auteur ayant été très souvent mal compris.

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Pas le Nicolas Werth le plus passionnant. Par "être communiste", il faut comprendre "être membre du parti". Qu'est-ce que l'adhésion, la vie et le parler ou quitter le PCUS ?
Ouvrage d'histoire sociale bien établi prenant comme sources lettres personnelles et rapports de cellules. Si on y retrouve un travail sur les sources similaire à Figes ("Les Chuchoteurs"), c'est ici un résultat trop parcellaire, d'une avalanche de compilations qui sert à étayer ce que l'on sait déjà sur l'adhésion, sincère ou de circonstance, au système avant d'arriver trop rapidement à la terreur de 1937.
Utile pour les débutants, une redite pour les autres.

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Bien évidemment un style qui sauve tout, flamboyant et tragique sur le destin christique de Clotilde. Des passages anti-modernes à charge et cette humanité lumineuse qui tranche douloureusement avec la fin de siècle.

J'ai un peu moins apprécié l'aspect réglement de comptes qui parcourt, un peu gratuitement, l'ensemble de l’œuvre.

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Courtes sentences, courts textes épars jusqu'aux années 1990. Le style Yanne est humain, sarcastique, drôle et salé. Il se moque avec justesse des petites et grandes lâchetés.
On imagine alors ce qu'il aurait pu dire aujourd'hui en 2022.

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En lisant, j'ai déjà ri de bon cœur, plus souvent ri jaune.
J'ai cette fois-ci découvert comment rire froid.

Trois nouvelles sur le fléau, froid justement, de la modernité. Émulations des pulsions sanguines par le festif, le monde associatif, les petites lâchetés et les mises au pilori bien acceptées, bien dans le rang.
C'est drôle mais ces nouvelles ont vingt ans. Si elles sonnent toujours vrai, elles ont depuis longtemps été dépassées.

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Livre de transition sans génie qui ne fait que suivre le précédent sans rien conclure. Mais une lecture agréable.

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"Salut salut ! Dis donc, j'ai un super guide pour toi. Oui, tu devras fuir le plaisir futile et t'engager dans la voie de la vertu. C'est très simple, tu dois tu dois tu dois. Il faut, il faut et il faut. Enfin, c'est pour toi que je le dis, moi tu sais... J'applique déjà pas à moi-même !"

énième tentative de me rabibocher avec la philosophie, énième échec. Malgré un volume très court, ça me tombe une fois de plus des mains avant la page 30. Désolé.

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"Nous occupons nos facultés à nous donner des rôles splendides à travers des vies de luxe ; tellement en inventons-nous que nous restons débiles pour vivre dans l'action, et, si l'une d'elles venait, par hasard, à se réaliser, nous ne saurions pas en être heureux, car nous avons épuisé les sèches délices, et plusieurs fois rappelé à nous le souvenir de leur illusion, des mille possibilités de gloire et de richesse"

Pas mon sujet de prédilection, pas de moi à y plaquer, donc une certaine retenue pour plonger dans ce kaléidoscope charnel, fantasmagorique, presque divin en somme, aussi incroyable qu'il soit.

Et pourtant, "Notre-Dame-Des-Fleurs" est un authentique chef-d’œuvre formel et stylistique. Que de belles phrases, une prose inventive et renouvelée, que cette construction est riche à la manière d'une vie de saint détournée, incroyable et si paradoxalement gravée dans la chair.

Une lecture parfois compliquée à force de complexité mais qui se mérite.

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Compilations d'articles du magazine l'Histoire. Malgré l'aspect grand public (et c'en est), un véritable sérieux académique, sourcé, et une introduction à la question qui mérite une lecture, ne serait-ce qu'en dilettante.
On esquisse par thématiques la question religieuse de ce bien long Moyen-Âge. On peut dire que c'est parcellaire, qu'il manque des angles, des périodes mais l'essentiel y est, entre Cluny, la règle de Saint-Benoit, la transition entre l'érémitisme et le cénobitisme, les religieuses, etc. Reste un dernier chapitre passionnant sur le missionnaire contemporain de Saint-Louis, Rubruck qui traversa toute l'Asie centrale jusqu'en Mongolie pour tenter de les convertir, sans succès.
Lacunaire, parfois vain pour quiconque connait un peu la question mais une lecture sympathique.

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51, comme Pastis 51...
Mais je tiens bon ! Et même que l'action repart, que le climax est toujours aussi vif, prenant, qu'on suite connaître la suite de l'aventure de nos amis.
Le monde bascule, se fige, bascule, des ennemis d'hier deviennent alliés, des fantômes oubliés depuis 20 volumes se réveillent et deviennent l'ennemi mortel.
Passionnant.

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Et l'on repart dans une dynamique SF post-apo teintée de thriller économique géopolitique et humain qui confine par moments au magistral !

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5 points pour le style. Il écrit bien Nabe, il y a un souffle, un verbe, et ses pages sur le jazz, je rêverais d'avoir la même plume pour parler du black metal. Du reste, un moi-je-moi-je qui rend bien hommage à Céline mais je n'ai pas réussi à rentrer dans la passion interne de ses pages, ni à prendre sa radicalité sur l'éventail pléthorique de sujets avec la même gravité que lui aurait aimé. J'ai peut-être trop lu de Bloy et Huysmans ces derniers mois.

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Clark Ashton Smith se "tempère" quelque peu avec cette Auvergne médiévale fantasmée, de laquelle transpirent un géants, un sorcières et quelques timides gargouilles. Moins saturé et fantastique qu'Hyperborée et Poseidonis. Mais une plume toujours aussi superbe et surannée.

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On continue les mêmes aller-retours que pour les deux ou trois précédents tomes. Moins de folie, plus d'attentisme.

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Excellent catéchisme orthodoxe. Synthétique et complet (mais rare, difficile de se le procurer autrement que sur le site de l'éditeur)

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Après un tel chef-d’œuvre, spirituel, charnel, autocentré et absolu comme "En Route", Huysmans continue son cycle Durtal. Le protagoniste, suite à sa retraite monastique, suit l'abbé qui l'aide dans ses turpitudes spirituelles dans la bonne ville du Mans. Ville grise, ville morte, entourée d'une Beauce qui l'ennuie à mourir. Seule la cathédrale retient son attention et même plus : elle le fascine.
"La Cathédrale", contrairement à "Là-bas" et "En Route" n'est même plus un roman mais l'alibi d'une histoire symbolique, picturale et architecturale de la chrétienté française. Très intéressant mais jusqu'au-boutiste (Durtal lui-même le reconnait), les 488 pages paraissent par moment un peu longues. Mais une pépite de curiosité.

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A lire pour ceux qui connaissent un minimum l'œuvre et la vie de Léon Bloy.
Essai à charge contre Léon Bloy pris comme auteur littéralement luciférien plutôt que catholique. Re-contextualisation de son époque autour des mouvements chrétiens ésotériques, de l'occultisme, de la magie propre à la France de la seconde partie du XIXe siècle. Remise à plat de passages de sa vie et notamment de sa maîtresse qui prétendait directement communiquer avec le Christ. Passages de ses romans disséqués où Bloy, étrangement et avec un art de la découpe qui ne m'a pas sauté aux yeux lors de mes lectures, est perçu comme un millénariste intégral, priant une Parousie à court terme, convaincu d'un Paraclet-Satan, rencontre entre le Saint-Esprit et... Lucifer qui remontera au Père lavé de son châtiment, Fils génial tandis que le Christ, assimilé à Jacob sera le Fils Gentil.
Barbeau fait de Léon Bloy un hérétique à proprement parler, entre l'arianiste ésotérique et le sataniste new-age. Essai à charge, peut-être trop, j'ai le sentiment d'y lire par moments des extrapolations

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Il est certain que Gombrowicz n'est pas l'un des classiques de la littérature polonaise pour rien ; Il y a du génie dans la légèreté toute surréaliste de traiter un sujet aussi grave que le carcan de la modernité que l'homme, la femme, le créateur surtout, s'impose tout seul comme une chaîne. Certains passages, notamment sur l'acte créateur sont absolument géniaux.
Mais j'ai un soucis tout personnel avec ce genre, surréaliste ou postmoderne, qu'importe, je ne rentre pas dedans, la lecture devient progressivement pénible pour moi, malgré tout le bien que je pense du fond.

Annotation :

Ouais, la couverture est bis à mourir, c'est édité chez Les Anges du Bizarre par Jean Rollin (le réalisateur de films fantastiques français avec des femmes vampires qui se promènent nues dans des ruines gothiques).
Biographie très romancée (et même partiellement fort inventée) sur le cas du sergent François Bertrand, un des premiers nécrophiles référencés par la littérature criminelle et médicale au XIXe siècle. Le roman est court, dans les grands canons du roman de gare pulp et du coup se lit facilement, sans ennui puisque très complaisant. Autant certains pulps réservent des surprises sur le fond ou la forme mais celui-ci ne dépasse pas le stade de la curiosité pour amateurs de sombre avertis.

Annotation :

Aussi étonnant que cela puisse paraître au regard de mes goûts, c'est mon premier Bernanos. Et c'est particulièrement brillant, c'est une plume. D'autant qu'on sent que le bougre a dévoré toute la biblio' de Barbey d'Aurevilly (surtout), Léon Bloy (un peu quand même).

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Très court roman écrit à quatre mains, dont un habitué de la collection "Gore", François Darnaudet. Rien que de très classique dans ce jeu du chat et de la souris parisien entre un tueur en série et un ancien flic torturé. Cela va droit au but et respecte les canons du roman pulp : quelques scènes graphiques, une volonté d'y aller dans le glauque et de coller aux clichés du genre. Quelques idées qui seraient intéressantes formellement, entre ces deux personnages à la première personne qui finissent par se rencontrer au sein du même chapitre, et de courts chapitres reprenant la voix des médias.

Mais rien à faire, le roman est un profond échec ; Les auteurs ne savent pas s’y retrouver entre des passages parfois inspirés et des facilités scénaristiques vraiment ridicules qui saccagent l’atmosphère froide et même sage du récit, jusqu’à la suspension consentie de l’incrédulité du lecteur (et c’est un thriller bon sang !).

On ne croit ni à ce tueur en série aussi vide que pathétique, ni à ce flic hard-boiled sans fond ni forme. Le tout pour terminer sans justification ni développement sur une vague et invraisemblable conspiration de culte de la mort. Pulp mais très mauvais.

Annotation :

De douloureux souvenirs estudiantins m’ont fait remettre Georges Duby au cagibi. Quelle erreur ! Classique de la recherche universitaire en histoire médiévale, « L’An Mil » permet de mieux saisir l’originalité de cette période entre Haut et Bas-moyen âge en collant au plus près des sources, en permanence des chartes et lettres de type romaine, seule littérature pleinement exploitable de cette époque.

L’on découvre des mentalités évidemment chrétiennes mais dans un contexte violent et sombre : récoltes parfois anémiques, violences régulières dans l’espace carolingien, mais surtout des mentalités fortement influencées par la perte de l’autorité royale, laquelle amène les villes et province à naturellement se renforcer, s’autonomiser, contexte d’une féodalisation qui sera amenée à se reformuler et se rationaliser : Le Bas-moyen âge.

Mais le plus important est une époque fortement marquée par les peurs eschatologiques et les dérèglements cosmiques sur lesquelles les contemporains amènent toute l’attention. Et enfin, et surtout, signe divin ou simple causalité ? Les extraits de lettres sont étonnamment bavards sur ces mentalités : L’époque n’en est pas encore à Saint-Thomas-d ’Aquin et autres penseurs médiévaux annonçant l’humanisme. La différence entre signifiant et signifié est encore ignorée. Simonies, hérésies et autres péchés mortels sont les ultimes remparts avant l’accession de la « paix de Dieu » où, dans ce contexte du moins, le céleste rencontrera le temporel, la Jérusalem céleste et la Jérusalem terrestre, phénomène de pensée annonciateur des croisades quelques décennies plus tard ainsi que des logiques de conquête terrestre qui deviendront prépondérantes dans la pensée européenne.

Plus passionnant encore, ces longues lettres littéralement apocalyptiques dévoilent pour finir une volonté unanime dans l’Occident médiéval de rédemption et de… renaissance ! Passant d’un christianisme des cloîtres à un christianisme d’action (prêtrise de moines, liturgie renouvelée au contact des populations rurales en prenant part aux fantasmes populaires du merveilleux, chasse aux reliques et autres préfigurations des croisés, d’abord dans l’Europe slave encore païenne), cette volonté de « paix de Dieu » annonce déjà une première perception de dignité de l’Homme. Une première perception européenne, au-delà des fantasmes et des lieux communs propres à notre très contemporaine perception de l’époque médiévale.

Ouvrage passionnant.