Lectures dans la brume : ²۝2ᴤ

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● Le Cannibale c'est Nous et l'Autre

Essai très dense mais passionnant à découvrir sur la métaphore cannibale et ses différentes conséquences dans notre société (postcolonial, notion de l'Autre, véganisme, art, technologie ...). C'est très plaisant à lire malgré l'aspect conséquent du propos et les nombreux exemples proposés par Mondher Kilani rendent la lecture presque ludique à certains moments.

Seul bémol, certaines analyses artistiques manquent grandement de précision, quitte à parfois créer certains contre-sens (on aurait pu se passé de jugements médisant sur le film d'horreur ou d'analyses psychanalytiques de contes). Cependant, lorsqu'il aborde des questions anthropologiques et philosophiques, "Du goût de l'autre" atteint des sommets qui côtoient le brillant.

►Une identité composite, mais pas nécessairement contradictoire, se nourrissant de plusieurs influences. En d'autres termes, une identité cannibale qui avait digéré et métabolisé plusieurs traditions◄

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● Partition solo à quatre voix

4 personnages qui monologuent à tour de rôle sans jamais dialoguer alors qu'ils travaillent pour la même entreprise, c'est franchement malin comme discours sur l'aliénation du travail contemporain. De plus, le style littéraire de Badéa épouse cette espèce de vitesse capitaliste ce qui donne un ensemble riche de résonnance. La conséquence fâcheuse de ce choix stylistique c'est qu'au final la lecture est fluide mais peu marquante : on suit les personnages sans surprise, sans envolée ... la routine.

►Tu ouvres le robinet et tu plonges ta tête sous l'eau
Des minutes entières tu restes comme ça
Tête sous l'eau◄

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● Du sang, des tripes et du puritanisme

Un travail de recherche sur le mouvement des "Video Nasties" nécessaire dans les premières pages dont l'intérêt vient s'amoindrir à partir de la section ''chroniques'' (qui compose un bon 70% de l'ouvrage).
À partir de là, s'ensuit une longue liste de films censurés en Angleterre qui a du mal à tenir la longueur tant elle paraît encyclopédique que vraiment thématique.
Même si l'ensemble m'a donné envie d'aller explorer une partie de cette cinéphilie, on serait bien évidemment passé de certains relents misogynes et sexistes de certains chroniqueurs (on peut y trouver des expression comme "l'érotisme du viol') qui donne parfois au tout un sale relent de PMU du Bis.

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● Regarder tristement les corbeaux s'envoler ...

Ma découverte des auteurs ''classiques'' japonais commence donc tranquillement par ce recueil de nouvelles d'Osamu Dazaï. L'auteur nous prévient qu'il ne s'agit là que d'écrits mineurs, sentimentaux, avant tout composé dans le but d'être plaisant à la lecture.

Il est indéniable que les nouvelles de "Bambou-bleu" sont légères, pourtant il me semble que ce discours de l'écrivain sur son œuvre provient d'une certaine humilité ou d'une ironie tant ces réécritures de contes laissent apparaître une immense richesse. Dazaï se réapproprie ce mode littéraire traditionnel pour lui faire passer de l'autre côté du miroir; de la morale au sentimentale. Ici, c'est les histoires d'amours (conjugales, familiales, spirituels) qui sont au centre des récits, l'auteur préférant insister sur la douceur âpre de la vie que la cruauté des contes de l'ancien temps.

►Il vécut l'existence parfaitement ordinaire d'un paysan, dans la poussière du monde, loin des fastes et des lumières◄

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● Intime Internet

Ce que je respecte avant tout dans cette œuvre, c'est l'intelligence du propos. Traiter aussi frontalement les questions philosophiques que nous posent Internet (tension entre présence/absence, temps figé, projection du moi vers l'objet ...) en embrassant une esthétique aussi particulière et ludique ne peut que forcer le respect.

Si le relire en format papier m'a fait perdre l'intensité que c'était de le découvrir en pdf., cette redécouverte m'a pour autant ouvert un nouveau regard. Ce que je voyais avant comme un appel à l'aide désespéré où plane l'angoisse d'une intrusion, ''CTRL-X'' l'explore également comme la liberté que nous permet ces fenêtres, la possibilité de s'immerger dans notre monde, confortable et rassurant.

►Il faut se méfier de l'image du héros◄

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● Outre-tombe

Une relecture qui me laisse encore sans mots devant probablement le plus beau parcours dramatique de ces dernières années.
Parfois les mots sont si forts qu'ils nous privent des nôtres.

►C'est moi même que je n'ai jamais rencontrée, dont le visage est scotché au verso de mon esprit◄

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● Le requiem de la baleine

Autre pan important de la production dramatique de Gwendoline Soublin, le théâtre jeunesse n'est pas spécialement ma tasse de thé.
Je n'y trouve la plupart du temps qu'un affaiblissement d'une forme ''dite-sérieuse'' au profit d'une infantilisation générale, sorte de proto-théâtre.

Si il y a toujours ce malheureux manque d'ampleur dans "Tout ça tout ça", il s'agit cependant d'un joli petit texte qui saisit bien le mal-être que le monde des adultes fait peser sur celui des enfants.
Il faut noter également l'utilisation particulière de la graphie qui vient faire basculer le livre en jouet-objet; proposition réjouissante au vu du public visé.

On peut également se demander si on assister à un retour de la figure enfantine comme modèle actif et révolutionnaire contre la catalepsie du système ? En tout cas, "Tout ça tout ça" en est un solide exemple.

►Le besoin de dire stop.
La sensation que tout est trop "vrai"◄

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● Fixer la lumière fragmentaire dans les yeux

Gwendoline Soublin signe le deuxième très grand texte dramatique de sa jeune carrière.
Elle interroge cette fois-ci la question de la Révélation à travers une assistante sociale qui va être témoin d'un spectacle lumineux impressionnant en rentrant du travail.
Choc esthétique, extraterrestres ou rencontre spirituelle voire divine ? Le drame devient texte à trou où le lecteur peut aisément projeter ses fantasmes et son imaginaire. Soublin préfère explorer les fondements philosophiques de la Révélation en le traitant avant tout comme un point de départ et non comme une fin en soi.
Moteur à l'action et à l'introspection, elle nous livre par une utilisation remarquable de l'outil-page un échantillon de cette rencontre et de l'explosion intérieure du personnage.

Ecrit brillamment, les personnages qui peuplent "Seuls dans la nuit" voient leurs solitudes s'entrechoquer dans un Big Bang cosmique où l'espace qui entoure la Terre devient métaphore de la condition humaine. Rare utilisation convaincante d'un sophisme en quelque sorte : la Terre est affreusement seule, nous habitons sur la Terre, donc nous sommes aussi seuls qu'elle.
La langue de Soublin attend ici des sommets, comme portée par cette fuite en avant vers un autre quotidien, jonglant entre rythmes et formes différents, assumant l'entièreté de la poésie de son sujet par une écriture embrasée.

► ventre prêt à exploser soleil bouillant stroboscope altéré à la partition instable plein feu embrasement indigo or cuivré la sphère pixelisée éclaire les moignons de vigne les nimbe d'une pluie de lucioles qu'elle recrache . . ◄

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● Un flocon de neige sous la lune

Comme son sous-titre l'indique, un recueil de deux petites pièces amusantes, aux vers plaisant mais qui ne vont jamais plus loin que cela.
Une préférence pour "Une aventure", drame où l'éclat de la lune vient confronter un Dom Juan à sa plus grande peur : tomber amoureux.

► A l'errante - le songe.
A l'errant - le chemin
Souviens-toi: oublie !◄

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● Des ados et un couffin

On sent à la lecture que le texte est fait pour que des enfants s'amusent sur scène et déjà ça c'est fantastique. Depuis ce prisme là, Le Soleil de Moses est une réussite tant il respire de la pièce un besoin ludique de le mettre en scène.

D'un point de vue écriture et dramaturgique, ça pêche un peu plus. La langue est très synthétique pour des personnages d'enfants, le récit ponctué de deus ex machina et autres ficelles assez grosses et au final on n'arrive vraiment à s'attacher à cette jolie histoire.

►Sur ce bout de bois coincé entre ses dents tandis que l’enfant venait au monde
Ce bâillon de bois pour l’empêcher de crier
Elle a tracé le prénom de son fils◄

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Texte découvert il y a plus d'un an, ma relecture au cours cette semaine n'a fait que confirmer mes suppositions premières sur une œuvre qui m'avait laissé perplexe.

Penda Diouf s'élance dans une recherche autour d'une multitude de thématiques présentistes (éco-féminisme, racisme systémique) quitte à ne jamais se donner l'occasion d'en explorer une complètement. On suit alors une fable kafkaïenne inoffensive malgré l'importance et la nécessité de son propos politique.

Si l'écriture de la dramaturge nous offre de beaux moments de théâtre (certains monologues du Griot ou ceux des ''condamné.e.s''), elle oscille cependant trop souvent entre un langage quotidien et un lyrisme convenu.
À mon avis, l'ensemble manque cruellement d'une structure dramaturgique forte pour donner au texte une ampleur qu'il vise sans cesse sans jamais vraiment y arriver. Un texte "actuel" qui peine à dépasser ce statut.

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● Dieu peut-il n'être qu'Amour ?

(je traite ici uniquement du texte La Peur)

Petite déception pour ma part sur ce texte de François Hien. Sans être un grand admirateur de son travail que je trouve souvent trop journalistique, le titre, cette fameuse Peur, laissait planer la possibilité d'une dramaturgie du faits-divers où l'acte sordide devenait parabole d'un mal-être plus global.

Alors que les premières scènes nous présentent des questionnements pertinents sur le sujet hautement sensible qu'est "L'Institution-Église", l'ensemble finit par s'embourber dans un drame amoureux étrangement fade. Dommage d'autant plus que les réflexions théologiques sont passionnantes et dévoilent toute une réflexion pointue de Hien autour du sacré et du secret.

On peut noter certaines lourdeurs dans l'écriture (''À la marge, mais les marges font partie de la feuille'' p.93) ou dans cette fin maladroite qui voit le texte retomber dans un travers d'explications sociologiques (discutables). Mon plus gros soucis avec la pièce étant néanmoins ce focus curieux sur la relation amoureuse complexe entre le Père et l'Amant qui, si elle n'est pas dénué d’intérêt symbolique, me paraît bien trop convenu et clouant une grande partie de l'ampleur de La Peur.

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● Orphée sans voix

Raconter le traumatisme. C'est l'objectif que semble s'être fixé Magali Mougel avec Shell Shock. On retrouve nombreuses des caractéristiques de son écriture : une recherche intime, un personnage principal féminin, un style littéraire mêlant poésie et réalisme … Pourtant Shell Shock est peut être sa pièce la plus halluciné, la plus immatérielle et donc la plus fascinante à mes yeux.
L'autrice y trace la trajectoire d'une Orphée de retour des Enfers, ayant côtoyé la mort et qui se voit dans l'impossibilité de se raccrocher à la vie. Comme un puzzle, on navigue dans les fragments de cette photo-journaliste qui doit maintenant se reconstruire dans un monde où elle semble avoir été recrachée.
Un texte fort, bouleversant qui confirme le talent de Magali Mougel à raconter des destins dans toutes leurs grandeurs.

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● La gorge sous la fine lame du couteau

Il m'a fallu une relecture dans la foulée pour bien saisir l'ensemble tant je trouve l’œuvre d'Alexandre Horréard déstabilisante.
Étrange rencontre entre le style de Badéa et l'In-Yer-Face, Utopie/Viande se balade dangereusement sur certaines limites sans jamais vraiment chuter. Le texte est dur, âpre et sans concession mais réussit à ne jamais sombrer dans la violence gratuite.
Réflexion autour de la place du sacrifice et de la violence dans notre société, l'auteur tisse un drame profond qui saisit avec brio un certain nombre des problématiques actuelles. Et toujours ces questions passionnantes autour de la culpabilité ; qui tient le couteau et qui devient l'Iphigénie du moment ?
Brillamment politique, écrasant d'actualité dans un monde tourmenté par un progrès anachronique. Utopie/Viande est une réussite autant par son écriture que par ses névroses thématiques.

►Offrir son sang aux dieux offrir la mort pour sauver les vivants protéger les hommes de leur propre brutalité
Je rêve que mes gestes aient un sens
Mais l’animal que je tue ce n’est pas un sacrifice ce n’est qu’un sac de viande ◄

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● Vouloir disparaître et tomber sur un Ange

Très chouette relecture du mythe d'Abel et Caïn fait avec beaucoup de sincérité et d'amour pour l’adolescence. Le texte est très malin, subtil dans sa mise en scène du coming-out et tendre avec ses personnages. Une belle découverte avec laquelle je me suis replongé dans mes propres souvenirs d'étés passés.

►Qu’est-ce que tu fais ?
Ne pars pas
Je n’ai pas fini de te tuer
Temps
Alors je me suis assis◄

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● Get Out

''Mon visage d'insomnie'' veut s'inscrire dans le genre trop peu exploité au théâtre (et à ma grande tristesse) de l'horreur sans pour autant mettre toutes les chances de son côté. D'un début prometteur, au cadre digne d'une enquête d'Agatha Christie, on glisse lentement vers la perte totale du mystère et de l’ambiguïté.
Avec un titre comme le sien, on aurait pu imaginer plus de tension et d'images cauchemardesques pour retranscrire l'état des personnages qui s'enfoncent -à ce qu'il paraît- dans la Folie.
Ici, tout est très polie, très attendue et on arrive à la fin sans grande surprise. L'écriture du personnage de l'Homme est également très curieuse, à la fois dépeint comme un psychopathe mais chic type quand même vu qu'il se sacrifie à la fin pour une raison inexpliquée.
Beaucoup de potentiel pour un drame très classique dans sa forme mais également dans son fond …

►Ils ont perdu leurs souvenirs, leur mémoire, dans l’abîme du temps◄

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● Poupée de cire, poupée de sang éclairée par la lune

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● Et vous, êtes vous déjà descendu dans l'arène ?

Angelica Liddell signe un immense texte que j'ai eu le chance de voir à Avignon à l'été 2021. On est face à une grande œuvre dramatique, un texte qui fera date, témoin d'un état précis du théâtre. Si "Liebstod" est une détonation, une bouffée d'air pour les amoureux du théâtre de la cruauté, les deux essais explicatifs tutoient le brillant. Personne que Liddell ne pouvait avec autant de brio réhabiliter dans mon conscient la figure de la corrida, personne ne pouvait me reconnecter avec mes racines espagnoles et sa culture du sacré.

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● Insubmersibles phrases

Il faut avant tout reconnaître l'étrange cohérence que met en place Claire Rengade dans son texte : rien n'a vraiment de sens et pourtant on devine un univers vaguement technologique, surtout bureaucratique. Malgré cela, l'autrice semble confondre l'opaque avec l'invisible, le peu avec le rien.

Plus d'une fois je me suis demandé si je n'allais pas abandonner ma lecture, naviguant entre frustration, ennui et ce sentiment désagréable d'être un idiot. Ne pas tout comprendre ne me dérange absolument pas, j'aime le brouillard. Or, ici, l'ensemble ne m'inspire qu'une œuvre pompeuse, stérile, porteuse d'une conception élitiste d'une poésie indéchiffrable au service de ce qui semble être une réflexion autour des nouvelles paroles flottantes.

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Evidemment nécessaire dans le paysage médiatique désastreux de ces présidentielles mais on aurait cependant aimé un peu plus de profondeurs et d'explications dans ce travail qui glisse paisiblement vers le ronflant.

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● Boire un grand verre de chair crue

Traversé de très bonnes idées, le dernier texte de Pauline Picot travaille sur la notion de traumatisme à travers un univers scénique qui est sa plus grande force. Maligne, la pièce égraine symboles et autres images au service d'une atmosphère réussie qui explore la psyché d'une femme enchaîné à ses démons. On regrette parfois une plume qui ne suit pas assez la folie de sa proposition scénique mais au final, j'ai été étonnamment touché par ce cri charnel qui désire un Autre.

[ le joli exercice de style, Slow (partition), qui suit ce texte appui également l'intelligence et la malice de Pauline Picot tout en étant témoin d'une écriture qui doit encore éclore pour trouver tout son potentiel ]

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● Retour à la terre

Fruit d'une recherche de terrain, La terre entre les mondes évite l'écueil de la facilité naturaliste pour plonger la tête la première dans le fantastique et le conte. Quelques réserves sur le déroulé dramaturgique (en particulier les dernières scènes) mais Métie Navajo signe une jolie relecture d'Antigone au cœur de la forêt mexicaine. Les jaguars marchent à l'envers, les spectres renouent avec leur potentiel vengeur, la pluie se fait attendre et on se laisse entraîner par une écriture soignée dans cette terre à la frontière de deux temps, de deux cultures …

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On retrouve les forces d'évocations que j'aime chez Peyrade tout en voyant pointer certaines redondances, en particulier sur les thématiques choisies.
De ces relectures malines du contes, je garderais pourtant un beau souvenir de ''Princesse de pierre'' pour son traitement très juste du harcèlement scolaire et de ''Carrosse'', réécriture de la figure de la (belle-) mère qui plonge dans la dépression tandis que sa fille maintient le cap.
Une affectation certaine pour ces trois petites pièces féministes qui se lisent avec un plaisir qui ne décroit pas avec ma découverte de cette dramaturge.

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● Martyrs sans traces

S'intéresser à ces petites mains qui nettoient l'Internet de la crasse était un point de départ assez passionnant qu'Azilys Tanneau peine à développer autrement qu'avec de gros sabots. Nouvelle déclinaison de ce théâtre-réalité où l'on met en scène des situations quotidiennes où vont venir se croiser sans enjeux dramaturgiques des personnages caricaturaux (petite pensée à ce fameux ''Créateur'').

Je remercie cependant la pièce de quelques fous rires involontaires, en particulier au sujet de la solidité des chargeurs d'ordinateurs (dans cette dimension, ils semblent être composés d'un matériau capable de soutenir un corps pendu ou d'attacher fermement les mains d'un homme).

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● Le mariage du je et du tu

Amusant de voir un texte comme cela émerger en 2021. Traverser la cendre semble s'inscrire dans le paysage artistique de façon presque anachronique, comme déconnecté du reste de la production de son époque. Marchant évidemment sur les traces de Beckett mais également de toute une part de la réflexion philosophique autour de la Shoah, Michel Simonot signe un texte brillant sur la nécessité de faire réapparaître les morts sur scène.

Sa langue devient passage pour redonner un je à la masse caractérisée par le vous dans les livres d'histoire. On peut regretter quelques basculements curieux (mais rapides) vers le théâtre documentaire qui tranchent avec le reste mais cela n'empêche en rien à Traverser la cendre d'être un magnifique texte, traversé de tous parts par un témoin invisible que Michel Simonot réussit à réinjecter dans nos consciences.