Lectures de 2020

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Pour bien commencer 2020, j'ai pour la première fois réussi à terminer un essai de Kundera. "Le Rideau", sensible et intelligente histoire - européenne - du roman contée au travers des œuvres favorites de l'auteur (celles de Rabelais, de Kafka, de Musil, de Gombrowicz...), est une formidable ode à ce genre littéraire - et artistique - si singulier, touchant à l'intime comme à l'universel. L'on y retrouve des thèmes chers à l'écrivain : le kitsch, le lyrisme et la jeunesse, la grande Histoire se mêlant à la petite... Merci à @Pierre Qui Roule pour cette réconciliation.

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Facile à lire, indéniablement bien écrit. Rédigé en quelques mois et cela se sent, le récit est direct, épuré. J’ai malheureusement souvent du mal avec les romans « à niveau d’enfant » - bien qu’ici les sujets soient abordés avec intelligence. Esquisse de manière fine mais superficielle des thèmatiques qui reviendront avec davantage de force dans « L’Adversaire » - pour moi plus marquant.

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A travers le personnage de Tolani - et, parfois en parallèle, celui de sa mère - est retissée toute une atmosphère, recréée l'ambiance d'une ville (Lagos) dans laquelle le lecteur se promène, à pied ou en bus, de rencontres en surprises, douces ou - souvent - terribles. L'écriture est juste, intelligente, mélancolique sans jamais sombrer dans le pathos ou les poncifs, limpide. Une belle découverte.

P.S.: quand cessera-t-on d'éditer des romans africains sous des couvertures exotiques sans lien avec leur contenu ?

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Pudique, brillant, émouvant. De l'enfance d'Annie, de la vie de ses parents - et en particulier de celle de son père - affleure une réflexion sur les classes : comment l'on est chez soi, comment l'on en part (pour se trahir ?), comment l'on consomme et comment l'on parle.

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Pas vraiment captivée par les itinéraires des personnages, j’admets avoir eu beaucoup de mal à terminer le roman. La couleur coloniale m’a incommodée - en particulier au début. L’ambiance et les enjeux humanistes (masculins) et universalistes (occidentaux) m’ont par ailleurs laissée assez indifférente. À partir de la deuxième partie, de très belles descriptions de forêt et quelques phrases ont su retenir mon attention, mais l’action est finalement restée pour moi très confuse et peu signifiante.

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Chroniques et essais de la journaliste et traductrice Milena Jesenska regroupés en deux parties : 1919- 1933 et 1937-1939. La première partie se compose de courts textes (tribunes, tranches de vie, critiques cinématographiques) à l’écriture moderne et brillante, tantôt teintés de malice, tantôt de mélancolie, parfois encore d’engagement. La seconde, plus grave et plus politique, dénonce la montée du nationalisme allemand, l’annexion de Sudètes et le sentiment d’abandon des Tchécoslovaques face à l’inaction des grandes puissances européennes.

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Le livre se présente comme une réflexion sur le deuil, prenant appui d’une part sur le deuil de Marie Curie au décès de Pierre Curie, d’autre part sur celui de Rosa Montero à la mort de son mari Pablo. Très tôt dans le récit, l’ouvrage se réduit pourtant davantage à une biographie subjective de Marie Curie où s’introduisent réflexions féministes et personnelles de l’autrice. Certains choix stylistiques ne m’ont pas vraiment séduite (l’emploi récurrent de hashtags notamment) et, si j’ai souvent pris plaisir et intérêt à lire ce livre, je n’en ressors pas profondément marquée.

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10/10 comme d'habitude ça bouge pas

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Le roman paraît comme rythmé par 2 temps. D'une part, celui des chapitres où s'alternent points de vue du soldat japonais et de la jeune Chinoise, ressac agréable d'une partie de go. De l'autre, l'écriture saccadée faite de phrases courtes et sèches où les métaphores (d'ailleurs peu variées) tombent comme des cheveux sur la soupe. Les quelques éléments historiques liés à l'occupation de la Mandchourie présentent finalement plus d'intérêt que les trajectoires des personnages qui demeurent, au fond, assez linéaires. Les critiques quasi-unanimes du roman me laissent penser que je suis passée à côté de quelque chose mais je n'ai vraiment pas été captivée :-(

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Marion et Yves et leurs couples d’amis entreprennent un début de tour du monde à bord du bateau Moana, de la métropole à Tahiti. Tantôt avec hauteur, tantôt à travers le journal de Marion, le livre retrace les différentes étapes de cette croisière, d’escale en escale : un voyage moins initiatique que n’en rêvaient ses passagers mais non sans influence sur leurs destins.

Dans ce huis clos qui sans cesse bée, Benoîte Groult se livre à d’intéressantes réflexions féministes (*), s’attachant à décrire comment ses différents personnages féminins vieillissent (avec plus ou moins de philosophie), se mettent en ménage, renoncent à leurs rêves, se retrouvent parfois dans la sororité, aiment et sont (différemment ou un peu moins) aimées des hommes...

Bien que les dernières parties liées au retour en France viennent quelque peu diluer la force du récit, demeurent des idées marquantes et en avance sur leur temps, une atmosphère souvent pesante mais prenante, et l’ébauche presque d’un nouveau genre littéraire : le roman d’aventure(s) intime(s).

(*) Notons cependant que l’on est bien loin d’un féminisme intersectionnel : les réflexions s’arrêtent ici toujours aux protagonistes blanches, les indigènes rencontrées à chaque escale étant encore traitées avec exotisme et bien moins de relief... ah, disons que le livre ne date que de 1972.

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Un texte qui, bien que bref, donne ensuite matière à repenser par soi-même et plus en profondeur les concepts d'Etat et de liberté, les différents types de gouvernance, l'idée du pouvoir et de sa concentration, voire même notre système de démocratie représentative actuel. Peut-être plus intéressant dans les réflexions qu'il amorce que dans ce qu'il énonce précisément. En bonus : de belles lignes sur l'amitié.

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Une écriture très libre, à la fois poétique et politique, romanesque et théâtrale, pour conter - de l'Algérie à la France - la douleur du colonialisme, la révolte, la fraternité, la mélancolie, l'espoir et les désillusions. Singulier et beau.

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Je me suis promis de lire tous mes livres jusqu'au bout cette année et pour la première fois ce fut un véritable calvaire. Je ne pense pas que ce livre soit inintéressant mais le "concept" (entre immenses guillemets) de "futur immédiat" qu'il "développe" (entre immenses guillemets) ne m'a semblé être qu'un prétexte peu subtilement amené par l'autrice pour longuement parler d'elle - parfois même en s'appelant "moi-moi" ou en usant de la troisième personne... bref lol.

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Pas très familière de la science-fiction en littérature mais ce classique du genre s'appréhende bien. L'écriture est agréable, les plot twists (bien qu'attendus) apportent un rythme et une certaine profondeur à ce récit romanesque qui ne prétend jamais se hisser au rang de pamphlet politique - et tant mieux. Une très bonne lecture.

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Aborder la traite négrière du point de vue de celles et ceux qui l'ont subie (les femmes et hommes d'un clan d'Afrique subsaharienne), sonder leurs êtres, retranscrire leur déchirement et progressivement mettre à jour les ficelles de la malédiction qui les frappe, telle est l'ambition du roman de Léonora Miano : "comment raconter ce qui n'est jamais raconté ?" (sic). L'idée est intellectuellement, historiquement et émotionnellement brillante et certainement nécessaire. Ne connaissant auparavant de Léonora Miano que des interventions télévisuelles et radiophoniques toujours très intéressantes (et pédagogiques), j'ai voulu découvrir sa littérature. Son style n'est ici pas des plus abordables, empreint qu'il est de pompe, de circonvolutions et de solennité. Mais pour peu que l'on s'accroche, l'on retiendra l'émotion, et l'intelligence d'aborder un thème si fondateur et douloureux sous un jour - bien qu'évident - nouveau.

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L'influence de Duras est palpable, toute en répétitions, en pronoms et en saccades, toutefois l'effet produit n'est pas le même : ici, le récit semble précéder l'existence. On ne se dit pas "cette écriture, ce sont mes émotions" mais "ces émotions, c'est de l'écriture". Peut-être cette histoire de passion folle et dévorante gagnerait-elle à s'affranchir des figures imposées et de sa rigidité formelle pour prendre aux tripes véritablement. Ce bémol passé, le potentiel est bien présent : l'oeuvre se lit d'une traite, moderne, exaltée, fuyante. Beau et touchant recueil de souvenirs d'un amour perdu.

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S'il ne s'agit pas en l'état de la plus grande oeuvre de Stendhal (on ne saura jamais ce qu'aurait donné le roman achevé), Lamiel demeure une belle lecture, emplie de modernité, d'humour et de finesse. L'on y suit les aventures de Lamiel, jeune paysanne normande qui, par son charme et sa vivacité d'esprit, attire les prétendants et s'octroie les grâces des nobles dames de Normandie, puis de Paris. Une heroïne libre, maligne et curieuse de tout, qui gravit seule les échelons et qui liera même une amitié féminine sincère, basée sur l'admiration réciproque... Stendhal serait-il "woke" ?

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Amélie Nothomb a récemment trouvé quelques phrases bien senties au sujet du corps, de l'incarnation et de la déshydratation (?) et elle aimerait les partager... Cependant, il n'y a guère là matière à faire un livre. Et puis, son éditeur souffrira-t-il une énième déclinaison de son autobiographie ? Non, il faut trouver un subterfuge. Et si, au lieu de se placer au centre du récit, elle y mettait le Christ ? Allez ! Impertinent sur le papier (donc vendeur), qu'importe si le résultat n'est que peu subversif, un brin simplet et franchement pas génial : le style fonctionne encore, efficace, la pilule passe... Et voilà les caisses renflouées (18€ les 130 pages police 40), de quoi vivre tranquillement jusqu'à la publication d'une prochaine auto-fiction - cette fois-ci plus assumée ?

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Belles, gracieuses, tragiques ou sarcastiques, les dix nouvelles qui composent ce recueil s'enchaînent et ne se ressemblent pas, si ce n'est dans leur style, sobrement raffiné, élégant dans sa construction narrative, grave, pénétrant. A retenir : "Bouteilles thermos", "Patriotisme", "La perle" (qui n'est pas sans rappeler "La parure" de Maupassant) et "La mort en été".

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L'écriture, douce dans la construction des atmosphères comme violente dans l'expression des sentiments, emprunte aussi bien au romantisme, au fantastique ou au symbolisme que même, en un sens, à l'hypnose. Une première oeuvre singulièrement grave, qui mêle l'intime au paysage et le paysage à l'intime, la philosophie au désir et la mort à la vie, mystérieuse, picturale.

Au lycée, l'une de mes profs de français m'avait aimablement dit qu'il n'était pas concevable de se présenter aux épreuves du bac sans connaître Gracq (...) - un peu tard mais le bac en poche, c'est désormais réparé.

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On croirait presque entendre la petite voix fragile et rapide de Françoise Sagan nous raconter ces souvenirs touchants et amusants de parties de jeu au casino, de longs trajets vers la mer et de verres entre amis - célèbres, de préférence. Un recueil dont la brièveté et la simplicité n'ont d'égales que la malice et la grande tendresse.

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L'intérêt de ce double portrait de jeunes femmes réside bien moins dans les différences établies entre les deux protagonistes que dans ce qui les rassemble. Semblables sont en effet les destins de Brigitte et de Paula : et comment pourrait-il en être autrement dans une société où, quand les hommes rêvent d'entreprendre, de réussir et de posséder, les femmes, elles, ne peuvent rêver que des hommes ?

Du point de vue formel, la singularité du style, d'abord séduisante, ennuie finalement par sa redondance. Sur le fond en revanche, du fait des enjeux féminins et féministes qu'il soulève - tantôt avec violence, tantôt avec sarcasme - ce diptyque littéraire se révèle absolument passionnant, divinement cruel... et tristement moderne.

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Court récit autobiographique dans lequel Simone de Beauvoir relate les derniers instants de sa mère mourante avec acuité, simplicité et sensibilité : "les parents ne comprennent pas leurs enfants, mais c'est réciproque".

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L'aisance avec laquelle Philip Roth fait progresser et se mêler les histoires de ses personnages ferait presque oublier la grande complexité et la profondeur des (nombreux) thèmes abordés. Tout semble simple, limpide, fluide... pourtant chaque nouvelle avancée du récit soulève mille nouvelles (remises en) questions : qui croire ? que penser de ces protagonistes, tout à la fois détestables et touchants – et cette jeune française pédante ridiculement amoureuse de Kundera, n'est-ce pas un peu moi ? De cette histoire si singulière ne se dégagent pas de certitudes, mais une foule de sentiments et de réflexions contradictoires dont la portée dépasse le simple récit individuel, et dont l'émotion subsiste bien après la fin du roman. Définitivement marquant.

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Françoise Vergès lie ici combats féministe, antiraciste et anticapitaliste, nous introduisant d'une part aux liens historiques entre ces luttes (souvent voire systématiquement invisibilisés par les féministes occidentales) et démontrant d'autre part l'importance de mener tous ces combats de front, aujourd'hui comme demain, dans les pays du Sud comme du Nord.

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Court tableau de la ville de Marseille, esquissé à travers plusieurs thèmes (le secret, le rapport des Marseillais à l'art et notamment à la littérature, l'architecture, le crime, la vision qu'ont les Parisiens de la ville). Hormis quelques passages descriptifs intéressants... pas tellement passionnant.

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Continuation de mes pérégrinations à travers les classiques (ou clichés ?) marseillais, ce merveilleux Marius de Pagnol : doux, tendre, drôle, attachant à en pleurer. Un beau texte, simple mais/et immensément touchant.

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Dans cette suite de la "trilogie marseillaise", l'histoire se défait de son unité de lieu (le café de César) pour dessiner d'autres tableaux : la cuisine d'Honorine, le magasin de Panisse... Et si, dans ce deuxième volet, le ton se fait plus grave, le rire plus jaune et la tristesse plus amère, ce n'est que pour mieux révéler la sensibilité des personnages – et leur bon coeur.

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Contient des informations intéressantes pour qui souhaite s'initier à l'histoire du Maroc et mieux comprendre sa société actuelle. La forme "en 100 questions" ne permet toutefois pas de pousser bien loin les analyses – analyses au demeurant fortement empreintes de néo-colonialisme, comme souvent hélas...