Les films de ma vie

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1994 : C'est en lisant Picsou Magazine que j'ai découvert L'étrange Noël de Monsieur Jack. Un article de 4 ou 6 pages présentait le film pour inciter les lecteurs à aller le voir au cinéma. De nombreuses images du film accompagnaient le texte et je me souviens d'avoir été très marqué par deux d'entre elles : Jack tenant la guirlande lumineuse allumée devant son visage, deux ampoules colorées prenant place dans ses orbites ; et Oogie Boogie dans son antre fluorescente actionnant la manivelle d'une immense scie circulaire à laquelle un squelette est enchaîné. Objectif atteint pour les rédacteurs du magazine : j'ai demandé à mes parents de m'emmener voir le film au cinéma. Comme j'avais 5 ans et que les images étaient un peu bizarres, ils ont préféré attendre la sortie de la VHS. Nous nommes allés au Video Futur le plus proche pour acheter la cassette le jour même de sa sortie. Je me souviens d'avoir été dérouté par ce film d'animation qui dénotait complètement avec les autres films Disney que je connaissais. Je n'avais jamais vu d'animation en stop motion ni d'univers aussi macabre dans un film. Et puis je l'ai vu une seconde fois, puis une troisième, etc. J'ai même enregistré les musiques sur une cassette audio à l'aide d'un magnétophone. Le son était forcément mauvais mais qu'importe, j'adorais ces chansons.
Ce film fut mon premier amour cinématographique et il reste encore aujourd'hui mon film préféré. Je l'ai revu en ciné concert fin 2022 et à cette occasion, j'ai compris que le personnage de Jack m'avait influencé à un point que je ne soupçonnais pas.

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2003 : Mon premier film d'animation japonais. Ma sœur, qui était une grande fan de mangas à cette époque, avait acheté le DVD. Le visionnage fut un enchantement et une découverte majeure pour nous qui ne connaissions alors rien au cinéma d'animation japonais. Le studio Ghibli a produit un grand nombre de chefs d’œuvres mais Le voyage de Chihiro reste mon préféré.

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2004 : Un ami m'invite chez lui avec d'autres personnes pour regarder un DVD récemment acheté par son père. Avant cela, je ne connaissais que le cinéma français et américain. Je ne connaissais que quelques films du studio Ghibli mais mes connaissances en matière de cinéma asiatique s'arrêtaient là. The Taste of Tea m'a fait comprendre qu'il existait partout dans le monde des films singuliers riches de cultures locales. C'est avec ce film qu'est née ma cinéphilie. Ce fut également le premier film que je vis en version originale sous-titrée. Depuis, je n'ai plus jamais regardé de films live doublés, sauf quand je n'avais pas le choix ou dans le cas de certaines comédies.

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2004 : Je zappais de chaîne en chaîne et soudain, sur Arte, je tombe sur le début de Shaolin Soccer. Pourquoi pas ? Allez, je vais regarder ça. J'étais très loin de me douter du gros délire qui m'attendait (je rappelle que je regardais Arte !).
Je me souviens d'avoir été subjugué cette montagne d'absurdité mise en scène avec une maîtrise et un rythme parfaits. J'ai essayé de le regarder en VO bien des années après mais je dois bien reconnaître que la VF est excellente et rend l'humour beaucoup plus accessible.

[SPOIL] La fin de Shaolin Soccer est la plus satisfaisante que je connaisse. Lorsque l'équipe remporte enfin le tournoi de football, nous exultons car après avoir surmonté tous ces obstacles, ils ont atteint leur objectif. Mais à ce moment-là, nous avons oublié que cette victoire n'était qu'un objectif intermédiaire. La séquence suivante nous rappelle alors que l'objectif principal du protagoniste était de promouvoir le kung fu. Nous sommes ramenés là où le film a commencé mais au lieu de galérer, les personnages que croise le héros s’en sortent tous grâce au kung fu. Ce paiement (pour reprendre l'expression d'Yves Lavandier) est excellent car il nous rappelle le chemin parcouru et double la satisfaction de la victoire en nous montrant que l'objectif principal que nous avions eu le temps d'oublier a aussi été atteint. C'est comme commander une délicieuse part de tarte aux pommes et découvrir qu'elle est accompagnée d'une boule de glace artisanale à la vanille au moment où le serveur l'apporte.[/SPOIL]

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2005 : Le père de l'ami qui m'a fait découvrir The Taste of Tea a récidivé en partageant avec nous Koyaanisqatsi. Nous étions plusieurs et nous n'étions pas prêts pour cette expérience. Devant l'absence de dialogues, nous n'avons en effet rien trouvé de mieux que de commenter les images, de façon souvent stupide. Avec le temps, le film a infusé en moi et quand je l'ai enfin revu dans de bonnes conditions, j'ai pleuré. Ce que racontent Godrey Reggio, Ron Fricke et Philip Glass se passe de mots. Ces trois créateurs de génie s'adressent directement à notre âme par les images et la musique.

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2005-2009, je ne sais plus, j'ai trop vu ce film qui me fait toujours autant rire.

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2009 : Je ne connaissais David Lynch que de nom quand un ami m'a prête le DVD de Mulholland Drive. Après l'avoir regardé, j'ai immédiatement eu envie de voir toute la filmographie du maître. Quel talent pour instaurer des ambiances !

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2010 : "Purée... ça j'aime !" Un montage parfait réalisé à partir de plein de films différents et un doublage hilarant. Du grand art et une véritable usine à citations. L'un des rares films avec La cité de la peur qui me font toujours rire, même après une dizaine de visionnages.

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2010 : L'art du bricolage inventif de Michel Gondry dans toute sa splendeur, avec en plus Alain Chabat en grande forme. Un film dont la créativité m'a beaucoup marqué.

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2010 : En 1999, j'étais un grand fan des pubs pour Levi's réalisées par Quentin Dupieux. Je n'avais pas vu Steak mais je n'ai pas pu résister à Rubber. Ce film m'a fait comprendre qu'il était possible d'obtenir un petit chef d’œuvre en passant seulement une semaine sur le scénario et en filmant avec un appareil photo. Un film qui décomplexe et qui donne un bon coup de pied au derrière, en somme. D'ailleurs mon interprétation de la fin est : "Faites des films, même des films sur des pneus, on s'en fout. Suivez-moi et nous n'aurons rien à envier à Hollywood."

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2011 : Un court métrage d'animation complètement délirant que j'adore.

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2011 : Une grosse claque visuelle.

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2011 : Je l'ai vu lors de mon premier Étrange Festival. Depuis, j'y retourne chaque année.

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2012 : Découverte de Leos Carax avec ce film hommage au cinéma. Splendeur visuelle et interprétation parfaite de Denis Lavant. Dommage que Juliette Binoche n'ait pas accepté d'y participer, la référence aux Amants du Pont-Neuf aurait été parfaite.

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2013 : Vu à l'occasion de l'EVG d'un ami. Du grand Blier. Quand on croit qu'il a touché le fond, il creuse encore. Un film complètement décomplexé qui fait un bien fou. Et bien qu'il ait été conçu comme une réponse vitriolée à la montée du féminisme dans les années 70, je le trouve carrément féministe. Les femmes occupant la position des agresseurs, on peut très bien prendre ce film comme une dénonciation en miroir du patriarcat. Riad Sattouf ne s'y est d'ailleurs pas pris autrement dans Jacky au royaume des filles.

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2013 : L'immortalité, la nuit, les guitares électriques, Tilda Swinton et Tom Hiddleston. Un puissant trip fantastique et fantasmatique que je ne me lasse pas de revoir.

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Juin 2014 : Vu au Festival du Film de Fesses. J'avais été intrigué par l'affiche de ce film listé vers le bas de la page des sorties de la semaine sur Allociné. Quelle splendeur ! Bertrand Mandico maîtrise la magie de la pellicule comme personne. Depuis, je ne rate aucun de ses films.

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Septembre 2014 : Un film minimaliste mais extraordinairement beau et poétique.

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Novembre 2014 : Vu à ma première venue à "Cinéma du Québec à Paris". Ce fut d'ailleurs malheureusement la dernière édition de cette manifestation. Stéphane Lafleur était présent à la séance. Mon premier contact avec le cinéma québécois et un gros coup de cœur.
En janvier 2016, j'ai discuté avec un des responsables de la Cinemathèque québécoise qui m'a demandé ce que j'aimais dans le cinéma québécois. Je n'ai pas su quoi lui répondre mais la question a fait son chemin et je pense avoir trouvé la réponse. C'est un cinéma qui est à la fois francophone, car malgré l'accent et certaines expressions les personnages parlent français, mais aussi étranger car il est issu d'une culture différente de la mienne. Et avoir accès à un cinéma étranger qui parle la même langue que moi, je trouve ça formidable.

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Janvier 2016 : Ma première édition des Rencontres Internationales Paris/Berlin. Smith était présent. J'ai été très marqué par les images filmées à la caméra thermique et l'ambiance fantomatique. J'aimerais énormément le revoir mais je crois que ce film restera à jamais un fantôme hantant ma mémoire.

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2018 : Mon premier nanar et quel nanar ! J'ai dévoré le livre The disaster artist juste après l'avoir vu. Ce film est objectivement mauvais selon les critères d'évaluation classiques mais l'amour et la passion qui animent Tommy Wiseau m'ont touché. Les nanars m'ont fait comprendre que le plus important, ce n'est pas de bien faire mais de faire avec sincérité. Si un film est écrit et réalisé avec sincérité, il peut toucher les spectateur.ice.s. C'est d'ailleurs pourquoi je ne supporte pas la plupart des films de Godard.

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2020 : Lors du premier confinement, je suis tombé dans le cinéma expérimental et en particulier le found footage. Peter Tscherkassky est un orfèvre en la matière.

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2020 : J'avais un coffret Buster Keaton qui trainait sur mes étagères depuis des années. Un soir de confinement, ma femme me propose de regarder un film du coffret. Nous sommes alors tombés amoureux de Buster Keaton dans Three Ages mais notre film préféré du coffret reste le Mécano de la Générale. Buster Keaton restera sans doute à jamais le plus grand cascadeur et le plus grand clown de tous les temps.

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2021 : Je m'étais lancé dans le visionnage de la filmographie de Jean-Pierre Léaud et un film nommé Et là-bas, quelle heure est-il ? y figurait. Il était disponible en médiathèque, en coffret avec un autre film nommé La saveur de la pastèque, que je connaissais de réputation. Curieux, j'ai commencé par ce dernier. Ce fut un choc. Plusieurs chocs, même. Je regarde pas mal de films, je vais tous les ans à l’Étrange Festival et il est rare que des films arrivent encore à me surprendre. Mais La saveur de la pastèque m'a surpris et enchanté de bout en bout.

Le premier choc fut la qualité des cadrages et de la composition de chaque plan. C'est comme si parmi l'infini des possibilités de position et d'orientation de caméra et de choix de focale, Tsai Ming-Liang parvenait systématiquement à trouver la meilleure combinaison possible. Lors de sa masterclass au Centre Pompidou, il a expliqué qu'il passait beaucoup de temps à faire les repérages et à réfléchir à cette question. Le contraire m'eut étonné.

Le second choc est arrivé au premier passage de comédie musicale. Il faut dire que j'ignorais tout de la présence de ces passages dans le film et que l'effet de surprise fut fort agréable. Je mets d'ailleurs des balises spoiler pour ne pas gâcher cela auprès des gens qui n'auraient pas vu le film. Ces petits intermèdes de pure fantaisie furent pour moi comme des pépites de chocolat dans un muffin moelleux.

À la fin du film, j'étais heureux. La dernière séquence est particulièrement sordide mais qu'importe, ce film m'avait surpris. Je n'avais encore rien vu de tel. C'est donc tout naturellement que j'ai ensuite emprunté ses films disponibles en médiathèque puis assisté aux séances de sa rétrospective pour voir les autres. Dans l'ensemble, j'ai beaucoup aimé ses films. Est-ce parce que j'avais auparavant vu et apprécié la saison 3 de Twin Peaks ? C'est possible. Il faut dire qu'en terme de vide et de lenteur, David Lynch y est allé fort. Mais c'était du bon vide et de la bonne lenteur. Pareil pour Tsai Ming-Liang, à mon sens.

Tsai Ming-Liang est un réalisateur qui laisse chacun de ses plans vivre à son rythme. Il prend son temps. Et personnellement, j'adore ça. J'apprécie beaucoup les plans séquences contemplatifs, surtout quand ils sont aussi beaux que ceux composés par Tsai Ming-Liang. Est-ce du cinéma ou de l'art contemporain ? Personnellement, je me fiche de définir une case dans laquelle le ranger et je me contente d'apprécier ce que je vois.

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2021 : Par chance, la médiathèque à côté de chez moi possède le coffret intégral Eric Rohmer. J'ai donc visionné tous ses films dans l'ordre et j'ai sincèrement adoré la plupart d'entre eux. Les textes sont brillamment écrits et interprétés. Rohmer a l'art de créer des personnages plus singuliers et attachants les uns que les autres. Une œuvre sincère et émouvante.
Détail amusant, j'ai découvert Rohmer en même temps que Tsai Ming-Liang et les deux partagent une aversion pour les musiques de films, si bien qu'aucun de leurs films ne contient de musique extra-diégétique. En revenant à des films d'autres réalisateurs, j'ai presque été dérangé par l'étrange sensation que me faisaient ces musiques qui ne venaient pas de la diégèse.