Les jolis mots (extraits de livres)

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"C'est vrai qu'une partie de moi se sentait bien, à moins que je ne confonde l'habitude et le bonheur. Car ça on pouvait toujours compter dessus, même quand l'amour faisait défaut."

"A [l'adolescence], la tristesse avait toujours la texture agréable de l'emprisonnement : vous vous cabriez face aux chaînes des parents, de l'école et de l'école qui vous éloignaient du bonheur certain qui vous attendaient."

"J'étais comme l'enfant qui croit que la présence de sa mère à son chevet repoussera les monstres. L'enfant incapable de deviner que sa mère a peut-être peur elle aussi. La mère qui comprend qu'elle n'est d'aucune protection."

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"Une homme se définit aussi bien par ses comédies que par ses élans sincères."

"L'absurde naît de la confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde. C'est à cela qu'il faut se cramponner car toute la conséquence d'une vie peut en naître."

"L'oeuvre d'art naît du renoncement de l'intelligence à raisonner le concret. [...] L'expression commence où la pensée finit."

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"A la fin, c'est trop bête de ne vivre que dans la peste. Bien entendu, un homme doit se battre pour les victimes. Mais s'il cesse de rien aimer par ailleurs, à quoi sert qu'il se batte ?"

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"Je n'ai jamais pu parler qu'en me vantant, surtout si je le faisais avec cette fracassante discrétion dont j'avais le secret."

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"Les médecins ont tendance à pénétrer dans les arènes de leur profession avec une brusquerie enjouée qu'ils doivent vite restreindre et museler quand l'arène dans laquelle ils pénètrent est un cinquième étage d'hôpital, un service psychiatrique, où la brusquerie enjouée peut passer pour de la moquerie. C'est pourquoi un médecin hospitalier aborde toujours un patient psy avec une attitude professionnelle, à mi-chemin entre l'indifférence et la profondeur, une attention distante mais sincère faisant équitablement la part entre le malaise subjectif du patient et la dure réalité de son cas."

"Le fait que ce fait me consternât me consterna."

"Que des gens soient capables de se consacrer totalement à un sujet ou à une recherche, et ce pendant plusieurs années, me paraissait parfois tenir du miracle. Qu'ils puissent y consacrer toute leur vie. C'était admirable et pathétique à la fois. Peut-être désirons-nous tous dédier notre vie à une cause. Dieu ou Satan, la politique ou la grammaire, la topologie ou la philatélie - la cause en soi n'était qu'accessoire par rapport à ce désir de passion totale. Pour un sport, pour une drogue, pour autrui. Il y a du pathétique là-dedans. Une fuite sous forme d'immersion. Mais une fuite devant quoi au juste ?"

"Ses monologues passent du coq à l'âne tout en suivant une structure interne, un peu comme les cauchemars."

"Au fil des semaines à observer les arroseurs automatiques et les répétitions des pom-pom girls, Orin avait conçu un terrible béguin de collégien, avec pupilles dilatées, genoux flageolants et tout le toutim, pour une étudiante de deuxième année qu'il voyait virevolter et se trémousser en tournant sur un bâton au loin, à travers le spectre diffracté des gerbes d'eau, sur la pelouse humide du terrain, une fille qui dansait aussi gracieusement qu'elle maniait le bâton et attisait la foule, c'est-à-dire qu'elle semblait liquéfier, rendre lointain et bizarrement réfracté tout ce qui dans le corps d'Orin était solide."

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"Presque slaves, les contours de son visage sont comme des clés de Fa."

"Vous connaissez ces armes ultramodernes qui ont plus d'équipements pour la visée que pour le tir ? Dee est pareille."

"Faye le voit sourire avec sa bouche mais pas avec ses yeux."

"Les vêtements, le manteau, le costume de laine grise semblaient s'écarter, lâches, du vieux cadre terrassé - s'écarter comme de l'eau, songea l'expert comptable, invétéré lapideur de mares - s'écarter ainsi que l'eau s'éloigne en cercles de ce qui a perturbé son centre."

"Il était toujours là, mais il donnait l'impression que de son côté la discussion serpentait le long d'un chemin bien à elle, qui croisait parfois le vôtre et parfois s'en éloignait."

"Drew-Lynn était sévèrement mince, mince d'une façon qui ne suggérait pas la délicatesse mais plutôt une forme d'avarice quant à la quantité d'elle-même qu'elle étendait dans l'espace autour."

"Il y a dans la voiture bruyante cette espèce de silence qui précède une banalité."

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"Les individus tendent à se ressembler comme des frères dans leurs intérêts vulgaires, lubriques et imbéciles et à différer résolument dans leurs intérêts raffinés, beaux et nobles."

"Tous ont l'air malheureux et replié sur soi de celui qui passe sa vie dans des avions ou à attendre dans des halls d'hôtels, l'air de celui qui n'a que l'expression de son visage pour secréter autour de lui une bulle d'intimité."

"La meilleure description du maintien de Scott Peterson est qu'il a en permanence l'air de poser pour une photo que personne ne prend."

"Enfin, sachez que la course d'un plateau de ball-trap sur le vaste dôme lapis-lazuli du ciel de l'océan est comme celle du soleil - orange, parabolique, d'est en ouest - et que sa disparition dans la mer, tranche la première, est sans éclaboussure et triste."

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"Lenore a une qualité qui attire les hommes. Pas une qualité normale, ou même qui pourrait être exprimée. "Vulnérable" n'est évidemment pas le bon terme. "Taquine" ne fera pas l'affaire. La qualité de Lenore c'est d'être une sorte de jeu. Lenore vous invite sans mot dire à jouer à un jeu complexe qui consiste à trouver la règle du jeu."

"C'était juste un parfum : propre, riche, vaguement charnu. Imaginez quelque chose qui sèche sur un fil dans un vent léger."

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"Pendant tout ce temps le temps s'écoulait."

"Ces gosses de riche en jean déchiré qui militaient contre l'apartheid en boycottant la marijuana sud-africaine."

"Dès qu'on leur prête un peu d'attention elles se mettent à poser, même si leur pose consiste à affecter le genre de nonchalance par quoi elles entendent établir qu'elles ne posent pas."

"L'ère postféministe coïncide avec l'ère postmoderne, où plus personne n'est censé ignorer ce qui se joue sous la surface, sous le vernis des codes sémiotiques et du vernis culturel, où plus personne n'est censé ignorer à partir de quels paradigmes chacun opère, si bien que nous sommes plus que jamais, tous autant que nous sommes, tenus pour responsables de notre sexualité, en tant qu'individus, puisque désormais chacun de nos actes est plus conscient et plus informé que jamais auparavant."

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"Peut-être l'ennui est-il associé à la douleur psychique car ce qui est ennuyeux ou opaque ne se révèle pas assez stimulant pour distraire les gens d'une autre sorte de douleur, plus profonde, toujours présente ne serait-ce qu'en bruit de fond, et que la plupart d'entre nous (consciemment ou non) emploient presque tout leur temps et leur énergie à tenter de ne pas éprouver."

"Quelqu'un avait fait remarquer que Toni Ware fichait la frousse parce que, même si elle n'était pas timide ni fuyante et si elle ne détournait pas le regard, on avait l'impression qu'elle regardait vos yeux au lieu de vous regarder dans les yeux ; un peu comme quand vous passez à côté d'un aquarium, un poisson nage dedans, vous le regardez dans les yeux de l'autre côté du verre et il vous rend votre regard - vous savez qu'il a une certaine conscience de votre présence, mais une conscience dérangeante car sans rapport avec la façon dont un humain semble être conscient de vous quand il croise votre regard."

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"L'avertisseur de fumée commence à mugir dans l'escalier. C'est pour nous prévenir que les piles sont usées ou que la maison est en flammes. Nous terminons notre déjeuner en silence."

"En période de crise, la vérité est ce que disent les autres. Aucune information n'est moins sûre que celle qu'on pense avoir."

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"Au fond d'une cour assez spacieuse, s'élevait une maison, si toutefois ce nom convient à ces masures bâties dans les faubourgs de Paris, et qui ne sont comparables à rien, pas même aux plus chétives habitations de campagne, dont elles ont la misère sans en avoir la poésie."

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"Un policier qui se mettrait en tête de contrôler les quartiers Nord, il serait vite reconduit à la frontière."

"Décidément, Clémentine n'était pas une fille à qui on écrivait facilement. N'ayant rien trouvé à lui dire, j'ai décidé d'aller lui parler."

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"Il me montra une critique de Gilbert Seldes qui n'aurait pu être meilleure. Elle n'aurait pu être meilleure que si Gilbert Seldes avait été un meilleure critique."

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"Ils restaient toujours là, l'un devant l'autre, se tenant les mains et ne trouvant pas de mots pour se parler ; ne connaissant aucune parole qui fût assez douce, aucune phrase ayant le sens qu'il fallait, aucune qui leur semblât digne de rompre leur délicieux silence."

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"Il n'y a rien de plus dangereux à laisser à la postérité que quelques platitudes habilement tournées."

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"Richard Gordon ne répliqua rien. Un grand vide venait de pénétrer en lui, à la place même où avait été son cœur, et tout ce qu'il entendait ou disait lui semblait être une conversation surprise par hasard."

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"Maintenant, jamais il n'écrirait les choses qu'il avait gardées pour les écrire plus tard."

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"Cette gentillesse est effroyable car ce n'est jamais par gentillesse que je suis gentil, c'est par lassitude et surtout par peur de l'exaspération. [...] Quand les humains sont gentils, c'est pour qu'on leur foute la paix."

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"Le mépris, c'est aussi de croire connaître ce que les autres ont d'inconnaissable."

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"Dans un décor où toute personne ayant un peu d'ambition ne se montre pas sous ses vraies allures, on ne risque pas grand-chose à jouer les désaxés de première"

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"Étant elle-même beauté, la jeunesse n'a pas besoin de sérénité : dans l'excès de ses forces vives, elle aspire au tragique, et dans sa naïveté, elle se laisse volontiers vampiriser par la mélancolie."

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"C'est pour ça que tu te demandes, obsessionnellement, ce que l'enfant que tu étais aurait pensé de l'adulte que tu es devenu. Parce que tu as toujours eu cette sensation que ta vie s'est déroulée hors de toi, et que tu l'as regardée se construire à l'écart et qu'elle ne te ressemble pas. Quand tu étais petit et que tes parents t'emmenaient au supermarché tu regardais les passants avec leurs caddies. Tu regardais leurs vêtements, leurs façons de marcher, et tu te disais : Pourvu que je ne sois pas comme ça. Et tu n'aurais jamais pensé à devenir ce que tu es aujourd'hui. Tu n'aurais jamais pensé à ne pas le vouloir."

"Ce soir-là, j'ignorais tout ce qui aurait pu me déplaire chez Reda, sans d'ailleurs le faire très consciemment, ce n'est qu'aujourd'hui que je comprends jusqu'à quel degré je sectionnais la réalité pour ne garder de lui que ce que j'aimais."

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"Seigneur, faut-il vraiment que nous vivions pour rien, pour en être toujours réduits à mourir pour quelque chose ?"

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"Il avait parlé par un côté de sa bouche, comme s'il espérait que ses paroles parviendraient à Mrs McKisco par un chemin sinueux et discret."

"On aurait dit qu'une histoire sans fin se déroulait en lui, qu'elle ne pouvait entrevoir qu'aux rares moments où le récit affleurait à la surface."

"Ses affaires sentimentales se ressemblaient tellement depuis si longtemps qu'elles avaient fini, une fois son cœur asséché, par perdre toute espèce d'importance, excepté comme sujets de conversation. Les émotions de Baby n'existaient vraiment que quand elle les racontait."

"Comme il ne répondait pas, elle commença à éprouver, comme toujours, l'effet hypnotique de son intelligence, qui s'exerçait parfois sans qu'il y mît de l'autorité, mais comportait toujours des strates superposées de vérité qu'elle était incapable de briser ou seulement d'entamer."

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"La situation se résume à ceci : je suis un garçon qui rentre chez lui pour un mois, je viens de retrouver une fille que je n'ai pas vue depuis quatre mois, les gens ont peur de se perdre."

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"Mets la radio. Me lave les cheveux. Monte le volume. Mauvaise station. Top 40. Friture. Je tombe alors sur une chanson que je me rappelle avoir écoutée avec Victor. Une chanson idiote qui sur le moment ne m'a pas plu, mais maintenant elle s'accorde à mon humeur et me fait pleurer. Je voudrais écrire cette émotion, ou la dessiner, mais j'ai l'impression que ce geste la souillerait, la rendrait artificielle. Je reste donc là sous la lumière crue en égrenant les souvenirs évoqués par cette chanson. Victor. Les mains de Victor."

"Getch est là, complètement défoncé ; il me dit que les nouveaux-nés qui meurent dans leur berceau sont des petits malins, car ils ont l'intuition des horreurs à venir et préfèrent cette solution. Je lui demande qui lui a raconté ça. La musique est très forte, je ne suis pas sûr de sa réponse : Freud ou Tony."

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"Il dégage une incompressible tension nerveuse, une sorte d'onde inquiétante et inquiétée, qu'amplifient sa poignée de main saccadée, son allure de nerd et son sourire glitché, qui semble sauter et se brouiller sans cesse, comme s'il cherchait, sur un canal non piraté, une image nette où se figer - sans y parvenir."

"Ensuite, de toute la surface de sa peau elle s'est allongée sur moi, comme une eau qui aurait rempli tous mes creux, toutes mes failles en une seule vague."

"L'intelligence de l'histoire implique, il me semble, que nous acceptions que les véritables changements aient quelque chose de nécessairement invisible. Dans la mesure où c'est précisément cette invisibilité aux capteurs des dominants, à leur récupération prédatrice, qui leur offre l'espace et le temps indispensables pour se déployer."

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"Toute ma vie, les diverses espèces de monomanie, les êtres passionnés par une seule idée m'ont fasciné, car plus quelqu'un se limite, plus il s'approche en réalité de l'infini."

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"Après une conversation savante de deux grandes heures, où pas un mot ne fut dit au hasard, la finesse du paysan l'emporta sur la finesse de l'homme riche, qui n'en a pas besoin pour vivre."

"Dans les caractères hardis et fiers, il n'y a qu'un pas de la colère contre soi-même à l'emportement contre les autres."