Cover Les livres - 2019

Les livres - 2019

"Je dis librement mon avis sur toutes choses, même sur celles qui surpassent peut-être mes capacités et qui ne sont nullement, à mon avis, de ma juridiction."
Montaigne, Essais, II, X ("Sur les livres")

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47 livres

créée il y a presque 6 ans · modifiée il y a 10 mois
L'Invention de Morel
7.5

L'Invention de Morel (1940)

La invención de Morel

Sortie : 1952 (France). Roman

livre de Adolfo Bioy Casares

Behuliphruen a mis 7/10.

Gargantua
7.1

Gargantua (1534)

Sortie : 1534 (France). Roman

livre de François Rabelais

Behuliphruen a mis 6/10.

Par les routes
7.3

Par les routes (2019)

Sortie : 22 août 2019. Récit

livre de Sylvain Prudhomme

Behuliphruen a mis 5/10.

Éden
6.5

Éden

Sortie : 22 août 2019 (France). Roman

livre de Monica Sabolo

Behuliphruen a mis 2/10.

Annotation :

[Prix du Roman des Etudiants : 4/5]

La chose se précise : chaque sélection du Prix du Roman des Etudiants compte son pensum qui me tombe des mains... Monica Sabolo semble avoir décidé de prendre deux mots d'ordre d'actualité : MeToo et la Z.A.D. ; croisant les violences sexuelles et les atteintes à l'environnement, elle livre un cocktail absurde, sans relief ni espèce d'intérêt. J'ai vainement cherché le "roman envoûtant" annoncé par la quatrième de couverture dans ce récit qui aligne les poncifs sur le malaise adolescent ou la forêt impénétrable, servi par un style fade, des personnages sans épaisseur, réduits à des silhouettes éthérées (ce qui était déjà le cas dans le précédent roman de l'auteur, au programme du prix il y a deux ans - pitié, pas une troisième fois), l'héroïne consacrant la première moitié de son temps à courir, sans qu'on sache bien derrière quoi, la seconde à pleurnicher, sans qu'on sache davantage après quoi. Je suis resté abasourdi par l'absence complète d'épaisseur, de vie et de profondeur ; je me demande comment ce récit peut capter l'attention : la mienne n'a cessé de glisser sur ce transparent vernis de sororité adolescente, de premiers émois et de légendes amérindiennes, qui ne peut masquer une intrigue d'une inconsistance rare.

La Maison
6.6

La Maison (2019)

Sortie : 21 août 2019. Roman

livre de Emma Becker

Behuliphruen a mis 6/10.

Annotation :

[Prix du Roman des Etudiants : 3/5]

Conversions

Conversions

The Conversions

Sortie : 1962 (France). Roman

livre de Harry Mathews

Behuliphruen a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Chaînon manquant entre Roussel et Perec, Conversions reprend les procédés du premier tout en annonçant le "romanesque contraint" du second - quel plaisir, d'ailleurs, de retrouver des récits que Perec réemploiera dans La Vie mode d'emploi, comme l'histoire de cet homme s'enrichissant en spéculant sur la valeur des cauris de l'Océanie à l'Afrique tropicale. Le livre s'apparentant à une enquête au sujet d'une mystérieuse herminette, sa lecture en est plus accessible et divertissante que celle des longues descriptions de Roussel, et quoiqu'on trouvera ici aussi ces machines biscornues, ces artefacts sophistiqués et ces inventions impossibles (machine à recolorer les prises de vues au fonctionnement déterminé par une suite de contraintes, course de vers luisants, pendule lunaire dont la bonne marche est assurée par un élevage de harengs), le ton est moins surréaliste et s'apparente davantage (et c'est tant mieux) à des constructions érudites fictives. Ce labyrinthe aux détours purement arbitraires nous fera passer d'une secte écossaise installée au XIVe siècle à la découverte d'un métal mystérieux extraordinairement corrosif et produisant, en-dessous du zéro absolu, une "infrachaleur"... Énigmes, jeux de mots, rébus et annexes complètent ce dispositif certes désarçonnant mais toujours drôle et ludique.
(Et tout cela m'a donné très envie de relire ce cher Raymond !)

La Mer à l'envers
6.2

La Mer à l'envers (2019)

Sortie : 2019 (France). Roman

livre de Marie Darrieussecq

Behuliphruen a mis 6/10.

Annotation :

[Prix du Roman des Etudiants : 2/5]

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon
6.9

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (2019)

Sortie : 14 août 2019 (France). Roman

livre de Jean-Paul Dubois

Behuliphruen a mis 5/10.

Annotation :

[Prix du Roman des Etudiants : 1/5]

Pendant la lecture m'est venue à l'esprit cette impression (que je n'aime pas ressentir quand je lis de la fiction, car j'ai bien conscience qu'elle rompt le "pacte" qui est au fondement même de la lecture) sur l'arbitraire de ces personnages (tout au plus vaguement attachants), de cette intrigue et de ces phrases, que j'ai lues sans déplaisir, certes, mais qui ne sont pas du genre à mûrir en moi, à m'accompagner une fois le livre refermé. Arbitraire qui va de pair avec une certaine inconséquence, tant esthétique que politique : à quoi bon tout ça ? Arguments fragiles, je l'avoue ; mais je ne sais comment expliquer autrement la sensation de vanité que m'a laissé la lecture de ce roman, qui demeure finalement toujours du domaine de l'anecdote.
On peut certes y déceler une variation sur le thème de la nécessité de croire (les pages sur le père du narrateur, pasteur qui a perdu la foi, sont à la fois les plus marquantes et les plus joliment amenées), qu'il s'agisse de rattacher son existence à une femme, à un grigri en forme d'oiseau-mouche, au hasard des tapis verts des casinos ou au souvenir d'une étrange église danoise à moitié enfouie sous les sables... Mais même Dubois ne semble y croire tout à fait. En lisant la critique (unanime), j'ai souvent retrouvé le terme d'"humanité" ; il me semble toutefois qu'il est un peu excessif de qualifier ainsi la vision du monde, plutôt naïve et convenue, de Jean-Paul Dubois : le co-détenu, gentille armoire à glace qui a peur des souris et retrouve son âme d'enfant quand il rêve aux cylindrées des Harley Davidson vs le méchant syndic adepte de méthodes managériales déshumanisantes... Bien que je serais alors presque de mauvaise foi, j'irai jusqu'à dire que la maîtrise narrative de Dubois, son style remarquablement huilé et sa manière de survoler, sans heurts, son récit, relèvent aussi de ce regard un peu lisse et calibré, gentiment humoristique, que Dubois semble porter sur le monde.

Le Menteur
7.6

Le Menteur (1888)

The Liar

Sortie : 1888. Nouvelle

livre de Henry James

Behuliphruen a mis 8/10.

Annotation :

Encore un portrait de femme avilie, le récit d'une déchéance morale sur fond d'occasion manquée : toujours cette présence fantomatique qui rôde dans les textes de James ; ici le souvenir d'une femme "limpide comme une source", que le narrateur avait aimée autrefois et qu'il tente vainement de retrouver sous les oripeaux de la dépravation morale - qu'elle a revêtus par amour... C'est magnifique.

Poteaux d'angle
8.1

Poteaux d'angle (1971)

Sortie : 1971 (France). Poésie

livre de Henri Michaux

Behuliphruen a mis 8/10.

Annotation :

C'est une sorte de "livre de l'intranquillité" : la pensée de Michaux est toujours intranquille, d'une inquiétude toujours en mouvement, toujours sur le qui-vive. Michaux fuit à toutes jambes la complaisance, la facilité, la superficialité, la sclérose, sapant nos certitudes avec lucidité : "Quel être t'es-tu mis à être ?". Il se tient sur une corde raide, compensant chaque pas dans une direction par un autre dans le sens inverse : "En te méfiant du multiple, n'oublie pas de te méfier de son trop facile contraire : l'un". Sa pensée est ainsi toute dialectique, oscillant entre la nécessité du silence, l'instinct élémentaire de la rétention ("Ne te livre pas comme un paquet ficelé") et la crainte du faux confort de la solitude, le besoin de l'écriture, tout contre-intuitif qu'il soit : "Plus tu auras réussi à écrire, plus éloigné tu seras de l'accomplissement du pur, fort, originel désir, celui, fondamental, de ne pas laisser de trace".
Cette écriture, justement : à l'os, aiguisée, sans compromis, dans une forme éclatée qui mêle aphorismes, poèmes en prose et apologues. Ecriture à la fois si inconfortable et si vivifiante, dans sa célébration de la retenue, du silence, de l'"andante".

La Colonie pénitentiaire
7.6

La Colonie pénitentiaire

et autres récits

In der Strafkolonie

Sortie : 1919 (France). Recueil de nouvelles

livre de Franz Kafka

Behuliphruen a mis 8/10.

Amants, heureux amants...
6.6

Amants, heureux amants... (1921)

Sortie : 1921 (France). Recueil de nouvelles

livre de Valery Larbaud

Behuliphruen a mis 8/10.

Annotation :

Les héros de ces trois courts romans, ou longues nouvelles (le terme "novela", que le polyglotte qu'était Larbaud n'aurait pas désavoué, est peut-être le plus approprié) sont trois variations du thème bartleboothien : de jeunes hommes un peu trop préoccupés d'eux-mêmes, fortunés, cosmopolites et mélancoliques, empêtrés dans des affaires sentimentales qu'ils cultivent avec un distance d'esthète. Il y a là assurément une posture, un rien affectée, légèrement pédante, parfois agaçante. Mais le goût un peu amer du désœuvrement, le regret d'être trop faible pour se trouver une vocation et, en même temps, la jalousie de sa liberté, la tendance mélancolique à la solitude et à la fréquentation des livres, rendent finalement attachant les trois avatars de Larbaud.
Condensé de la "Larbaud touch", ce volume séduit aussi par son style ciselé et surtout son admirable maîtrise du monologue intérieur. Car Larbaud c'est aussi ce pont entre les humanités classiques, maîtrisées sur le bout des doigts par ses héros (qui citent Tibulle, La Fontaine ou Heine) et la modernité d'un Joyce, à qui est dédiée l'une des nouvelles.

Le Grand Paris
6.6

Le Grand Paris (2017)

Sortie : 12 janvier 2017. Roman

livre de Aurélien Bellanger

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

Aurélien Bellanger a quelque chose d'agaçant, d'attachant et de fatigant. Doté d'une stupéfiante capacité de conceptualisation, il semble trop intelligent pour céder complètement au roman. Trop intelligent et trop poète, tout comme son héros. Du coup, il se tient sur une sorte de ligne de crête, technico-lyrique, établissant ainsi avec son sujet une sorte de distance empathique. Il regarde son objet à la fois avec le microscope du scientifique et avec la longue-vue du métaphysicien – toujours avec un humour qui, peut-être, réside justement dans ce grand écart.

Ses descriptions, à la fois inspirées et impassibles, du paysage audiovisuel français des années 2000 ou de la géopolitique de la petite couronne parisienne – sujets qu’il prend au sérieux et, visiblement, qu’il aime, les abordant de manière pénétrante et jamais légère – servent de tremplins à l’élaboration de théories brillamment paradoxales (et parfois fumeuses) sur l’état de la société française, le clivage gauche/droite, le sens de l’histoire ou – c’est tout de même l’objet du livre – l’essence, la forme et le destin de la métropole parisienne.

Car ce récit d’un moment de notre histoire récente, très clairement contextualisé – on y retrouve les émeutes de 2005, l’élection de 2007, et même le Fouquet’s – est aussi une rêverie sur l’urbanisme, sur la géographie du bassin parisien, sur le devenir de notre modernité, à un moment où le retour conjoint du religieux et du politique vient brutalement interrompre le rêve flottant d’une « fin de l’histoire » dont s’accommodait plutôt bien Paris, ville « achevée » qui a fini par remplir la cuvette géologique au fond de laquelle elle est née – combien de pages remarquables (mes préférées) sur la géologie, les paysages et les lieux ?

La beauté des phrases soigneusement balancées et des adjectifs choisis de Bellanger ont achevé de me convaincre. Finalement, Le Grand Paris m’a séduit parce que, en même temps qu’il choisit des objets apparemment ingrats et qu’il est le seul à traiter comme il le fait (me donnant une furieuse envie de découvrir l’Île-de-France), il invente une forme nouvelle, à la fois romanesque et encyclopédique, épique et abstraite, luxuriante et spéculative.

Histoire de Paris

Histoire de Paris

Sortie : avril 2009 (France).

livre de Yvan Combeau

Behuliphruen a mis 5/10.

Annotation :

Condenser l'histoire de Paris en 123 pages était certes un pari impossible, mais il aurait pu être tenté avec un peu plus de rigueur, de style et de hauteur de vue. On a parfois l'impression de lire des notes prises à l'occasion d'un cours (en vitesse, avec fautes de frappe) : le livre est un peu scolaire et un peu bâclé. Sa structure est efficace et sans surprise : le Paris antique, la cité médiévale, la ville moderne, la capitale du XIXe siècle, et deux chapitres consacrés au XXe siècle. Même si (et c'est l'une des conclusions qui s'imposent à la lecture) c'est bien souvent à Paris que l'histoire de France s'est écrite, Yvan Combeau, qui écrit une histoire "vue d'en haut", dérive fréquemment vers cette histoire nationale, sans toujours bien retirer de cet écheveau la singularité parisienne. Mais enfin c'est un Que sais-je ? qui fait l'essentiel : fournir les repères nécessaires, faire émerger les figures marquantes et tracer les lignes de forces (Paris tour à tour aimant et repoussoir du pouvoir, tantôt choyée, tantôt fuie, dans une relation qui oscille entre défiance et complicité ; question récurrente des limites de la ville, de l'intégration - souvent plus subie que désirée par le pouvoir - des banlieues et des faubourgs).

Artistes sans œuvres
7.5

Artistes sans œuvres (2009)

I would prefer not to

Sortie : avril 2009 (France). Essai, Littérature & linguistique

livre de Jean-Yves Jouannais

Behuliphruen a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Loin de moi
7.6

Loin de moi

Étude sur l'identité

Sortie : 1999 (France). Essai

livre de Clément Rosset

Behuliphruen a mis 8/10.

Les gens d'Obabakoak
6.5

Les gens d'Obabakoak (1989)

Obabakoak

Sortie : avril 2007 (France). Roman

livre de Bernardo Atxaga

Behuliphruen a mis 6/10.

Annotation :

Recueil de nouvelles un peu inégal, Atxaga pêchant souvent, hélas, lors de la conclusion de ses récits. Les deux premières parties évoquent des destinées solitaires, évoluant, non sans mélancolie, dans des contrées rurales et des villages oubliés. Parmi eux, le village basque d'Obaba sert de fil rouge au recueil, qui est apparu, lors de parution, comme l'acte de naissance de la littérature basque contemporaine. La langue basque, si farouche, est d'ailleurs l'objet d'un émouvant récit où elle se voit comparée à une île, aride et morte, petite et étroite, à cause du très petit nombre d'auteurs qui ont tenté de la faire fructifier ou d'en repousser les limites. Le plagiat apparaît alors comme le remède idéal, dont une méthode savoureuse constitue l'un des beaux morceaux du livre. Atxaga multiplie d'ailleurs les expériences formelles (plagiat, réécriture, variations), avec humour et dextérité ; la troisième partie, construction borgésienne, est un montage de récits enchâssés plutôt réjouissant, repoussant, à la manière des Mille et Une Nuits, le dénouement d'une intrigue qui consacre avec malice les pouvoirs de l'imaginaire - dommage, toutefois, que certains récits ne m'aient pas autant séduit que le dispositif dans lequel ils sont intégrés : j'ai parfois éprouvé le même sentiment, proche d'un ennui léger, qui m'avait poussé à interrompre, il y a quelques années déjà, une lecture des Mille et Une Nuits.

Les Filles du feu
7.6

Les Filles du feu (1854)

Sortie : 1854 (France). Roman, Recueil de nouvelles

livre de Gérard de Nerval

Behuliphruen a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Ramuntcho
7.3

Ramuntcho

Sortie : 1897 (France).

livre de Pierre Loti

Behuliphruen a mis 4/10.

De grandes espérances
7.7

De grandes espérances (1861)

Great Expectations

Sortie : 1861. Roman

livre de Charles Dickens

Behuliphruen a mis 8/10.

La Grande Arche
7.4

La Grande Arche (2016)

Sortie : 7 janvier 2016. Roman, Architecture

livre de Laurence Cossé

Behuliphruen a mis 6/10.

Le Roman comique
6.5

Le Roman comique (1651)

Sortie : 1651 (France). Roman, Romance, Humour

livre de Paul Scarron

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

Ce qui frappe et séduit le plus est peut-être la langue savoureuse, vive, inventive de Scarron. Si elle a vieilli (on est souvent obligé de se référer au lexique en fin de volume), c’est parce qu’elle est vivante – et donc forcément vouée à se périmer. Le contraste avec la langue impeccable et épurée de Racine est frappant. Scarron joue avec les mots et, à l’occasion, en invente quelques-uns, comme l’ironique "grâcieuzeux", qui désigne une sorte de dragueur, cajoleur et beau parleur. Ayant beaucoup aimé les aventures cocasses, bouffonnes et rocambolesques de la joyeuse compagnie de comédiens, je crois être assez réceptif à cette sensibilité baroque et colorée, qui tire tantôt vers la farce tantôt vers le récit galant. C’est un roman de troupe, un réjouissant petit théâtre où s’agitent les passions humaines (l’amour y occupe le premier rang), qui se joue principalement sur les routes du Maine, dans les salles communes des auberges et les chambres des hôtelleries.

Le charme repose aussi sur cette manière de jouer avec le lecteur, de l’interpeller, sensible notamment dans les noms de chapitres (« Qui contient ce que vous verrez, si vous prenez la peine de le lire ») ou dans les allusions aux auteurs de son temps, notamment aux auteurs « baroques » dont il doit se sentir proche (Saint-Amant, Charles Beys, Théophile et Tristan L’Hermite) et au maître Cervantès. Le récit est ainsi fréquemment interrompu par de longues nouvelles dans cette veine espagnole (qui sera encore vivace dans Gil Blas) qui m’a paru ici beaucoup plus conventionnelle : histoire d’amoureux déguisés, de coups du sort, de fiancées patientes et de reconnaissances soudaines, qui se soldent toujours par d’heureux mariages. Ces longues parenthèses (c’est souvent aussi le cas des flashbacks), qui semblent sacrifier au goût du jour, ont, malheureusement, surtout tendance à alourdir et affadir le roman, dont la saveur tient pour beaucoup aux interventions ironiques du narrateur, à la vigueur des portraits et au naturalisme truculent des scènes de vie quotidienne.

Les Dimanches de Jean Dézert
7.8

Les Dimanches de Jean Dézert (1914)

Sortie : 1914 (France). Roman

livre de Jean de La Ville de Mirmont

Behuliphruen a mis 8/10.

Été brûlant
8

Été brûlant (1904)

Schwüle Tage

Sortie : 1904 (Allemagne). Roman

livre de Eduard von Keyserling

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

L’évanescence du livre fait autant son charme que sa fragilité... Art de Keyserling de faire percer, derrière les mots souvent anodins, les émotions contradictoires qui peuvent agiter un cœur amoureux de dix-sept ans : l’ennui des vacances, l’amour pour Gerda, le désir pour la jeune paysanne, la crainte vague du père, la jalousie à l’égard du beau cousin Went, promis à Ellita. Le malaise mélancolique de Bill est subtilement exprimé, avec beaucoup de naturel. Et pour cause : alors qu’il est enfermé dans le château familial, c’est la nature qui tantôt apaise tantôt exacerbe ses sensations. Deux atmosphères, comme les deux pôles entre lesquels oscille le cœur de Bill : la nuit tiède, moite, humide, sensuelle (scène de la pêche nocturne, de l’étreinte sous la pluie avec Margusch) et les après-midi écrasés de chaleur, somnolents et bourdonnants.

C’est sans doute cet art d’accorder les tourments intérieurs aux descriptions simples, directes et atmosphériques de la nature, qui vaut à Keyserling le qualificatif d’impressionniste. Mais le climat qu’il décrit est aussi un climat moral : malaise existentiel d’une aristocratie finissante, empêtrée dans ses contradictions. La métaphore architecturale du père, sur la manière de conduire sa vie, est révélatrice : tous les caprices et les fantaisies sont autorisées, tant qu’ils s’intègrent aux grandes lignes, au plan général de la maison. Tout est question d’harmonie et de mesure, ce qui suppose de s’avoir s’arrêter : « notre maison, elle, sait quand elle est finie », et le père, qui assiste à la fin, inévitable, d’une liaison inavouée, en tirera les conséquences.

Considérations sur l'état des beaux-arts
6.9

Considérations sur l'état des beaux-arts (1983)

Critique de la modernité

Sortie : 1983 (France). Essai

livre de Jean Clair

Behuliphruen a mis 7/10.

L'Île au trésor
7.5

L'Île au trésor (1883)

(traduction André Bay)

Treasure Island

Sortie : 1885 (France). Roman

livre de Robert Louis Stevenson

Behuliphruen a mis 8/10.

Annotation :

Au milieu de lectures « non-fictionnelles » - notamment universitaires – j’ai eu envie d’un « vrai » et pur roman. Et ce fut un vrai et pur plaisir que de suivre le jeune Jim Hawkins dans cette aventure, qui ressemble à un rêve d’enfant, avec pièces d’or, pirates et perroquets. Une grande part du charme du livre tient justement dans ce regard d’enfant, dans la façon dont il résout les problèmes qui se posent à sa perspicacité, dont il appréhende son entourage - notamment cette multitude de figures paternelles potentielles, à même de remplacer le père mort au début du livre : Silver le duplice, Trelawney le grand seigneur, Smollet l’intransigeant, Livesey le pragmatique.

Le regard rétrospectif de Jim sur son aventure donne beaucoup de vivacité au récit, dépourvu de longueurs et de moments héroïques. Ce regard distancié épure le roman pour n’en laisser que les grandes lignes, brossées en courts chapitres. On peut ainsi louer le rythme du livre, la limpidité de Stevenson dans la manière d’agencer son récit en scènes simples, fortes et exemplaires. Car il s’agit bien d’un récit initiatique, au cours duquel Jim découvre la duplicité et la trahison, tout en échappant aux périls grâce à son intuition, son insoumission et sa clairvoyance. Il aura à affronter la mort – et même à la donner. Des peurs et des tabous tombent : « la répétition des aventures tragiques m’ayant presque guéri de ma peur des morts »… Car on meurt beaucoup, il y a beaucoup de rhum et de mauvais sentiments : le rêve d’aventure tourne vite au cauchemar.

J’ai été particulièrement sensible à la dimension spatiale du roman, précédé par une carte de l’île (dessinée par Stevenson). L’île, cet espace clos, synthétise tout un univers à découvrir, microcosme où sont concentrés tous les paysages : le marécage inhospitalier, la marée imprévisible, la forêt impénétrable, la montagne inaccessible et, enfin, la caverne protectrice. Il y aurait sûrement beaucoup à dire sur cette topographie symbolique ; en tout cas Jim, qui aura fait, littéralement, le tour de l’île, la quitte comme on sort d’une épreuve initiatique, et le trésor avec lequel il rentre à Bristol peut se lire comme l’expérience qu’il y aura amassée. Le récit d’apprentissage est pourtant (mais est-ce vraiment une contradiction ?) aussi le récit d’une frustration : l’instant vers lequel tout le roman est tendu, celui de la découverte du trésor, est refusé à Jim – et, par la même occasion, est refusé au lecteur.

Contre Télérama
6.4

Contre Télérama

Sortie : janvier 2011 (France). Essai

livre de Eric Chauvier

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

Livre écrit "en réaction" à un article de Télérama qui pointait la laideur de la France périurbaine, où vit Eric Chauvier, qui entreprend de poser dessus un regard interrogateur, presque anthropologique. Il s'agit d'une succession de courtes notes, organisées autour d'un mot-clef, qui visent à saisir quelque chose de la vie ordinaire dans ces espaces périurbains, de ses drames, de ses enjeux, de son essence. Celle-ci semble relever de l'indétermination, de l'incertitude ; la question du "manque d'authenticité" revient souvent : la vie qui s'accomplit ici serait condamnée au kitsch, à la parodie, au déguisement. Le simulacre le plus lourd de conséquences transparaît dans les situations de communications, où l'on échange guère que des propos stéréotypés et cloisonnés, évacuant, au grand dam de Chauvier, toute question politique.

Dès lors, la seule forme possible pour transcrire l'expérience ordinaire du périurbain serait cette forme elle-même indéterminée, peu engagée, courte, dont le ton précis est empreint d'une certaine forme d'ironie, et oscillant, avec une séduisante incertitude, entre la notation anthropologique et la micro-nouvelle. Une forme d'opacité et de mystère subsiste dans ces courts textes, laissant poindre le "potentiel de fictions qui se nouent derrière chacune de ces baies vitrées". Ce serait ce potentiel fictif qui, in fine, viendrait démentir, à une échelle micro-anthropologique, l'accusation de laideur formulée par les journalistes de Télérama :

"Qui sont-ils pour porter ce jugement qui, en suggérant de raser notre cadre de vie pour reconstruire je ne sais quel Eden, le rend indigne d'être étudié comme une tribu amazonienne ou une secte dangereuse ?"

La Pêche à la truite en Amérique · Sucre de pastèque
7.1

La Pêche à la truite en Amérique · Sucre de pastèque (1961)

(traduction Marc Chénetier)

Trout Fishing in America • In Watermelon Sugar

Sortie : 2022 (France). Roman

livre de Richard Brautigan

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

Livre souvent très drôle, même si c'est un humour "biscornu"... Une sorte de nature writing (à la première personne, avec souvenirs d'enfance, forêts et torrents à truites) absurde, délirant, empreint d'un nonsense minimaliste et inattendu, qui n'est pas toujours loin d'une forme de poésie en prose anti-lyrique, constellée de métaphores saugrenues et merveilleuses. On ne saurait mieux décrire cette écriture doucement hallucinée qu'en citant la page 14 : "il se créait sa propre réalité, capable de lui apporter l'illumination".

Contre les racines
6.6

Contre les racines

Sortie : 6 septembre 2017 (France). Essai

livre de Maurizio Bettini

Behuliphruen a mis 6/10.

Annotation :

Bref, concis et très clair, cet essai (qui a tendance à énoncer des évidences) m'a tout de même un peu déçu. Le plus intéressant se trouve dans le détour que Maurizio Bettini opère par la littérature et l'histoire antiques : qu'il faille en passer par l'héritage gréco-romain pour dénoncer la fragilité et la relativité du thème des racines est une pirouette séduisante et éloquente. L'idée d'une tradition "horizontale" et non plus verticale, les remarques et exemples sur les traditions inventées, les processus de reconstruction opérés par la mémoire collective, le fait que la vigueur d'une tradition dépende davantage de la structure qui la maintient en vie dans le présent que de la profondeur historique dans laquelle puisent ses prétendues racines, ou encore la manière dont la nostalgie individuelle occulte la réflexion sur la tradition, sont pertinents, mais je les aurais peut-être préférées plus approfondis et étayés. Mais il faut prendre ce livre pour qu'il est : une réflexion à la première personne, non dépourvue d'humour, qui s'inscrit dans le contexte particulier des succès de la Lega en Italie.

Ronce-rose
7.7

Ronce-rose

Sortie : 3 janvier 2017 (France). Roman

livre de Éric Chevillard

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

Ce personnage de fillette peut être un peu étonnant chez Chevillard, même s'il a une certaine parenté avec deux personnages récurrents de l'Autofictif : Suzie et Agathe, les deux filles de l'auteur. En outre, l'espièglerie, la naïveté et l'impertinence de Ronce-Rose trouvent un juste contrepoint dans le dégagement volontiers cruel et presque cynique de Chevillard, qui subvertit avec malice les codes du conte. Ronce-Rose elle-même se raconte des histoires, en faisant de ce récit si triste (on peut imaginer toutes les déclinaisons sordides ou misérabilistes qui auraient pu en être faites) une aventure où elle croise une sorcière, un poisson d'or et une isba russe...

Ainsi, jouant avec les mots, détruisant et reconstruisant la logique et les liens de causalité, elle transfigure le réel, avec une poésie et une imagination ingénues (le côté "florilège de mots d'enfant" est d'ailleurs peut-être un écueil du livre). La forme du journal intime, qui s'écrit au fur et à mesure, apparente la recherche du père à la quête, pour Chevillard, du récit : Ronce-Rose s'interrogeant régulièrement sur les rapports entre la vie et l'écriture, le livre devient une sorte d'émouvant art poétique.

Behuliphruen

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