Cover Les livres - 2025

Les livres - 2025

(Le début de l'année risque de compter un certain nombre de romans turcs et d'ouvrages historiques sur Istanbul, l'Empire ottoman et la Turquie ; vos suggestions sont les bienvenues !)

Liste de

10 livres

créée il y a environ 2 mois · modifiée il y a 8 jours
Un épisode sous la terreur
7.1

Un épisode sous la terreur (1842)

Sortie : 1842 (France). Recueil de nouvelles

livre de Honoré de Balzac

Behuliphruen a mis 6/10.

Les dieux ont soif
7.2

Les dieux ont soif (1912)

Sortie : 1912 (France). Roman

livre de Anatole France

Behuliphruen a mis 5/10.

Annotation :

Il était peut-être naïf d'espérer autre chose de la part du romancier-notable-de-la-IIIe-République, qu'était alors, plus que quiconque, Anatole France. J'en découvre au passage son style sage, bien balancé, d'une grande fluidité et sans éclat ; et son scepticisme de bon aloi, tout aussi fade et compassé. Il est en fait un peu consternant de ne tirer de ces quelques mois de 1793 qu'un tel filet d'eau tiède. Je n'ai pas de goût particulier pour le roman historique, mais j'en attends une certaine opacification du récit historien, par le jeux des subjectivités, des affects, des ambigüités : une façon cavalière de traiter l'événement historique. Ici, c'est tout le contraire : l'intrigue est d'une limpidité sans faille, les personnages sont des figures-types qui en illustrent bien platement les étapes balisées, la seule idée de France semble être la comparaison entre le tribunal révolutionnaire et celui de l'Inquisition.
Que le personnage le plus attachant du roman (ce qui est beaucoup dire : difficile de s'attacher à ces pantins !) soit le marquis ruiné, athée et épicurien, regardant la mort en face tout en feuilletant son Lucrèce, révèle la posture d'Anatole France, un peu dommageable pour l'intérêt du récit : peu lui importe d'essayer de comprendre une époque et ses acteurs, d'en saisir les contradictions, les bigarrures et les élans, l'Histoire n'est ici que le prétexte à un apologue très didactique sur les vertus de la tolérance et les méfaits du dogmatisme.

Une histoire de la Révolution française
7.8

Une histoire de la Révolution française (2012)

Sortie : 22 septembre 2012. Essai

livre de Eric Hazan

Behuliphruen a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Je cherchais depuis longtemps une bonne synthèse introductive à l'histoire de la Révolution : de même que son "Invention de Paris" est un excellent guide pour la découverte de la capitale, Eric Hazan livre ici un ouvrage enthousiasmant pour aborder la période 1789-1795. Le ton personnel, vivant et enlevé, y est pour beaucoup - même si, naturellement, c'est également ce qu'il est légitime de lui opposer. Toutefois, de ce côté, on sait à quoi s'attendre, et Hazan ne cache pas d'où ni pourquoi il parle : une histoire écrite en "autodidacte", un récit enthousiaste et engagé (franchement, on l'aura compris, du côté de Robespierre - en tout cas "contre-thermidorien"), plutôt que tendant à l'objectivité. L'absence, dans la bibliographie, de travaux universitaires récents est en revanche plus problématique.

En dépit de ces partis-pris, assumés pour certains, c'est une très bonne lecture inaugurale, qui, en regard du récit chronologique des événements, livre une relecture de l'historiographie classique, de Michelet à Furet en passant par Mathiez, Soboul et Jaurès. L'axe de force du livre est la tension entre, d'un côté, l'impossible tâche du gouvernement révolutionnaire, et, de l'autre, le bruit de "basse continue" du peuple en armes. Il donne vraiment à éprouver l'énergie de ces hommes qui mirent en œuvre, simultanément, une rare audace d'imagination et une extraordinaire puissance d'action pour, en si peu de temps, fonder un ordre neuf. L'une de ses grandes qualités est en outre de donner largement la parole aux acteurs de la Révolution - ce qui permet d'éprouver la beauté incandescente de leur langue, dans un moment qui, dans le même élan, invente et porte à son maximum d'intensité la rhétorique politique.

Le poing dans la bouche
6.6

Le poing dans la bouche

Sortie : 8 janvier 2004 (France). Roman

livre de Georges-Arthur Goldschmidt

Behuliphruen a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Le très beau récit autobiographique d'un détour : celui de la réappropriation de la langue allemande (c'est-à-dire d'une langue entachée à jamais par l'expérience national-socialiste, comme l'a montré le témoignage de Klemperer) par un Juif de Hambourg, orphelin, réfugié dans un internat de Haute-Savoie, puis dans un orphelinat israélite installé dans le parc de l'abbaye de Maubuisson. Entre quinze et vingt-cinq ans, dans cet état d'exil et de précarité extrême, "toute phrase lue au hasard dans un livre devenait tout à la fois et recours et preuve". Les livres, ce sont alors les Pensées de Pascal, puis les Confessions de Rousseau ; la langue, c'est d'abord celle des XVIIe et XVIIIe siècles français (Goldschmidt livre des pages magnifiques sur l'hospitalité, l'aménité de cette langue).

Mais c’est en fait bien plus que cela : un livre sur la puissance de la littérature, son alliance intime avec le désir, sa nécessité pour se maintenir au monde. Car cette première découverte permet d'en éclaircir d'autres : celle du sentiment de soi-même, d'abord. Épiphanie paradoxale devant ce "point central sans appui et hors des mots", cette expérience de l'irréductible ivresse d'exister va ainsi de pair avec la mise au jour de ce qui échappe au langage, d'un indicible. L'expérience de soi-même est celle d'un centre vide, qui s’éprouve par le corps mais échappe aux mots. Pis encore, ce "centre muet de l'existence de chacun" se détache sur le fond noir de l'interdiction d'être soi-même, qui définit intimement la judéité.

C'est ainsi que, du même coup, le jeune Georges-Arthur fait la découverte, plus trouble, de ce qui fonde ce sentiment de soi-même : c'est-à-dire le sentiment de la honte. Le récit mêle alors, à la découverte littéraire, les premiers émois érotiques, qui se cristallisent autour du châtiment physique, de la punition. C’est sur ce terreau que la rencontre avec Kafka s'avèrera décisive. Le livre mérite au moins le détour pour les passages d'une grande puissance sur le "choc" qu'a représentée la découverte de Kafka, sur le sentiment d'"ajointement" éprouvé en découvrant la maxime du Procès : chaque existence est son propre procès, "procédure qui se change peu à peu en verdict", comme l'écrit Kafka lui-même.

Pourquoi l'Empire ottoman ?
6.9

Pourquoi l'Empire ottoman ? (2022)

Six siècles d'histoire

Sortie : septembre 2022. Document, Histoire

livre de Olivier Bouquet

Behuliphruen a mis 7/10.

Varamo
7.5

Varamo (2002)

Sortie : 2005 (France). Roman

livre de César Aira

Behuliphruen a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

En dépit de son excentricité, de sa fantaisie, de son humour (les expériences de taxidermie de Varamo, la contrebande de clubs de golf et les passages sur la "course de régularité" sont désopilants), le livre de César Aira est loin d'être dépourvu d'ambition théorique. Bien au contraire, il se présente même comme une proposition d'enquête sur la création littéraire, le moment de manifestation du "génie créatif", mettant en œuvre une théorie malicieuse.

Car, pour Aira, la littérature est fondamentalement enquête - même si celle-ci est ironique et que son objet est dérisoire. Et quel meilleur outil d’élucidation du monde que le style indirect libre, dont Aira dresse l'éloge inattendu et sincère (quoique blagueur) : "dispositif vital de la trans-subjectivité", c’est lui qui permet de sortir de soi et d'explorer la conscience d'autrui. Et quel plaisir d'enquêter avec Aira sur les quelques heures décisives où son personnage insignifiant, gratte-papier vieux garçon, se met à écrire le chef d’œuvre de la poésie d'avant-garde méso-américaine ?

Que dire des conclusions de l'enquête ? Que l'enchaînement de causes se révèle surtout une succession d'épisodes tantôt banals tantôt incongrus ? Que l'hypothèse du génie créateur achoppe devant le récit de ces péripéties auxquelles seule le style dense, imagé et distancié d'Aira donne relief ? Que le chef d’œuvre en question vaut surtout dans la mesure où il éclaire les circonstances de sa création : "le poème transforma en résultat ce qui l'avait précédé" ? Dans cette généalogie à rebours, l’œuvre produite élève au rang d'événement l'enchaînement des causes qui l'ont engendrée ; celles-ci, que le poème fait surgir du néant, deviennent historiques - et donc matière à récit. Et bien sûr, ce récit lui-même ouvre la voie au texte qui, à son tour, en explorera la genèse, dans un mouvement de l'écriture d'une circularité parfaite...

Atlas des continents brumeux
8.4

Atlas des continents brumeux

Sortie : 2001 (France). Roman

livre de Ihsan Oktay Anar

Behuliphruen a mis 8/10.

Annotation :

Outre son titre, ce qui est si beau, dans cet Atlas des continents brumeux, c'est la manière dont il mue, s'enfle et se complexifie au fil des chapitres, comme contaminé par une véritable jubilation de la narration. Ce n'est pas un hasard si le livre se clôt sur un incendie - la fiction, qui se nourrit de tout bois, flambe ici comme un dévorant feu de joie. Cela commence comme un conte oriental, avec ses inventions pittoresques et ses effets rhétoriques, avant de devenir un tortueux entrelacs narratif, mené avec une grande virtuosité, puis une espèce de mise en abyme de l'activité même du romancier.

Bünyamin, le personnage central du livre, découvre ainsi, après bien des péripéties et des malheurs, qu'il n'est que le porte-parole d'une voix qui le dépasse : par sa bouche parle en fait son propre père adoptif. Celui-ci, auteur de cet "Atlas des continents brumeux" qui porte donc le même titre que le roman, devient la figure allégorique du romancier démiurge : créateur d'un atlas sans quitter sa chambre, il se révèle doué de la capacité de faire émerger le réel simplement en le pensant. Que les hommes du sultan lui aient crevé les yeux et coupé les oreilles ne change rien à ce don surnaturel : sourd et aveugle, il reconstruit et oriente le monde constamment.

Ces aventures échevelées et volontiers ésotériques prennent place dans l'Istanbul de la fin du XVIIe siècle, au moment où s'amorce l'automne de l'Empire : un monde impitoyable, violent et bigarré. C’est un monde carnavalesque, renversé, où les aveugles sont les plus clairvoyants, les mendiants les plus riches, le pouvoir réel détenu par une organisation souterraine et infiniment ramifiée. Un monde où des luttes acharnées n'ont d'autre finalité que la recherche du secret du huitième élément, c’est-à-dire... le vide - un monde où le réel n'est que le rêve de dormeurs ensorcelés.

Vie de Gérard Fulmard
6.3

Vie de Gérard Fulmard (2020)

Sortie : 3 janvier 2020. Roman

livre de Jean Echenoz

Behuliphruen a mis 6/10.

Annotation :

J'ai été un ardent échenozien ; je crois que je suis un peu refroidi désormais... Naturellement, la maestria narrative d'Echenoz reste stupéfiante - et, à ce titre, cet opus m'a davantage convaincu que le précédent, "Envoyée spéciale". Peu d'auteurs peuvent me faire réellement éclater de rire par la seule force de leur style ; peu d'auteurs m'impressionnent autant par leur agilité. On a beaucoup écrit sur le sens de l'arythmie d'Echenoz, sur son écriture "géographique" et sur sa narration cinématographique - je reste très sensible à ces travellings littéraires, à cette manière de zoomer sur son sujet : plusieurs chapitres sont, à cet égard, des chefs d'œuvre - dont le chapitre inaugural.

Mais la sophistication de cet attirail technique semble en proportion inverse de la tendresse pour les personnages, de l'intérêt pour le motifs abordés (sauf Paris, et il est vrai qu'Echenoz est un grand écrivain de Paris) - et, plus embêtant, de la confiance dans l'écriture. Que met en scène Echenoz ? Un héros médiocre quasi dépourvu d'intériorité, une trajectoire absurde et inconsistante, un de ces partis politiques attrape-tout sans corps de doctrine - et déployer un tel feu d'artifice narratif et stylistique pour mettre en scène tant de vide, tant d'absence d'être, suscite souvent une sorte de gêne : et j'ai été un peu désolé de constater que ce qu'il y a de désenchanté dans une telle posture tourne parfois à l'aigre, sinon au cynisme.

Avec vue sur l'Arno
7.4

Avec vue sur l'Arno (1908)

A Room with a View

Sortie : 1947 (France). Roman

livre de E.M. Forster

Behuliphruen a mis 7/10.

Annotation :

Le caquetage des premières scènes florentines (et cet horrible personnage de Miss Bartlett) offrent au roman un démarrage un peu agaçant. Puis, derrière le ton ironique et chantourné de rigueur, que l’on retrouve sans surprise sous la plume d’un Britannique des années 1900, on est ému par l’effort existentiel dont ce roman est le récit : un effort d’émancipation, d’invention de soi, nécessaire pour s’extraire des ornières de la routine, de la superstition et de l’aveuglement. Il y a quelque chose qui évoque James, dans l’urgence de cet effort à entreprendre, le caractère unique et nécessaire de ce moment à saisir, qui donne le ton d’une existence entière. S’ouvrant et se refermant à Florence, le récit se présente comme le début d’une vita nuova – et ce qu’il pourrait y avoir d’un peu « préraphélite » dans cet imaginaire-là est traité à la manière moderne, avec finesse, délicatesse et distance.

Le roman se distingue surtout par la voix de femme qu'il parvient à faire entendre (là encore on pense à James) : une voix qui tente d'échapper à ceux qui lui expliquent comment elle doit se comporter en tant que femme (il y a un moment une description très exacte du mansplaining), et que deux abîmes menacent : d'une part, sous l'effet du respect des conventions, l'effacement de soi derrière l'homme à qui elle est destinée ; d'autre part l'expérience pure et simple du renoncement : l'abandon à la nuit. Entre les deux le chemin est sinueux. Le personnage du vieil Emerson, athée dégagé des préjugés, lui fournira, dans une très belle scène qui est l'acmé du roman, le courage et la lucidité nécessaires pour s’engager dans ce chemin ardu de la vérité de soi-même.

La Dame du lac
7.6

La Dame du lac (1943)

The Lady in the Lake

Sortie : 1948 (France). Roman, Policier

livre de Raymond Chandler

Behuliphruen a mis 8/10.

Behuliphruen

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