Les meilleures BD d'investigation

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17 julllet 2022
8,5/10

Moi qui aborde souvent le délicat équilibre que peinent à trouver les auteurs dessinateurs dans la réalisation de BD d'investigation - où l'image doit autant servir le texte que le texte l'image - j'avoue ne pas m'être attendu à ce qu'un sujet aussi critique que la guerre en Syrie soit abordé sous cet angle.

Zerocalcare, bédéaste italien que je découvre ici, réussit là où je ne l'attendais pas : d'abord en livrant formellement une BD riche, rythmée et très équilibrée sur un sujet hautement casse-gueule ; ensuite en jouant sur des leviers rarement investis quand on parle de sujets "sérieux" : auto-dérision, pédagogie diffuse et parcimonieuse, distance critique à l'égard de son regard, contrechamps, approche subjective assumée et sensible... Au lieu d'atténuer le propos, ces précautions donnent de l'humanité au regard de l'artiste, rendent plus acceptable un parti-pris politique fort sur un sujet socialement très clivant et facilitent son acceptation par un lectorat a priori moins familier de ces enjeux.

En fait, j'ai eu l'impression que Zerocalcare touchait du doigt un moyen de médiation des enjeux politiques contemporains, si souvent sujets de critique cynique, de caricature voire de négationnisme, auprès d'une frange de la population a priori éloignée. Les débats journalistiques actuels sur le fact-checking, la post-vérité, le complotisme, trouveraient ici la recette heureuse d'une sortie par le haut, efficace et empathique, de l'impasse informationnelle à laquelle nous nous heurtons.

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15 janvier 2023
8,5/10

Un excellent tome, vraiment, avec quatre premiers très beaux sujets (Reprendre les Rennes, Pris pour cibles, Course de fonds, Prière d'être français) traités avec justesse et dans un format réussi. Sujets qui font en plus écho avec l'actualité, alors que la Suède a annoncé cette semaine la découverte du plus grand gisement d'Europe de terres rares à Kiruna, ne suscitant manifestement que des réactions enthousiastes dans la presse, ou que la question de l'exploitation des fonds marins a été vivement débattue lors de la COP15 sur la biodiversité cet hiver.

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27 avril 2022

Essorage en règle sous le crayon de Joe Sacco. Le bédéaste américain, réputé pour ses œuvres d'investigation engagées et sur le terrain, enterre avec son pavé (300 pages) "Payer la terre" l’innocence galvanisante supposée de la conquête de l'Ouest américain et la prétendue fin du colonialisme.

Cette BD est un bulldozer de démonstration, qui explore chaque pan de l'identité brisée des peuples autochtones et exhume avec détermination la responsabilité abyssale des gouvernements canadiens successifs dans l'éradication minutieuse de cultures, de modes de vie et de façons d'être au monde qui caractérisaient encore il y a quelques décennies les Premières nations. La force du récit, qui ne laisse guère de souffle au lecteur estomaqué, tient pour beaucoup à la richesse de ses témoignages mis en musique avec beaucoup de doigté. On ne sort pas tout à fait indemne de cette lecture mais au moins armé d'une juste colère et d'éléments de réponse à brandir à la face d'un monde occidental gangrené.

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1er août 2021

La-voilà, la première pierre de d'édifice documentaire que bâtit depuis 20 ans déjà Etienne Davodeau. Le disclaimer en début d'ouvrage nous en avertit : il s'agit de la première (ou d'une des premières) BD d'investigation, ancrée dans le réel, que nous ayons entre les mains. Deux décennies plus tard, le genre a bien grandi et prouve son intérêt. Et les sujets proposés sont toujours d'actualité.

"Rural !", c'est la rencontre malheureuse entre une jeune exploitation biologique du Maine-et-Loire et un projet d'autoroute. C'est aussi un an d’observation pour l'auteur-dessinateur, qui rencontre les différents protagonistes du coin, remonte le fil des choses et livre ses impressions sur ce coin de terre. Le tout est séduisant, car traité avec mesure et facétie ; il y manque encore un brin de souffle et une gestion du rythme à parfaire, qui animeront plus tard les "Cher pays de notre enfance" et autre "Les ignorants". Mais, la préface de José Bové en témoigne déjà : Davodeau s'engage dans cette œuvre, ce qui en fait un pionnier à saluer.

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15 juin 2021

Ce trimestre, de très chouettes enquêtes encore, notamment l'une sur un sujet à la fois décalé et vertigineux : la hype autour de la revente de baskets. J'ai beaucoup aimé l'incursion du côté du rewalding en France et dans le monde et l'enquête éloquente sur la pollution au chlordécone dans les Antilles, deux sujets que je connais mieux. Enfin, petit coup de coeur pour les articles sur le McDo des quartiers nord de Marseille et la difficile restitution des œuvres d'art aux pays, africains en l’occurrence, pillés pendant la colonisation.

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6 septembre 2021

Ce trimestre, deux trois articles très chouettes pour un numéro de bonne qualité :
- un super dossier sur la reprise de la course à l'armement chez les puissances nucléaires, avec une mise en image très intelligente et réussie ;
- une enquête assez iconoclaste sur les dessous des services civiques, suivie d'un court entretien enrichissant avec une sociologue spécialiste du sujet ;
- l'habituelle "Face B" sur Fela, le génial inventeur de l'afrobeat, dont j'ignorais la profondeur du personnage, à la fois très engagé dans la cause de l'émancipation noire-africaine et particulièrement arrogant et misogyne.

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19 décembre 2021

Nouveau tirage très homogène, avec des dossiers très bien ficelés : logements insalubres à Marseille, recours aux médecins intérimaires dans l'hôpital public, les dessous de la campagne de Macron en 2017, la structuration des réseaux anti-IVG en Europe ou encore le recours aux cabinets d'audit et de conseil en hausse dans l'administration.

Au fil de l'année, La Revue dessinée permet de dresser un portrait assez large, toujours mesuré, de problèmes de notre société bien souvent passés sous silence dans les médias : consumérisme et ses "externalités", realpolitik, inégalités sociales, effondrement du vivant et poids des groupes d'intérêt privé dans la décision publique sont quelques uns des thèmes qui reviennent de manière lancinante. C'est bien sûr déprimant, mais tout autant encourageant et salvateur.

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21 mai 2023

Si c'est un pari qu'il s'est fixé, Etienne Davodeau l'a bien relevé : il est devenu dans mon paysage bédé - et sans doute dans celui de nombreu.ses.x lecteurices - un incontournable dont on surveille les sorties, dont on attend la lecture, et pour lequel on s'autorise un soupir de satisfaction lorsqu'on tient le fameux exemplaire enfin dans les mains.

Il m'aura fallu pas moins de deux ans pour lire "Le Droit du sol", journal d'une pérégrination diagonale du Lot à la Meuse, visant à interroger, comme beaucoup d'autres essais, le rapport de sapiens à la planète qui l'abrite en explorant l'épineux sujet de Bure. Au-delà d'un sujet passionnant et critique, Davodeau fait comme souvent preuve d'une très grande maîtrise du rythme de son récit, usant d'un mode de narration progressif éprouvé dans ses livres d'enquête. L'humour, la convocation de différents témoins et la sincérité du propos jouent également en faveur de ce tome qui fait néanmoins preuve d'une certaine langueur, écho au rythme de la marche.

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16 mars 2022

Mouture toujours chouette, avec un niveau assez égal d'écriture et de dessin des articles. Particulièrement soufflé (sans mauvais jeu de mots) par l'enquête sur les essais nucléaires français en polynésie française, et ce qu'elle révèle des mensonges (les énièmes) de l’État à une population plus que jamais colonisée.

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14 avril 2021

Longtemps feuilletée avec curiosité chez des ami.e.s, je tiens enfin entre mes mains mon propre premier exemplaire de la Revue dessinée.

Numéro 31 qui porte quelques très bons articles : sur l'origine de Gilles Simeoni, la vidéo-surveillance au cœur des villes ou encore - sans être exhaustif - sur le pantouflage inquiétant des grands flics dans des sociétés privées. Je retiens en particulier celui très personnel et très éloquent sur les collectifs romani et voyageurs ("gens du voyage") qui souligne d'évidentes discriminations institutionnalisées qui n'intéressent personne. Belle entrée en scène également avec ce récit si signifiant d'un campus en France destiné à former les soldats saoudiens au maniement des armes françaises, qu'ils n'utilisent évidemment pas sur le champs de bataille yéménite, où sont parfaitement documentés de nombreux crimes de guerres...

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19 juin 2022

Un opus aux sujets particulièrement d'intérêt pour moi, que ce soit professionnellement (Lyon-Turin, irrigation et agriculture...) ou personnellement (actions féministes en Corse, escalade ou Call me by your name). Mais pour une fois, je n'ai pas été saisi par une mise en images particulièrement saisissante ou réussie. La fameuse limite que j'invoque souvent.

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10 mai 2024

Numéro assez chouette et homogène, qui hasard du calendrier d'enquête, éclaire tout particulièrement notre rapport à l'agriculture et à ses pressions sur l'environnement et sur ses professionnels.

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12 octobre 2022

Toujours riche de sa diversité de sujets et de thèmes, j'ai été frappé par ce que ce numéro avait de mélancolique dans son traitement. Qu'il s'agisse des articles sur la surpêche au Sénégal, sur les blessures encore vives des sévices commis par les soldats français en Algérie ou encore de l'enquête sur la situation des professeurs contractuels, il se dégage une ambiance maussade et triste de cet opus. L'article sur les abeilles, en partenariat avec la revue Salamandre, est en particulier très équilibré et réussi.

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1er décembre 2021

Une lecture loin d'être inintéressante même si elle manque un peu de profondeur dans le traitement de son sujet. La manière de décortiquer le mal-être et le harcèlement au travail demeure très descriptive et manque d'analyse. Le sujet, mis en dessin de manière assez scolaire, demeure toutefois percutant, voire et c'est finalement mon reproche le moins fondé, beaucoup trop désespérant. Pas une chouette lecture du soir en somme.

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23 juillet 2019

Une enquête un peu décevante, parce que très centrée sur son sujet, sur le secours aux migrants, réalisée sur feu le navire de SOS Méditerranée. Il manque à ce récit une mise en perspective plus généralisée de la situation de la crise migratoire et un véritable suivi du destin des personnes secourues. L'ensemble est parfois un peu clinique, quoique intéressant.