Littérature voyageuse

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Un récit d'une modernité qui ne cesse de surprendre. Balloté par les flots et perdu dans son voyage retour, Ulysse est celui qui fait preuve de ruse et s'adapte en permanence. Une leçon de vie.

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Il y a les livres de voyage et il y a l'usage du monde. Nicolas Bouvier porte le voyage dans une autre dimension, à mille lieux du divertissement ou du dépaysement. Le voyage est vécu comme une expérience incandescente, un moment d'humilité qui débouche sur un émerveillement du monde.

Quelques citations :

"Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait."

"Finalement, ce qui constitue l'ossature de l'existence, ce n'est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d'autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur."

"Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à connaître, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."

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"Au commencement étaient les épices." Quelle entame !

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"Je craignais qu'après la mort de Dieu le mirage défaillît aussi, ou bien qu'il ne se confondît à la fin avec l'imagination, la poésie, le rêve ou la magie autant de formations que je trouvais, que je trouve toujours fort triviales car elles ne parlent que de moi-même, elles ne trahissent que mes propres désirs, au lieu que le mirage est une expression du réel, de la dure réalité, en aucun cas du rêve ou de la rêverie."

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Le récit de voyage façon TC Boyle, ça remet les pendules à l'heure. Un explorateur vaguement ridicule se lance dans de grandes aventures qui le dépassent. Ajouté à cela une trame au vitriol dans une Angleterre digne de Dickens et le tour est joué. En s'inspirant du récit de voyage de Mungo Park qui découvrit le Niger au 18eme siècle, Water Music tape fort. Et c'est pour ça qu'on l'aime.

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Des montagnes andines à la forêt amazonienne, Colin Thubron fait déambuler ses personnages au cours d'un voyage qui s'apparente vite à une procession funéraire. Tout semble perdu et spectral dans ce récit : les personnages, les incas, les conquistadors et bien évidemment, le sens même de ce périple. Fascinant et superbement écrit.

"Il avait hâte, en fait, de rentrer à Cuzco. pour lui, il y avait des gens, même des étrangers, qui convenaient à ce pays. Avec eux, on se sentait à l'aise. Ce groupe-là, en revanche, ressemblait à une procession de spectres. Il y avait quelque chose de troublant chez l'Espagnol : l'insolation ne suffisait pas à expliquer son état de santé, et il avait presque toujours les yeux rivés à l'Anglaise. il était peut-être un peu dérangé. Deux des mules boitaient, et le journaliste traînait la jambe. Mais le pire, c'était la Française. Il était persuadé qu'elle avait un palu cérébral. Elle n'arrêtait pas de se tenir la tête. il avait remarqué, à l'odeur, qu'elle avait maintenant des problèmes d'incontinence, et sa transpiration attirait à présent les papillons."

"Ces arbres pareils à des parapluies cassés, cette forêt détrempée qui dégoulinait. et partout ces feuilles pleines d'insectes, et ces pierres couvertes de mousses qui ressemblaient à des merdes vertes."

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Sous ses airs de petit livre destiné aux seuls amoureux d'Angkor (certes nombreux), un grand récit de voyage étonnamment moderne qui résonne comme une prière funèbre. Quelques citations :

"Quand je retrouve enfin l’air libre, devant les larges fossés de nénufars, à l’entrée du pont cyclopéen, le ciel déblayé a repris une limpidité de cristal, et c’est l’instant où commencent à palpiter les étoiles. Au bout de la clairière réapparue, les tours du temple d’Angkor-Vat se dressent très haut ; elles ne sont plus, comme à midi, pâlies par un excès de soleil, presque nébuleuses ; d’une netteté violente, à présent, elles découpent à l’emporte-pièce, sur fond d’or vert, leurs silhouettes de tiares à plusieurs rangs de fleurons, et une grande étoile, l’une des premières allumées, scintille au-dessus, magnifiquement… Alors revient chanter en moi la phrase enfantine de jadis : « Au fond des forêts du Siam, j’ai vu l’étoile du soir se lever sur les grandes ruines d’Angkor. »

"De nos jours, il est vrai, d'autres aventuriers, venus d'un pays plus à l'occident (le pays de France), troublent quelque peu la forêt éternelle, car ils ont fondé non loin d'ici un semblant de petit empire. Mais ce nouvel épisode manquera de grandeur et surtout de durée : bientôt, lorsque ces pâles conquérants auront laissé encore, dans la terre indochinoise, beaucoup des leurs - hélas ! beaucoup de pauvres jeunes soldats irresponsables de l'absurde équipée - ils devront plier bagage et fuir : alors on ne verra plus guère dans cette région errer, comme je le fais, ces hommes de race blanche qui convoitent si follement de régir l'immémoriale Asie et d'y déranger toutes choses... "

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C'est diablement bien écrit. Dans la noire et crasseuse Vladivostok - littéralement "Seigneur de l'Orient" - le jeune sous-lieutenant Kessel fait des rencontres étonnantes : train de luxe, bataillon tchèque ou ancienne caserne transformée en bordel géant. De toute manière, toutes les nuits se terminent à l'Aquarium, cabaret hors du temps où erre la belle Lena qui engloutit comme des friandises, des vodkas blanches ou colorées.

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Plutôt que d'aller voir le film, un peu fade, lisez le bouquin pour entrer dans la folie contagieuse de Fawcett. Et vous ne douterez plus un instant de l'existence de son Eldorado.

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Une déclaration d'amour au Yémen, à son histoire millénaire, à sa géographie et à ses habitants aussi surprenants qu'accueillants. Tim Mackintosh-Smith nous ensorcelle en racontant avec humour et érudition son expérience d'une Arabie heureuse. Sana'a est majestueuse, Aden est déroutante et son périple dans l'île de Socotra à la découverte du sang de dragon est comme un conte des mille et une nuits.

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On peut penser ce qu'on veut du Che mais à lire son périple sud-américain, on ne peut qu'être touché par cette fureur de vivre et cette soif d'aller à la rencontre du monde.

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Dans les forêts de Sibérie, quand les températures dégringolent, les livres emportés deviennent un refuge en soi que seuls viennent troubler les russes de passage réclamant leur rasade de vodka.

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Aden Arabie dans une liste de littérature voyageuse, c'est un peu comme un livre de régime au milieu de livres de cuisine. Tempête sous un crâne. Paul Nizan est catégorique : "L'espace ne contient aucun bien pour les hommes. Il y a des écrivains qui parlent des leçons des paysages, ils font semblant de croire que les pierres et le ciel se livrent à une mimique qui fait d'eux des instituteurs." Mais lui ne mange pas de ce pain là. Au lieu de ça, l'exploitation de l'homme transpire partout, comme une obsession maladive. Reste la beauté de ses phrases arides et belles comme des déserts d'Arabie.

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Sous le regard noir de Douch, tortionnaire en chef du centre S21 récitant à son procès la mort du loup d'Alfred de Vigny, Patrick Deville nous raconte la parenthèse française en Indochine. Dans une construction fascinante, s'entrecroisent d'un chapitre à l'autre, écrivains et explorateurs, insectes et canonnières, comme dans une malle d'un voyageur au long cours. Et par le miracle des mots, ce petit bout de continent devient grand.