Livres 2021

Moyenne 7.78

Liste de

9 livres

créee il y a plus de 3 ans · modifiée il y a plus de 2 ans

Israël, Palestine
7.2

Israël, Palestine (2007)

Vérités sur un conflit

Sortie : 18 octobre 2007. Essai

livre de Alain Gresh

Manu-D a mis 8/10.

Annotation :

Pas très fan de ce titre qui reflète assez mal l'engagement personnel de Gresh sur la question - et y a évidemment aucun mal à être engagé, je suis tout sauf un fétichiste de l'objectivité ou de la neutralité. Cela dit, s'il assume un point de vue, il tombe pas non plus dans l'opinion bête et méchante et son parti-pris est vraiment de démontrer que ce sont les faits qui accusent Israël, pas lui.

Le livre atteint son objectif : on y fait une synthèse de l'histoire de ce conflit à la fois en y présentant les dynamiques qui le structurent de longue date et en faisant un rappel détaillé des événements.
Cette énumération a quelque chose d'un peu étouffant parfois, mais elle m'a toujours paru à propos. D'ailleurs on peut avoir le sentiment d'un acharnement ou d'une volonté systématique d'accabler Israël, mais je vois pas tellement comment on pourrait faire une histoire honnête du conflit israélo-palestinien sans mettre Israël face à ses immenses (c'est presque un euphémisme) responsabilités.
Gresh fait aussi un récit utile et pertinent des biais médiatiques, y compris en France, dans la couverture du conflit

La Dynamique du capitalisme
7.3

La Dynamique du capitalisme (1985)

Sortie : février 2008 (France). Essai

livre de Fernand Braudel

Manu-D a mis 7/10.

Annotation :

Livre court et assez riche, qui couvre une large période allant en gros du XIIIème au XVIIIème siècle. Certaines nuances mettent un peu de temps à être intégrées, notamment la distinction économie de marché/capitalisme, et le style parfois ardu de Braudel peut gêner.
Mais c'est assez passionnant, ça a le mérite de raconter les premiers pas du capitalisme loin des mondes européen et méditerranéen, en Chine, en Inde, en "Islam", un peu en Amérique. Et même si on sent que ses conclusions sur le visage présent du capitalisme sont déjà largement désuètes, ça donne quelques idées sur ce qui relève de la nature du capitalisme - et l'idée essentielle que j'en tire c'est qu'il est foncièrement expansif

Le Livre des reines
7.5

Le Livre des reines (2019)

Sortie : septembre 2019. Roman

livre de Joumana Haddad

Manu-D a mis 9/10.

Annotation :

L'ambition de ce livre est démesurée. On raconte quatre générations de femmes au Moyen-Orient, depuis la chute de l'empire ottoman jusqu'à la guerre syrienne actuelle, en entremêlant les récits, en balayant la chronologie, en multipliant les lieux, de Gaziantep/Aïntab à Jérusalem, de Beyrouth à Alep, en passant par la côte syrienne.

Le périmètre géographique est finalement réduit mais il est d'une incroyable densité historique, culturelle, confessionnelle. Le courage et le grand mérite de Joumana Haddad c'est d'avoir réussi à raconter cette histoire-là du point de vue exclusif des femmes, ce qui permet d'esquiver l'éternel écueil de la discipline historique qui est de trop peu aller dans le réel le plus prosaïque, de trop peu entrer dans les foyers, dans l'intimité. Ici les hommes ont cessé de confisquer l'histoire, l'espace public a cessé d'être le seul moyen de lire la société. Les femmes racontent la brutalité de leur condition, les sévices sexuels, la pauvreté qui écrase génération après génération, mais aussi, par-delà les questions sociales, l'impossibilité du bonheur du couple, les obligations étouffantes de la vie familiale, l'équilibre introuvable vis-à-vis du modèle parental.
Le tout dans un mélange pas forcément subtil mais assez malin de passages à la première personne et à la troisième.

Le livre est d'une grande intelligence psychologique, émotionnelle, même s'il lui arrive de se perdre ponctuellement dans le pathos à force de faire s'enchaîner les désillusions.
Parvenir à faire émerger des personnages forts et singuliers, quand on condense un siècle d'histoire en 250 pages, c'est forcément une prouesse. Combien d'auteurs seraient tombés dans le piège de personnages-étendards, stéréotypés, à force de vouloir dresser un portrait fidèle de l'époque ?

Une société sans école
7.2

Une société sans école (1971)

Deschooling Society

Sortie : 25 mars 2003 (France). Essai

livre de Ivan Illich

Manu-D a mis 8/10.

Annotation :

On fera difficilement plus radical que de proposer la fin de l'école, elle qui est l'objet de l'idolâtrie d'à peu près tout le champ politique de droite à gauche. La radicalité est bien sûr pas gage de pertinence mais elle garantit souvent une pensée intéressante et profonde, ne serait-ce que parce qu'elle implique de s'extraire de ce qui est considéré comme acquis, indiscutable, naturel, immuable...

Illich conteste certes l'école en tant que telle, mais il s'attaque surtout à la logique scolaire et son infusion dans toute la société. Il en fait le cœur d'une critique bien plus large des sociétés industrielles et de tout ce qu'elles induisent. Souvent le livre ressemble même à un plaidoyer contre les institutions - en tout cas contre ce qu'elles ont de tentaculaires et contre leur propension systématique à déposséder l'individu de sa capacité d'agir sur sa propre existence.

Illich prend différents autres exemples que celui de l'école : le système de santé ou les autoroutes, par exemple, qui ont d'abord eu des vertus émancipatrices avant de se retourner contre l'individu et de l'asservir, de le contraindre à passer par eux. Aujourd'hui, accoucher à domicile est impensable, au point même qu'on ne nous l'autorisera peut-être pas.

Pour résumer très grossièrement tout ça et même si c'est peut-être anachronique (il a écrit ça en 1971), on pourrait considérer que c'est un texte hostile au progrès et à la croissance (tels qu'on les définit habituellement aujourd'hui).
Ça me semble être un enjeu central dans l'anticapitalisme. Il faut assumer que la réponse aux catastrophes écologiques et sociales qu'a engendrées le capitalisme industriel sera nécessairement celle d'une réduction de notre confort matériel, y compris médical - même si Illich démontre aussi qu'on a moins à y perdre qu'on le croit.

C'est un livre extrêmement dense, impossible à résumer, qui effleure trop souvent ses sujets, manque de sources chiffrées, souffre forcément de certaines conclusions plus très actuelles, et qu'on peut critiquer pour les propositions très imparfaites formulées pour remplacer l'école par d'autres modèles d'éducation.

Mais c'est déjà un immense mérite de savoir poser la question de l'école, de son rapport à la société industrielle, de souligner qu'elle est pensée comme une machine à construire des consommateurs (de marchandises et d'institutions). Et ça interroge plus largement sur ce que c'est qu'une société libre et sur ce que c'est qu'ambitionne la gauche. Le rapport

Alice au pays des merveilles
7.9

Alice au pays des merveilles

Sortie : 4 décembre 2015 (France). Roman, Beau livre & artbook

livre de Lewis Carroll

Manu-D a mis 8/10.

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon
7

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (2019)

Sortie : 14 août 2019 (France). Roman

livre de Jean-Paul Dubois

Manu-D a mis 7/10.

Le Mythe de Sisyphe
7.6

Le Mythe de Sisyphe (1942)

Essai sur l'absurde

Sortie : 1942 (France). Essai, Philosophie

livre de Albert Camus

Manu-D a mis 8/10.

L'Ordre du jour
7.3

L'Ordre du jour (2017)

Sortie : 3 mai 2017. Roman

livre de Éric Vuillard

Manu-D a mis 7/10.

Annotation :

Récit historique et littéraire à la fois, vraiment convaincant dans sa forme, qui raconte en gros l’ascension sans accroc d’Hitler et des nazis le long des années 30. Pourtant c’est tout le contraire d’une démonstration de force : Vuillard construit son histoire à partir des épisodes et personnages (Schuschnigg, l’Anschluss, les industriels allemands, Chamberlain) qui témoignent le mieux du ridicule qui se cache derrière le constant étalage de la puissance nazie. L’Allemagne nazie comme puissance militaire, Hitler comme stratège politique ou comme tribun emphatique, tout ça est couvert de pathétique par les petites médiocrités et les gros ratés qu’éparpille le livre. Le rouleau-compresseur nazi est seulement rendu possible par la passivité de ses adversaires, pour peu qu’ils soient vraiment des adversaires.

Vuillard aurait certainement pu aller plus loin et troquer ses indignations morales pour un ton plus résolument moqueur. Il y a un ressort comique dans ce décalage entre la grandiloquence nazie et sa médiocrité de fait, qui méritait d’être exploité et qui l’est quasiment pas, voire pas du tout.

Le livre s’ouvre et se ferme sur les compromissions (j’euphémise) des grands patrons allemands, aux figures et aux costumes impeccables, aux réputations à peine entachées par leur participation active à l’entreprise nazie. Ça donne le sentiment que le consentement du capital à toutes les folies du nazisme a permis la réussite de celui-ci. J’ai pas la culture historique suffisante pour confirmer ce sentiment, mais le point de vue est intéressant.

L’ensemble manque sûrement d’une idée directrice plus forte, ou au moins plus affirmée sur l’histoire et sur cette période. C’était sûrement un écueil possible de ce style historico-littéraire, qui exigeait à la fois de la rigueur et de la sensibilité. Apposer une sensibilité littéraire, avec ce qu’elle implique d’arbitraire et d’imprécis, sur un récit historique, et pas n’importe lequel, ça donne cet objet pas tout à fait défini et un peu casse-gueule. Mais c’est loin d’être rédhibitoire

Notre joie
7.1

Notre joie (2021)

Sortie : 15 septembre 2021 (France). Essai

livre de François Bégaudeau

Manu-D a mis 8/10.

Annotation :

Première partie brillante sur les thèses identitaires, avec comme fil directeur l'idéalisme dont Bégaudeau accuse cette extrême-droite qui se plaît tant pourtant à se prévaloir du réel. Bégaudeau est excellent là-dedans.

La deuxième partie est intéressante aussi mais plus confuse, la cohérence moins évidente. On sent qu'il a voulu dépasser la seule critique des identitaires et que, comme il leur reproche de n'avoir comme proposition politique qu'un refus, il a voulu produire une autocritique de son camp politique en le confrontant à sa propre tendance à se contenter de s'opposer.

Il esquisse pas mal de pistes de réflexion et finalement les esquive un peu toutes. Sur certains sujets il se trompe même, faisant à certains des reproches injustes (mais ça encore, c'est pas si grave). Il a tenté une approche positive de la lutte politique (cf le titre) et c'est comme s'il avait fait lui-même le constat de l'imprécision de sa réflexion, puisque cet éloge de la joie se transforme finalement en un propos final que j'ai trouvé d'une étonnante lâcheté et en fait, assez bourgeois.

Face aux incompréhensions qui l'éloignent de la gauche radicale militante, la réponse de Bégaudeau consiste quasiment en un rejet de la chose politique. Il le dit à peu près mot pour mot : il a mieux à foutre que militer. Quand on connaît le personnage et son appétence pour la chose politique, difficile d'y voir autre chose qu'une pirouette.

Surtout, je suis déçu de le voir revendiquer ce rapport distant au militantisme (qui est le mien aussi d'ailleurs : j'adore disserter sur la politique, ça m'intéresse mais je ne milite pas, en tout cas pas en collectif) en utilisant la carte de l'individualisme. C'est Bégaudeau le premier qui m'a fait voir dans l'individualisme un horizon politique désirable, qui m'a rappelé que toutes collectives qu'elles soient, nos luttes ont pour dernière finalité l'émancipation de l'individu face au poids de la société, de ses structures, de ses institutions. Mais brandir ce prétexte pour se tenir bien au chaud dans sa condition de bourgeois, s'en sortir ensuite en expliquant qu'hors de la lutte politique, ce qui l'intéresse c'est la littérature, qui n'est d'aucune utilité et qui n'offre rien qui soit marchandable, et qu'en ce sens il échappe aux injonctions du capital... Ok, certes, et ça fait de belles pages littéraires pour conclure ce livre pas très littéraire. Mais alors il faut convenir au moins que c'est un luxe qui lui est permis par sa position sociale

Manu-D

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