Lus en 2024

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Une approche du phénomène de l'Encyclopédie non pas de l'angle de la littérature mais de celui de l'entreprise commerciale. Les protagonistes ne sont pas Diderot, d'Alembert ou Jaucourt mais les libraires français et les sociétés typographiques suisses. À la mort de Louis XV, la censure s'assouplit et le marché de l'Encyclopédie, déjà fort lucratif malgré les interdictions, peut s'enfiévrer pour de vrai. Le long du Rhône et de la Seine, chacun s'embarque dans l'une des plus grandes aventures commerciales du XVIIIe siècle, touffue de joutes de crédit, d'acrobaties comptables et de contrats révisés. Les presses suent, les espions fusent, les ouvriers vagabondent d'un prote à l'autre pendant que l'élite européenne se pique de l'esprit encyclopédique libéral et libertin. Par le détail d'une industrie particulière et les biographies d'acteurs plus ou moins anecdotiques au regard de l'Histoire, Darnton donne à sentir le climat d'une France hésitante à l'aube de la Révolution, dans une Europe en pleine effervescence : une historiographie qui n'aurait pas déplu à Balzac.

« Ce processus [d'arbitrage] est simple et efficace, l'antithèse du système judiciaire officiel, et il révèle un trait important du commerce du livre semi-illégal et clandestin : ce système ne peut fonctionner que sur la base du principe de l'honneur entre voleurs. Les libraires se bernent mutuellement de manière si flagrante qu'ils ont mis au point leurs propres institutions para-légales pour se protéger les uns des autres et se tenir en échec. Autrement les affaires seraient impossibles. La mise en place d'institutions dépassant le cadre de la loi répond à une nécessité sociale. »

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Écrits quelquefois avec une surprenante légèreté, les mémoires de l'abbé de Salamon, ambassadeur du pape sous la Révolution, racontent la survie providentielle et les états d'âme de cet ecclésiastique intègre chargé d'une bien délicate mission. Le récit – son historicité est vérifiée – intense d'un homme encore très Ancien Régime.

« Qu'allez vous penser, Madame, de ma froideur et de mon indifférence apparentes ? Pour vous complaire, je risque de perdre votre estime et d'affaiblir la bonne opinion que vous avez peut-être trop tôt conçue de moi. Mais je vous ai promis d'écrire en toute sincérité cette épouvantable période de ma vie. Je ne dois oublier aucun incident, et, s'il me faut dire des choses qui sont à mon avantage, je ne veux pas non plus paraître meilleur que je ne suis. Je désire vous montrer mes faiblesses comme mon courage, et mes regards tournés, en ce dernier moment, vers le monde plutôt que vers l'éternité. »

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Grand inventaire du règne de Louis XIV, où Voltaire vise à démontrer la supériorité de celui-ci sur tous les autres : exposant ses progrès institutionnels, politiques, économiques, commerciaux, artisanaux, industriels, architecturaux, militaires, maritimes, culturels, philosophiques, scientifiques, artistiques et même, dans une certaine mesure, religieux, ce tableau du Grand Siècle est dressé pour que son sujet fasse référence. Ses avancées et sa splendeur doivent inspirer les siècles à venir, mais ses erreurs doivent aussi être retenues. Malgré une matière si visiblement grande, Voltaire tient à rester accessible et pédagogue, se plaçant volontiers en moraliste par de petits aphorismes tels que l'Ancien Régime savait les faire. Cette entreprise de substantivation donne à cet ouvrage, si l'on permet l'anachronisme, un caractère vulgarisateur voulu et efficace. À lire comme introduction à cette période, ou comme témoignage historiographique des Lumières.

Se termine sur un catalogue des souverains, artistes, et autres personnalités marquantes de l'Europe de ce temps.

« On voit, par ce seul coup d'œil, quels changements Louis XIV fit dans l'État : changements utiles, puisqu'ils subsistent. Ses ministres le secondèrent à l'envi. On leur doit sans doute tout le détail, toute l'exécution ; mais on lui doit l'arrangement général. Il est certain que les magistrats n'eussent pas réformé les lois, que l'ordre n'eût pas été remis dans les finances, la discipline introduite dans les armées, la police générale dans le royaume, qu'on n'eût point eu de flottes, que les arts n'eussent point été encouragés, tout cela de concert, et en même temps, et avec persévérance, et sous différents ministres, s'il ne se fût trouvé un maître qui eût en général toutes ces grandes vues avec une volonté ferme de les remplir. Il ne sépara point sa propre gloire de l'avantage de la France, et il ne regarda pas le royaume du même œil dont un seigneur regarde sa terre ; de laquelle il tire tout ce qu'il peut, pour ne vivre que dans les plaisirs. Tout roi qui aime la gloire aime le bien public. »

Annotation :

Une succession de grands faits politiques et culturels de la période, afin de les rattacher rapidement à l'évolution de l'absolutisme. On aurait pu souhaiter une analyse sémiologique plus poussée ou un rapprochement avec d'autres périodes de l'histoire de France comme le laisse à penser l'avant-propos, mais on se retrouve avec un ouvrage qui laisse une impression de vite-fait. Certains chapitres semblent décalqués des ouvrages cités. Un léger aperçu des questions historiographiques actuelles sur l'Ancien Régime, pas grand chose de plus.