Manoel de Oliveira - Commentaires
Manolo et moi, ça fait souvent deux. Je ne peux pas dire que je sois particulièrement réceptif à ce cinéma qui se distingue par sa grande intelligence, sa conception d’un art ample, majestueux, habité par une considérable exigence et traversé par de vastes questions sur l’art, la culture, la ...
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créée il y a plus de 12 ans · modifiée il y a plus d’un anVal Abraham (1993)
Vale Abraão
3 h 23 min. Sortie : 1 septembre 1993 (France). Drame
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 5/10.
Annotation :
Les rêves et amours tristes d’Emma Bovary transposés dans l’ondoyante campagne lusitanienne, où le temps s’écoule en de majestueuses – et interminables – stases de méditation contemplative. Mais la Ema Portugaise a un "m" que la Française : c’est qu’elle aime moins, en effet, l’amour des hommes que le pouvoir qu’elle exerce sur eux. De toute évidence l’ambition d’Oliveira est d’atteindre un certain idéal de pureté harmonique, un éden romanesque visant à gommer tout artifice au profit d’une transparence absolue, pour approcher au plus près des êtres et des choses, pour tenter de les capter dans l’illusion de cette beauté qui cause la perte de son héroïne. Reste que tout est tellement étiré, lissé, expurgé de la moindre aspérité, que pour moi, dès la fin du premier tiers, l’ennui s’installe, sans retour.
Inquiétude (1998)
1 h 50 min. Sortie : 23 septembre 1998 (France). Comédie dramatique, Sketches
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 2/10.
Annotation :
Au théâtre ce soir... C’est l’impression donnée par le premier quart d’heure de ce triptyque figé dans sa litanie littéraire, avant qu’une pirouette inattendue ne réveille soudain l’attention. Très ponctuellement, car les deux segments suivants ne font que dérouler, avec la même aridité, ruminations existentielles et pensées méditatives sur le sentiment de finitude, la prescience angoissée de la mort, la frustration que provoque le désir, même (et surtout) inassouvi. On dirait trois piécettes en un acte que rien, hormis le style austérissime de l’auteur, ne semble relier. Le texte est peut-être très beau, la mise en scène sans doute rigoureuse dans son ascèse monastique ; en attendant, ce genre de proposition cinématographique donne une certaine idée de la chiantitude absolue, en mode grabataire.
Je rentre à la maison (2001)
1 h 30 min. Sortie : 12 septembre 2001. Comédie dramatique
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Simple comme bonjour, souvent espiègle et malicieux mais emprunt d’une gravité qui ne se dévoile qu’à contretemps, le film est délesté de cette charge littéraire qui plombe certains opus du réalisateur. Reste le plaisir d’un homme qui, face au deuil et à la vieillesse, musarde en touriste, repense son échelle de valeurs, se passionne pour ses chaussures, n’a qu’indifférence pour la vie sociale et découvre avec tendresse l’art d’être grand-père. S’il fait éprouver, lors de la scène finale, l’épreuve épuisante du comédien, s’il ne détourne pas son regard de la mort à venir, comme elle prend ce roi qui se succombe sur scène, Oliveira ménage néanmoins une philosophie légère, lumineuse, joliment poétique, portée par la prestation ludique d’un Piccoli qui piccolise avec l’élégance et le sens de la mesure qu’on lui connaît.
Porto de mon enfance (2002)
Porto da minha infância
1 h 01 min. Sortie : 23 janvier 2002 (France).
Documentaire de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 4/10.
Annotation :
Dans les limites d’un documentaire d’une heure produit pour célébrer Porto, le cinéaste se rappelle à la première personne, d’une voix chevrotante, ce temps suspendu de la mémoire où il découvrit l’amour, l’art, la nourriture, le cinéma, quand sa ville était le nombril du monde. Ce qui nous vaut une sorte de miniature éphémère, quasi volatile à force de ténuité, qui n’intéresse de façon ultra-sporadique que lorsqu’elle incite à jouer le jeu des correspondances. Pour le reste, entre photos, scènes filmées, reconstitutions ou extraits des premiers films de l’auteur, entre évocation de l’Histoire, citations diverses et invitations des amis, des proches ou des disparus, l’entreprise ne provoque guère plus qu’un long bâillement prolongé, très loin de la saudade intime qu’elle vise probablement.
Le Principe de l'incertitude (2002)
O Princípio da Incerteza
2 h 13 min. Sortie : 11 septembre 2002 (France). Drame
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
Comme toujours avec Oliveira, un saut de foi est nécessaire pour goûter au hiératisme de sa mise en scène et à sa méditation sur le doute de tous sur tout. Il faut aussi admettre ne pas comprendre l’exhaustivité des motivations de chacun, accepter le traitement peu glamour d’une intrigue faite d’orgueils et de vertus, de passions et de sacrifices, où l’on psalmodie ses pensées avec le regard dans le vide. Mais une certaine fascination opère sur la durée, qui surgit de ces affrontements feutrés à la Laclos, de cette glaciation altière, de l’ambiguïté trouble des personnages (surtout celui de Leonor Silveira). Et la réflexion métaphysique, soulignée par les flammes ravageant la boîte de nuit lors du finale qui tient de Jugement dernier, renvoie le spectateur à ses interrogations, tel un ricanement dans les ténèbres.
Un film parlé (2003)
Um Filme Falado
1 h 36 min. Sortie : 15 octobre 2003. Drame
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 6/10.
Annotation :
En un périple sillonnant les berceaux des civilisations méditerranéennes, Oliveira fait découvrir à ses personnages les vestiges du passé et raconte en pointillés une histoire qui s’articule autour de monuments, de contes, de légendes. Son approche, fondée sur une transmission verticale de la parole, de l’affection et du savoir, favorise la métaphore moderne du mythe de la tour de Babel adressée à un siècle naissant, où les dissensions entre les peuples perdurent et font toujours reculer l’avènement d’un monde pacifié. Sous le couvert de discussions policées et érudites menées par trois Parques contemporaines, il exprime ainsi le deuil des utopies et achemine le récit vers une conclusion allégorique qui traduit son pessimisme. Un film austère, bavard, répétitif, mais dont la séduction étrange finit par opérer.
Le Miroir magique (2006)
Espelho magico
2 h 17 min. Sortie : 7 janvier 2009 (France). Comédie dramatique
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 4/10.
Annotation :
Une grande bourgeoise vivant avec son vieux mari, dégagée des contingences qui occupent l’existence des pauvres et obnubilée par la Vierge Marie ; un jeune homme sortant de prison pour entrer à son service et lui offrir, peut-être, l’apparition ardemment désirée. Autre exemple du cinéma si typiquement oliveirien de la parole et de la rampe, rigoureusement sans effets ni invention visuelle, fondé sur de très théoriques échanges verbaux autour des questions de la foi, de la morale et du mysticisme. Les spectateurs les plus retors trouveront sans doute une délectable ironie dans ces rigides discussions intellectuelles, les plus jansénistes de grandes vertus transcendantales à cette méditation compassée, somnifère, baignée de formol, qui pousse le vice jusqu’à s’éterniser au-delà des cent trente minutes.
Belle toujours (2006)
1 h 10 min. Sortie : 11 avril 2007. Drame
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 2/10.
Annotation :
Le cinéaste débauche Piccoli, remplace Deneuve par Bulle Ogier et tente un post-scriptum malicieux et ironique au classique de Buñuel, avec lequel il rapproche en un muet médianoche deux débauchés devenus anachorètes et désamorce la moindre tension formelle et dramatique. Comment dire… Peut-être que Manoel avait une petite toux, peut-être qu’il était un peu fatigué, mais les retrouvailles de ses deux héros septuagénaires, pris d’un terrible coup de vieux paralysant le film entier, semblent flotter dans le formol : arthritique et poussiéreuse au dernier degré, alignant séquences pseudo-cocasses à la bizarrerie figée et notations ineptes, l’épreuve, d’une heure et quart, parvient à faire croire qu’elle dure au moins le double. L’exploit n’est pas mince, et lui vaut d’arracher les deux petits points de ma note.
Christophe Colomb, l'énigme (2008)
Cristovão Colombo, o enigma
1 h 15 min. Sortie : 3 septembre 2008 (France). Drame, Aventure, Historique
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 4/10.
Annotation :
La célèbre navigateur génois était portugais, figurez-vous. À mesure que le récit progresse sur les pas d’un chercheur et de son épouse, l’hypothèse se mute en affirmation. Difficile de distinguer la part de bluff et la part d’ironie dans cet exercice de léthargie active comme Oliveira les affectionne : plans symétriques, cadrages immobiles, figures hiératiques dont la présence secondaire est relayée par des images qui font transition d’un lieu à l’autre. En visitant des sites historiques, des monuments parfaitement incapables de témoigner de quoi que ce soit, ces personnages rencontrent l’histoire comme pure absence d’un passé glorieux, que les poètes ont recueilli mais qui n’habite nulle part. Cela pourrait valoir pour le film lui-même, soporifique au possible, et dont le penchant didactique achève d’assommer.
Singularités d'une jeune fille blonde (2009)
Singularidades de uma Rapariga Loura
1 h 03 min. Sortie : 2 septembre 2009 (France). Drame
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
On éprouve toujours chez Oliveira le sentiment que les personnages et le cadre dans lequel ils évoluent proviennent d’un autre siècle. L’inactualité des situations, la désuétude de comportements comme les vestiges de l’amour courtois peuvent faire barrage. Mais l’élégance de la mise en images, les teintes sombres et travaillés de la photographie, la précision d’un propos qui élève une hitchcockienne histoire de fascination en réflexion affûtée sur l’aveuglement et la soumission à l’ordre social, le mélange de concision et d’ironie facétieuse qui gouvernent le récit apportent à ce conte philosophique une certaine grâce et une vraie légèreté. Et tous les éléments (le prologue, l’histoire enchâssée, la voix off, les rebondissements successifs) sont disposés avec l’apparente facilité d’un art qui cache sa propre maîtrise.
L'Étrange Affaire Angelica (2010)
O Estranho Caso de Angélica
1 h 34 min. Sortie : 16 mars 2011 (France). Drame
Film de Manoel de Oliveira
Thaddeus a mis 7/10.
Annotation :
Lorsque, la nuit, l’esprit d’une jeune et belle défunte visite un photographe et l’invite à le suivre en une envolée chagalienne dans les cieux, l’effet spécial archaïque utilisé revendique une étrangeté et une poésie ramenant à Mélies. Il nourrit en cela une réflexion sur le cinéma qui se prolonge avec l’obsession diurne du protagoniste, digne, elle, de Lumière : immortaliser les ouvriers agricoles travaillant encore la vigne avec des méthodes et des outils traditionnels. La sensibilité picturale et topographique avec laquelle sont filmées les beautés viticoles de la vallée du Douros, l’ambiance fantasmatique dans laquelle baigne le récit, la sérénité face à l’approche de la mort, l’éloge romantique de l’amour fou concourent au charme persistant d’un poème rêveur qui a tout pour être qualifié d’œuvre testamentaire.