Martin Heidegger : citations en vrac
Heidegger a dit beaucoup de choses. Ici, je choisis tout à fait arbitrairement ce qui m'a marqué, ce qui m'a touché, ce qui m'a interpellé, ce qui a nourri chez moi une quelconque méditation... En espérant, cher lecteur, partager un peu de ma propre expérience — ou bien d'approcher un peu cette ...
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créée il y a environ 1 an · modifiée il y a 7 moisLa Logique comme question en quête de la pleine essence du langage (1934)
Sortie : janvier 2008 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 8/10 et le lit actuellement.
Annotation :
« De telles critiques viennent tout naturellement et elles se justifient dans une certaine mesure, aussi longtemps que nous gardons notre habitude de voir le monde compartimenté en divers domaines scientifiques, dans l'optique des facultés. Mais cette manière de voir n'a de légitimité que sous la présupposition que par principe le tout entier de l'étant puisse devenir accessible originalement par le biais des sciences.
Cette conception est une erreur. S'il y a un lieu où elle doit être évitée, c'est bien la philosophie. La philosophie cherche un savoir qui est antérieur à toute science et pousse au-delà de toute science, elle cherche un savoir qui n'est pas nécessairement assujetti aux sciences. » (p. 28)
« La question d'essence est préalable pour autant qu'elle précède tout questionnement déterminé. Chaque fois qu'en histoire (ou dans les sciences de la nature) on pose une question, c'est sans le dire explicitement sur la base d'une saisie préalable de l'histoire, de la nature, etc.
Ces questions préalables, on ne peut jamais les estimer résolues. Dès l'instant où la question en quête de l'essence est considérée comme résolue, c'est la porte ouverte à l'inessentiel de l'essence. Philosopher n'est rien d'autre qu'être constamment en chemin sur le glacis des questions préalables. » (p. 35)
« — Mais alors il n'y a donc pas de vérité absolue ! Assurément pas. Le temps est venu de nous déshabituer d'en être surpris comme quelque chose d'étrange, et de prendre enfin au sérieux cet état des choses que nous sommes encore avant tout des hommes, et non des dieux. » (p. 98)
« Parménide dit : L'étant est et le non-étant n'est pas. Tout devenir, c'est-à-dire : venir à être et passer, est un non-encore et un ne-plus. Héraclite dit par contre : panta rei, "tout (est) un devenir, un continuel devenir". Il n'y a pas d'être. De même Nietzsche : Il n'y a qu'un devenir, et l'être et le est restent une apparence. Le fondement de cette apparence est la logique, qui même là où c'est sur le devenir qu'elle parle, rigidifie et durcit toutes les choses en significations de mots. Le monde étant n'est que la fiction d'un songe, il n'y a qu'un monde devenant. Ce qui de cette manière règne sur la pensée occidentale est à tout moment présent et vivant dans notre entente quotidienne. Des oppositions telles qu'être et apparence, être et devenir, nous sont familières. Être signifie toujours : être achevé, rester, séjour stable, subsister, être-terminé. » (p. 133)
Introduction à la métaphysique (1935)
Sortie : 1958 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 9/10.
Annotation :
« C'est pourquoi un homme qui sait vraiment n'est pas un homme qui poursuit aveuglément une vérité mais celui-là seul qui sait constamment les trois chemins, celui de l'être, celui du non-être et celui de l'apparence. Le savoir supérieur — mais tout savoir est supériorité — n'est accordé qu'à celui qui a connu sur le chemin de l'être la tempête qui soulève tout, à qui l'effroi sur la deuxième voie vers l'abîme du néant n'est pas resté étranger, et qui cependant a assumé comme misère constante le troisième chemin, celui de l'apparence. »
Lettre sur l'humanisme (1947)
Sortie : 1947 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 10/10, l'a mis dans ses coups de cœur et a écrit une critique.
Annotation :
« L'ek-sistance est l'habitation ek-statique dans la proximité de l'Être. Elle est la vigilance, c'est-à-dire le souci de l'Être. »
« L'essence de l'homme repose dans l'ek-sistance. C'est l'ek-sistance qui importe essentiellement, c'est-à-dire à partir de l'Être lui-même, en tant que l'Être fait advenir l'homme comme celui qui ek-siste pour la vigilance en vue de la vérité de l'Être, dans cette vérité même. »
« "Humanisme" signifie dès lors (...) : l'essence de l'homme est essentielle pour la vérité de l'Être, et l'est au point que désormais ce n'est précisément plus l'homme pris uniquement comme tel qui importe. »
« Ainsi pourrait s'éveiller , si la conjoncture présente de l'histoire du monde n'y pousse déjà d'elle-même, une réflexion qui penserait non seulement l'homme mais la "nature" de l'homme, non seulement la nature, mais plus originellement encore la dimension dans laquelle l'essence de l'homme, déterminée à partir de l'Être lui-même, se sent chez elle. »
« La pensée à venir ne sera plus philosophie, parce qu’elle pensera plus originellement que la métaphysique, mot qui désigne la même chose. La pensée à venir ne pourra pas non plus, comme Hegel le réclamait, abandonner le nom d’ « amour de la sagesse » et devenir sagesse elle-même sous la forme du savoir absolu. La pensée redescendra dans la pauvreté de son essence provisoire. Elle rassemblera le langage en vue du dire simple. Ainsi le langage sera le langage de l’Être, comme les nuages sont les nuages du ciel. La pensée, de son dire, tracera dans le langage des sillons sans apparence, des sillons de moins d’apparence encore que ceux que le paysan creuse d’un pas lent à travers la campagne. »
Questions I et II (1947)
Sortie : 1968 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 8/10.
Annotation :
« Même si une objectivité est accessible au sujet, elle n'en est pas moins aussi humaine que la subjectivité et placée à la disposition de l'homme. » De l'essence de la vérité
« L'agitation qui fuit le mystère pour se réfugier dans la réalité courante, et pousse l'homme d'un objet quotidien vers l'autre, en lui faisant manquer le mystère, est l'errer. » Ibid.
« La correspondance à l'être de l'étant , il est bien vrai qu'elle demeure sans cesse notre séjour. Mais ce n'est toutefois qu'à de rares moments qu'elle devient une tenue assumée en propre par nous et ouverte à un déploiement. C'est seulement quand il en advient ainsi, c'est alors seulement que nous correspondons à proprement parler avec ce qui concerne la philosophie qui est en route vers l'être de l'étant. (...) Cette correspondance advient de différentes manières, selon que l'appel de l'être parle, selon qu'il est entendu ou que l'oreille lui reste sourde, selon que ce qui est entendu est dit ou demeure tu. » Qu'est-ce que la philosophie ?, p. 336.
« Mais l'étonnement est archè — il régit d'un bout à l'autre chaque pas de la philosophie. L'étonnement est pathos. Nous traduisons d'ordinaire pathos par passion, bouillonnement affectif. Mais pathos est en connexion avec paschein, souffrir, patienter, supporter, endurer, se laisser porter par, céder à l'appel de. » ibid. p. 339.
« Selon Hegel, la "pensée maîtresse" de Parménide est plutôt énoncée dans la proposition qui dit : "Être et pensée sont le même." Cette proposition, Hegel l'interprète en effet en ce sens : l'être, en tant que "la pensée qui est", est une production de la pensée. Hegel voit dans la proposition de Parménide un degré qui achemine vers Descartes en le préfigurant, Descartes avec la philosophie de ce qui commence la détermination de l'être à partir du sujet posé sciemment. » Hegel et les Grecs, p. 362.
« La dialectique spéculative, Hegel l'appelle aussi tout simplement « la méthode ». Par ce titre, il ne désigne ni un instrument de la représentation, ni une façon particulière d'aller de l'avant en philosophie. « La méthode » est le mouvement le plus intime de la subjectivité, « l'âme de l'être », le processus de production par lequel le tissu de l'effectivité de l'absolu dans son tout est ouvré. « La méthode » : « l'âme de l'être » — nous voilà en pleine fantasmagorie. On s'imagine que notre temps a dépassé de tels égarements de la spéculation. Mais nous vivons au beau milieu de cette prétendue fantasmagorie. » ibid., p. 357.
Chemins qui ne mènent nulle part (1950)
Holzwege
Sortie : 1962 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 10/10 et a écrit une critique.
Annotation :
« La couleur irradie et ne veut qu'irradier. Si nous la décomposons, par une intelligente mesure, en nombre de vibrations, alors elle a disparu. Elle ne reste que si elle reste non décelée et inexpliquée. La terre fait ainsi se briser contre elle-même toute tentative de pénétration. Elle fait tourner en destruction toute indiscrétion calculatrice. Celle-ci peut bien revêtir l'apparence de la domination et du progrès en prenant figure de l'objectivation techno-scientifique de la nature : elle n'en reste pas moins une impuissance du vouloir. Ouverte dans le clair de son être, la terre n'apparaît comme elle-même que là où elle est gardée et sauvegardée en tant que l'indécelable par essence, qui se retire devant tout décel, c'est-à-dire qui se retient en constante réserve. Toutes les choses de la terre, elle même en son tout, s'écoulent dans un unisson de réciprocité. Mais cet écartement n'aboutit pas à l'indistinction. Ce qui coule ici, c'est le courant de la délimitation, qui limite chaque présent en sa présence. Ainsi, en chacune des choses indécelables, se déploie une égale ignorance de soi. La terre est par essence ce qui se renferme sur soi. Faire venir la terre signifie : la faire venir dans l'ouvert en tant que ce qui se referme en soi. »
« Les choses sont, et les hommes, les dons et le sacrifice sont, l'animal et la plante, le produit et l'œuvre sont. L'étant se tient en l'être. L'être est régi comme par un fatum voilà suspendu entre ce qui a figure de dieu et ce qui s'oppose au divin. L'homme est impuissant à maîtriser une large part de l'étant. Peu de choses seulement est reconnu. Le connu reste une approximation, ce qu'on domine n'est malgré tout pas sûr. Jamais l'étant, comme il pourrait trop facilement sembler, n'est en notre puissance ; encore moins est-il notre représentation. Si nous recueillons tout ceci en Un, alors semble-t-il, nous saisissons, encore que de manière assez grossière, tout ce qui est. »
« Les choses qui, jadis, grandissaient dans le calme, ont tôt fait de disparaître. »
« Est-il un salut ? Seulement si le péril est. Le péril est lorsque l'être même va à l'ultime et retourne l'oubli qui provient de lui-même.
Or quoi, si l'être, en son déploiement, maintient l'essence de l'homme ? Si l'essence de l'homme repose dans le penser de la vérité de l'être ?
Alors sa pensée doit prendre dictée à la ruche de l'être. Elle fait entrer l'aube du penser dans la proximité de son énigme. »
Essais et conférences
Vorträge und Aufsätze
Sortie : 1954 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 10/10.
Annotation :
« La Terre apparaît comme le non-monde de l'errance. » Dépassement de la métaphysique, p. 113
« La loi cachée de la terre conserve celle-ci dans la modération qui se contente de la naissance et de la mort de toutes choses dans le cercle assigné du possible, auquel chacune se conforme et qu'aucune ne connaît. Le bouleau ne dépasse jamais la ligne de son possible. Le peuple des abeilles habite dans son possible. La volonté seule, de tous côtés, l'installent dans la technique, secoue la terre et l'engage dans de grandes fatigues, dans l'usure et dans les variations de l'artificiel. Elle force la terre à sortir du cercle de son possible, tel qu'il s'est développé autour d'elle, et elle la porte dans ce qui n'est plus le possible et qui est donc l'impossible. » Ibid.
Le Principe de raison (1957)
Der Satz vom Grund
Sortie : 1962 (France). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Antrustion a mis 10/10.
Annotation :
« L'homme d'aujourd'hui écoute constamment le principe de raison en ce sens qu'il est de plus en plus à ses ordres. » p. 261
« Le pourquoi ne laisse aucun repos, n'offre aucun lieu de halte, ne fournit aucun point d'appui. Le mot "pourquoi" recouvre un courant puissant qui nous engage dans un impitoyable et-ainsi-de-suite et qui — à supposer que la science consente seulement à accepter les yeux fermés toute peine et toute fatigue — l'entraîne si loin qu'elle court le risque d'être un jour allée trop loin. » p. 264
« Nous disions que l'homme est l'animal rationale ; mais cette définition épuise-t-elle l'essence de l'homme ? Le dernier mot qui puisse être dit de l'être est-il "Être veut dire raison" ? Ou bien l'essence de l'homme, son appartenance à l'être, l'essence de l'être : tout ceci ne demeure-t-il pas encore, et d'une façon toujours plus déconcertante, Ce qui mérite d'être pensé ? S'il en est ainsi, avons-nous le droit de le délaisser, au profit d'une recherche frénétique, qui ne sait que compter, mais dont les succès sont grandioses ? Ou bien sommes-nous tenus de découvrir les chemins sur lesquels la pensée puisse répondre à ce qui mérite d'être pensé ? Au lieu de l'ignorer, envoûtés que nous sommes par la pensée qui compte.
Telle est donc la question, qui est la question de la pensée et qui intéresse le monde entier. De la réponse qu'elle recevra dépendra l'avenir de la terre et celui de l'existence de l'homme sur cette terre. » pp. 269-270.
Qu'est-ce qu'une chose ? (1962)
Sortie : 1962 (Allemagne). Essai, Philosophie
livre de Martin Heidegger
Annotation :
« La question "qu'est-ce qu'une chose ?", nous devons donc la caractériser comme de l'espèce de celles qui font rire les servantes. Et ne faut-il pas qu'une brave servante ait l'occasion de rire ? »