映画
Cinéma japonais.
Avec, dans l'ordre d'apparition (sur terre) :
Kinugasa / Mizoguchi / Uchida / Gosho / Tasaka / Shimizu / Ozu / Inagaki / Naruse / Toyoda / Makino / Tanaka / Yamanaka / Kurosawa A / Yoshimura / Kinoshita / Shindo / Ichikawa / Kato / Kawashima / Kimura / Nomura ...
425 films
créée il y a environ 10 ans · modifiée il y a 7 moisLe mal n'existe pas (2023)
Aku wa sonzai shinai
1 h 46 min. Sortie : 10 avril 2024. Drame
Film de Ryusuke Hamaguchi
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
D'un point de vue d'efficacité pure, on peut reconnaitre que le nouveau film de Hamaguchi se pose un peu là. Scénario effiloché, scènes bizarrement construites, répétitions et ellipses qui donnent un rythme à la fois alenti et heurté, suivre ces sentiers peu ou mal élagués ne relève pas de la ballade dominicale, c'est sportif et déstabilisant. "Se pose un peu là" ai-je écrit presque sans y penser, mais voilà qui dit si bien la chose que j'ai ressenti confusément pendant que le film s'infiltrait en moi : il y a comme une autonomie troublante de l'objet en train de se développer sous nos yeux, comme si le réalisateur laissait faire, abandonnait sa volonté de tout contrôler, de tout lisser, de tout expliquer (volonté qui justement m'avait un peu chiffonné à la fin du très beau Drive my car). Insidieusement, par observation et contact, se dit alors une des grandes leçons du "fait naturel", qui se déploie toujours dans tous les sens, que le vocable ressortisse à la signification ou à l'espace.
Ballad of a Worker (1962)
Futari de aruita iku haru aki
1 h 42 min. Sortie : 12 août 1962 (Japon). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Y’a là matière à dyptique avec l'«Amour éternel» de l’année précédente, une sorte de miroir inversé dans lequel se reflète et se rachète le non couple de la fois passé, Hideko et Keiji. Cette fois, à l’embranchement, ils se sont bien mariés, et cette fois quand l’homme revient de la guerre la femme est là qui l’attend, pour qu’ensemble ils s’embarquent sur le chemin de la vie. Non, je ne fais pas du lyrisme facile, c’est que le titre anglais – eux aussi ? mazette ! – interprète et déforme… En japonais, ça donnerait plutôt un truc comme « Ils ont marché à deux pendant beaucoup de printemps et d’automnes » (façon poétique qu'on a là bas de dire de longues années). Le miroir ne s’arrête pas là, puisqu’ici malgré la vie dure du worker (rythmée par un poème fruste comme sa tâche de cantonnier) et de son épousée, le couple s’aime. Sans effusion, sans questions, mais patiemment alors que s’égrènent, comme pour les deux qui se détestaient passionnément, les années sur trente ans. Et pour clore le reflet – et lancer la réflexion – cette fois l’enfant ne sera pas sacrifié mais porté à bout de bras vers un futur plus lumineux que celui de ses parents. Quant au mélo, me demandera-t-on peut-être (ben si, j’espère, quand même) : il est jugulé cette fois encore, mais pas de la même façon : il rode, il menace, et finit toujours par tomber à coté, sur les autres, sans que Kino se donne la peine de s’attarder. On a déjà donné.
Un amour éternel (1961)
Eien no hito
1 h 47 min. Sortie : 16 septembre 1961 (Japon). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Bon nous voilà arrivés dans les années 60, et Kinoshita a tant arpenté les couloirs du mélo (non pas du métro, du mélo), tant imaginé de variantes, comme un enfant qui prend plaisir à transformer sa blonde poupée de plastique rien qu’en lui changeant ses habits, qu’il se doit de trouver une façon de rebondir : non pas en tournant le dos à ce qu’il aime tant, mais en le mettant en danger sous nos yeux écarquillés. Et quelle est la pire ennemi du mélo, si ce n’est la tragédie, avec ses grands airs et son regard glacé. Et derrière cette histoire de vengeance sourde et insidieuse (le titre français est nettement plus explicite que le titre japonais, surtout que ce qui semble éternelle pendant la majeur partie du film, c’est plus la haine que l’amour, ce dernier étant congédié après 10 minutes de film) se met en place, soto voce, toute une série de questionnements purement dramaturgiques, que se pose Kino sans mettre à mal la fluidité de son récit (il est très fort), histoire de scruter le point de bascule qui transforme une destinée en destin, et un mélo en tragédie.
Zero Focus (1961)
Zero no shoten
1 h 35 min. Sortie : 19 mars 1961 (Japon). Thriller, Drame
Film de Yoshitarō Nomura
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Si le film de Nomura commence un peu à la façon de l’Avventura – c’est pas boy meets girl mais boy disappears and girl looks for him – à partir de son second tiers le scénario prend une toute autre direction : au mystère de l’évaporation d’un homme (traité avec une jolie inventivité de décors et d’atmosphère) succède un whodunnit apparemment plus classique mais qui va prendre des chemins de traverses assez savoureux. Impossible d’en dire plus sans déflorer la facétie des scénaristes...
Ueru tamashii (1956)
1 h 19 min. Sortie : 31 octobre 1956 (Japon). Drame
Film de Yūzō Kawashima
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Je me demande toujours si les réalisateurs prolixes morts jeunes sont prolixes car ils sentent qu’il vont mourir jeunes, ou meurent jeunes car ils ont été trop prolixes. Reste que les réalisateurs qui meurent jeunes meurent jeunes, et Kawashima est mort à 45 ans, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser 50 films entre 1944 et 1963. Respect. Surtout à voir le degré d’implication du gars dans chacun de ses films : par exemple ici (son 4e et 5e film de l’année 1956) on peut sans doute regretter quelques facilités, quelques raccourcis, mais force est de constater que l’énergie vitale, elle, est à son comble. A tel point que l’histoire se déploie sur deux films successifs, sortis à un mois d’écart. La première partie pose les personnages (en fait il s’agit de deux destins de femmes, qui ne se connaissent qu’à travers une amie/parente commune) et la problématique croisée : l’une est veuve et ne parvient pas à se détacher de l’image de son mari (elle n’est pas aidé par ses horribles ados qui refusent à leur mère toute idée d’amourette), l’autre est soumise à son atroce mari de 23 ans son aîné, qui la sadise et l’exploite. Tellement soumise qu’elle ne parvient pas à s’autoriser de succomber aux charmes d’un admirateur éperdu d’amour pour elle. Pour les deux, c’est au moment du choix (liberté ou servitude) que le volet se referme… tadaaam.
Zoku ueru tamashii (1956)
1 h 37 min. Sortie : 28 novembre 1956 (Japon). Drame
Film de Yūzō Kawashima
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
La suite donc. Après la montée, la redescente disons. Il m’a fallu pas mal de temps avant de comprendre qu’en réalité, l’expérimentation mise en œuvre par Kawashima consistait non pas à raconter deux histoires entremêlée (sinon il aurait probablement fait un seul film, un peu long certes mais pas démesuré non plus, 2h50) mais bien à tenter de mixer deux films séparés. Et surtout à le montrer. Car le fait est là : il y a deux films, deux héroïnes, deux énergies très différentes, et surtout derrière tout ça il y a une sorte de manipulateur qui dans l’ombre concocte et décide. Réunit, et tranche, comme une parque impavide. C’est toujours la force discrète de Kawashima, de retourner le gant sans en avoir l’air, de mettre à nu les rouages qui nous broient. La dernière scène, sadisme dans le sadisme, ne laisse aucun doute sur le sujet : les livres, les films ne sont, possiblement, cruels que parce que la vie est pire qu’eux, et à malin malin et demi.
And Your Bird Can Sing (2018)
Kimi no Tori wa Utaeru
1 h 46 min. Sortie : 1 septembre 2018 (Japon). Comédie dramatique
Film de Sho Miyake
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Toujours la même question : comment filmer des gens qui s’ennuient sans ennuyer le spectateur. Enfin qui s’ennuient, disons qu’il s’agit presque d’un ennui ontologique, une sorte d’apathie intrinsèque qu’on ne saurait assigner à une seule et simple raison : impasse générationnelle, ras le bol passager, sens désespéré de l’absurde ? Miyake ne prend pas trop le problème en sociologue, encore heureux, mais plus en esthète. A quoi ressemblent des corps qui ne savent pas où aller ni pourquoi ? Peuvent-ils devenir des personnages de fiction, eux pour qui la vie même ne semble qu’une longue et morne journée sans cesse à recommencer ? La corde raide se relâche un peu chemin faisant, malheureusement, mais il y a quand même une vraie sensibilité dans la façon de traiter un sujet à la fois si ténu et si rebattu, non pas via le discours ou les idées, mais les visages et les gestes qui esquissent plutôt que d’exprimer.
Lonely Glory (2022)
Watashi no miteiru sekai ga subete
1 h 22 min. Sortie : 31 mars 2023 (Japon). Comédie dramatique
Film de Keitarô Sakon
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Rien de mieux que la mort d'une mère pour précipiter un peu la chimie d'une fratrie, ici deux sœurs deux frères qui n'ont pas énormément de choses en commun, à part l'héritage d'une boutique décatie où plus grand monde ne vient faire ses courses ou manger des udons. Seul l'aîné tient à la sauvegarder, la grande sœur est résignée, le benjamin est paumé, et la petite dernière rêve de tourner la page au plus vite pour se donner à fond dans sa carrière de consultante au dents longues. C'est le point de départ et aussi le point d'arrivée, car le film s'attache plus aux atmosphères fluctuantes selon qui est aux prises avec qui dans ce quatuor désaccordé, qu'à l'avancée du projet ou du scénario. Ce qu'on y perd en dynamisme (c'est encore une fois très mou du genou quand même), on y gagne en ressenti. A condition de lâcher prise et de se laisser couler dans cette eau un peu tiède mais plutôt bien observée.
A Muse Never Drowns (2021)
Myûzu wa oborenai
1 h 22 min. Sortie : 30 septembre 2022 (Japon). Comédie dramatique
Film de Nobomi Asao
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
D'un certain coté, ça ressemble un peu au portrait de la jeune fille en feu – l'une peint, l'autre pose, et les deux sont amoureuses, à moins que l'une peint parce qu'elle est amoureuse et l'autre tombe amoureuse parce qu'elle pose... Pas clair. Pour le reste, on n'est pas en Bretagne mais au Japon (ça reste maritime, cela dit), pas au XVIIIe mais au XXIe, pas dans un chateau mais dans un lycée (aussi vide qu'un château breton du XVIIIe, cela dit). Bref, la comparaison ne va pas très loin.
Quant au film ? c'est plein de bonnes intentions, mais on a quand même l'impression que tout le monde roule au Témesta® , c'est deux de tension tout le long. Ou alors c'est très contemplatif ? Chais pas...
Sekishunchō (1959)
惜春鳥
1 h 42 min. Sortie : 28 avril 1959 (Japon). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Non seulement les Japonais aiment bien ressentir, mais en plus ils adorent exprimer ces sentiments. Impassibles ? vous repasserez, que vaut une émotion pour eux si elle n'est pas circonscrite par un geste codifié, par un rituel qui l'inscrit dans le quotidien, et par le langage qui finit de le rendre partageable. Il y a donc par exemple un mot pour le regret de voir sa jeunesse enfuie, sekishun soit le « regret du printemps . C'est un peu ce que les cinq amis du film doivent traverser, mais sans que l'on sache trop si ça correspond à quelque chose de réel ou si ils ne font là que se conformer à un lieu commun (avec quelques années d'avance, ils ont à peine vingt ans). On peut d'autant plus se poser la question que Kino a rajouté chō pour construire son titre, soit l'oiseau du sekishun, comprendre peut-être : celui qui chante pour exprimer le regret du printemps (mais alors quid de la chanson de l'oiseau pendant ce même printemps, après tout cela pourrait bien n'être qu'une illusion des humains, trop prompts à prêter aux animaux des sentiments semblables aux siens, sous prétexte... qu'ils les expriment en chantant!).
Bref, le regard du réalisateur est légèrement ironique, ce qui ne l'empêche pas de rajouter à son arc la corde du mélo amical, où le détonateur est cette fois un sentiment diffus de trahison, trahison des idéaux, trahison du passé. Un autre aurait traité le sujet avec une retenue polie, mais il semble bien que pour Keinosuke, l'important n'est pas tant le fond du sujet, que le noyau de chaque personnage, ce point obscur qui bouillonne et finit par exploser : il ne se lasse pas de le contempler, plutôt que d'inutilement l'expliquer.
Transgression (1948)
Hakai
1 h 39 min. Sortie : 1948 (France). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Puisque Kinoshite est convaincu qu’on peut – qu’on doit ? – faire du mélo avec tout, il tente les expériences les plus extrêmes,comme ce mélo socio-politique. Ici pas d’histoire d’amour qui finit mal, pas d’accident tragique et autre suicide pathétique, mais un bouillonnement d’affect autour d’une question qui de nos jours peut paraître un peu lointaine et exotique, celle des castes sociales et du racisme y afférent. Le sujet pourrait être traité sous un point de vue documentaire, historique, militant, mais Keisuke ne se chauffe pas de ce bois là, il veut du sang non peut être pas, mais des larmes ça oui. Puisque là où elles sont, se tient l’humain, dans toute son orgueilleuse fragilité. Ou son fragile orgueil ?
Le Paradis de Suzaki (1956)
Suzaki paradaisu Akashingô
1 h 21 min. Sortie : 1956 (France). Drame
Film de Yūzō Kawashima
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
J’aime beaucoup la façon toujours très décontractée qu’a Kawashima de traiter ses scénarios. Il arrive à jouer avec comme on tire sur un élastique, en explorant tous les recoins un peu inattendus, comme ça d’un simple coup d’oeil par dessus l’épaule et pourtant jamais il ne tombe dans le cynisme ou l’excès de distanciation. C’est d’autant plus frappant quand, comme ici, la trame narrative est d’une finesse extrême : n’empêche, son œil acéré parvient à découvrir sous l’apparente banalité des brillances, des escarbilles sous la cendre.
La Lune s'est levée (1955)
Tsuki wa noborinu
1 h 42 min. Sortie : 16 février 2022 (France). Comédie dramatique, Romance
Film de Kinuyo Tanaka
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Ozu ne dit pas trop pourquoi il a refilé son vieux scénario de 47 jamais tourné à sa copine Tanaka pour son second film en tant que réalisatrice (position extrêmement rare, voire quasi unique, dans le Japon des années 50). On comprend juste au fil de son Journal que le long-métrage a été une tannée à monter à cause des règles inventées par les 5 grands studios pour rendre la vie difficile à la Nikkatsu, petite nouvelle qui voulait jouer dans la cour des grands. En gros, impossible de faire jouer des comédiens qui auraient eu des contrats chez les 5 vénérables. Pour le reste, mystère, surtout qu'il s'agit de deux années – 1954 et 1955 – où le maître n'a tourné aucun film. Ce qui ressort à l'arrivée ? c'est qu'un scénar d'Ozu sans Ozu n'a pas un énorme intérêt. Tanaka fait le job très honorablement, et ses actrices (du coup inconnues à l'époque, mais pas pour longtemps) défendent leurs rôles avec conviction. Mais soudain on se rend compte à quel point le génie d'Ozu réside dans sa dextérité à raconter autre chose que l'histoire qu'il est en train de raconter. Une sublime gestion de l'implicite et du non dit, derrière les flots de paroles et les gesticulations, grâce au point de vue, à la caméra, et à tout le hors champ. Ici, ben non c'est pas comme ça : on a un marivaudage mignon, suivi d'un semblant de mini drame qui finit bien, et puis voilà. Pas désagréable à regarder, mais aussi vite oublié.
Le Bal de la famille Anjo (1947)
Anjô-ke no bûtokai
1 h 29 min. Sortie : 27 septembre 1947 (Japon). Drame
Film de Kōzaburō Yoshimura
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Ca commence un peu comme un Tchekhov, avec cette famille d'aristocrates déchus qui ont tout perdu maintenant que la guerre est terminée, et doivent se résoudre à vendre leur demeure luxueuse : bref, la vieille histoire du monde d'hier contraint de laisser la place à la modernité matérialiste (à la grande joie de la fille cadette qui se réjouit d'enfin rentrer dans la vie plutôt que de la voir passer depuis son cocon doré, là aussi c'est russe en diable). Mais justement, le côté théâtral finit par rendre les choses terriblement statiques, c'est bavard, ça n'avance pas, et le fait que ça soit filmé de façon très hollywoodienne – mélo et grosses ficelles – n'est pas pour arranger l'affaire.
Sazen Tange, le pot d'un million de ryôs (1935)
Tange Sazen yowa : Hyakuman ryô no tsubo
1 h 32 min. Sortie : 15 juin 1935 (Japon). Aventure, Comédie
Film de Sadao Yamanaka
Chaiev a mis 4/10.
Annotation :
Ah j’ai du louper un truc, j’ai du mal à me joindre à tous ces avis dithyrambiques sur ce film. Moi je trouve ça lourdaud, pénible, répétitif, pas drôle, surjoué. Oui c’est peut-être ça qui me dérange le plus : personne n’est à sa place, tout est souligné, surligné, hachuré sans que jamais Yamanaka ne parvienne à décider si il en a quelque chose à faire ou non de son histoire insipide. Ça étouffe les personnages, ça étouffe les atmosphères, et partant ça m’a également étouffé d’ennui. Je n’avais qu’une envie au bout de quinze minute : que quelqu’un casse le foutu pot que ce pauvre gamin est obligé de trimbaler partout avec lui sans savoir pourquoi, et qu’on passe à autre chose.
La Mère (1952)
Okāsan
1 h 37 min. Sortie : 1 décembre 1954 (France). Drame
Film de Mikio Naruse
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Rayon mélo, la daronne de Naruse n’a rien à envier à un bon vieux Kinoshita des familles : on dirait presque une blague tellement la meuf se prend de coups dans la tronche : la maison est pleine au début du film (un mari, trois enfants, un neveu, un employé) et au bout d’1h30 plus grand-chose n’est resté debout : deux morts, une adoptée, une mariée, le neveu récupéré, l’employé remplacé par un stagiaire, et mamouchka essorée toute seule sur son tatami. Mais on s’en doute, c’est pas tellement faire pleurer dans les chaumières qui interesse Mikio (la preuve avec la réjouissante mise en abyme de la sortie au cinoche au milieu du film) mais plutôt je pense de remuer l’eau de la bassine pour filmer les tourbillons d’une part, et le bateau immobile voguant sur les ondes déchainées. Or le bateau ici, c’est l’immense Kinuyo Tanaka, qui atteint des sommets himalayesques (et on dit que Naruse ne savait pas diriger ses acteurs… ben en tout cas il savait les choisir). Ce qu’elle fait ici avec un simple regard, une simple retenue de geste ou de parole est tout simplement faramineux.
Le Fard de Ginza (1951)
Ginza keshô
1 h 27 min. Sortie : 14 avril 1951 (Japon). Comédie dramatique
Film de Mikio Naruse
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
On reste à Ginza, mais cette fois du côté plus traditionnel des hotesses de bar. On n’aura d’ailleurs pas beaucoup d’aperçu sur les activités professionnelles de Yukiko (contrairement à Quand une femme monte l’escalier, sorte de spin off réalisé presque dix ans plus tard) : non ici c’est plus le quotidien un peu morne de la femme indépendante mais contrainte qui est placé au centre. Certes, Yukiko vit comme elle l’entend, mais c’est pas non plus la folle éclate : son gamin est laissé à lui-même, son amant est marié et ne la voit plus que pour lui taper de l’argent, et son seul conseil à la petite jeune qu’elle a pris sous son aile c’est « trouve toi un gars gentil et riche, et fais toi épouser ». Mais c’est toujours très étonnant de voir ce que Naruse fait de ces éléments : il laisse sa main ouverte, n’accroche rien, et laisse aller son film « au gré du courant » (Nagareru, comme le si bien nommé film de 1956).
La Rue en colère (1950)
Ikari no machi
1 h 45 min. Sortie : 14 mai 1950 (Japon). Drame, Romance
Film de Mikio Naruse
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Film jumeau de la bête blanche, non seulement car ils sont sortis à un mois d’écart, mais surtout car il s’agit en quelque sorte du volet masculin de l’affaire. Jeunesse dévoyée encore, mais nettement plus malfaisante et cynique – et du coup le film gagne grandement en intérêt. Ce qui est également amusant c’est le léger décalage par rapport aux canons habituels : plutôt que de suivre les aventures de petits malfrats ou d’apprentis yakuzas, le scénario s’attache aux pas de deux étudiants bons teints mais pauvres, qui préfèrent arnaquer les belles oies blanches des dancing plutôt que de bosser pour se payer la fac. Le moche imagine, le beau exécute dans un amoralisme de plus en plus débridé, qui donne un petit goût amer à ce chouette tableau de mœurs du Japon sous domination US.
NB : par contre la rue n’est pas tant en colère, hein. Le titre japonais veut dire « le quartier lumineux », ou « la ville Lumière » autrement dit Ginza la brillante, nocturne miroir aux alouettes.
La Bête blanche (1950)
Shiroi yajû
1 h 37 min. Sortie : 3 juin 1950 (Japon). Drame
Film de Mikio Naruse
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
On n’attendait pas forcément Naruse sur un film de délinquantes juvéniles placées en maison de correction, et d’ailleurs lui-même semble un peu déstabilisé par son sujet. C’est un peu brouillon, un peu dispersé, un peu convenu - enfin en tout cas avec des yeux d’aujourd’hui, parce qu’en 1950, parler aussi crument de prostitution assumée, de syphilis, de traumatismes sexuels ça devait être plus coton. Du coup, le propos est certes courageux mais donne au film un coté « dossiers de l’écran » pas très folichon 70 ans plus tard.
Broken Drum (1949)
Yabure-daiko
1 h 38 min. Sortie : 1 décembre 1949 (Japon). Comédie dramatique
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Réalisé la même année que le Toast pour Mademoiselle (ainsi que deux autres long métrage, les gars chômaient pas à l’époque), ce tambour déglingué délaisse la piste Zavattini pour se tourner nettement vers du Capra à la sauce teriyaki. La maison fofolle de l’abominable Gunpei fait penser à celle de Vous ne l’emporterez pas avec vous : ça danse, ça chante, ça déclame à tous les étages de la demeure tout ce qu’il y a de plus occidentale, sous le regard attendri d’une mère compréhensive avec sa progéniture (six poussins tout de même) et soumise avec son tyran de mari. Bon, cette partie là de l’affaire est plaisante, mais en contrepartie il faut se fader le pater familias qui réunit absolument toutes les tares du parangon de patriarcat triomphant : colérique, infatué, maltraitant, vantard, nombriliste, condescendant, le gars suinte la médiocrité contente d’elle-même. Le plus énervant peut-être, c’est que toute sa famille en souffre, mais ne se rebelle que très mollement, à tel point que le scénario en arrive là où on craignait qu’il aille (Kobayashi dans ses moins bons travers) : pauvre Gunpei, il ne fait pas ça par méchanceté, il faut le comprendre et savoir l’aimer comme il est. Euh ben non, perso je veux bien qu’on lui trouve des excuses, mais à une seule condition : qu’on le vire du film pour vivre heureux dans cette famille de barges.
Un toast pour mademoiselle ! (1949)
Ojôsan kanpai
1 h 29 min. Sortie : 9 mars 1949 (Japon). Comédie, Romance
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Même scénariste, même actrice que pour Tentation, mais cette fois c’est Kinoshita qui est aux commandes de la réalisation. Du coup l’oeuvre se teinte d’un petit grain de folie, un grain de sable aussi qui vient comme à plaisir gripper la machine comique mise en place par Kaneto Shindo. Je ne sais pas si c’est fortuit, mais perso ça m’a beaucoup fait penser au néo-réalisme italien, dans cette façon d’aborder les thèmes sociaux, le mélange des genres, le côté volontairement erratique des évènements. A noter que Hara est absolument époustouflante dans ce rôle de bourgeoise déchue surprise par ses propres sentiments. Ah, et autre rapprochement avec le cinéma transalpin : comme pour De Sica, c’est le frère du réalisateur qui signe la musique. Ca se confirme, quel que soit le pays : très très mauvaise idée.
Tentations (1948)
Yuwaku
1 h 24 min. Sortie : 25 février 1948 (Japon). Drame, Romance
Film de Kōzaburō Yoshimura
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
On dirait que le pari du film serait d’étirer sur 1h25 une situation qu’ailleurs n’importe quel scénariste aurait plié en 15 ou 20 mn. Renversement intéressant, surtout parce qu’intrigant. Habituellement, l’adultère commence lorsqu’il est consommé, et que le couple clandestin se met à construire son histoire loin des yeux d’autrui. Ici, la problématique est inversée, il ne s’agit pas de mettre en scène une trahison mais plutôt de scruter des personnages qui se rendent à peine compte de la tentation en train de s’ouvrir sous leurs pas. Gageure un peu folle, toujours au bord de l’asphyxie, grâce à laquelle néanmoins Yoshimura atteint à une assez belle atmosphère, toute d’observation patiente des visages et des gestes, attentive au moindre sursaut, au plus petit indice.
The Portrait (1948)
Shozo
1 h 13 min. Sortie : 3 août 1948 (Japon). Comédie dramatique
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Le thème du scénario, signé Kurosawa, excusez du peu, est assez jamesien. Si tout semble d’abord tourner autour d’une comédie sociale post guerre (les petites arnaques, le mal logement, les soldats jamais revenus), l’arrivée de Midori, femme entretenue, chez le peintre Nomura va lancer le film sur des rails nettement plus romanesques, reposant sur la confrontation entre image et réalité, apparence et vérité. Pas sûr que cela soi le domaine de prédilection de Kinoshita, nettement plus à l’aise dans la partie naturaliste, mais même de bric et de broc l’ensemble ne manque pas de charme.
Le Matin de la famille Osone (1946)
Ôsone-ke no ashita
1 h 21 min. Sortie : 24 février 1946 (Japon). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Tourné juste après la capitulation du Japon, le film de Kinoshita gratte et pique là où ça fait mal : l’attitude va-t-en guerre du gouvernement ultra nationaliste et ultra autoritariste qui a mené le pays à sa perte. Sujet polémique (même si les Ricains, qui de fait dirigeaient les affaires nippones, voyaient ce genre de discours critique d’un très bon œil, là où les anciens puissants incriminés n’avaient plus voix au chapitre) que Kinoshita traite sous une forme éminemment théâtrale, ou quand mélo rime avec huis clos, et inversement. Kino a beau déjà avoir du savoir-faire, ça reste un peu « des larmes et du bla bla »… Heureusement que ça ne s’éternise pas et que le méchant relève un peu la fadeur des gentils.
Le Port en fleurs (1943)
Hana saku minato
1 h 22 min. Sortie : 29 juillet 1943 (Japon). Comédie dramatique
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Premier opus de Kinoshita, réalisé en pleine guerre : on sent fortement l’oeuvre de commande. D’ailleurs une donnée qui ne trompe pas : il s’agit d’une sympathique comédie, et pas du tout d’un mélo. A moins que justement le jeune réalisateur tente de nous dire à mots couverts qu’une comédie n’est qu’un mélo qui a mal tourné ? Bref, une petite ile coupée du monde, deux filous décidés à exploiter la gentillesse des habitants, et une intrigue un peu paresseuse qui finit bien (en tout cas moralement parlant). Rien de honteux, rien de passionnant, hop, au suivant !
Nuages lointains (1955)
Tooi kumo
1 h 39 min. Sortie : 31 août 1955 (Japon). Drame, Romance
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Je me demande si Kinoshita a pas tenté ici un contre-mélo : c'est à dire un mélo valable pour les personnages, mais pas pour les spectateurs. On va peut-être dire que je sur-interprète, mais moi je crois que le gars est capable de tout pour rajouter une corde à son arc déjà bien fourni. Franchement, entre le fade Takahishi d'un côté et le sublime Sada de l'autre, y'a pas photo. Et pourtant non seulement Hideko, bourrelée de remords, choisit le premier, mais en plus le rate et doit se contenter de l'amour du second, la mort dans l'âme ! Un grand écart osé, qui ne dépend donc en rien du scénario mais du casting et de la direction d'acteur, et qui donne un relief très particulier au film (par ailleurs d'un naturalisme toujours aussi réussi). La preuve par l'absurde que la compassion ne repose pas forcément sur l'identification.
This Year's Love (1962)
Kotoshi no koi
1 h 22 min. Sortie : 14 janvier 1962 (Japon). Comédie, Romance
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Non non, cette fois pas la moindre trace de mélo, ni de près ni de loin. C'est familial et bon enfant, et passablement impersonnel. Un peu répétitif aussi, mais pas désagréable pour autant, surtout grâce à l'ambiance très années 60 et aux sourires de Mariko.
Zen-ma (1951)
善魔
1 h 48 min. Sortie : 17 février 1951 (Japon). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
Il y a un petit coté hollywoodien d'avant guerre dans ce mélange entre vie professionnelle (un journal à Tokyo, un ministre) et vie privée (une femme qui veut retrouver sa liberté, un jeune fougueux, un quadra cynique). Et bien sûr pour lier le tout, quoi de mieux je vous le donne en mille... qu'un bon ressort mélodramatique. Mais là encore, Kinoshita essaye d'innover plutôt que de plaquer une recette toute faite, et cette nouvelle brique permet de saisir ce qui lui plait tant dans le motif en question : c'est qu'il révèle en un claquement de doigt la vérité, le trognon des personnages, mieux qu'une péripétie amoureuse, policière, politique. Mieux ou en tout cas plus crument (puisqu'en fait Kino ne se limite à aucune péripétie, il préfère les mélanger). Il en résulte un millefeuille plutôt original et imprévu, dommage par contre que ça se dilue comme ça sur pratiquement deux heures.
Un jour comme les autres (1959)
Kyō mo mata kakute arinan
1 h 14 min. Sortie : 27 septembre 1959 (Japon). Drame
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Brave petit soldat, cette fois Kino tente le summer mélo. En fait le film est tellement riche de virtualités scénaristiques qu'il y aurait de quoi faire un long métrage de 3h40 ou une série en 15 épisodes. Mais curieusement, le réalisateur (ou la production?) choisit de tout faire tenir en 1h15. On est en plein été, au bon air, et l'on suit les aventures croisées des vacanciers et des habitants du village sur un mode plutôt léger (n'était l'épisode tragique qui vient mettre un peu de noir, rapide lui aussi, sur tout ça). La mise en scène est digne d'un pâtissier consciencieux qui sait mélanger son chocolat amer et ses œufs à la neige d'une main si légère que la mousse prend sans retomber.
Kazabana (1959)
1 h 18 min. Sortie : 3 janvier 1959 (Japon).
Film de Keisuke Kinoshita
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Kinoshita continue son exploration des modalités du mélo, on a vraiment l'impression qu'il tente différentes formules pour voir comment redonner un peu d'originalité au principe de base (qui est de faire pleurer dans les chaumières). C'est plutôt courageux, puisque d'une part il ne s'interdit pas l'émotion directe, mais d'autre part cherche à ne pas forcément utiliser les ornières habituelles. Ici on a donc un subtil dosage entre histoires familiales et conflit de classes sociales, avec un intérêt porté tout particulièrement sur le regard d'autrui : comment se bloque-t-on dans une situation, et comment faire pour s'en débloquer. Récit d'une grande simplicité dans sa mise en œuvre, mais rempli de coins d'ombres et de tiroirs (particulièrement bien mis en relief par le traitement des souvenirs et flashes back)