Nourrir l'écriture

Annotation :

Pour sa variation autour de la sorcière Baba Yaga et l'omniprésence de la forêt, perçue comme une entité pensante et sensible.

Annotation :

Découverte de cet illustrateur au Festival de BD de Colomiers 2017. Un texte simple et fort avec de superbes illustrations, complémentaires et poétiques. Un trait qui fait directement écho au conte sur lequel je travaille. À suivre ! :)

Annotation :

p.47
"Heq dansait. Sa danse devenait de plus en plus sauvage. Ses longs cheveux frappaient son dos et sa poitrine, et ses yeux chaviraient comme ceux d'un mourant. De l'écume se formait sur ses lèvres, et il ressentait le costume comme la peau de bête des ancêtres, en ces temps lointains où tout n’était qu’obscurité. Il était hors de lui-même et devint un avec la sagesse infinie de de Tornassuq. Il fut happé par son esprit-assistant et comprit tout ce qui est inexplicable sur terre. Il acquit la connaissance sur la double nature de Tyakutyik en s’identifiant à l’élément féminin qui le remplissait. Il devint Tyakutyik, il était Heq, un avec l’esprit. Et il dansait au-dessus des braises et criait aux hommes, dans une langue qu’ils ne comprenaient pas, qu’ils ne devaient pas avoir peur. Mais ils avaient peur, car personne ne le comprenait. La peur était la vie, parce qu’ils ne la connaissaient pas. C’est pour cela qu’existaient les tabous. Ils craignaient la vie et la mort. Ils craignaient la douleur et la maladie, la misère et le froid, la terre et la mer et l’air. Ils craignaient les morts et les vivants et les âmes des animaux tués. C’était ainsi et cela serait toujours ainsi. Il n’y avait rien à croire, et c’était cela la réponse à tout. Empli de cette connaissance, Heq dansait et chantait. Il avait reçu la sagesse parce qu’il avait été silencieux dans le silence, parce qu’il avait habité la grande obscurité et s’était laissé envelopper par la solitude. C’était là son avenir. Etre seule parmi les hommes. Le son du tambour était le langage des esprits, le cognement du sang dans les veines. Il entendit le grondement de l’ours et sentit trembler les parois de la tente. Il fut soulevé vers le trou d’aération par les bruits de son esprit-assistant, flotta au-dessus du feu et vit d’en haut tous les visages terrorisés. Un sentiment d’humilité l’envahit. Il était le plus petit et le plus grand. Le plus fort et le plus faible, le plus courageux et le plus lâche. Il était tout, il faisait un avec les puissances du ciel et de la terre. »