Ô Cinéma, 2017

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En s'inspirant des monstres sacrés du cinéma d'auteur américain, les frères Safdie (qui m'étaient inconnus jusqu'ici) signent un jouissif polar labyrinthique, comme un rêve d'1h30 vécu sous drogues. Avec ses décors poisseux et son esthétique psychédélique, où se mêlent entre autres éclairage au néon et bande-son électronique, Good Time fait preuve d'une rare virtuosité dans sa mise en scène et ses choix scénaristiques alambiqués, révélant l'incontestable talent de Robert Pattinson. Sans en oublier l'histoire d'amour fraternelle que le film nous raconte, en sous-texte, finissant de nous achever pour de bon lors d'une séquence finale mémorable. Une œuvre d'une très grande créativité.

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Seulement parvenue cette année dans l’Hexagone, l’oeuvre mutante d’Anita Rocha da Silveira, jeune réalisatrice prometteuse, répond étrangement au buzz qu’a suscité Grave ces derniers mois. Jouant avec les codes du film de genre pour mieux les détourner, Mate-me por favor est un petit bijou étincelant qui aborde l’adolescence avec une frénésie pop, en constant décalage. À travers la tendre Bia, c’est toute la transition d’un monde qui se reflète : celui, d’abord, d’une jeunesse brésilienne en quête de repères, puis celui d’une ville dans l’entre-deux, faite de contrastes à la fois sociaux et architecturaux. En filmant ces jeunes filles en fleurs libérées de toute autorité, la cinéaste fait preuve d’un modernisme absolu, dissèque sa trame scénaristique jusqu’à atteindre une forme d’abstraction visuelle et sonore qui caresse, effleure les choses du bout des doigts. En résulte un teen movie hypnotique où pèse sans cesse une menace sourde et invisible, celle de la mort d’un âge révolu.

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/ cf critique

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En créant à la fois une fresque historique et une œuvre ultra-personnelle, Scorsese s'interroge sur sa foi, sur la foi ; et plus encore sur le silence de celle-ci. Avec une justesse implacable, il filme les paysages mystiques d'un Japon ancestral et déchiré, tout en flottements. Andrew Garfield, en martyr magnifique, porte sur ses épaules l'immense complexité du choc des croyances : empli d'humanité et de compassion malgré sa violence sourde, Silence est une prouesse qui nous laisse haletants jusqu'au bout, impuissants face aux forces impénétrables qui habitent l'Homme et le monde. Dépouillé d'artifices, dénué de musique, le long-métrage est littéralement extatique. Splendide.

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En choisissant d’adapter leur bande-dessinée au cinéma, les espagnols Alberto Vazquez et Pedro Rivero signent un diamant noir d’animation pour adultes, foisonnant de dessins primitifs et de styles graphiques entremêlés, où la détresse d’une jeunesse avide de liberté se confronte à l’horrifiante réalité d’une société en perdition, ravagée par une catastrophe nucléaire. Avec ses étranges animaux anthropomorphes, l’œuvre emprunte autant à la naïveté des contes pour enfants qu’à la patte stylistique d’un Tim Burton et développe alors un univers d’une incroyable densité, transformant le destin de quelques gamins en une aventure épique et bouleversante. En 1h20, de nombreux thèmes – souvent très durs – sont brassés avec pertinence, entre métaphore du passage à l’âge adulte et critique du fascisme. Les réalisateurs ne se privent de rien, pas même de la grande violence qui agite certaines scènes, qu’elle soit physique ou psychologique ; on comprend alors aisément pourquoi Psiconautas n’est pas un dessin-animé comme les autres…

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Le film de Kore-eda est un vent de fraîcheur dont les multiples thématiques, traitées en filigrane, semblent découler d'un ordre naturel et inévitable, le même qui conduira le typhon chez ses protagonistes. C'est précisément ce qui fait l'exemplarité de l'œuvre, sa capacité à conjuguer complexité et simplicité, à faire surgir d'un acte ou d'un dialogue une beauté pure qui émeut ou fait rire instinctivement. C'est un instant précieux que le spectateur est alors invité à vivre, le temps de deux heures à la fois extrêmement drôles et fatalement tragiques.

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Dans le même mouvement cinématographique, clinique et implacable, Garrel poursuit la trame qu’il a initié depuis quatre ans. En modernisant ce qui s’apparenterait presque à des contes moraux rohmériens, il réalise des œuvres atemporelles et assez uniques dans la production française d’aujourd’hui ; ici, rien n’échappe à la règle, et si ses derniers opus manquaient parfois de passion, celui-ci semble s’attarder davantage sur la psychologie de ses personnages – qui n’ont jamais été si intéressants. Quand bien même l’utilisation de la voix off dérange parfois, dans L’Amant d’un jour elle est utilisée avec parcimonie et précision, aux bons moments. S’y ajoute une photographie très soignée – sans aucun doute l’une des plus belles de cette année, dans un noir et blanc que l’on connaît bien désormais et qui sert intelligemment à son affirmation plastique. À mon humble avis, le meilleur de la trilogie.

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/ cf critique

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Une œuvre audacieuse, qui ne tombe dans aucun conformisme fade et s’assume totalement, entre douceur enfantine et action survitaminée – dont l’efficacité et l’énergie surpasse de loin la production hollywoodienne d’aujourd’hui. Une grande variété de thèmes essentiels y sont abordés frontalement, de façon volontairement exagérée et caricaturale ; mais l’exploit du film, c’est de toujours parvenir à imposer une forme de légèreté, au-delà de ses artifices et de ses gros sabots. Et si, parfois, on peut émettre quelques réserves (mise en scène un peu fourre-tout, Jake Gyllenhaal pas en grande forme), l’intelligence du propos et le charisme du monstre, le fameux Okja (qui n’est pas sans évoquer un certain Totoro, et dont les scènes partagées avec la jeune Mija sont les plus exceptionnelles) finissent par nous convaincre qu’effectivement, le bébé de Netflix est une véritable expérience de cinéma, aussi attendrissante qu’elle est désenchantée.

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Robin Campillo parvient ici à traiter d'un sujet grave avec une justesse exemplaire, s'attardant à la fois sur la communauté militante et sur l'intimité de certains de ses membres. Alors qu'on pourrait penser qu'il se contenterait de dépeindre grossièrement l'histoire d'Act Up, le réalisateur va au contraire s'aventurer dans des trajectoires plus complexes, conjuguant l'amour à la maladie dans une romance bouleversante de sensibilité et de sensualité, portée par deux jeunes acteurs remarquables. Du coup, on regrette presque la première partie du film, qui manque légèrement d'audace et de profondeur en comparaison.

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Song to Song se veut comme une expérience ultra-contemporaine qui, partant d’un scénario somme toute très classique (des amours qui s’entrecroisent), tente d’en tirer une vérité pure, d’en sonder l’âme et la conscience des personnages à travers le cinéma – et surtout à travers les visions de Malick, uniques dans leur mise en scène faite d’ondes diffractées, de flux continuels. Il y a précisément quelque chose de l’ordre du rêve dans cette forme de narration, entre caméra aérienne et discontinuité temporelle. Seulement voilà, si la forme est d’une grande force lyrique, ce qu’on nous raconte l’est beaucoup moins, entre deux concerts de Patti Smith et Iggy Pop, et l’émotion ne parvient pas à éclore véritablement face à ces figures constamment froides, dont on peine à adhérer aux états d’âme. Malgré tous ces défauts, et il faut quand même le répéter, cet objet est d’une grâce peu commune, indicible, en flottement constant, se nourrissant alors de l’extrême superficialité d’un monde pour en créer un autre, en peindre son œuvre.

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À déconseiller aux âmes sensibles, cette œuvre de Bruno Dumont en laissera sûrement une bonne partie sur le carreau. Pourtant, il s'agit bien d'une œuvre, aussi ultra-audacieuse et radicale soit-elle, qui traduit le texte de Péguy sans se priver de rien, dans un style qui rappelle souvent l'absurdité de Ma Loute et qui flirte avec le ridicule, sans jamais l'atteindre cela dit. Souvent drôle dans ses innombrables excès, le film parvient à faire cohabiter l'extrémité des styles, qu'ils soient textuels ou musicaux, dans une fresque perchée et rafraîchissante qu'il est difficile d'oublier.

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/ cf critique

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À travers un long-métrage mi-docu mi-fiction, ou ni l’un ni l’autre, le critique de cinéma est peut-être l’un des mieux placés pour se permettre d’interroger le destin de l’Amérique toute entière – et cela à travers le cinéma, en miroir de l’Histoire d’un pays passionnant et à l’orée d’une nouvelle ère, d’un nouveau siècle et de Trump. Jean-Baptiste Thoret a le mérite de ne jamais juger ce qu’il filme, de laisser les gens prendre la parole : « We blew it », comme le dit si bien Tobe Hooper dans un élan de désespoir – les USA ne sont plus que le vestige d’une gloire passée, d’une utopie foirée à travers laquelle se dessinent aujourd'hui des contrastes saisissants. Les scènes sont courtes, mais certaines sont d’une rare magnificence, jusqu’au fameux plan final qui, à lui seul, dit tout sans un mot.

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Bien sûr, il faut être amateur du travail de Lynch (au moins cinématographique) pour apprécier ce documentaire fort intéressant, et ce même si peu d'informations nous sont finalement dévoilées. D'abord c'est cet homme qui apparaît, tout feu tout flamme, au charisme démentiel, comme une bête sauvage qu'on aurait peur d'approcher.

Si le documentaire se concentre uniquement sur la vie pré-Eraserhead de Lynch, on l'aura bien compris, son intérêt n'est pas de parler de ses films ; au contraire, c'est de son œuvre plastique qu'il est question puisqu'il faut avant tout rappeler que le cinéaste se rêvait d'abord comme un peintre. Tandis qu'on le contemple, non sans émotion, évoluer dans son atelier en bazar, il conte certains détails de son enfance – puis son adolescence, pour arriver jusqu'à ses premières expériences de cinéma. Le mystère de l'homme est préservé jusqu'au bout, avec une pudeur presque sacrée, et c'est ce qui fait la force de ce Art Life – malgré tout, on ne peut s'empêcher d'en demander plus à la fin de la séance, comme un enfant qui réclamerait une autre boule de glace.

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Le film démarre comme un torrent musical un peu too-much, mais installe une rencontre crédible et amusante entre les deux protagonistes : la musique est là, dansée, chantée, sans en oublier de créer avant tout une œuvre de cinéma convaincante. Seulement voilà, il manque quelque chose à La La Land : l'émotion, la vraie. Quid de cette romance, aussitôt débutée qu'elle est expédiée ? Le temps n'est jamais pris pour la simplicité, pour l'amour : tout doit être clinquant et époustouflant, au risque de ne jamais faire d'étincelles. Heureusement, celle-ci apparaît dans ses scènes les plus pures, dans ce duo d'acteurs porté par un Gosling fascinant, dans ce dernier regard échangé, figeant temps et espace avant de s'évanouir à jamais.

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Il dure à peine 1h10 mais on pourrait en tirer beaucoup de choses, entre chronique libre sur l'enfance et étude sur la difficulté d'assimilation du corps. Son thème me parle mais ici, il est détourné (celle qui est stigmatisée transite vers la "norme") pour aboutir à un hybride entre moyen et long-métrage très intéressant, toujours juste et filmé avec sensibilité. De façon surprenante, The Fits va plus loin que son postulat de base, l'élève à un étrange essai sur la mutation du corps dans la danse, la perte de contrôle : et surtout, c'est son actrice principale au charisme époustouflant, à la force animale qui permet la réussite de ce premier film.

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On ne peut que remercier Jim Jarmusch d'avoir su (enfin) rendre hommage à ce qui est, sans aucun doute, l'un des plus grands groupes de rock de tous les temps (et l'un de mes chouchous) à travers un documentaire digne de ce nom. Si la tonalité graphique audacieuse, à la liberté punk et au mauvais goût assumé, est intéressante, on regrette une certaine linéarité classique dans le récit des Stooges, qui aurait mérité davantage d'entrain et de surprise.

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Si les quelques longueurs du film peuvent lasser (mais en vérité, elles sont nécessaires), la façon dont Littell dépeint le drame qui officie depuis 25 ans dans l'Ouganda est d'une grande fraîcheur. À tel point que les limites entre documentaire et fiction sont souvent brouillées lorsque le réalisateur filme les soldats d'aujourd'hui, lorsqu'il filme les aventures de trois amis liés par leurs souvenirs tragiques ; il fait de ses personnages des héros, ce qui permet à son œuvre d'explorer de nouvelles formes, de dépasser le stade du documentaire basique. On regrette des encarts textuels peut-être trop présents, mais Wrong Elements est définitivement une précieuse expérience de cinéma.

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Dans un noir et blanc très typé Nouvelle Vague, le film de Sang-soo se veut comme un conte rohmérien sur l’adultère, presque entièrement basé sur ses larges scènes de conversation. Avec son épure générale et son unique plage musicale (très belle), le métrage est bercé par une douce ambiance de mélancolie, à la fois grave et sereine, parfois sublimée au détour d’une scène impromptue. Porté par la grâce de l’actrice Kim Min-hee, il y manque sans doute quelque chose pour qu’on adhère totalement. Le tout semble trop statique, à l’exception de quelques fulgurances, et c’est avec un plaisir timide – mais certain – que l’on quitte les bureaux en bazar de Bongwan.

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C’est d’une grande générosité, ça foisonne de partout, dans tous les sens, et que c’est agréable de constater qu’il est encore possible de réaliser une sorte de blockbuster à la française, sans sacrifier sa liberté de création – défi relevé par Dupontel qui signe ici une œuvre complètement atypique, surtout aidée par une esthétique baroque aux relents grotesques, dont le fin travail artisanal (en commençant par cette galerie de masques surprenants) permet de contrebalancer la dose d’effets spéciaux avec brio. On se retrouve alors plongés, naïvement, dans ces folles histoires, on retourne littéralement en enfance et c’est précisément ce qui rend le film réussi, au-delà de tout le reste, malgré des scories ça et là (une surcharge de mouvements de caméra, un scénario légèrement trop comprimé) qui empêchent parfois l’émotion à force de trop plein. Cependant, le spectateur gagne nettement son compte (ou son conte) face à un objet d’une telle audace, d’une telle envie – à tel point qu’il semble difficile de lui reprocher davantage ses défauts.

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En voilà un sujet documentaire digne de ce nom, au potentiel cinématographique évident – Clément Cogitore, en moins d’une heure, tente de poser des questions universelles sur notre place dans l’univers et sur ce qu’est devenue notre civilisation – c’est louable, en partie réussi, mais on ne peut qu’être très frustré de la courte durée de l’œuvre qui, si elle touche parfois au sublime (les enfants dans le sable, la chasse à l’ours), n’a pas le temps de développer son propos en profondeur et s’embourbe dans un surplace (des histoires de voisinage agaçantes et interminables) qui la coupe dans son élan – et qui, malheureusement, laisse le spectateur sur sa faim.

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Quelle œuvre étonnante que ce faux biopic dédié à une femme, une vraie, extrêmement mystérieuse (que j’avoue très peu connaître), aussi exigeant avec lui-même qu’avec le spectateur. On sent qu’il y a quelque chose qui grouille, qui se déploie, qui va nous embarquer dans une sorte de trou noir filmique, même si Amalric prend toujours soin de nous guider (un peu trop, d’ailleurs) par des signes visuels, par le design sonore aussi. Balibar est Barbara, Barbara est Balibar, les deux ne feront d’ailleurs plus qu’une seule et même entité lors d’une sublime séquence au piano. Malgré tout, quelque chose ne se passe pas comme prévu. C’est peut-être trop systématique, avec ces perpétuelles reproductions d’images d’archives, trop sage, quand bien même de magnifiques parenthèses surviennent parfois – comme cette virée nocturne en camion, inattendue. Mais voilà un film contemporain qui, s’il n’est pas exempté de défauts, s’il est parfois décevant, reste cependant un intéressant essai cinématographique, à la fois sur le métier d’actrice et le mythe de l’artiste.

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C’est une mise en scène implacable, diablement chirurgicale, faite de plans fixes et de travellings étranges, qui nous empoigne dès les premières minutes. Tout est déjà joué, mais ce qui intéresse Zviaguintsev ne se situe pas dans la disparition d’un garçon ou les recherches qui en découleront. Aliocha est le fruit d’un amour pourri, invisible aux yeux de ses parents – et donc invisible aux yeux du reste du monde, de façon concrète. Les rapports humains, eux, seront étudiés comme on dissèque les bêtes, à travers la multiplicité des parois suffocantes (la fenêtre, les portes, le bureau) et des écrans modernes (smartphones, TV) comme autant d’obstacles à toute communication. Les parents ne seront, du reste, que des pantins un peu stupides, un peu suffisants dont le réalisateur s’acharnera à nous démontrer, tout le film durant, le perfide processus de remplacement qui s’opèrera dans l’indifférence – un enfant pour un autre, un amant pour un autre. Malgré cette splendeur formelle, on ne peut s’empêcher de regretter un certain manque d’audace, au-delà de la peinture sociale, qui aurait pu faire décoller l’œuvre – qui reste trop statique, trop terre-à-terre dans ses ambitions, finalement assez peu poétiques et dont le manque d’opacité des personnages, globalement, dessert quelque peu son propos.

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On reprochera ce qu’on veut au film, je trouve l’ambition de Nolan intéressante et particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit du film de guerre ; tenter d’en retranscrire la globalité, l’atmosphère, le patriotisme latent d’un seul et même geste, en éclatant tout principe de narration classique et en refusant toute attache émotionnelle vis-à-vis des personnages. Le but n’est pas de raconter la guerre par le prisme d’un homme mais bien d’en embrasser l’expérience dans sa totalité ; ce qui est plutôt réussi en l’occurrence, s’inscrivant dans une démarche novatrice en ce qui concerne le cinéma contemporain. Malheureusement, et de façon subjective, j’ai eu parfois du mal à m’impliquer dans cette fresque – qui compte plusieurs défauts, entre une bande-son maladroitement utilisée et certaines séquences qui contredisent le propos de l’œuvre (la mort du jeune anglais) voire qui sont carrément ratées (ces frappes aériennes où on se croirait dans un jeu-vidéo bas de gamme). Malgré tout, on ne peut que saluer la mise en scène globalement impeccable du film, clinique et rugueuse, entre sa géniale introduction et ses impressionnantes scènes maritimes, faisant de Dunkerque une œuvre historique tout à fait louable – mais qui ne m’a pas particulièrement enthousiasmé cela dit.

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Chronique sur la Chine contemporaine et rurale, Bitter Money est un documentaire aussi formellement exigent qu'il est essentiel, brassant le quotidien de quelques protagonistes entraînés dans un impitoyable engrenage urbain (sans aucun misérabilisme), faisant même émerger un parfum de fiction ça et là, dans quelques moments de flottement - cela dit, le film ne possède pas le charme mystique de Ta'ang l'année dernière et semble parfois se perdre dans la multiplicité de ses trames : tout est bien trop long, bien trop aride pour qu'on puisse s'y passionner d'un seul bloc.

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Un long-métrage ambitieux qui se veut comme un pamphlet anti-raciste (et donc, on l’aura compris, en opposition avec l’Amérique de Trump), d’ailleurs scénarisé par un journaliste (Mark Boal), le même qui aura scénarisé les deux derniers films de la réalisatrice. Alors oui, c’est plutôt prenant, intelligemment agencé – mais peut-être de façon trop convenue, confortable (on pose le contexte, on filme l’action puis les conséquences…), dans un rythme effréné, surtout traduit par un montage quasi-épileptique parfois, pertinent dans la longue séquence de huis clos, haletante et glaçante, mais qui aura malheureusement tendance à nous fatiguer puisque répété constamment, sans variantes, sans respirations, et c’est bien dommage. Cela dit, je trouve le récit à la fois ancré dans une réalité (aurait-il pu se passer de la même façon aujourd’hui ?), à travers la fine utilisation des images d’archives, et correctement mis en fiction – car c’est avant tout un film âpre, dur, qui parvient sans soucis à nous maintenir éveillés – et qui tente d’éveiller les consciences, pourquoi pas.