Oh Robert !

Annotation :

"Tout se déroulait et s'écoulait au même rythme. Une brume légère, une espérance enveloppaient tout. La connaissance des hommes allait de soi. En un clin d'oeil, chacun savait à peu près tout de l'autre, mais la vie intérieure restait un secret. L'âme se métamorphose sans cesse".

Voilà, tout Walser est là. Merveilleuse petite collection de textes écrits pour les journaux, prose atmosphérique, magique, toute douce et triste, d'une belle tristesse apaisée, que la joie vient consoler et nourrir tout à la fois. Ce balancement, cette simplicité, le ton volontairement candide parce que désespéré sans rien de tragique, c'est impondérable, mais moi ça me bouleverse, ça me berce, je peux lire ça en boucle, c'est comme les nuages, toujours pareil, toujours différent. Ça fait le bruit des pas dans la neige, discret chuintement, ça laisse une trace profonde, bien vite recouverte par les flocons qui tombent du ciel, et pourtant là à jamais.

"Le lac était en partie bleu et en parti gris obscur. Et dans l'air, cette chère et si agréable rumeur d'orage. Et cette douceur partout. J'aurais pu rester là des heures et me délecter de la vision du monde. Finalement, je m'en allais quand même"

Annotation :

Si Walser s’est fait connaitre très jeune par ses romans, la majeure partie de sa production est composée de courts récits et de chroniques publiés dans les journaux (plus de mille en l’occurrence), autant de textes éphémères qui ne furent réunis en volumes que très longtemps après la mort de l’auteur. Les 72 textes présentés ici représente l’intégralité da sa collaboration (principalement entre 1925 et 1933) avec le prestigieux Berliner Tagleblatt, auquel collaboraient également Döblin, Brecht, Hofmannsthal, Musil, Rilke, Zweig etc… Courts textes variés et comme écrits au fil de la plume, on y retrouve tout ce qui fait le charme et le mystère de la prose walserienne : un humour presque triste, un attention de chaque instant aux petits détails du quotidien, une attitude à la fois amusée et pourtant en retrait, et une vision décalée de l’existence qu’il traverse discrètement, comme un promeneur avide et passionné. Walser parvient à tisser avec son lecteur une relation très intime, faite de complicité et de surprise, il tient en haleine avec de petits rien, se confie, passe du coq à l’ane avec espièglerie, et jamais ne se prend au sérieux.

"Car on s'ennuie un peu pendant ce genre de voyages, qui durent vingt ou trente minutes, ou encore plus, et que fait-on, pour se procurer quelque distraction ? On regarde tout droit. Montrer par son regard et ses gestes que l'on se barbe un peu, cela procure un plaisir tout à fait remarquable. Tantôt on étudie le visage du contrôleur de service, tantôt on revient au simple regard droit dans le vide. N'est-ce pas joli ? Tantôt l'un, tantôt l'autre. Je dois le reconnaitre : pour ce qui est de regarder droit dans le vide, j'y ai déjà acquis une certaine perfection technique"