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On the row 2024
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58 livres
créée il y a environ 1 an · modifiée il y a 19 joursAnatole Bernolu a disparu (2024)
Sortie : 20 août 2024. Roman
livre de Pauline Toulet
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Il y a quelque chose de volontairement suranné dans l’écriture de Pauline Toulet, un décalage très France années 50, qu’elle assume sans non plus en faire un cheval de bataille. C’est plus de l’ordre du tremplin pour laisser sa plume plonger puis glisser entre les lignes, sans toutes les contraintes qu’apporte forcément le contemporain, quel qu’il soit. Mais là où la romancière est maligne, c’est qu’elle n’en profite pas pour exclure du tableau ce contemporain (ce qui en ferait une romancière exsangue au mieux, réactionnaire au pire) : elle en fait une toile de fond aux contours flous, à laquelle l’Anatole éponyme ne parvient en rien à s’adapter. Du coup, ou plutôt par contre coup, ses non-aventures dessinent en creux le portrait doux-amer d’une époque « en nappe » ou plus rien n’arrive vraiment, mais s’écoule avant de couler.
« Hum, répond-elle sur un ton blasé, les anthropologues, elle les connaît bien pour les voir régulièrement défiler dans son bureau. À force de les fréquenter, eux et leurs homologues des sciences molles, elle a établi une petite typologie qui jusqu’à présent n’a jamais été réfutée par les faits : ceux qui ont un problème avec la société deviennent sociologues ; ceux qui ont un problème avec les autres deviennent psychologues ; et ceux qui ont un problème avec la société et avec les autres deviennent anthropologues. »
Le Comte de Monte-Cristo (1844)
Sortie : 1844 (France). Roman, Aventures
livre de Alexandre Dumas
Chaiev a mis 10/10.
Annotation :
C’est sûr qu’un livre qui plait aussi bien à un lecteur ou une lectrice, de 10 ans, de 30, de 50 ou de 70, au XIXe aussi bien qu’ au XXIe, a quelque chose de foncièrement fascinant. On pourrait en conclure qu’il renferme quelque chose d’un peu magique qui parle à l’enfant qui reste en nous, mais en fait l’inverse doit pouvoir être tout aussi vrai : que cette histoire de vengeance et d’amour pétrifié fait vibrer une fibre intemporelle et sans âge. Edmond Dantès est sorti pour toujours de la compagnie des Hommes, le comte de Monte Cristo est purement et simplement un mort vivant, et le livre de Dumas est peut-être le premier roman de zombie, ce qui au moins serait à même d’expliquer la fascination trouble qu’il provoque depuis presque deux cent ans. Fascination de fait pour ce personnage qu’on ne peut s’empêcher à la fois d’envier et de plaindre : on aimerait tellement être lui tout en priant pour ne jamais devenir ce qu’il est devenu. Le temps l’a si violemment broyé qu’il n’a plus prise sur lui, et suivre son parcours c’est réaliser soudain que tous nos rêves de surpuissance ne sont que d'effroyables malédictions, qu’il endosse lui pour nous les éviter.
Et toutes ces années à me dire qu’il fallait m’y mettre et le lire, et toutes ces années qui sont passées sans que cela n' arrive. Grand bien m’en a fait, c’est qu’avant l’heure ce n’est pas l’heure et qu’après l’heure ce n’est plus l’heure, j’avais le temps, celui qui file et qui passe, celui qui est justement refusé à Edmond. Et grâce à cet étrange procrastination, j’ai même pu me payer le luxe de le lire sur neuf mois, en retrouvant donc le rythme originel du feuilleton, assis jour après jour sur les rochers qui font face au Chateau d’If, avec dans les oreilles et les cheveux le vent venant du nord, le vent fou qui jouait avec les pages en grandes rafales indomptées.
« Quant au comte, à mesure qu’il s’éloignait de Paris, une sérénité presque surhumaine semblait l’envelopper comme une auréole. On eût dit d’un exilé qui regagne sa patrie.
Bientôt Marseille, blanche, tiède, vivante ; Marseille, la sœur cadette de Tyr et de Carthage, et qui leur a succédé à l’empire de la Méditerranée ; Marseille toujours plus jeune à mesure qu’elle vieillit, apparut à leurs yeux. C’était pour tous deux des aspects féconds en souvenirs que cette tour ronde, ce fort Saint-Nicolas, cet hôtel de ville de Puget, ce port aux quais de brique où tous deux avaient joué enfants.
Aussi, d’un commun accord, s’arrêtèrent-ils tous deux
Il est des hommes qui se perdront toujours (2020)
Sortie : 5 mars 2020. Roman
livre de Emmanuelle Bayamack-Tam / Rebecca Lighieri
Chaiev a mis 5/10.
La Ville de plomb (1949)
Sortie : 1 janvier 1949. Roman
livre de Jean Meckert / Jean Amila
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
« Moi, je pensais qu’elle méritait quelqu’un de tellement mieux que moi, quelqu’un de bien, de solide, et qui ne soit pas de l’ignoble cohorte de ceux qui préfèrent une belle histoire, une belle idée, à la réalité… et qui racontent, et qui pérorent, qui mentent, trompent, embrigadent, chatouillent, endorment, et pleurent un jour comme des enfants perdus, trop lourds d’idées, trop faibles de valeur… Mon Dieu, épargne-moi la honte de devenir un Homme de lettres ; hideux individu qui raconte des histoires pendant qu’une fille perd son sang goutte à goutte ; immonde corporation qui rassure, titille et justifie les petits égoïsmes chauds, tandis que crève un monde !… Oh non ! Jamais !… Sauve-moi, grande fille ! Sauve-moi du rôle de spectateur ! Sauve-moi du miroitement des idées malaxées ! »
L'Escalier d'or (1922)
Sortie : 1922 (France). Roman
livre de Edmond Jaloux
Chaiev a mis 6/10.
Annotation :
«Je courais derrière Valère de siècle en siècle ! Une existence entière vouée à lire des vers, des romans, des mémoires historiques, semblait crever par places et laisser entrevoir de grands morceaux de rêves irréalisées, comme l’on découvre parfois, pris dans la vitrification d’un glacier, un cadavre qui y séjournait, intact, depuis des années.»
L’Assassinat de Joseph Kessel (2021)
Sortie : 20 août 2021. Roman
livre de Mikaël Hirsch
Chaiev a mis 6/10.
Cabane (2024)
Sortie : 21 août 2024. Roman
livre de Abel Quentin
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Sur les 250 premières pages, le livre est tellement brillammant mené qu’on se demanderait presque, si on avait le temps de penser entre deux chapitres si vite enchainés, pourquoi Quentin se donne la peine de romancer l’histoire du rapport Meadows (autrement dit The Limits to growth). Coqueterie d’auteur, prudence judiciaire ? Et puis quand le récit repart sur de toutes nouvelles bases, avec justement l’arrivée d’un narrateur journaliste, on comprend qu’à l’iverse des « Derniers jours du parti socialiste » le jeu entre fiction et réalité est ici mis en scène, réfléchi, et sert de pivot à la reflexion centrale de cette histoire qui se déroule sur cinquante ans : rater un embranchement est généralement une prérogative de personnage (qu’il soit réel ou fictionnel, dans le fond ça reste une anecdote) mais qu’arrive-t-il quand c’est une planète entière qui fait le mauvais choix ? Répondre à cette question par un roman plutôt que par une enquête, c’est en quelque sorte rendre à la tragédie sa dimension quasiment comique, en tout cas dérisoire et absurde. Ou dit autrement : seul les fous pensent pouvoir déménager une armoire en étant dedans...
"Vous êtes l'amour malheureux du Führer" (2024)
Sortie : 28 août 2024. Roman
livre de Jean-Noël Orengo
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Ouais, je sais avec un titre pareil, c’était pas gagné. C’est peut être justement pour jouer la carte de la bonne suprise que Orengo à fait un tel choix. Et Grasset de lui emboiter le pas avec une couverture comme peu auraient osé en 2024. Bref, toutes les bonnes raisons de ne pas ouvrir le livre (sur Hitler et sa garde rapprochée ? Encore?) et pourtant c’eut été dommage. Ça commence un peu comme un Eric Vuillard – frontières troubles entre fiction et document, précision du regard, dextérité de la plume – et puis assez vite le livre trouve ses ancrages personnels, son ton, son originalité. Car bien sûr au centre du livre il y a la figure hors norme de Speer, personnage pivot de IIIe Reich qui pourtant parviendra à échapper à la peine capitale et sortira après vingt ans de prison pratiquement blanchi aux yeux de ses contemporains, mais au lieu de s’enferrer dans les questionenements un peu convenus, l’auteur parvient à donner un relief bluffant à son texte en préférant multiplier les angles d’attaque, oser les digressions, empiler les couches et les paradoxes quitte à ne même pas chercher particulièrement des réponses et des conclusions qui eussent été par définition trop simplistes.
Des électeurs ordinaires (2024)
Enquête sur la normalisation de l'extrême droite
Sortie : 3 mai 2024 (France). Politique & économie, Sciences, Essai
livre de Félicien Faury
Chaiev a mis 9/10.
Aux armes de Cardiff (1926)
Sortie : 2000 (France). Roman
livre de Louis Brauquier
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Histoire un peu floue, mais il se dit à Marseille que Brauquier a servi de modèle au Marius de Pagnol. Celui-ci racontait surement ça juste par bête méchanceté gratuite, du genre coup de pied de l'âne, lui l'adulé quand ce pauvre Brauquier n'était connu de personne et passait sa vie tranquille, de poète et photographe, sur les bords ensoleillés de mers exotiques. L'un vivait et créait comme bon lui semblait, l'autre engrangeait l'argent et la notoriété. Bon, moi des deux j'ai choisi celui que j'aime bien, et qui disait sur l'autre : "« Il est à sa place avec Vincent Scotto‚ Alibert‚ Sardou et Tino Rossi pour l’exotisme – au centre de ce poncif marseillais ridicule et qui fait rire le reste de la France et dont j’ai horreur. Tout cela ne m’intéresse pas. ».
Soie (1996)
Seta
Sortie : 1997 (France). Roman
livre de Alessandro Baricco
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Apparemment je l'ai déjà lu, puisque je l'ai noté. Il faut dire qu'à l'époque tout le monde vous disait de le lire. Surement parce que ça fait 100 pages, et encore même pas puisqu'il a y 8 fois le même chapitre. En ce qui me concerne, non même trente ans après, ça ne fonctionne toujours pas sur moi, je trouve que ça ne sert à rien.
Les Derniers Jours du parti socialiste (2024)
Sortie : 19 août 2024 (France). Roman
livre de Aurélien Bellanger
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Bellanger me fait un peu l’impression d’être un skieur théorique, qui étudierait de loin les caractéristiques d’une horrible piste noire mais oublierait au moment de se lancer qu’il n’a plus de ligaments croisés à son genou gauche : bam la gamelle sensationnelle. Hmm, je ne sais pas vraiment ce que vaut ma métaphore, mais aussi après 500 pages d’une floutitude absolue (groosse journée de brouillard sur la station ce jour là) il y a de quoi manquer à son tour d’acuité. C’est fascinant ça d’ailleurs : plus le style de monsieur AB se veut acéré, et plus son fond, si brouillonnement touillé, est vaseux. On ne sait plus trop quoi penser en refermant ce pensum : le propos (la dérive d’une frange de la gauche française, enfin la gauche, disons d’une frange du parti socialiste, ce qui n’est plus trop la même chose depuis bien avant les analyses délicieuses de Terra Nova et les poétiques visées du Printemps républicain) est-il passionnant, déprimant, ou stérile ? Si j’en reviens à mes stems du début, le gros problème à mes yeux c’est que Bellanger se voudrait un moderne Balzac, mais qu’il n’a pour cela aucune technique valable à disposition dans sa petite sacoche d’écrivain. Faire de cette page déplorable de l’histoire politique française un récit serré et journalistique, ça passerait peut-être. Mais on ne peut pas se lancer dans une comédie humaine du XXIe avec un sens aussi réduit du romanesque ! Il n’y a dans tout ce magma répétitif aucune scène vivante, aucune intrigue en train de se développer sous nos yeux, aucun souffle, aucune subtilité. Juste des analyses amusantes mais mal étayées et des personnages qui ne sont que de ridicules marionnettes sans épaisseur et de sinistres minables qu’on était bien contents d’avoir soit perdu de vue, soit jamais connu ! On dirait en fait un « Profil d’une oeuvre » (très boursoufflé du coup) tentant de synthétiser une saga épique avec la précision d’un gasteropodologiste myope soudain sous le coup d’un terrible hoquet.
Les Jours de la peur (1974)
Le piste dell'attentato
Sortie : 10 mai 2024 (France). Policier
livre de Loriano Macchiavelli
Chaiev a mis 7/10.
L'Origine du capitalisme (2002)
Une étude approfondie
The Origin of Capitalism
Sortie : 16 octobre 2009 (France). Essai
livre de Ellen Meiksins-Wood
Chaiev a mis 8/10.
Le Protagoniste (1973)
l protagonista
Sortie : 2021 (France). Roman
livre de Luigi Malerba
Chaiev a mis 5/10.
Où l'on apprend le rôle joué par une épingle à cravate
Sortie : 2018 (France). Roman
livre de Juan José Millas
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Jolie petite surprise, même si Millias fait profil bas avec un récit qui ne cherche ni l’esbroufe ni les effets de manche, il a le bon goût d’oser une très bonne idée qui aurait tout pour tourner court (du simple fait d’ailleurs qu’il s’agit d’une très bonne idée) et qui pourtant se transforme en une fable touchante et amusante à la fois.
La Démocratie chez les abeilles
Un modèle de société
Sortie : 20 avril 2017 (France). Essai
livre de Thomas D. Seeley
Chaiev a mis 8/10.
Révolutions
Sortie : 11 octobre 2013 (France). Essai
livre de Vincent Lemire, Félix Chartreux et Mathilde Larrère
Chaiev a mis 7/10.
Le Secret de Caspar Jacobi (1983)
Il segreto di Caspar Jacobi
Sortie : avril 2008 (France). Roman
livre de Alberto Ongaro
Chaiev a mis 4/10.
La Fabrique du monstre
10 ans d'immersion dans les quartiers nord de Marseille, la zone la plus pauvre d'Europe
Sortie : 13 janvier 2016 (France). Essai
livre de Philippe Pujol
Chaiev a mis 5/10.
Le Serpent cosmique (1998)
L' ADN et les origines du savoir
Sortie : 1998 (États-Unis). Essai, Sciences, Culture & société
livre de Jeremy Narby
Chaiev a mis 6/10.
Le Goût de l'immortalité (2005)
Sortie : septembre 2005. Roman, Science-fiction
livre de Catherine Dufour
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Non seulement Dufour a beaucoup de cordes à son arc (imagination fertile, style délicieusement vénéneux, élégant pessimisme, goût des constructions narratives élaborées) mais de sucroit elle ne craint pas de retourner l’arme régulièrement pour en jouer comme d’une lyre, savamment désaccordée. C’est sûr qu’il pourrait y avoir quelque forfanterie à annoncer qu’on se voudrait une Yourcenar de la science fiction, mais en l’occurrence, Marguerite au fusil ou pas, c’est vrai que le mélange marche bien. Le futurisme est traité comme un motif de fond pour faire ressortir les silhouettes, en vue d’obtenir une sorte de décadentisme inversé, où cen’est pas le passé qu’on observe disparaître mais bien l’avenir qui fond et dégouline, et n’en finit pas d’apocalypser : Huysmans chez K. Dick, ou Baudelaire chez Volodine, en quelque sorte.
« Créer une histoire, c’est opposer des atmosphères. Raison pour laquelle j’ai incrusté d’immenses ruines nigérianes ou écossaises au cœur de lagons polynésiens, avec le succès que vous savez. On ne s’en lasse jamais : ces éléments hétérogènes produisent du rêve par simple friction. »
Marseille, une biographie (2013)
Sortie : 13 mars 2013. Récit
livre de François Thomazeau
Chaiev a mis 8/10.
Annotation :
Pour éviter de se lancer dans une énième histoire de Marseille qui déroulerait dans l’ordre les éternelles anecdotes sur les colons grecs, les guildes de marchands du Moyen Age, les comtes de Provence, le coup de force de Louis XIV, la Peste, les fédérés entonnant la Marseillaise, le boom du XIXe et les bandits des années 30, Thomazeau prend des chemins de traverse d’ordre narratif : il construit son bouquin par décalages et sursauts, comme une enquête à la saveur très particulière, une plongée à la première personne dans les non-dits et les zones d’ombres d’une ville vénéneuse et envoutante. Il ne s’agit pas tant d’un tableau générique que d’une radiographie de ce qui attire et repousse Thomazeau, qui trouve le ton juste pour se transformer en traqueur d’âme citadine.
« Parce que Marseille, finalement, te permet de ne pas choisir entre ton passé et ton présent, entre la France et l’outre-mer. Parce que tu peux à tout moment sauter dans un bateau et repartir. Au pays de tes ancêtres ou plus loin encore, pour une nouvelle vie, une nouvelle identité. En tout cas, c’est l’impression que donne la ville. Qu’on ne fait qu’y passer, qu’elle n’est jamais finie, toujours en mouvement, en chantier, elle-même en transit. En vérité, Marseille est déjà un bateau ! »
L'Imposture (2023)
The Fraud
Sortie : 16 mai 2024 (France). Roman
livre de Zadie Smith
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
L’Imposture du titre (un peu plus péjorative encore en anglais : the Fraud) est celle dont on accuse Sir Tichborne, qui clame être de retour 14 ans après un naufrage, là où d’autres l’accuse de n’être qu’Artur Orton, boucher parti tenter l’aventure en Australie. Procès réel qui passionna le Royaume-Uni dans les années 1860, et qui va servir à Zadie Smith de toile de fond pour tricoter sa propre imposture : celle qui consiste à écrire un vrai faux roman historique aujourd’hui, puisque pour redoubler les faux-semblants, elle choisit comme personnage une certaine Mrs Touchet, cousine, et amante, d’un certain William Ainsworth, qui a lui aussi réellement existé, et qui fut lui aussi un auteur de romans historiques aujourd’hui totalement oublié. Dans les thèmes donc, tout est fait pour accentuer le côté pastiche de l’oeuvre, et dans le style choisi également. Mais pour corser néanmoins un peu le jeu, l’autrice se permet un unique anachronisme romanesque : celui de raconter son histoire dans le désordre le plus total, comme pour bien souligner que le présent est la chose la moins temporelle du monde.
« Ils ignoraient tout ce qu’il avait vu, où il avait vécu. Mais peut-être, se dit Mrs Touchet, est-ce toujours le cas. Nous nous méprenons tous les uns sur les autres. L’ordre social n’est qu’un ensemble d’erreurs et de compromis. La concentration d’un mystère si grand qu’on ne parvient jamais à l’appréhender. « S’ils savaient ce que je sais, ils ressentiraient ce que je ressens ! » Pourtant, même après avoir vu derrière le voile qui sépare les gens, qu’il est difficile de garder en tête la vie des autres ! Car tout s’y oppose. À commencer par la vie. »
Le Sang de nos ennemis (2023)
Sortie : 8 février 2023. Roman, Policier
livre de Gérard Lecas
Chaiev a mis 7/10.
Annotation :
Lecas parvient plutôt pas mal à enchevêtrer son intrigue policière et la période troublée qu’il a choisie comme écrin : 1962, la fin de la guerre d’Algérie et les remous afférents notamment à Marseille. Les deux flics qui se partagent l’enquête ne peuvent pas être plus opposés : l’un est le fils d’un résistant communiste l’autre un barbouze membre du SAC, autant d’occasion d’aller un peu scruter là où l’histoire politico-policière de l’hexagone grince aux entournures. Le grand mérite de l’auteur, outre une savante connaissance de la période, étant de savoir traiter son sujet sans fioritures inutiles ou psychologie simpliste et déplacée (l’inverse d’Izzo, en somme). A l'os, efficace et instructif, c'est déjà pas mal.
Aliène (2024)
Sortie : 5 janvier 2024. Roman
livre de Phœbe Hadjimarkos Clarke
Chaiev a mis 5/10.
Annotation :
Y’a un petit coté œuf mollet : trop mou pour être un œuf dur mais trop dur pour être un œuf coque. Et c’est pour ça qu’en ce qui me concerne j’aime pas trop les œufs mollets (alors que les œufs pochés, qu’on ne peut réussir qu’avec un sacré coup de main, alors là oui, mais ne nous éloignons pas plus, restons concentrés).
Ici, c’est pas tant mou ou dur le problème, qu’original ou poncif. Tellement de tics narratifs et de lieux communs (les clones, la campagne violente, les hallucinations qui n’en sont peut être pas à moins que si mais non, la nympho de service, le pédé de service, la déshumanisation du monde moderne, la brume le matin c'est joli mais ça fout les boules un peu quand même, les violences policières, la drogue, le sexe, le rock’n roll, ah non le rock ‘n roll non) tellement donc, qu’on se désespère à toutes les pages d’avoir à se coltiner ça, mais d’un autre côté l’ambiance, quelques phrases, quelques traits chopés ici ou là font qu’on tient quand même. J’ai tenu, mais c’était long et d’une longueur franchement inutile (y’a des longueurs utiles, mais là pas). Je sais pas, par mini éclairs je me disais « tiens, est-ce qu’elle loucherait pas un peu du coté de Gombrowicz ? », ce qui serait une bonne chose, quitte à se prendre des modèles inatteignables, autant en choisir des chouettes. Mais en fait non, à l’arrivée on dirait plutôt du Houellebecq pimpé. Bref, si vous hésitez, perso je vous conseil un petit combo Le Grand Jeu (Minard) / Le Chasseur (Vuillard) / Défaite des maîtres et possesseurs (Message), des oeufs brouillés, et au lit.