Rattrapages littéraires 2017-2018

Annotation :

Le 17 novembre
Premier livre du premier défi, une des meilleures découvertes : un commencement en panache.

« Cyrano
A force de vous voir vous faire des amis
Et rire à ces amis dont vous avez des foules,
D’une bouche empruntée au derrière des poules !
J’aime raréfier sur mes pas les saluts,
Et m’écrire avec joie : un ennemi de plus !

Le Bret
Quelle aberration !

Cyrano
Eh bien ! oui, c’est mon vice.
Déplaire est mon plaisir, j’aime qu’on me haïsse.
Mon cher, si tu savais comme l’on marche mieux
Sous la pistolétade excitante des yeux !
Comme, sur les pourpoints, font d’amusantes tâches
Le fiel des envieux et la bave des lâches !
- Vous, la molle amitié dont vous vous entourez,
Ressemble à ces grands cols d’Italie, ajourés
Et flottants, dans lesquels votre cou s’effémine :
On y est plus à l’aise... et de moins haute mine,
Car le front n’ayant pas de maintien ni de loi,
S’abandonne à pencher dans tous les sens. Mais moi,
La Haine, chaque jour, me tuyaute et m’apprête
La fraise dont l’empois force à lever la tête ;
Chaque ennemi de plus est un nouveau godron
Qui m’ajoute une gêne, et m’ajoute un rayon :
Car, pareille en tous points à la fraise espagnole,
La Haine est un carcan, mais c’est une auréole ! »
Acte II, scène 8.

Annotation :

Le 20 novembre
Analyse et exposés partisans, excessifs, lumineux.

« La pratique de la composition littéraire à titre privé est permise depuis des "temps immémoriaux", comme le tricot, le crochet, etc. Elle occupe celui qui s’y livre et, tant qu’il la garde pour soi, elle ne nuit pas aux autres, ne transgresse pas la définition de la liberté qui figure dans la déclaration des Droits de l’Homme : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui." Ce qui, dans l’ensemble, est plutôt négatif et insatisfaisant. »
Chapitre "Pourquoi des livres ?" II

Annotation :

Le 21 novembre
Il y a beaucoup de nihilisme dans ce roman, mais ce n'est pas un nihilisme ontologique, "doctrinal", plutôt un nihilisme désabusé. Car Alain aurait voulu croire en quelque chose, en de grandes choses qui n'existent plus, mais auxquelles il veut quand même se rattacher au moins dans la pensée. J'ai bien l'impression qu'il se suicide faute de trouver une grande cause pour laquelle mourir. Et puis comme ça, au moins, on est maître de sa propre mort. Une formule synthétise tout le roman :

« Ca, bien sûr ; j’aimerais mieux mourir que crever. »

Annotation :

Le 25 novembre
Comme quoi, le fanatisme c'est comme les révolutionnaires : y en a pour tous les goûts.

« La crainte qui se peignait sur son visage le rendait suspect au populaire, qui croit volontiers que seuls les coupables ont peur de ses jugements, comme si la précipitation inconsidérée avec laquelle il les rend ne devait pas effrayer jusqu’aux plus innocents. »

Annotation :

Le 27 novembre
Parfois verbeux, souvent trop pessimiste, Richard Millet n'en a pas moins de bonnes intuitions, qu'il met ici en forme de pamphlet, qui a son intérêt, quoique revanchard et bilieux (à l'encontre du monde littéraire). Ce qui n'est pas nécessairement mauvais, mais ça apporte une lourdeur au propos que le style un peu fade et forcé, non truculent, de Millet, ne parvient pas à dépasser.
En bref, bof pour le style, mais y a de l'idée. Voyez plutôt :

« La postlittérature est un des accomplissements idéologico-ludiques de la mondialisation : elle actualise la décomposition d’une Europe dont la décadence est si bien entrée dans les esprits que celle-ci ne peut qu’avoir lieu en anglais, comme résignation anglophone à une fatalité historique dont le tragique vient de ce que nous ne sommes pas anglophones ou que nous ne nous résignons pas encore à le devenir, notre langue se trouvant à la limite du renoncement et de la créolisation : l’Europe, qu’elle soit économique ou géographique, n’est plus que l’ordure anglophone de notre culture ; et par anglophone, j’entends ici la résignation au pire, c’est-à-dire au plus petit dénominateur commun culturel qu’est la "communication" entre des peuples ayant renoncé à être eux-mêmes. »

Annotation :

En fait celui-ci : https://www.senscritique.com/bd/A_Game_Of_Thrones_Integrale/24388137