Résolutions littéraires 2022
C'est reparti pour un an. On va essayer de lire un peu plus quand même.
Edit : Raté...
21 livres
créée il y a presque 3 ans · modifiée il y a plus d’un anLa Fortune des Rougon (1871)
Sortie : 1871 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Voilà, je me commence enfin la saga des Rougon-Macquart.
Ce premier roman, dont le premier titre fut "Les Origines", est donc le tout début de la saga. L'écrivain présente la famille, et ses deux branches principales, qu'il compte étudier pendant 20 volumes : la branche légitime des Rougon, et celle bâtarde des Macquart, toutes deux nées d'une Adélaïde complètement névrosée, en proie aux crises de nerfs, qui infusera alors ses tares à ses descendants, sous plusieurs formes que, j'imagine, nous verrons se manifester au fil des tomes. "Une histoire naturelle et sociale sous le Second Empire", explique le sous-titre de la saga, il s'agira d'ancrer cette famille et ses agissements dans un contexte socio-politique bien précis, ce qui permet à Zola à la fois de livrer ses réflexions sur les événements politiques et de caractériser ses personnages en regard de ce qu'ils vivent. Ici, l'histoire de cette famille débute aux environs du coup d'Etat de 1851 par "le prince Louis", comme l'appellent encore les personnages, honni par l'auteur et ça se voit.
On y retrouve ce que Zola avait esquissé dans Thérèse Raquin, je veux dire la volonté d'étudier l'homme et son hérédité dans ce qu'il a de plus bassement organique : les nerfs, la bile, le sang, les fluides, les humeurs, en somme. Pas sûr qu'un chantre du progrès humain universel comme le fut ce bon vieux Emile apprécierait de voir comparée son approche à celle de la médecine médiévale... tout en s'en démarquant, c'est-à-dire en oubliant au passage de traiter ce qu'il y a en l'homme d'au-delà de la génétique. Pourquoi pas après tout. Mais j'ai l'impression qu'il n'y a aucune transcendance possible chez lui, le sordide domine largement la nature humaine, les quelques bontés se retrouvent systématiquement annihilées ou perverties par des intérêts divers.
Je trouve le style de Zola peu finaud, assez grossier même, exceptés de rares passages disséminés où l'approche naturaliste s'estompe au profit d'une ambition d'écrire de belles choses. Mais son vrai point fort, c'est l'élaboration d'une grande histoire, qui se déploie comme un arbre généalogique, justement, avec toutes ses branches, dans tous les sens, avec son lot de suspense, promettant beaucoup de péripéties à suivre. Même si tous les personnages sont haïssables. Après, ce n'est que le premier roman, je ne vais donc pas m'attarder outre mesure dessus et continuerai la saga avec plaisir malgré tout.
La Curée (1871)
Sortie : 1871 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Et voilà la suite, le deuxième roman de la saga. Le titre dit absolument tout du contenu : les personnages du livre, tous les arrivistes, les grands bourgeois et les nobles décadents du XIXème siècle parisien sont en pleine curée. La réussite du coup d'état de Napoléon III relance la vie politique, et surtout économique, de la capitale, et tout ce petit monde précédemment cité s'en donne à cœur joie pour s'arracher la part du gros gâteau que les travaux d'urbanisme laissent entrevoir. C'est dans ce Paris haussmannien qu'on suit les aventures d'Aristide Rougon (qui change de nom pour Saccard), l'un des fils de Pierre (perso principal du premier livre) venu rejoindre son frère Eugène. Spéculations, magouilles financières incroyables, sociabilité choisie, corruption et détournements de fonds publics seront ses armes pour amasser fortune colossale et donner de grandes soirées avec tout le gratin de la haute. De la "haute" financièrement parlant bien sûr, parce que moralement...
Au milieu de ce torrent de merde dorée, un amour naît. Renée, la belle et fantasque femme d'Aristide, s'éprend du fils de son mari, Maxime, "homme-femme" comme l'écrit Zola. Une relation répréhensible certes, mais qui présente les seuls moments purs du roman. C'est là que se développe quelque chose qui ressemble enfin à de la beauté, à quelque chose qui pourrait presque valoir la peine d'être vécu. Du moins, quand la relation est à son âge d'or, car toute bonne chose a une fin, Renée l'apprendra durement, elle qui n'a jamais pu concevoir la limite de sa volonté. Les toutes dernières pages, qui coïncident avec la désillusion de Renée, ont quelque chose de profondément poignant. Habituée au faste, à des appétits et des caprices assouvis en permanence, elle goûte à la finitude, retourne en son enfance et ses joies simples d'alors avec beaucoup de tristesse. Enfin ! un peu de nostalgie dans un roman de Zola. Çà et là, d'ailleurs, le vernis craque, et les spéculateurs professionnels revoient les maisons qu'ils ont connues, à la visite des futurs boulevards éventrés. Un peu d'humanité coule alors en eux.
Le roman de l'or et de la chair, annonce l'écrivain dans sa préface. Les deux mamelles du monde, peut-être. De son monde en tout cas, retranscrit avec un luxe de détails d'une science maîtrisée. Même si les passages descriptifs sont parfois longs, Zola est un grand narrateur, et toujours je l'imagine écrire des scénarios pour aujourd'hui. Je verrais bien la saga adaptée en série d'ailleurs.
Quentin Tarantino, le cinéma dans le sang (2021)
Sortie : 2 décembre 2021. Beau livre, Cinéma & télévision
livre de Denis Brusseaux et Marc Godin
Kavarma a mis 6/10.
Annotation :
On y apprend des secrets de tournages, des anecdotes, les auteurs reprennent et traitent (un peu superficiellement peut-être) la filmographie du cinéaste, entrecoupée d'interviews d'icelui et de petites choses comme des sélections des meilleures répliques de ses films, ou de métrages que lui-même recommande. On revient aussi sur sa propre vie, son enfance, sa réception des honneurs, sa carrière. C'est sympathique et le livre est rempli de belles photos issues des films, mais voilà quoi. Faut aimer le cinéaste, qui personnellement a été ma vraie porte d'entrée vers cet art, qu'il a d'ailleurs consciemment souvent détourné, plagié, recyclé, et de manière très assumée.
Aujourd'hui, j'ai peut-être moins d'amour que de fascination pour son cinéma je pense. Même si Pulp Fiction à jamais dans mon cœur, évidemment. Et puis on dira ce qu'on voudra, mais il reste un excellent dialoguiste.
Contes de la bécasse (1883)
Sortie : 1883 (France). Recueil de nouvelles
livre de Guy de Maupassant
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Une belle lecture, des contes qui, dans l'aspect sordide qu'ils peuvent parfois dégager, ont tout de même quelque chose de frais et de sain. De l'humour aussi, beaucoup, de l'humour paysan, de l'humour normand sans doute (presque tous les contes se passent en Normandie, terre natale de Maupassant), qui souligne d'autant plus le caractère d'anecdote vraie et authentique que revêtent ces petites histoires. Maupassant dépeint l'avarice, la gourmandise, l'amour de la picole, la peur de la mort, la lâcheté, tous ces sentiments communs que nous avons tous, et les remet en perspective, les enracine dans l'authenticité d'un moment. Frais et sain, je vous dis.
Bucoliques (-37)
Bucolica
Poésie
livre de Virgile
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
A la lecture de Virgile, on se rend vraiment compte d’à quel point le romantisme européen puise ses racines bien avant le XVIIIe siècle. Il y a une forme de plaisir à lire Virgile comme il y a un plaisir à boire l’eau fraîche de la fontaine du village. C’est simple et frais. C’est essentiel.
Nouveaux contes de la folie ordinaire (1972)
Erections, Ejaculations, Exhibitions and General Tales of Ordinary Madness
Sortie : 1978 (France). Recueil de nouvelles
livre de Charles Bukowski
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
J'aime moins m'étendre sur les lectures. Disons simplement qu'en ce moment les marottes de Bukowski, son style, et surtout son atmosphère très particulière de Tom Waits de la littérature, en plus cru et désabusé, me parlent beaucoup.
Les Racines du mal (1995)
Sortie : 21 avril 1995 (France). Roman
livre de Maurice G. Dantec
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Une histoire incroyable, ficelée au poil, presque sans longueurs malgré ses 750 pages et quelques. Plutôt haletant, Dantec a un vrai talent en terme de narration et de construction, qui mêle ésotérisme, tueurs en série, satanisme, science-fiction, sciences tout court, on le sent pointu et passionné par les thèmes qu’il aborde. La bibliographie qu’il donne laisse d’ailleurs à penser un grand éclectisme intellectuel, peut-être même trop grand.
J’allais dire qu’on se retrouve devant le sempiternel problème des auteurs de polar, du moins selon moi : le style. L’aspect littéraire du style est toujours mis de côté dans la littérature noire, on a l’impression de lire toujours les mêmes plumes et je trouve ça très dommage... mais ce n’est pas complètement le cas de Dantec, qui a par exemple un sens de la comparaison appréciable. Bref, c’est un très bon livre.
Dictionnaire des délicatesses du français contemporain (A-H) (2021)
Sortie : 2021 (France). Dictionnaire
livre de Renaud Camus
Kavarma a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Le principal intérêt de ce livre réside en ce qu’il est avant tout un livre de passionné, d’écrivain, d’amoureux de la langue française. Même si Camus s’y entend beaucoup en grammaire, syntaxe, histoire de la langue (et ça se voit, on apprend des tas de choses), ce n’est pas un livre technique, ou aussi peu qu’il est possible au vu du sujet. La thèse de l’auteur est en fait de réaffirmer et de démontrer que la langue est aussi divisée en niveaux de langue qui revêtent tous des connotations sociales. Selon lui, la parlure majoritaire d’une époque est conditionnée par la mainmise intellectuelle d’une certaine classe. Et aujourd’hui, nous parlons beaucoup, presque tous, comme des petits-bourgeois. Il est amusant de voir les journalistes, les politiciens et autres figures ou institutions officielles se voir corrigés, citations à l’appui, de leurs défauts de prononciation ou de syntaxe. Particulièrement France Culture en vérité.
Loin d’être le procès-verbal de l’époque moderne par un vieil écrivain élitiste planqué dans son château, comme on pourrait le penser, le livre est en fait un vrai terrain d’études, de réflexions, d’interrogations sur le parler contemporain et la langue classique. Il arrive à Camus d’apprécier certaines trouvailles contemporaines ou de les trouver plus logiques sémantiquement que le parler classique, le « bon usage » comme il dit, c’est à dire aristocratique ou bourgeois lettré des anciens temps, qui existe encore mais ne s’entend presque plus nulle part.
A réinventer sans comprendre, à se croire chacun son petit dieu à soi, à vivre dans cette époque à la fois très inculte et très arrogante, où la transmission des savoirs ne se fait plus que difficilement, on ne comprend plus que la langue est un ensemble de signes, une bibliothèque d’histoire et de sens à elle seule, voilà l’affirmation principale de Camus. Je suis pas toujours d’accord sur tout, mais j’aime que ce rôle d’observateur soit tenu, et bien tenu. Ce livre passionnant devrait figurer dans toutes les bibliographies d’école primaire, de collège et de lycée. Surtout quand on sait que c’est en premier lieu de l’Education nationale que proviennent ces maux.
Les Trois Mousquetaires (1844)
Sortie : 1844 (France). Roman, Aventures, Histoire
livre de Alexandre Dumas
Kavarma a mis 10/10.
Annotation :
Des trois mousquetaires Athos, Porthos et Aramis, et tout particulièrement de l'éclatant d'Artagnan, tous quatre ayant existé au XVIIe siècle, Dumas fait un mythe immortel, une grande aventure comme une véritable initiation de jeunesse. Génial, bien construit, drôle, aventureux, enflammé, plein de panache, le roman se lit si vite et si bien qu'il n'est que pur plaisir.
Rabelais, il a raté son coup (1994)
Sortie : 1994 (France). Entretien
livre de Louis-Ferdinand Céline
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Petite mise au point de l'énorme potentiel vulgaire, gouailleur, insolent de la langue française par l'un de ses plus grands représentants à propos d'un autre. Avant Rabelais, il y avait la littérature médiévale d'ailleurs qui le démontrait admirablement.
Six paradoxes à Madame la marquise de Navarre (1795)
Sortie : 1795 (France). Essai
livre de Joseph de Maistre
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Si on appréhende la lecture de Joseph de Maistre à cause de son aura austère et de sa réputation, comme c’est mon cas, on ferait bien de commencer par les Six paradoxes, comme je l’ai fait. C’est son premier ouvrage d’envergure, composé en fait de cinq paradoxes puisqu’il est inachevé, entre 1795 et 1808, publié pour la première fois à titre posthume en 1851, trente ans après sa mort.
Il faut commencer par ce livre parce qu’il nuance immédiatement tous les a prioris que l’on pourrait avoir sur Maistre : ses opinions sur le gouvernement des femmes, sur l’existence d’un Beau absolu délimité, sur la postérité d’une œuvre, etc., se trouvent assez éloignées de ce à quoi on s’attendrait de la part du chef de file intellectuel de la contre-révolution. Sur d’autres points, il s’attache à combattre les idées dominantes de son siècle, incarnées en premier lieu par Rousseau et Locke, en ce qu’elles font advenir un matérialisme philosophique si influent qu’il a permis entre autres la Révolution française. Madame la Marquise de Nav... (on ne connaît pas son nom, et ce n’est pas de Navarre) est un personnage qu’on ne connaît pas, et que Maistre a peut-être simplement inventé pour l’exercice de dialoguer avec une interlocutrice. On s’en fiche un peu à la vérité, dans tous les cas le ton badin de l’ouvrage est un choix heureux.
Maistre est un penseur déroutant, ses raisonnements virevoltent, pénètrent, sa culture énorme vient appuyer une pensée pleine d’espièglerie, et en même temps sérieuse et altière, qui s’amuse au paradoxe pour donner du relief aux choses, pour les faire apercevoir même parfois, ce qui à mon sens est plus une démarche d’écrivain à proprement dit que de penseur. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Maistre est encore lu aujourd’hui ?
Vingt ans après (1845)
Sortie : 1845 (France). Roman
livre de Alexandre Dumas
Kavarma a mis 10/10.
Annotation :
La suite des aventures des mousquetaires, encore plus riche en événements, plus complexe également, mais toujours autant de feu. Je vais tantôt commencer le troisième et dernier volet, un sacré morceau lui aussi.
Le Vicomte de Bragelonne (1848)
Sortie : 1848 (France). Roman
livre de Alexandre Dumas
Kavarma a mis 9/10.
Annotation :
Plus de 2500 pages pour conclure cette sublime trilogie, c’est peut-être un poil plus qu’il n’en faut. Il y a beaucoup de longueurs, on s’attarde beaucoup et longtemps sur les petites intrigues de cour à Fontainebleau, alors que Louis XIV commence enfin son règne émancipé de la tutelle du Mazarin. C’est la partie où l’on voit le moins les mousquetaires.
Cela dit, on les voit tout de même, ainsi que Raoul de Bragelonne bien sûr, le jeune homme (trop) bon et (trop) pur, tellement protégé par nos quatre héros qu’il se laisse manger par la vie. C’est un roman touchant par la rupture qu’il fait voir avec les années passées. Dix ans après le deuxième tome et trente ans après le premier, les quatre mousquetaires ont vieilli, mûri, se sont affermis (Aramis), plus ou moins adaptés (Porthos), résignés (d’Artagnan) ou bien l’inverse, se sont retirés du monde (Athos). Le roman présente toujours quelques grandes aventures, comme la restauration de Charles II ou l’intrigue du Masque de fer, en passant par les leçons de morale inculquées au jeune roi, mais dans l’ensemble c’est un grand désenchantement qui enveloppe nos héros et qui signe la fin d’une immense trilogie. C’est aussi des trois le roman le plus personnel de Dumas, et ça se voit.
Le Ventre de Paris (1873)
Sortie : 1873 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Je reprends le cycle des Rougon-Macquart, que j'avais suspendu, avec le troisième tome. Après la vie en province de la Fortune des Rougon et la ruée vers l'or de la Curée, place au commerce parisien des grandes Halles fraîchement construites, ce "Ventre de Paris" où tout abonde, gens, senteurs, mangeaille en tout genre. Et ici Zola se dépasse en descriptions, qui forment deux bons tiers du roman, mais cette fois je les ai trouvées à propos, et je crois qu'elles sont même le corps du roman : la peinture des étalages de charcuterie, de poissonnerie, de légumes sont élaborées et ont même quelque chose d'érotique, et ce n'est pas l'identification aux personnages féminins qui tiennent les stands qui me fera mentir, entre les belles et grasses gorges et les visages rouges de sueur et de bonne bouffe. Erotique certes, mais accumulées, dont l'abondance donne aussi un certain haut-le-cœur.
La ripaille et le gras pour montrer l'embourgeoisement des honnêtes gens sous l'Empire, voilà le sujet de ce volume. Comme à son habitude, Zola décrit avec beaucoup de précision et, il faut le dire, peu d'amour, les caractères de ses personnages, tous plus bas les uns que les autres, chacun à sa manière. La mademoiselle Saget, vieille fille commère et manipulatrice, la belle Normande et sa mère, le vaniteux Gavard qui se fait cambrioler honteusement par sa nièce et sa cousine, etc. Bien sûr, dans un tel environnement, pas de place pour les rêveurs de la politique. Les deux seuls pour qui Zola semble avoir un peu de tendresse semblent être Florent, le personnage principal (ancien galérien, revenu du bagne de Cayenne et complètement amaigri), et Claude Lantier, l'artiste lunaire qui a même l'air d'être le porte-parole de Zola dans le roman. Ses derniers mots semblent être ceux de l'auteur : "Quels gredins que les honnêtes gens !" Le talent zolien pour les descriptions se retrouve aussi dans celle qu'il donne des aventures de Florent revenu du bagne et essayant de retrouver son chemin dans la jungle de la Guyane hollandaise, descriptions qui ont un petit quelque chose de lovecraftien avant l'heure. En somme, j'ai l'impression que pour Zola, il n'y a pas vraiment de tendresse pour le petit peuple dont le destin se résumerait pour lui aux mot de Charvet : "Il faut 10 ans de dictature révolutionnaire au peuple pour lui apprendre à bien se comporter".
La Conquête de Plassans (1874)
Sortie : 1874 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Quatrième volume du cycle, on renoue avec la vie en province, dans la petite ville de Plassans déjà peinte dans le premier volume, mais aussi avec un sens aigu de l'intrigue et de la construction narrative.
Les héros de l'histoire forment un trio. François Mouret, fils d'Ursule Macquart et neveu d'Antoine (frère et sœur bâtards de Pierre Rougon), est marié à sa cousine Marthe Rougon, fille de Pierre et Félicité, le couple principal de la Fortune. Le ménage est revenu de Marseille pour établir sa retraite d'ancien commerçant à Plassans, la ville de son enfance, et tout n'allait pas trop mal avant que l'abbé Faujas débarque, l'élément perturbateur dans le trio. Envoyé comme agent de l'Empire par Eugène Rougon (frère de Marthe et ministre de Napoléon III), sa mission est de conquérir la ville. Il y parviendra de manière très intelligente, par des tactiques dignes d'un grand politicien, tout en devant gérer sa propre famille, les Trouche, qui débarquent comme des parasites. L'abbé, sa mère, sa sœur et son beau-frère, à eux tous, ne conquièrent pas que Plassans mais la vie même d'un gentil couple sans histoire.
De manière générale, c'est un roman anticlérical, Zola détestant les accointances entre la religion et le pouvoir, fruit idéologique de son époque et de ses opinions personnelles. Mais la satire du clergé est doublée d'un roman sur la folie, l'un des thèmes principaux de tout le cycle. Folie qui provient d'Adélaïde Fouque, la tante Dide, matrice originelle des deux branches rivales et la source primitive de cette famille "fêlée". Elle-même folle, ses tares se transmettent de manière plus ou moins diffuse à tous ses descendants. Et donc, à François et Marthe, dont le dénouement est d'un poignant qui prend vraiment au cœur.
Je mentionne aussi la bonne de la famille, Rose, au début sympathique mais que j'avais envie de baffer pendant tout le reste du livre.
La Faute de l'abbé Mouret (1875)
Sortie : 1875 (France). Roman
livre de Émile Zola
Kavarma a mis 6/10.
Annotation :
Note à soi-même : ne pas enchaîner plus de deux Zola à l’avenir.
Le petit Serge, fils de Marthe Rougon et de Mouret, a grandi. Vers la fin du dernier tome, il manifeste son désir d'entrer dans les ordres, et dans ce cinquième opus le voilà devenu l'abbé Mouret. Zola découpe le roman en trois parties, la première présente le personnage et sa ferveur de saint juvénile, presque naïf. Jeune homme de 25 ans qui n'a encore absolument rien connu de la vie, sa foi apparaît comme étant pure par nature, et même par défaut, en témoigne son culte particulier pour la Vierge, matrice de tout ce qui le touche le plus profondément. La facilité de la foi et de la pureté pour un tel profil est soulignée, et s’ébranle lorsque l'abbé fait la rencontre d'Albine.
Albine, c'est l'enfant sauvage par excellence, d'où la vie exsude, la passion des éléments, l'amour de la nature en tant que force primordiale. La deuxième partie prend place dans l’immense jardin du Paradou où Serge vient guérir d’une transe particulièrement sévère. C’est l’occasion d’un festival de couleurs et de parfums, et Zola dans toutes ces descriptions tente de construire une bulle hors de tout. La création de cette cosmogonie resserrée est le terrain de déniaisement du jeune Serge, qui finit par fauter : célébration de la vie dans son romantisme le plus pastoral, opposée à la mort intérieure que représente le statut de clerc. Mais les états d'âme reviennent lorsque s'ouvre une brèche dans l'un des murs du Paradou.
La dernière partie consacre la lutte intérieure de l'abbé entre le soleil du monde et l'obscurité de son église de village, entre la vie et la mort. Il faut alors se rappeler le début du cycle et faire le lien avec l’aïeule Adélaïde, la vieille tante dont la folie se décante chez ses descendants en prenant différentes ramifications. A ce titre, la foi de l’abbé Mouret n’a rien à voir avec la foi de l’abbé Faujas, au précédent tome. Elle est vue comme un prolongement de la personnalité de Serge, une sorte de neurasthénie, une névrose qui n’existe que pour répondre à ses angoisses de l’inconnu, à ce foisonnement de la vie dont le caractère de fécondité est assimilé à l’ordure et au mal. C’est l’autre facette de son amour, certes véritable, de Dieu. Roman intéressant mais la 2e partie manque cruellement de poésie avec cette accumulation de descriptions fastidieuses bien trop longues.
Considérations sur la France (1796)
Sortie : 1796 (France). Essai, Histoire
livre de Joseph de Maistre
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Joseph de Maistre est vraiment quelqu'un de passionnant à lire. Il manie la plume avec une verve et un sens du bon mot qui réjouissent. Mais au-delà de ça, Maistre est aussi un grand penseur, à mon sens. Il a une manière de raisonner à la fois très logique, rationnelle, mais aussi quelque chose de plus, un grain d'abstraction, c'est à dire une once de désirs personnels et de croyances profondes qui le font suivre des chemins et atterrir sur des conclusions déroutants. Sa critique très argumentée de la Révolution est flamboyante de causticité, et sa colère réelle lui donne du piquant.
Critique déjà amorcée dans les Six paradoxes, Maistre creuse sa propre réflexion sur ce sujet et la nourrit de perspectives historicistes et eschatologiques fort passionnantes, et j'aime beaucoup sa façon de se référer à l'expérience de l'histoire en matière de réflexion politique. Sa culture en ce domaine, ainsi que dans celui du droit et de la religion, lui permet des développements clairvoyants et assez éclairants. Etant lui-même magistrat et admirateur des institutions anglaises, il voyait en réalité d'un bon œil le mouvement révolutionnaire au début, avant de comprendre son idéologie profonde et avant qu'elle ne dégénère en bain de sang et en dictature. Entré tôt en franc-maçonnerie, Maistre est nourri d'ésotérisme et très influencé par les idéaux modernes de cette contre-société, et promouvait une réforme de la monarchie, se déclarait contre son absolutisme et les "années noires du Moyen-Âge"... tout en restant très catholique. Maistre entrevoit une fin du monde où chaque homme serait unifié dans le grand Tout, convoquant un Être suprême qui n'a bizarrement pas Dieu pour nom. Un christianisme ésotérique et maçon donc, qui pour le coup me parle très peu, et qui a l'air de préfigurer certaines dérives contemporaines. Sa défense des préjugés naturels ou de la tradition politique et culturelle des peuples est en revanche percutante. Déroutant vous disais-je, et un réactionnaire peu commun. Peut-être que je le relirai un jour et en ferai une critique détaillée.
Arsène Lupin, gentleman cambrioleur (1907)
Sortie : 1907 (France). Recueil de nouvelles, Policier
livre de Maurice Leblanc
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Le Sherlock Holmes français avec moins de moralité et plus d'espièglerie. Arsène Lupin c'est LE personnage fictif devenu légende par excellence, avec Sherlock Holmes justement, et pas pour rien. Les neuf nouvelles de ce recueil sont autant de trésors d'ingéniosité et de mystère de la part du cambrioleur, on sent bien l'époque à laquelle Maurice Leblanc les a écrites. Tout transpire la Belle Epoque, de la fascination pour la mécanique à la vision romantique de ce vent de liberté qu'incarne la figure du hors-la-loi, vision héritée du XIXe, en passant par le caractère élégant, spirituel, séducteur et insaisissable du protagoniste. L'aspect criminel reste d'ailleurs naïf, dans le bon sens du terme, car Lupin ne tue pas, ne vole que les riches, et rend même parfois ce qu'il vole juste pour s'amuser. Comme sa montre à Herlock Sholmes par exemple, ce qui était savoureux.
Arsène Lupin, c'est l'homme qui peut tout faire, qui peut être tout le monde, personne, et résolument lui-même en même temps dans une époque qui se modernise et sclérose de plus en plus l'individualité. Lupin c'est le rêve d'un petit bourgeois des années 1900 qui tombe sur ces nouvelles, qui les dévore avec le petit frisson du crime dans le dos mais qui ne peut s'empêcher d'admirer et d'envier tout ce qu'il représente.
Le coup du père François (1963)
Sortie : 1963 (France). Roman
livre de Frédéric Dard et San-Antonio
Kavarma a mis 7/10.
Annotation :
Le mois de décembre est arrivé, c'est donc le moment pour le bon vieux San-Antonio annuel.
Dans celui-ci c'est une histoire de complot qui met tout le roman à se résoudre, tout tourne autour du consulat "alabanien" qui remue pas mal, des balles perdues, des disparus, des mystères dans tous les coins.
Mais il y a aussi des moments émouvants : l'intrigue commence par exemple par la retombée en enfance de notre héros, quand son vieux prof de français l'appelle au téléphone on le voit qui se remémore son enfance. Ou encore quand sa bonne mère Félicie est si heureuse de voir son fils passer une journée à la maison, et que voyant ça San-A s'attendrit. Faut dire qu'en général il est plutôt occupé à tuer des gonzes, résoudre des mystères, trousser des bonnes ou se faire capturer dans des caves par des Allemands, forcément ça laisse moins de temps pour s'envoyer des filets de sole en peignoir sous le regard attendri de maman. On n'a pas tout ce qu'on veut dans la vie.
Bérurier au sérail (1964)
Sortie : 1964 (France). Roman
livre de Frédéric Dard
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Et puis un deuxième, parce qu’y a pas de raison. En ces temps neigeux, je prends la route pour le Kelsaltan où San Antonio va jouer les sauveurs du désert. Le topo est corsé : deux agents secrets français y ont été capturés par l’émir Obolan et des micro-films ont disparus. Oui c’est cliché. Oui on s’en fout. Et même si c’est pas pour les histoires qu’on lit San Antonio, celle là est vraiment haletante en plus, ça fait penser à une histoire de Tintin. Nos héros risquent le pal et la castration à chaque tournant, et se permettent en passant de piocher dans le sérail de l’émir, parce qu’il faut bien. Nos héros c’est à dire le trio de choc composé du commissaire, du gros Béru et de la Pinuche, le vieux sac qui a tellement de cordes à son arc qu’on se demande comment il arrive à tirer droit... mais il y arrive.
Mea Culpa (1936)
Sortie : 28 décembre 1936. Essai
livre de Louis-Ferdinand Céline
Kavarma a mis 8/10.
Annotation :
Pamphlet antibourgeois d'une grande verve, antimatérialiste et donc, forcément, anticommuniste. J'ai lu quelque part que toute la pensée de Céline était déjà en germe dans ce court texte, et je dois dire que c'est assez vrai. On perçoit déjà tout le paradoxe célinien, le misanthrope amoureux de l'humanité, l'élitiste philanthrope, le socialiste un peu fasciste, l'anarchiste de droite, en somme. La double influence de Pascal et du naturalisme s'étale brut pour montrer un écrivain qui a plongé dans les entrailles de l'homme et qui en est ressorti pour nous exposer toute sa nature profonde. Le grand tabou existentiel de la mort continue, la grande disparition, et toute innovation est un sursis. Et toujours, pour étriller le bourgeois, cette gouaille inimitable, ces exclamations qui jaillissent comme des vérités révélées !