Samuel Fuller - Vus & Annotations
Films vus : 4 - Annotations : 3
4 films
créée il y a environ 1 an · modifiée il y a 10 moisLe Port de la drogue (1953)
Pickup on South Street
1 h 20 min. Sortie : 7 avril 1961 (France). Film noir
Film de Samuel Fuller
Annotation :
Fuller catapulte les clichés du film noir pour en retenir les principaux éléments et réalise un polar urbain à la nervosité sans fioriture, aux éclairs baroques, au lyrisme rigoureux et à la brutalité sèche. Le pickpocket ayant volé, sans le vouloir, un microfilm communiste que l’Etat américain recherche est le prétexte à une course contre la montre au rythme vif et au découpage sec. L’auteur filme des héros crus à contre-courant du modèle hollywoodien, car ils appartiennent à une communauté de marginaux peu fréquentable et qui pense à son propre intérêt, mais attachante, car à la solde de personne. Ce sont des rebuts imprévisibles et individualistes avec un code d’honneur et un zeste d’intégrité solidaire, mettant en avant un art du paradoxe, de l’intensité et du chaos chez Fuller, comme le démontre la relation sensuellement pulsionnelle et vénéneusement séduisante entre ce petit malfrat cynique et insolent et une prostituée au regard félin et érotique. Par conséquent, cet objet électrisant, violemment désabusé et passionnément cogneur est une œuvre tendue faite de confusion dans les repères moraux et d’éthique paradoxale, mais qui sous sa tenace noirceur cache une noblesse d’âme avec un souci de réalisme social.
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Inspiré par la néo-réalisme italien, l’auteur accorde une forte importance aux décors (pourtant, c’est un New York reconstitué.) en filmant les bas-fonds de la ville avec ses docks, ses ponts, sa faune et ses métros plongés dans la nuit et dans un noir et blanc contrasté. On le voit dans cette cabane de bois hors de la ville où habite Skip, de laquelle le cinéaste exploite toutes les issues et cachettes. Il définit bien la dimension hors-la-loi, anarchiste et déclassé de son personnage dans un double jeu social constant. Il faut savoir aussi que Fuller était journaliste pour la nécrologie et les affaires de meurtres, d’où son envie de montrer la crasse urbaine d’un New York paupérisé en mettant l’accent plus sur les faits divers que sur l’idéologie qui imprègne cette guerre froide où l'Amérique devient véreuse et manipulatrice, rendant plus sincère ses anti-héros délaissés.
Quarante tueurs (1957)
Forty Guns
1 h 19 min. Sortie : 26 juillet 1967 (France). Western
Film de Samuel Fuller
Annotation :
Dans une durée compressée et concis, Fuller offre un western sec et surprenant sur fond de guerre des sexes avec cet homme de loi qui tente de remettre de l’ordre dans une ville dominée par une self-made-women impitoyablement fatale et indomptable. La rivalité homme/femme permet d’offrir une dualité entre la violence et l’amour, la cruauté et la passion, la brutalité et la tendresse, le despotisme et l’exaltation sentimentale, la mélancolie bucolique et la fureur divine, un amour physique en somme où les émotions incontrôlables lutte avec la raison, à l’instar du couple se battant contre une tempête pour ensuite s’enlacer. L’économie de ce récit n’enlève pas la densité du sujet que l’auteur rythme sans temps morts et rigoureusement, avec des ruptures de ton et une maîtrise virtuose de la mise en scène. La fulgurance efficace et les effets fantasques de celle-ci donnent une modernité baroque faisant une remise à plat du genre, tout en gardant une forme classique. En marge de la conformité, le cinéaste met à mal la virilité traditionnelle du genre en s’appuyant sur la fascination perverse que l’Amérique a pour les armes, d’où les allusions sexuelles, les jeux de mots licencieux puis les situations et les dialogues à double sens.
Les Bas-fonds new-yorkais (1961)
Underworld USA
1 h 39 min. Sortie : 2 août 1961 (France). Policier, Drame, Thriller
Film de Samuel Fuller
Annotation :
Tolly est le pur héros fullerien : animal antisocial, anarchiste romantique, aucun patriotisme, motivé par l’appât du profit, triste marginal des bas-fonds et détermination sans faille. C’est son histoire de vengeance shakespearienne que nous raconte le film, doublé d’une croisade rageuse contre le syndicat du crime, synonyme des puissances cachées d’une Amérique gangrénée par la corruption, se cachant derrière une façade triomphante et respectable. Le cinéaste décrit une nouvelle ère du grand banditisme, des criminels semblable à des entrepreneurs capitalistes. Cette pègre sadique, faussement propre sur elle, s’oppose à la grande gueule cicatrisée de Tolly parlant avec sa sincère gouaille, sa majestueuse vulgarité et ses coups. Mais le pessimisme implacable de Fuller conduit inéluctablement le héros à un destin tragique et dans une mort "À bout de souffle", car pour le personnage, venger son père, est une façon d’effacer la couardise de celui-ci. Sa quête est ainsi dérisoire et son humanité sacrifiée, malgré son foyer de substitution lui voulant du bien. La désillusion est cynique dans ce film noir à la violence sanglante, d’une amère ironie et d'une réalisation incisive qui ne nous épargne rien de ce qu’il nous cache.