Sur la route de Memphis.

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Aller aux Sun Studios, se mettre sur les "X" matérialisant au sol la position d'Elvis lors des sessions, puis écouter sur les enceintes d'époque "That's allright Mama" est une expérience certes fétichiste (mais moins que Bob Dylan qui, lui, a embrassé les "X") mais surtout vertigineuse : comment aurait évolué la musique populaire des 60 années suivantes sans ces morceaux ?

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Trois ans avant le disque ci-dessus, Jackie Brenston et Ike Turner (oui, le futur mari de Tina) enregistraient le tout premier morceau rock'n'roll de l'histoire.
Première utilisation (certes involontaire) de la distortion à la guitare, piano épileptique, batterie au son de poubelle, chant dégénéré : tout est déjà là.

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Gospel aérien + blues mélancolique : une combinaison éminemment subtile pour un album qui met à jour un paradoxe inédit : la douceur des tortures sentimentales. Grâce à la voix de Al, entre murmures et cris discrets, mais aussi (surtout ?) grâce à une rythmique aussi caressante qu'hypnotique.

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Entre rock quasi-zeppelinien irrésistible ("In the Street"), ballades parfaites ("I'll try again", et "Thirteen", la plus belle chanson du monde), quelques touches subliminales de Stax (je n'ai jamais été d'accord avec ceux qui estiment qu'il n'y a aucune influence soul chez Big Star), tout cela illuminé par des harmonies vocales californiennes (Byrds, Beach Boys) une merveille inépuisable, un sommet de classicisme à la sensibilité unique. Numéro un de la catégorie "Géants aux pieds d'argile".

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Camarades de label de Big Star sur Ardent Records, ils ont connu le même destin, en pire : un seul album, la fermeture du label, le néant critique et commercial. Dommage, car, même si (très) loin d'atteindre la qualité de Big Star (on serait plus proche d'un Bread avec une influence "rock sudiste" assez nette par moments, ce qui n'est pas désagréable), ce disque présente une power-pop digne d'écoute, notamment le single "Feel Alright".

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"The most popular female country blues singer of all time". Lizzie Douglas, chanteuse, guitariste et compositrice, reste encore trop méconnue à mon goût. Première guitare-héroïne de l'histoire, cette pionnière qui était aussi une dure à cuire fière de son indépendance (on dit qu'elle maniait le couteau aussi bien que la guitare, et elle mâchait du tabac même en chantant) avait un style passionné, puissant, truculent et élaboré en même temps, qui influença le blues de Chicago. A écouter : When the Levee Breaks (volé, pardon adapté, par Led Zeppelin), Bumble Bee Blues, Me and My Chauffeur Blues, If You See My Rooster...

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Peut-être bien le premier punk du rock... "The killer" est en effet outrancier, déglingué, violent, provocateur, excessif (et son père, qui se trimbalait avec lui était pire !)... Sa musique incendiaire et son jeu de piano épileptique n'ont pas pris une ride. Et il est toujours vivant !!

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Les frères Dorsey (qui enfants vivaient sous une tente à Memphis car leurs parents étaient trop pauvres pour louer une maison...) et leur acolyte le guitariste Paul Burlinson ont enregistré en 1956 ce qui est pour moi le meilleur single de rockabilly de tous les temps (voire le plus violent) : Train Kept A'Rollin / Honey Hush (morceaux lardés de fuzz, une première mondiale). Electrifiant.

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La créatrice du classique "I Can't Stand the Rain" est sûrement la meilleure ambassadrice de la "Deep southern soul", cette soul sudiste gorgée de gospel, blues, country et rock'n'roll. Sa voix unique, pleine de "grit" (traduction : "cran, courage" mais aussi "gravillons"), capable de faire des méandres entre rage et douceur fait des merveilles. Surtout entourée de l'écrin de la production de Willie Mitchell, le boss de HI records.

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Le loup des steppes (et le Sophocle) du blues. Chester Burnett était un monstre aussi bien physiquement (il chaussait du 53 et mesurait 1,92 m pour 124 kg) qu'artistiquement. Probablement mon musicien de blues urbain favori (avec Slim Harpo), il incarnait un blues répétitif, ultra saturé, intense, hanté, poisseux et boueux comme le Mississippi. Et une voix... incroyable (le mot est faible), ultra puissante, sauvage, barbare, "habitée", déchirante, qui influencera autant Captain Beefheart que Ozzy Osbourne. "L'art de Howlin' Wolf apparaît aussi dans ses prestations scéniques, qualifiées de « tragiques et incantatoires », qui le voient comme une véritable bête de scène. S'il est influencé par le jeu de Charley Patton, il développe un style qui lui est propre et il joue sur la scène le rôle d'un homme torturé, en proie à de vives douleurs, le rôle d'un homme qui éprouve la réalité du blues. L'âpreté de son chant correspond à celle de son jeu de scène, fruste et rugueux. En effet, sa taille et son poids imposent naturellement sa présence sur scène, mais il ne se contente pas de cela ; Howlin' Wolf bouge, saute sur la scène, marche à quatre pattes tel un loup pour assurer un show qui puisse ravir les spectateurs. cela passe parfois par des improvisations grivoises, « let me hump you, baby », faites en regardant des femmes dans la salle." (Dixit Wiki).

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La moitié de Big Star (l'autre étant son frère ennemi Alex Chilton) enregistre après son départ du groupe cet album aussi sublime que chaotique. Si j'étais d'humeur taquine, je le qualifierais de "meilleur album de rock chrétien homosexuel jamais enregistré", mais soyons sérieux. Cet album est le témoignage en direct d'un homme alors en perdition, écartelé par moults paradoxes. Jamais je n'ai entendu un artiste/album autant tiraillé entre tous les contraires : spirituel mais exposant les déchéances terrestres, aérien mais avec des textures sonores parfois tourbeuses, trainant toutes les casseroles de la culpabilité et du dégoût de soi mais affirmant son unicité, dans l'ombre mais aspirant à la reconnaissance, suicidaire mais prêt à un hypothétique espoir.

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Grand disque ivre !