Top 10 Cinéma 2019

Annotation :

Sur fond de lutte des classes sociales, "Parasite" de Bong Joon-ho révèle petit à petit les atours d'un portrait amer sur les relations humaines. D'abord une comédie de mœurs jouant sur les faux-semblants entre deux communautés aux valeurs radicalement opposées, le long-métrage se mue en thriller au suspense haletant, brouillant à la fois la perception des protagonistes et celle des spectateurs. Doté d'une mise en scène rigoureuse qui se livre à une réorganisation des espaces filmés en fonction du parcours des personnages, "Parasite" s'impose comme une fable sociale cinglante et imprévisible.

Annotation :

Du réalisateur Rodrigo Sorogoyen, "El Reino" filme en caméra portée le point de vue d'un politicien corrompu, livré à lui-même face aux médias. Tout le long-métrage est une immersion dans les coulisses de la scène politique en Espagne. Le rythme y est vif, le son saisissant dans les moments-clés et la performance d'Antonio de la Torre une fois de plus magistrale. Sorogoyen signe un long-métrage captivant en mettant en scène le mensonge comme mode de vie, impliquant l'homme engrangé dans un système et son image publique.

Annotation :

A partir du point de vue d'une main qui devient épicentre de la mémoire, Jérémy Clapin signe un premier film bluffant, esthétiquement abouti et formellement ambitieux. Multipliant les angles de caméra, le réalisateur offre une expérience sensitive et quasiment expérimentale. Prometteur !

Annotation :

Revenant à son genre de prédilection, le film de gangsters, Martin Scorsese prend le point de vue d'un tueur à gages, Frank Sheeran, qui fait partie des arcanes de la mafia pour dépeindre le portrait de l'Amérique d'après-guerre. Adaptant le récit de Charles Brandt, le cinéaste choisit une narration enchâssée pour son long-métrage : une longue promenade amère de deux compères (Robert De Niro et Joe Pesci), agrémentée de flash-backs relatant leur relation avec le dirigeant syndicaliste Jimmy Hoffa (Al Pacino). De cet entrelacement entre différentes temporalités, Scorsese en tire un drame intime, solennel et poignant sur le temps qui passe, sous forme d'une fresque historique (près de trois heures trente au compteur, d'où le label Netflix) couvrant une large période d'Histoire des Etats-Unis. Cette capacité de mettre en scène la petite dans la grande Histoire justifie les inégalités de cet imposant morceau de pellicule, dont le rendu balbutiant des visages rajeunis des acteurs principaux.

Annotation :

Après avoir dressé une satire du système capitaliste américain avec "The Big Short : Le Casse du siècle" (2015), Adam McKay compose un portrait à charge de l'histoire de l'Amérique par l'intermédiaire du vice-président Dick Cheney. Parfait homme de l'ombre, celui-ci, interprété par Christian Bale grimé, déploie une force sans pareille pour jouer avec le système politique, dans le but entre autres de satisfaire les attentes de sa femme, jouée avec conviction par Amy Adams. Si le ton du film apparaît outrancier, "Vice" brille par la créativité de sa mise en scène, reliant symboliquement plusieurs époques entre elles, utilisant de manière débridée le montage et créant une ligne narratrice en tout point ludique.

Annotation :

Si les premières minutes font preuve d'une qualité toute relative (joli euphémisme), "Ne coupez pas !" de Shin'ichiro Ueda révèle son potentiel de manière inattendue. Sans trop en dire, ce long-métrage en forme de film de zombie de type série Z, filmé en un curieux plan-sequence, prend à revers le spectateur pour mettre en scène le spectacle sous un autre angle. "Ne coupez pas" figure une vision ludique, jubilatoire, quoi qu’ésotérique au premier abord, de l'action de filmer en tant que processus créatif.

Annotation :

James Mangold, réalisateur de "Copland" (1997), "Walk the Line" (2005), "Logan" (2017), conçoit avec "Le Mans 66" un film d'époque solidement reconstitué tout comme un spectacle représentant efficacement la sensation de vitesse, grâce à des plans placés à l'avant des voitures prenant en compte l'urgence de la situation sur la route durant la course. Proposant un parallèle entre les industries automobiles et les majors dans le milieu du cinéma, le cinéaste a le bon goût de se centrer sur l'amitié entre un ancien pilote (Matt Damon) et un mécanicien colérique (Christian Bale) pour construire un enjeu émotionnel. Bien que classique dans son déroulement, en plus d'effets de réalisations faciles (les ralentis pour mettre en avant le duel de regard entre les pilotes lors de la course), "Le Mans 66" ou "Ford v Ferrari" est agréable et honnête.

Annotation :

Premier long-métrage de Lorenzo Mattotti, artiste italien réputé pour ses bandes-dessinées et ses illustrations destinées à la presse, "La Fameuse Invasion des Ours en Sicile", adapté de la fable politique du même nom qui est écrite par Dino Buzzati en 1945, bénéficie d'une direction artistique bigarrée et aboutie. La mise en scène privilégie l’abstraction de l’animation comme vectrice d’émotions, dans la mesure où le long-métrage mélange plusieurs styles visuels (des ours avec des formes géométriques, des personnages humains dont la gestuelle est proche de la pantomime). Le long-métrage souffre cela dit d'un manque de rythme dû à une cassure dans l'histoire, ce qui peut perturber l'immersion du public. Si les protagonistes sont très simples dans leur caractérisation, Mattoti embrasse un sens de l'imprévisible inhérent au genre du conte, prônant la réinvention des formes comme motif de son métrage.

Annotation :

Film estampillé Netflix vendu comme le retour en flamme d'Eddie Murphy, "Dolemite is my Name" retrace le parcours de Rudy Ray Moore, personne atypique se faisant un nom grâce à la création d'un personnage rebelle dans un film fauché "Dolemite" (1975). Dépeignant une partie de la blaxploitation durant les années 1970, le réalisateur Craig Brewer ne brille pas par une mise en scène flamboyante - bien qu'il s'applique à la rendre dynamique et emprunte des codes de réalisation de cette époque, notamment l'utilisation du zoom - mais brosse un portrait convaincant de l'artiste en question. Ecrit par Scott Alexander et Larry Karaszewski ("Man on the Moon", "Ed Wood"), le long-métrage se focalise sur un personnage-clé de ces scénaristes, à savoir celui qui représente l'anomalie du système. Rudy Ray Moore, par son optimiste infaillible, son audace sans limite et son caractère excentrique, bonimenteur sur les bords, remplit parfaitement ce rôle-là et vole la vedette à tout le monde. Il est surtout incarné par Eddie Murphy, absent depuis un moment, qui sied à merveille à cette ambiance de vaudeville, ce film solaire se déroulant dans les coulisses d'Hollywood.

Annotation :

Il était une fois à Hollywood en 1969 : un acteur célèbre en déclin, un cascadeur vagabonde dans les rues et le meurtre de Sharon Tate se prépare. Bien que peu friand du cinéma de Tarantino, me laissant un peu de marbre la plupart du temps, "Once Upon a Time... in Hollywood" transpire un amour sincère pour le cinéma des années 70. Reconstitution millimétrée et clins-d'oeil de cinéphile en pagaille, ce nouveau long-métrage de Quentin Tarantino, malgré un montage souvent approximatif (l'intérêt d'une ellipse en milieu de film semble jurer au sein de l'atmosphère contemplative assumée), marque par de somptueux parallèles entre le réel et la fiction, que ce soit avec l'envers du décor hollywoodien en compagnie du personnage joué par Leonardo Di Caprio ou la confrontation entre le cascadeur (Brad Pitt) et la secte dirigée par Charles Manson aux allures de western spaghetti.