Top 10 Livres selon Matthias B.

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« Ainsi, ils m’ont traités de fou. Eh bien, figure-toi, ces beaux messieurs et ces belles dames ont raison. Il est parfaitement évident qu’un homme qui a voué toute sa vie aux cerfs volants n’est pas dépourvu d’un grain de folie. Seulement se pose ici une question d’interprétation. Il y en a qui appellent ça « grain de folie », d’autres parlent aussi d’« étincelle sacrée ». Il est parfois difficile de distinguer l’un ou l’autre. Mais si tu aimes vraiment quelqu’un ou quelque chose, donne-lui tout ce que tu as et même tout ce que tu es, ne t’occupes pas du reste... »

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Pour la première fois de sa vie, Aurélien éprouvait, avec cette acuité de sentiment qu’on n’a, en général, qu’un peu avant le réveil, dans la dernière période du sommeil, Aurélien éprouvait le vide absolu de sa vie. Il avait cru, plus ou moins, jusqu’alors, qu’il faisait quelque chose, qu’il trompait assez bien la mort, oisif au point de vue des imbéciles, pensait-il, mais enfin... Il voyait des gens, il se plaisait à les écouter, à juger ce monde déraisonnable, à se mêler à son agitation de surface, à deviner ses drames profonds, à partager ses plaisirs... Il avait des aventures qui étaient un peu des découvertes... De temps à autre, il voyageait, il prenait à tous les vents de sa liberté une bouffée, une ivresse de ce temps inconscient et lourd qui avait suivi la guerre... de cette autre guerre sourde, la paix... Comme ce dilettantisme lui paraissait aujourd’hui creux, inutile ! Il ne désirait rien. Pas même le soleil, la chaleur. Que s’était-il donc passé ? Un seul être vous manque et tout est dépeuplé...
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Il était désormais inutile d'avoir une valeur pour soi. Aucune vérité ne subsistait, puisque aucune chose en soi n'était vraie. Chacun la considérait comme telle, à sa manière, pour en peupler son désert, et pour donner une consistance quelconque, jour par jour, à sa vie.

Parce qu'il vous faut suspendre un instant votre vie, pour vous voir vivre. Comme devant un appareil photographique. Vous vous figez dans une attitude; et se figer, c'est devenir statue pour un instant. La vie est en perpétuel mouvement, et ne peut jamais s'arrêter pour se contempler.

Ah, s'il pouvait y avoir, pour vous et pour moi, et en dehors de nous, votre réalité maîtresse à vous, et ma réalité maîtresse à moi, je veux dire intrinsèques, et pareilles, immuables... Il n'y en a pas. Il existe, en moi et pour moi, une réalité à moi : celle que je m'attribue ; en vous et pour, une réalité à vous celle que vous vous attribuez ; lesquelles ne seront jamais les mêmes, ni pour vous, ni pour moi...
Et alors ? Alors, il faut nous consoler en songeant que la mienne n'est pas plus vraie que la vôtre, et qu'elles ne dureront qu'un instant, la vôtre tout comme la mienne.

Voilà : pour soi, n'être personne.
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"Cela lui revint : les monts Bearpaws, ce pique-nique qu'ils avaient fait il y a fort longtemps, à l'époque où ils habitaient la ferme, cet après-midi passé sur un ressaut boisé, près d'une source, avec toute la plaine du Montana à leurs pieds. (...) Lui-même, ce jour-là comme aujourd'hui avait été obnubilé par une réminiscence diffuse et il avait cherché tout l'après-midi à se rappeler quelque chose remontant à un temps encore antérieur, une randonnée en montagne, alors qu'il était vraiment très jeune, à peine sorti de la plus tendre enfance. Ce sentiment obsédant de déjà-vu, ce rêve à l'intérieur d'un rêve..."