Top 10 Livres selon Swzn
Cette liste de 10 livres par Swzn est une réponse au sondage Top 100 livres des Tops 10
Top 10 tournant régulièrement, bientôt je ferai une liste Top 50, voir un Top 100 si on se sent d'attaque.
Aux portes du Top, pense-bête pour plus tard :
-Zéphyr, Alabama, Robert McCammon
- Le Rivage des Syrtes, Julien Gracq
- Au sud de la frontière, à l'ouest du ...
10 livres
créée il y a presque 11 ans · modifiée il y a presque 2 ansLa Peau (1949)
La Pelle
Sortie : 1949 (France). Roman
livre de Curzio Malaparte
Swzn a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Tout le monde sait combien les morts sont égoïstes. Il n’y a qu’eux au monde, tous les autres ne comptent pas. Ils sont jaloux, envieux ; ils pardonnent tout aux vivants, sauf d’être vivants."
Il y a une puissance dans cette oeuvre, une puissance monumentale ; ce bouquin, c'est une torpille comme celle que sert le général Cork à un Churchill incrédule, c'est une apocalypse comme celle que balance le Vésuve réveillé par les bombardements. Dans La Peau, il y a du vrai et du faux, ce qui importe ce n'est pas la véracité du propos mais la manière de le poser, et Malaparte, il sait comment présenter les choses.
Peintures d'une Italie ravagée par la guerre, les scènes du récit enchaînent des considérations amères, des passages d'un symbolismes souvent bibliques, des dialogues forts, des références artistiques exhaustives, et des images, oh des images, dévastatrices. La haine, la pitié, l'espérance, le dégoût, l'envie, la misère, la tristesse, et l'humour, cet humour mauvais que garde Malaparte tout au long du livre, il y a tout ça dans chacune des phrases, dans chacun des mots.
Se tisse un récit presque irréel d'une beauté en équilibre entre le ciel et l'abîme, d'une étrange et macabre poésie restituant une horreur purement humaine - le ton est atroce, le ton est incisif, le ton est juste, le ton est exactement celui qu'il fallait, et quelle force, quelle force d'évocation.
Il y a dans ces lignes les tripes, le cœur, et l'âme de Malaparte, ainsi que des centaines de héros, de misérables, de vivants, de morts qui ont croisé sa route. Elles sentent la merde, ces lignes, elles baignent dans le sang, et de l'immonde et de l'horrible s'élève une grâce qui n'aurait jamais pu voir le jour ailleurs que dans la fange.
"La peau, répondis-je à voix basse, notre peau, cette maudite peau. Vous ne pouvez pas imaginer de quoi est capable un homme, de quels héroïsmes, de quelles infamies il est capable, pour sauver sa peau. [...] Jadis on endurait la faim, la torture ; les souffrances les plus terribles, on tuait et on mourait, on souffrait et on faisait souffrir, pour sauver l’âme, pour sauver son âme et celle des autres. On était capable de toutes les grandeurs et de toutes les infamies, pour sauver son âme. Aujourd’hui on souffre et on fait souffrir, on tue et on meurt, on fait des choses merveilleuses et des choses terribles, non pas pour sauver son âme, mais pour sauver sa peau. [...] C’est pour une bien pauvre chose qu’on devient un héros, aujourd’hui !"
Sale temps pour les braves (1966)
Hard Rain Falling
Sortie : 21 mars 2012 (France). Roman
livre de Don Carpenter
Swzn a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
La vie de Jack, orphelin, délinquant juvénile, puis taulard, mari et père, à travers une Amérique décatie qui n'offre qu'à peu de personnes et prend au reste ; heureusement, il reste le fil rouge, le billard pour départager les talentueux, les astucieux et les rêveurs.
Ironie du sort, la plupart des joueurs finissent comme les boules de leurs parties, au fond du trou par le biais de réactions en chaîne, enfermés entre quatre bandes avec une seule issue possible.
Une claque puissante qui va résonner encore longtemps dans mon crâne.
Rage noire (1972)
Child of Rage
Sortie : 1988 (France). Roman
livre de Jim Thompson
Swzn a mis 10/10.
Annotation :
C'est violent, d'un brutal burlesque, sale, dérangeant, ça te prend aux tripes et ça te lâche pas une seconde, en plus d'offrir en personnage principal l'un des fils de putes les plus glorieux de la littérature. On assiste au déroulement des plans d'Allen avec une impatience frénétique, on le voit se colleter avec le monde entier et gagner, et plus il gagne, plus il perd.
C'est drôle, d'un humour noir et ravageur, d'un comique de dialogues, de situations, crasseux comme le bouquin. C'est d'un politiquement incorrect dévastateur, ça l'était à l'époque, ça l'est encore maintenant ; toutes les strates de la société en prennent plein la gueule. C'est jouissif, triste, glauque, et on finit par ne plus savoir pourquoi on sourit en avalant les pages, si c'est parce qu'on rit ou si c'est juste nerveux.
C'est brillant.
La Maison dans laquelle (2009)
Дом, в котором…
Sortie : 5 février 2016 (France). Roman, Fantastique
livre de Mariam Petrosyan
Swzn a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Est-ce que c'est un chef d'œuvre ? Non.
Est-ce qu'il vaut son dix ? Pour moi, oui.
C'est total, personnel, sans compromis. C'est l'œuvre d'une vie et ça se sent ; l'auteure y a mis toute son âme, son cœur, son imagination, ça déborde à chaque ligne. L'appellation livre-monde n'est pas usurpée, tant l'on est plongé dans une société parallèle - on se fait tantôt anthropologue, psychologue, historien, explorateur de la Maison et son microcosme.
J'ai adhéré à la proposition. J'ai aimé chaque mot de chaque phrase de ce pavé de mille pages. J'ai aimé ces personnages et leurs noms multiples, leurs différentes facettes, leur mythologie et la place qu'ils y occupent.
C'est un livre qui sait se faire doux et confortable, comme il sait se faire cruel et macabre. C'est un récit qui ne nous donne pas toutes les réponses à nos nombreuses questions, mais parvient, via les infos distillées, à nous laisser combler les blancs comme on l'entend.
Et quelles images il laisse en tête ! Quels personnages il fait vivre !
"Vois-tu, la vie ne s'écoule pas en ligne droite. Elle est comme ces ronds qui s'élargissent dans l'eau. Et à chaque cercle, les vieilles histoires se répètent, mais personne ne s'en aperçoit. Personne ne les reconnaît."
Les Compagnons de la grappe (1977)
The Brotherhood of the Grape
Sortie : 1988 (France). Roman
livre de John Fante
Swzn a mis 9/10.
Annotation :
Sûrement mon Fante préféré ; je suis plus touché par le détachement triste et mélancolique d'Henry Molise que la folie furieuse d'Arturo Bandini.
On retrouve les mêmes thèmes chez les deux protagonistes, mais c'est vraiment dans ce bouquin là que la dysfonctionnalité de la cellule familiale Fantienne est abordée de la manière la plus juste et touchante possible.
"Ils étaient beaux comme des vieilles pierres à flanc de colline. Quand je les ai regardés, la douleur, semblable à une truite qui bondit, m'a noué la gorge. Maintenant que je n'avais plus de père, j'aurais volontiers choisi n'importe lequel d'entre eux pour le remplacer. Voire même n'importe qui ou quoi, un buisson, un arbre, une pierre, pourvu qu'il ou elle veuille bien de moi comme fils. J'étais moi-même père. Je ne voulais pas de ce rôle. Je voulais retrouver l'époque où j'avais été tout petit, où mon père, ce colosse bruyant, avait occupé la maison. Au diable la paternité. Je n'étais pas fait pour ça. J'étais fait pour être fils."
Abattoir 5 (1969)
ou la Croisade des enfants
Slaughterhouse Five or the Children's Crusade
Sortie : 1971 (France). Roman
livre de Kurt Vonnegut
Swzn a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Le vide. Je me sens vide, après avoir refermé le bouquin. Comme si je portais toute la tristesse du monde, et toute la joie. En effleurant à peine ce que peut ressentir Billy, lorsque le temps de sa vie se livre en simultané, je suis pris de violentes bouffées d'émotions. Quel livre.
Il ne pouvait qu'être écrit ainsi.
Dieu bénisse l'Amérique
God Bless America
Sortie : janvier 2011 (France). Roman
livre de Mark Safranko
Swzn a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
L'enfance d'un pauvre polak, fils d'immigrés de première génération, rythmée par les mandales et la misère. Des parents laissés pour compte par les Etats-Unis, et qui pourtant ne cessent de se cramponner à chaque miette de fausse réussite - à 90% du temps poudre aux yeux jetée par la société américaine pour préserver son image déjà bien écornée.
Milieu social infernal, éducation religieuse flirtant avec la folie, boulots ingrats et dangereux, quinze piges et déjà plus aucune illusion ne tient pour Max ; il sait que tout n'est que mensonge.
Y a du Bandini là-dedans, et on sent les influences de Miller, de Céline, des grands parleurs de misère. Je l'ai bouffé d'une traite dans le train. J'arrivais pas à décrocher. Alchimie parfaite entre une lange dure mais souple, une enfance atrocement rude mais absurde au possible ; et face à l'absurde, le rire, comme exutoire. Max se marre, dans les pires situations, nerveusement, mais il se marre - et le lecteur avec lui. Les commentateurs de l'oeuvre sortent la carte du picaresque, du rabelaisien, et ouais, c'est pas déconnant, y a clairement de ça dans les tribulations de Max, éternel spectateur d'une farce semblant ne jamais finir.
C'est l'humour de l'euthanasie, l'humour de l'apocalypse, celui de la fin annoncée qui traîne sur le chemin de l'arrivée. Il n'y a aucun rivage en vue parmi cette mer d'immondices qu'est l'enfance de SaFranko ; et quelque part, quand il nous colle le nez sur la vie, purulente et mortifère, on rit.
Putain d'Olivia
Sortie : avril 2009 (France). Roman
livre de Mark Safranko
Swzn a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Longtemps que je voulais le lire celui-là, facilement 4 ou 5 ans. Mais RIP les éditions 13ème note et leur putain de catalogue, du coup à force de le voir en arrêt de commercialisation dans le logiciel de la librairie, je désespérais.
Je m'étais presque résolu à les acheter sur Amazon, où des petits malins ont fait flamber les prix depuis la fermeture de la maison d'édition.
Mais merci, oh merci aux éditions de La Dragonne d'avoir ré-édité ce bouquin pour la rentrée littéraire. J'vous aime fort. J'l'ai acheté directement, dès que j'ai vu la couverture, certes moins panachée que l'ancienne, mais eh, on va pas cracher dans la soupe.
SaFranko écrit d'une manière très directe et limpide, c'est un peu le croisement improbable d'Hemingway et Fante, un mélange de simplicité et de tripes. Son alter ego, Max Zajack, raconte sa relation avec l'intense Olivia, et comment la passion des débuts se mue en folie furieuse. C'est une chute inéluctable, un délabrement tellement évident qu'ils décident de passer outre jusqu'à toucher le fond et s'en accommoder. Entre tromperies, affrontements, boulots minables, dettes et mésaventures, on va suivre leur couple infernal se déliter petit à petit avant de disparaître, totalement cramé.
Y a pas d'espoir ici, juste de l'humour noir. Max aspire à une vie d'écrivain, et en vrai marginal, va plutôt la passer sur la touche. Olivia est instable, inconstante et furieuse. Les rares moments de plénitude, c'est après le cul ; chacune de leurs aspirations se retrouve contrée par l'attitude de l'autre, et cette spirale destructrice continue, encore, encore, alors qu'ils sont tous deux enchaînés par l'illusion d'un couple qu'ils n'ont, en premier lieu, jamais vraiment été.
C'est un sacré bouquin.
Martin Eden (1909)
(traduction Francis Kerline)
Sortie : 2010 (France). Roman
livre de Jack London
Swzn a mis 9/10.
Annotation :
"Ils se figurent qu'ils pensent et ce sont ces êtres sans pensées qui s'érigent en arbitres de ceux qui pensent vraiment."
"Je vous dirais que la lune est un fromage vert, que vous applaudiriez, ou du moins que vous n’oseriez pas me contredire, parce que je suis riche. Et je suis le même qu’alors, quand vous me rouliez dans la boue, sous vos pieds."
"Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence"
Un roman formidable, véritable éloge à l'envie d'apprendre, de se cultiver, de comprendre, de transmettre, tout en se heurtant à la terrible masse de ceux qui ne désirent pas penser par eux-mêmes.
L'Homme qui savait la langue des serpents (2007)
Mees, kes teadis ussisõnu
Sortie : 1 août 2013 (France). Roman
livre de Andrus Kivirähk
Swzn a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
"Le monde va à vau-l'eau, et même la source a un goût amer."
Formidable fable débordante d'imagination, traitant de la question du savoir et du passage des époques avec une mélancolie jamais forcée, et juste ce qu'il faut de légèreté pour ne jamais se sentir envahi par la tristesse du récit.
La postface vient nous éclairer sur sa qualité de pamphlet ainsi que sur la portée culturelle que le livre a dans son pays d'origine, et nous donne les clefs nécessaires à la compréhension des choix effectués par l'auteur.
Et perso, le message du livre me touche beaucoup.