Trajectoire(s) : Rozz Williams
Il s'agit d'une liste exhaustive concernant la carrière musicale d'un artiste dont j'admire le travail, trop peu connu selon moi – du moins en profondeur.
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À chaque ajout : un court commentaire concernant l'œuvre en question ainsi qu'un lien direct (quand c'est possible) vers ...
37 albums
créée il y a presque 8 ans · modifiée il y a presque 8 ansOnly Theatre of Pain (1982)
Sortie : 1982 (France). Rock, Goth Rock, Deathrock
Album de Christian Death
ChereeCheree a mis 9/10.
Annotation :
/ CHRISTIAN DEATH
Groupe séminal, sans conteste projet le plus populaire mené par Rozz, Christian Death est fondé en 1979. Tandis que la fièvre post-punk s'empare du monde, la jeune formation s'apprête à changer la face du rock gothique en 1982, avec Only Theatre of Pain. Sous l'égide de Rozz Williams, déjà doté d'une maturité artistique exceptionnelle à seulement dix-neuf ans, Christian Death va au-delà de ce que tous les groupes proposent à l'époque : performances obscènes et blasphématoires, textes d'une noirceur maladive, fusion d'énergie punk et de désespoir baudelairien, théâtralité grotesque et malaisante. À tel point que Christian Death se voit affublé d'un sous-genre inédit et évocateur : le deathrock.
En un album, Rozz Williams livre un hymne gothique incomparable – d'une voix baroque et écorchée, il clame ses textes avec un ton punk (parfois très spoken-word) quand ils ne sont pas vomis avec un râle de mort ou récités à l'envers tels des incantations démoniaques. Tout est pensé avec une intelligence déconcertante, des rythmes mélodiques étranges aux influences sataniques des textes, sublimes dans leur impureté.
/ précisions supplémentaires dans la critique
Romeo's Distress
https://www.youtube.com/watch?v=NY2w9Ghzpu8
Deathwish (EP) (1984)
Sortie : 1984 (France). Rock, Goth Rock, Punk
EP de Christian Death
ChereeCheree a mis 8/10.
Annotation :
Après le succès d'Only Theatre of Pain, un label français au nom étrange (L'Invitation au Suicide) va prendre le groupe sous son aile et contribuera largement à étendre sa popularité hors des frontières américaines. C'est sous ce dernier que sort Deathwish en 1984, dont les titres ont pourtant été enregistrés en 1981 – il s'agit de démos particulièrement réussies de morceaux connus (Romeo's Distress, Cavity...) accompagnées de trois inédits (Deathwish, Dogs, Desperate Hell) aux influences punk marquées (production sale et saturée, tempo sur le fil) qui constituent un témoignage clé des prémisses du groupe.
Dogs
https://www.youtube.com/watch?v=dFH3_yfWS54
Catastrophe Ballet (1984)
Sortie : 1984 (France). Rock, Goth Rock
Album de Christian Death
ChereeCheree a mis 8/10.
Annotation :
Rozz Williams n'a jamais privilégié son confort artistique. C'est pourquoi, en 1984, le deathrock vénéneux des débuts est déjà très loin : la chrysalide a éclos, le groupe semble plus mature que jamais. La line-up s'est elle aussi métamorphosée, Rozz ayant fait fusionner son groupe avec une formation post-punk de LA (Pompeii 99) : rejoignent le navire quatre nouveaux membres professionnels, dont Valor Kand et Gitane Demone.
Catastrophe Ballet contraste nettement avec le premier opus, laissant davantage de place aux mélodies éthérées, au romantisme noir. L'occultisme satanique semble moins concret, la voix de Rozz a terminé sa mue et s'apparente davantage à un Bowie gothique. En résulte une œuvre déroutante et étonnamment classieuse, exigeante à tous les niveaux.
Electra Descending
https://www.youtube.com/watch?v=KSr_saKfNEg
Ashes (1985)
Sortie : 1985 (France). Rock, Goth Rock, Deathrock
Album de Christian Death
ChereeCheree a mis 10/10.
Annotation :
Dernier disque de Christian Death première période avant que Rozz n'abandonne le groupe, Ashes pourrait être considéré à juste titre comme son chef-d'œuvre ultime. C'est en quelque sorte l'aboutissement de ce qu'avait déjà enclenché Catastrophe Ballet, propulsant le rock gothique à un sommet artistique difficilement égalable.
Puisant au berceau même du genre (piano macabre, violons gémissants), revenant à ses influences théâtrales lors d'un duo cabaret récité en allemand, Ashes n'hésite pas à briser son harmonie, à s'aventurer dans des titres à l'ampleur épique. Ashes est une déflagration des genres, l'impeccable achèvement d'un processus créatif : accompagné de la sublime voix de Gitane Demone – également aux claviers, Rozz Williams réinvente le genre qu'il a lui-même créé, se l'approprie totalement, le transcende littéralement jusqu'à une piste finale affreusement angoissante où les cris d'un nouveau-né laissent peu à peu place à une hallucinante performance d'exorcisme en spoken-word. En fait, Ashes syncrétise l'essence du rock gothique, lui injecte des influences nouvelles avec une force tranquille qui nous laisse comme pétrifiés, fascinés.
The Luxury of Tears
https://www.youtube.com/watch?v=nxXJ278UE3k
The Iron Mask (1992)
Sortie : 29 mai 1992 (France).
Album de Christian Death Featuring Rozz Williams
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
Après le départ brutal de Rozz Williams en 1985 (suite à Ashes), ce dernier avait explicitement souhaité que personne ne poursuive la discographie du groupe qu'il avait fondé. Valor Kand – bras droit issu de Pompeii 99, en frère déloyal, a pourtant perpétué Christian Death sans l'accord de Rozz (il en est encore aujourd'hui le leader) en dénaturant peu à peu l'identité originelle du groupe. C'est ainsi qu'en 1992, faute de conclusions juridiques, Rozz faisait renaître son groupe sous la même appellation : aboutissant à deux Christian Death parallèles.
Ici, rien de nouveau ou presque (Skeleton Kiss) puisque, sûrement en besoin d'argent, Rozz s'est contenté avec The Iron Mask d'un album de ses propres reprises – certes efficaces mais souvent moins savoureuses que les originales. Heureusement, il tâchera de se rattraper par la suite.
Skeleton Kiss
https://www.youtube.com/watch?v=833xYjJCzvY
The Path of Sorrows (1993)
Sortie : 1993 (France).
Album de Christian Death Featuring Rozz Williams
ChereeCheree a mis 8/10.
Annotation :
The Path of Sorrows constitue la véritable renaissance de Rozz Williams au sein d'un Christian Death qui, pourtant, ne lui appartient plus. Tandis que Valor Kand semble détruire tout ce qui faisait le génie du groupe, Rozz tisse de nouvelles sonorités sur la base des chefs-d'œuvre laissés derrière lui en leur conférant davantage de profondeur – le rock se confond ici à l'industrielle dans des atmosphères sophistiquées, concert de mille instruments (guitares, claviers, piano, violon, harpe, samplers...) au rythme funéraire, puisant dans ses influences médiévales (loups inquiétants, batterie tribale) et occultes (chants grégoriens, textes sinistres, culte païen) pour accoucher d'un petit diamant noir, conclu par une audacieuse reprise du Velvet Underground – vénéré par Rozz.
In Absentia
https://www.youtube.com/watch?v=qgUyuyKmuyg
The Rage of Angels (1994)
Sortie : 1994 (France).
Album de Christian Death Featuring Rozz Williams
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
Dernière œuvre de Rozz Williams au sein de Christian Death, elle est aussi l'une des moins notables du groupe mais renoue avec un deathrock efficace. Eva O – nouvelle diva, supplantant malheureusement Gitane Demone depuis 1992, accompagne avec assurance Rozz à la guitare et au chant dans cet album aux mélodies tranchantes et parfois franchement admirables (Trust, Procession) qui, si elles perdent en puissance, conservent un potentiel certain.
Lost Minds
https://www.youtube.com/watch?v=2LQMEfsefJM
Premature Ejaculation - Part. 1 (1981)
Sortie : 1981 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 3/10.
Annotation :
/ PREMATURE EJACULATION
Si l'on devait résumer la carrière de Rozz Williams en deux groupes, on citerait sans aucun doute Christian Death et Premature Ejaculation. Plus surprenant encore, les enregistrements de ce dernier – bien plus expérimentaux, sont antérieurs à ceux de Christian Death. À l'origine du groupe, Rozz et son compagnon de l'époque, Ron Athey – aujourd'hui une figure majeure du body art extrême et sanguinolent. Ils n'ont même pas vingt ans, ont très peu d'expérience mais leur grande maturité artistique va les conduire à la musique expérimentale (entre field recording, noise et indus) sous l'influence de groupes émergents dont ils s'inspirent – Nurse With Wound et Throbbing Gristle en tête.
Soit, passés le nom du groupe (d'un mauvais goût assumé) et cette première pochette (franchement dégueulasse), son contenu constitue le premier témoin des balbutiements maladroits mais très audacieux d'un groupe qui ne cessera de s'améliorer dans le futur, en parallèle avec le reste de la carrière de Rozz : avec ce premier opus, bruitisme bizarre et chaos prennent le pas sur la musique en tant que telle.
Premature Ejaculation - Part. 2 (1981)
Sortie : 1981 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 4/10.
Annotation :
Continuité de la première partie, ce deuxième opus est toujours aussi brut dans son field recording en bazar (fréquences radio, bruits de moteur, alarmes, voix lointaines) mais semble moins abstrait, légèrement plus mature dans sa conception qui penche davantage vers l'ambient. Les prémisses visuels du groupe sont déjà en place : Rozz et Ron commencent à manipuler les images (corps meurtris, brûlés, pénis en gros plan, croix nazies miniatures parsemant l'album...) comme ils manipuleront les sons et les mots pour interroger les consciences.
A Little Hard to Swallow (1982)
Sortie : 1982 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 5/10.
Annotation :
Enregistré en parallèle d'Only Theatre of Pain, cet album se veut comme une synthèse perfectionnée des deux premiers : Rozz Williams a dix-neuf ans et s'aventure déjà dans une œuvre expérimentale complexe, développant une atmosphère anxiogène, étouffée sous plusieurs plages sonores (bruits d'aspirateur, d'usine, toussotements, samples étranges) dont certaines invoquent les fantômes de cartoons désuets ou de cabaret grotesque (Eraserhead de Lynch n'est pas si loin) : néanmoins, sa qualité globale reste trop décousue pour en faire quelque chose de véritablement bon.
Living Monstrosities / Descent (1985)
Sortie : 1985 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
Ce n'est qu'après avoir quitté Christian Death, en 1985, que Rozz reprend Premature Ejaculation là où il l'avait laissé : doté d'une expérience musicale plus conséquente, il décide d'enregistrer un nouvel album – sans Ron Athey, qu'il a quitté. Il trouve alors en la personne de Chuck Collison un nouvel allié qui ne le lâchera pas.
Résolument axé dark ambient, l'album va plus loin dans ses nappes étranges et spatiales, continuellement hantées par des alarmes rétro-futuristes et autres bruits mécaniques dans sa première partie : la seconde, plus éthérée, est impressionnante de justesse et préfigure les prochains travaux du groupe.
Death Cultures (1987)
Sortie : 1987 (France). Noise, Experimental, Electronic
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 8/10.
Annotation :
La sortie de Death Cultures marque un tournant dans la discographie de Premature Ejaculation : la production se professionnalise davantage, un saut créatif semble avoir été atteint et, surtout, cet album annonce les plus sombres œuvres du groupe. La musique industrielle n'a jamais été si lourde, si pensée, dans la lignée de NON ou Coil.
Avec Death Cultures, le groupe semble avoir perdu tout espoir : c'est que Premature Ejaculation touche au but, celui d'exorciser la terreur qui accable le monde, d'en traduire l'horreur la plus infâme en musique. La guerre est de tous les fronts (voix de soldats, explosions, svastika ornant l'album), complétant une variété de boucles sonores malaisantes et distordues (grincements, rires funestes, voix distantes, instruments vicieux, alarmes, beuglements...), édifiant peu à peu une saisissante atmosphère mortuaire et souterraine, une mélodie unique comme peu d'artistes ont su le faire.
Death Cultures III (1988)
Sortie : 1988 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
Seconde partie de Death Cultures (officieusement une réédition améliorée de DC II), cet opus va encore plus loin dans ses climats asphyxiants : allant de pair, les images post-apocalyptiques présentes sur les cassettes originales en disent long sur le projet de Rozz Williams (chair robotisée, masques à oxygène, trou noir...), enregistrant sur la bande ses lubies les plus sordides – il a notamment développé une fascination pour les tueurs en série.
Death Cultures III se vit comme un traumatisme, un déambulement le long des sombres couloirs d'un asile psychiatrique – avec ses lourdes nappes métalliques (Hypnosis), ses prières tribales (Pantheist), ses cris de torture (Ice Pick) puis son naufrage souterrain (Lower Hells), l'album semble rongé par une folie crasse et pernicieuse, reflet impur d'une Amérique puante (Good American), d'une humanité en perdition.
Blood Told in Spine (1988)
Sortie : 1988 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
C'est l'un des grands disparus de la discographie du groupe – il n'a jamais pu être réédité comme ses compères. Rozz Williams et Chuck Collison poursuivent leurs expérimentations dans cet album faisant la transition entre Death Cultures et leurs travaux suivants. En effet, une musicalité plus concrète semble avoir émergé des débris lors d'une surprenante piste ambient (Dispossessed) ou d'une cacophonie très rythmique (Necropediphilia) au milieu du reste, entre bruits sourds en continu et violents grésillements.
Anesthesia (1992)
Sortie : 1992 (France). Electronic, Ambient, Industrial
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
Anesthesia marque un second tournant dans le son de Premature Ejaculation : la production est très soignée, tout semble plus fluide, tout en glissements dans une excellente première piste de dix minutes où crissements et samples vocaux se superposent. En somme, Anesthesia est une synthèse essentielle des dix premières années du groupe, flirtant avec exigence entre dark ambient et sonorités industrielles. L'expérimentation bascule cependant vers des effets très électroniques mais toujours glauques et pervers – on pourrait comparer l'album à la lente absorption des âmes au cœur d'un trou noir. C'est cette agréable sensation de malaise que l'on retient, nous riant au nez, nous disséquant les organes, avec tact, après anesthésie.
Necessary Discomforts (1993)
Sortie : 13 août 1993 (France). Ambient, Industrial, Experimental
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 8/10.
Annotation :
Le titre d'ouverture (Non-Union) pourrait faire office d'hymne funéraire à l'ensemble de l'œuvre du groupe, longue piste ambient de treize minutes où se mêlent bruits de foule, mélodie religieuse et grincements métalliques, comme une longue incantation désespérée. L'album rejoint Anesthesia dans sa démarche électronique, sur le fil, moins agressive. Cela dit, l'inquiétante étrangeté se manifeste plus concrètement – comme dans Atrophy, où une femme évoque ses pulsions sur fond sonore oppressant : Rozz Williams semble vouloir donner la parole aux fous, aux marginaux. La musique industrielle refait surface, notamment lorsque la voix d'Hitler est utilisée et déformée sur un rythme martial, revenant finalement au dark ambient initial – et rappelant notamment les puissantes ambiances nocturnes crées par Lustmord.
Assertive Discipline (1994)
Sortie : 1994 (France). Ambient, Industrial, Experimental
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 9/10.
Annotation :
C'est selon moi le plus impressionnant projet de Premature Ejaculation, initialement sorti en 1988 puis amélioré et réédité en 1994. C'est aussi le plus vil, le plus diabolique dans l'atmosphère qu'il développe – très dark ambient, avec ses boucles clownesques et ses sons aigus : c'est la descente aux enfers la plus hallucinée du groupe, la plus horrifique aussi – il suffit d'écouter les premières secondes pour s'en convaincre. Comment ne pas s'attarder sur Doll's Theater, débutant par des joyeuseries enfantines dont le cri innocent des nourrissons fera rapidement corps avec la déviance pédophile, sans aucun doute l'un des morceaux les plus perturbants du groupe.
Assertive Discipline accomplit l'exploit, à force de collages sonores sophistiqués, de transposer musicalement ces effets psychiques, de perversion insaisissable, de pulsions meurtrières, d'apocalypse imminente tout en créant des mélodies intéressantes. Le vocabulaire est sexuel, médical, à l'agonie (suffocations, pleurs, cris en tous genres) et semble en écho constant, se répète à l'infini comme dans un vide abyssal – il n'y a plus rien, si ce n'est la désolation des âmes.
Estimating the Time of Death (1994)
Sortie : 1994 (France). Soul, Funk / Soul
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
À partir de 1994, Rozz Williams et Chuck Collison retournent à des ambiances industrielles lourdes, ici plus métalliques qu'elles ne l'ont jamais été (sons de scierie, marteaux et autres outils de forgeron), dans une optique très bruitiste. Toute notion mélodique semble ici obsolète, réduite à des instruments bruts, parfois rattrapée par des effets électroniques et autres nappes inquiétantes. Les morceaux les plus réussis sont les plus radicaux, le plus saturé (In Eden's Garden) comme le plus ambient (Voice of Dissent) – la dernière partie de l'album rattrape le reste, entre esthétique médiévale (loups, crépuscule) et crissements indus.
Wound of Exit (1998)
Sortie : 1998 (France). Industrial, Experimental, Electronic
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 5/10.
Annotation :
C'est avec son œuvre ultime (réalisée en solo) que Rozz Williams va pousser Premature Ejaculation dans ses retranchements, aboutissant presque à une forme de non-musique industrielle. Il faut également savoir que Wound of Exit est plus qu'un simple (double) album, c'est un poignant testament musical – Rozz est décédé peu de temps avant son édition.
En dépassant la forme déjà adoptée par Estimating the Time of Death, le son fait corps avec le métal, son corps fusionne avec la machine : c'est une chaîne industrielle dévorante, faite de boucles mécaniques, de dérèglements anatomiques. Même lorsqu'une esquisse rythmique parvient aux oreilles, elle semble inanimée, écrasée par les rouages de l'usine – c'est une certaine vision de la mort, celle que Rozz s'est donné. On reste sans voix à l'écoute de Wound of Exit – aussi dense qu'il est difficilement écoutable, mais dont les trois derniers morceaux (sublimes) nous hantent durablement, comme un dernier adieu craché à la face du monde.
Rise
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 4/10.
Annotation :
/ enregistré entre 1983 et 1987
Première de la série des enregistrements rares de Malaise Music – qui ont d'ailleurs fourni un travail exceptionnel, Rise ressemble à une cassette pirate glauque qu'on aurait déterré d'une cave. On sait peu de choses sur cet opus, si ce n'est qu'il provient sûrement des premiers essais du groupe avec ses fréquences radio en bric-à-brac (Not Receiving), ses bruits d'aspirateur (Vacuum), ses instruments saturés (Vicious Circle), comme un laboratoire génial. C'est maladroit, en bordel, mais il est impossible d'en nier le charme amusant.
6 (2001)
Sortie : 2001 (France).
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
/ enregistré entre 1983 et 1987
Derrière l'un des plus beaux artworks du groupe, seize titres aux origines inconnues, eux aussi retrouvés dans les archives de Premature Ejaculation – le disque avait déjà été édité en 2001. À l'écoute, on sent une forme d'art brut émerger de ces tambourinements martiaux, de ces miaulements de chats (qu'on retrouvera dans différents travaux), de ces samples tantôt guerriers, tantôt religieux : c'est un malaise endormi, confortable qui s'installe vicieusement.
Attempts At 7
Industrial, Experimental, Electronic
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
/ enregistré entre 1983 et 1987
Plus juste dans sa structure (Malaise Music en a conservé une plage unique de quarante minutes), Attempts at 7 s'apparente au son de Death Cultures dans ses climats souterrains et nauséeux, ses collages en boucle (les sons se répètent indéfiniment, évoluent insidieusement), son ambiance old school hantée. Ce qui frappe d'emblée, c'est la parfaite homogénéité de l'exercice – pourtant périlleux, comme si Rozz Williams avait trouvé sa voie musicale (aussi malade soit-elle), s'amusant à en étirer les possibilités avec aisance. Sur la pochette, entre autres instruments de torture, on peut lire FOR THE SICK : cela me paraît en être une bonne définition.
Premature Ejaculation - Part. 3
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
/ enregistré entre 1983 et 1989
Il s'agit de la plus rare pièce du puzzle, dernière découverte fondamentale orchestrée par Malaise Music – à tel point que l'album n'a pas de titre. C'est aussi l'un des plus longs, divisé en deux plages d'une quarantaine de minutes chacune, prenant le temps de tisser ses ambiances souterraines lourdes grâce au field recording. Chaque partie possède ses propres réflexions, ses propres arrangements, tous intéressants dans leur mélodie – usant des répétitions à l'excès, entre musique classique, frottements mécaniques et samples vocaux.
Comme rarement, le son atteint un degré sexuel inégalé : les spasmes de jouissance, les halètements sensuels fusionnent avec les bruissements métalliques dans un érotisme glauque mais terriblement excitant – quand dans sa seconde partie, la machine semble avoir absorbé, perverti ce qui restait alors de vivant.
Dead Whorse Riddles
Album de Premature Ejaculation
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
/ enregistrements des 80s
Dead Whorse Riddles se veut comme une compilation de morceaux déjà existants – ou réutilisés dans les années 90. Cependant, tous ont été améliorés, remaniés et redistribués dans cet album spécial qui catalyse toutes les influences de Premature Ejaculation depuis leurs débuts. C'est simple : il n'y a que du bon, et cet opus pourrait être considéré comme une porte d'entrée abordable aux différentes expérimentations du groupe – qui, prises dans leur entièreté, peuvent être intimidantes.
Body of a Crow (1986)
Sortie : 1986 (France).
Album de The Happiest Place on Earth
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
/ THE HAPPIEST PLACE ON EARTH
En s'appropriant un slogan de Disneyland, Rozz Williams et Chuck Collison (dont Body of a Crow a été officieusement publié sous son label) affichent leur haine de l'Amérique capitaliste – qui sera mise en parallèle avec le nazisme dans leurs travaux suivants, érigeant un Mickey Mouse défiguré en emblème de leur chaos sonore. Si le groupe (prolongement de Premature Ejaculation) aura servi à l'édition d'une obscure cassette vidéo (PULSE), il est surtout connu pour les vingt-six titres de Body of a Crow.
Aucun morceau ne se ressemble, tous sont très courts, la technique est plus variée. Certaines mélodies étrangement dansantes, presque rétro-futuristes, émergent (Never Say, You Can't Kill Kill, Dead Beat) de ce fourre-tout expérimental, plus surréaliste qu'il est inquiétant – malgré ses sonorités bruitistes et certains morceaux familiers de Premature Ejaculation.
Il Banchetto Dei Cancri / VC-706 (1989)
Sortie : 1989 (France).
Album de Heltir
ChereeCheree a mis 5/10.
Annotation :
/ HELTIR
C'est aussi sous le label underground de Chuck Collison que le projet noise de Rozz, Heltir – anagramme d'Hitler, voit le jour. Rozz Williams a toujours été fasciné et inspiré par le personnage d'Adolf Hitler (qui hante d'ailleurs une grande partie de son œuvre, sur le fond comme sur la forme) en ce sens qu'il fut pour lui un syncrétisme unique de l'abomination humaine qu'il eut à cœur d'exorciser, d'exhiber au monde dans un but de provocation – et de questionnement des images.
Heltir va encore plus loin que Premature Ejaculation dans sa démarche bruitiste : dès 1989, les deux premiers enregistrements (Il Banchetto Dei Cancri et VC-706) témoignent d'effets électroniques agressifs et ultra-saturés, réduisant au néant les notions de musique pure – tout n'est que grésillements et crépitements sonores, parfois entravés par des voix, condensés en une heure éprouvante et infernale.
69 Rituals (1989)
Sortie : 1989 (France).
Album de Heltir
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
Deux nouveaux enregistrements (plus courts) sortiront la même année sous 69 Rituals. Moins radical que l'opus précédent, ce dernier est plus varié dans ses collages sonores (se côtoient crissements aigus, voix déformées, mélodies viciées) dont certains ont été empruntés à d'anciens travaux – notamment un sample vintage, où l'on peut entendre un enfant prêcher contre l'enfer. Ces assemblages bruts, en véritable œuvre Dada, superposent les sons, les voix, les instruments primitifs avec la même justesse que Premature Ejaculation.
Neue Sachlichkeit (1994)
Sortie : 1994 (France).
Album de Heltir
ChereeCheree a mis 8/10.
Annotation :
En 1994, la nouvelle œuvre d'Heltir est différente de tout ce qu'a pu faire Rozz Williams dans sa carrière. Il serait même impossible de la résumer objectivement puisqu'elle déborde de chaque recoin, joue de ses influences diverses (noise, industrielle, jazz, musique orientale, dark ambient, spoken-word...) et de ses collages instrumentaux en bazar (guitare, piano, violon, flûte, saxophone entre autres) dans un tourbillon sonore presque trop complexe. Malgré cette abondance, Neue Sachlichkeit conserve une identité propre à l'univers musical de Rozz, une harmonie dont lui seul est capable mais qui semble inatteignable, surhumaine. Globalement moins claustrophobe qu'à l'habitude, elle n'en est pas plus accessible pour autant – au contraire, c'est une œuvre qui s'apprivoise sur la durée mais dont le potentiel artistique est sans limites.
Shadow Project (1991)
Sortie : 1991 (France).
Album de Shadow Project
ChereeCheree a mis 6/10.
Annotation :
/ SHADOW PROJECT
En 1991, après s'être abîmé dans ses expérimentations industrielles, Rozz Williams fonde Shadow Project avec sa femme – la guitariste et chanteuse Eva O, dans le but de retourner aux origines deathrock de Christian Death. C'est avec plaisir qu'on se replonge dans un rock gothique affirmé, complété par quelques samples qui évoquent brièvement Premature Ejaculation : ce premier album est un indispensable mais manque de puissance en comparaison aux jalons des 80s.
Death Plays His Role
https://www.youtube.com/watch?v=M92uXh3MNy0
Dreams for the Dying (1992)
Sortie : 1992 (France).
Album de Shadow Project
ChereeCheree a mis 7/10.
Annotation :
Plus juste à tous les niveaux, Dreams for the Dying est un véritable album de deathrock (rythme effréné, ambiance diabolique, textes vénéneux) fidèle au génie de Rozz Williams dans ses capacités naturelles à créer le malaise comme à construire des mélodies efficaces – la musique se transforme soudainement en incantations macabres, entre spoken-word et déformations sonores. Il y a également quelque chose d'apaisant, de sacré dans Dreams for the Dying : ce qui en fait une œuvre accessible, malgré ses envolées lyriques parfois déconcertantes.
Zaned People
https://www.youtube.com/watch?v=ENCWgj5JOV8