Tsai Ming-Liang
3 films
créée il y a plus de 4 ans · modifiée il y a 8 moisLes Rebelles du dieu néon (1992)
Qing shao nian nuo zha
1 h 46 min. Sortie : 25 mars 1998 (France). Comédie dramatique
Film de Tsai Ming-Liang
Annotation :
Que s'est-il passé à Taiwan dans les années 80 et 90 ? C'est sidérant : on ne connaît rien du cinéma taïwanais d'avant, on ne sait même pas si des films y étaient faits, et d'un coup, une génération brillante de réalisateurs arrive, tous ayant un style semblable, quoique hyper affirmé, sans que cela ne ressemble à quoi que ce soit d'autre dans le monde. Edward Yang, Hou Hsiao-hsien, et peut-être d'autres encore, allaient développer une impressionnante maîtrise de la direction au couteau, du montage brut et de la narration sèche, du cinéma dur comme du buis mais beau comme de l'érable. En 1992, Tsai Ming-Liang tourne son premier long-métrage, au titre magnifique, qui hérite de toutes les brillantes caractéristiques de ce genre ultra-national : c'est un premier film, et surtout, un premier chef-d'œuvre.
Il ne se passe presque rien, et ce ne sont pas vraiment les dialogues, une dizaine probablement, qui font progresser le récit : tout passe par l'image, par le rythme imposé par le montage, par le regard porté sur les personnages. En évitant tout accablement, Ming-Liang joue la distanciation, filme les regards des uns sur les autres, les attractions ambivalentes et les tourments adolescents avec un réalisme prégnant mais aussi une inquiétude personnelle poignante. Toutes ces scènes de nuit (mais comment pouvaient-ils tous si bien filmer les villes dans la pénombre ?) sont autant de déambulations hypnotisantes, au rythme d'une musique stupéfiante, où l'intime éclate dans une urgence en sourdine : petits larcins aux lourdes conséquences, séances de cinéma sous tension amoureuse, beuveries de fuite adolescente, et autres jeux dangereux témoignent d'un mal-être insaisissable, d'un besoin de communication insolvable et totalement irrésolu. À la fin, lorsque le père laisse la porte ouverte et glisse un dernier regard au travers, sa progéniture est déjà partie pour zoner les souterrains d'une Taipei grouillante d'idées noires et de vies desarticulées.
Vive l'amour (1994)
Aiqing wansui
1 h 58 min. Sortie : 5 avril 1995 (France). Comédie dramatique
Film de Tsai Ming-Liang
Annotation :
Tsai Ming-Liang s’amuse : sur un récit qui devrait prendre deux à trois fois moins de temps à se développer, le cinéaste taïwanais choisit de se faire plaisir et d’allonger ses plans jusqu’au malaise, en allant toujours plus loin que ce que la patience tolère ; lorsqu’on entend une sonnerie résonner, on sait par avance que cela va durer encore au moins une trentaine de secondes, et c’est la même chose pour à peu près toutes les situations. Heureusement, le type est hyper doué à la caméra, et il faut reconnaître que cette construction en lenteur possède son rythme propre, et donc sa saveur. En revanche, on ne voit que trop bien les ficelles de ce procédé, d’autant plus fragile que le récit est assez creux. Il y a quelques bonnes scènes, et cette idée de transformer un postulat de vaudeville en drame de la solitude muette est plutôt bonne, mais tout ce grand concept pour un si petit propos, c’est beaucoup trop vain. On finit d'ailleurs sur un plan fixe de cinq minutes sur une femme qui pleure (exagérément) : c’est trop.
Et là-bas, quelle heure est-il ? (2001)
Ni neibian jidian
1 h 56 min. Sortie : 26 septembre 2001 (France). Drame
Film de Tsai Ming-Liang
Annotation :
C'est un joli petit film, parce qu'il est dédié par Tsai Ming-Liang à son père, et on sent l'héritage paternel de tout son long : le fils est désemparé et vivote de petites illusions, sa mère ne vit que dans l'espoir dans son retour, et sa figure apparaît finalement de façon hasardeuse à Paris. Il n'empêche que le prétexte scénaristique est vraiment trop mince : les scènes ne sont alimentées que par leur propre étrangeté, et ne sont ni au service d'une trame en saga, ni même vraiment liées entre elles : il y a un petit suspense amoureux, qui finit par se déjouer pour mieux se démultiplier, mais il n'en reste rien à la fin du film. Tout cela est assez agréable à regarder, la beauté des plans fait que l'on ne s'ennuie pas (Ming-Liang sait y faire, même s'il a tendance à forcer çà et là et à allonger la durée plus que de raison), mais c'est une coquille vide : de beaux plans ne font pas un beau film. Un peu vain.