Un album, une situation.

Annotation :

1. - TON PREMIER ALBUM

Longer les berges du Saint-Laurent, pour seul fond sonore un accompagnement orchestral recroquevillé sous le ton baryton de La Mort de l'Ours, avec ce paysage dépouillé mais venteux qui s'allonge à mesure que progresse la voiture, en voilà une expérience qui m'appert nécessaire à tout gamin.

Annotation :

2. - UN ALBUM DE MON PÈRE

Contact primaire avec une violence qui m'était jusqu'alors insoupçonnée. Ce que la musique de Lou Reed conspire à effuser, - et à plus forte raison dans l'anarchie du Velvet, - relève d'un jaillissement si bien branlé qu'à l'instar de Lester Bangs, l'on se romprait volontiers le crâne contre une armoire de bois à son écoute.

Annotation :

3. - UN ALBUM DE MA MÈRE

Ses goûts musicaux, du reste moins épars que ceux de notre précédent sujet, furent influencés grandement par les transports éblouis de mon grand-père pour des standards tels que le Folsom Prison Blues, ou bien par les franches rigolbochades qui s'évacuaient de son gosier aviné dès lors que résonnait A Boy Named Sue.
Je sais ma mère fort tristounette à l'égard de Hurt, et c'est la raison pour laquelle je l'ai appariée à cet album : il paraîtrait que la reprise, par sa gravité, la rappelle désormais à la mort du Vieux, lui qui, affalé jusqu'au terme dans son alcoolisme de secours, s'est peut-être laissé bercer par la complainte à la veille du décès constaté.

Annotation :

4. - UN ALBUM D’UN.E GRAND.E FRÈRE/SŒUR.

Faute de grande sœur, j'élis à la tâche ma cousine, qui m'est assez proche pour opiner à une telle nomination.
Mumford and Sons, donc, soit une folk plutôt sincère, pourvu qu'elle demeure en ce rôle unique. Et Sigh No More tient pour moi cette singulière position en ce qu'il m'initia à grapiller en tous lieux des morceaux de culture musicale, m'invitant au passage à la découverte de Laura Marling et consorts. Il recèle par ailleurs une couple de perles, parmi lesquelles figure Dust Bowl Dance, leur morceau le plus abouti.

Annotation :

5. - UN ALBUM D’UN.E PETIT.E FRÈRE/SŒUR.

Mon frérot, ce hockeyeur.

Annotation :

6. - UN ALBUM DE MON ADOLESCENCE.

Bah, Street Fighting Man demeurant l'une des plus grandes chansons de l'histoire du rock, l'adolescence lui confère une liesse d'autant plus ardente que le corps en brûle, enclin à s'épivarder sans perdre le souffle. Album assorti à une telle catégorie, donc.

Annotation :

7. - UN ALBUM QUE J'AI ÉNORMÉMENT ÉCOUTÉ.

Prime ouverture sur la musique, aux alentours de mes neuf ans. Je me souviens avoir repassé en boucle les quatre premières chansons quelques mois durant, puis un jour déboucher sur Don't Think Twice It's Alright, - qui m'avait ébloui à n'en plus dormir, - pour enfin me rendre, après un an de répétitions transies, au terme de l'expérience. Dès lors, j'écoutai Dylan en ayant l'impression de m'y alanguir, l'échine nervurée de stridulations d'harmonica.

Annotation :

8. - UN ALBUM QUE JE NE VEUX PLUS ENTENDRE.

Et dont je n'en veux plus parler. Springsteen m'est d'une lourdeur excessive.

Annotation :

9. - UN ALBUM QUE TU ES SEUL À AIMER.

Relativement éreinté par la critique pour son approche bruitiste, je lui prête une place privilégiée en raison de ce qu'il me fit pénétrer l'antre bigarrée qu'occupe, dans cette jungle prog, la musique de Pink Floyd, ce creuset où se mêle aux ors chatoyants quelques rares sombreurs nocturnes.

Annotation :

10. - UN ALBUM QUE TOUT LE MONDE AIME.

La base.

Annotation :

11. - UN ALBUM QUE J'AURAIS VOULU FAIRE.

Du lyrisme et de la liesse, un tourbillon : je m'y abîmerais volontiers, une patch de LSD sur la langue, triturant ma guitare d'un pouce indolent, accompagné par mille-et-une oraisons de bodhisattvas sur un chœur d'ivresse. Et la simple compagnie de Harrison suffit à me convaincre du bien-fondé de cette mienne décision.

Annotation :

12. - UN ALBUM QUE JE N'AURAIS PAS VOULU FAIRE.

Improviser en vrille sur un piano mal accordé, et ce pendant une heure et quart, alors que l'on n'a pas dormi depuis deux jours, que nous manque la maison, que nous pèse la carcasse, il s'agit là d'une certaine définition du calvaire.

Annotation :

13. - UN ALBUM AU RÉVEIL.

La mixture de punk et de bossa m'apparaît pétillante. Pour les lendemains qui chantent.

Annotation :

14. - UN ALBUM AVANT DE SE COUCHER.

Un parégorique enforci d'un somnifère. Ne serait-ce qu'avec cet entrefilet de voix qui lui est propre, quelquefois aussi crade, Drake vous berce. À la douceur d'une simple mélodie attaquée dans l'hypnotique précision, Horn saura vous achever; et sitôt assoupli par la sérénité de l'ensemble que vous venez d'entendre, Things Behind the Sun inaugure votre sommeil paradoxal de même qu'il annonce la face B. Vous voici prêt pour de douillets dodos.

Annotation :

15. - UN ALBUM POUR FAIRE LA FÊTE.

Cette fête aura fière allure, c'est moi qui vous l'dis.

Annotation :

16. - UN ALBUM POUR MÉDITER.

Je ne médite pas, et n'en ai sincèrement pas grand-chose à faire. Quoi qu'il en soit, les vagues de calme qui me submergent à l'écoute de cet électro-classico-j'sais-pas-trop suffisent à motiver l'élection de l'album en cette catégorie.

Annotation :

17. - UN ALBUM POUR ÊTRE CÉLIBATAIRE.

« Les doigts qui tremblent dans sa main,
les gestes souvent maladroits,
font déjà partie du passé
où je restais des nuits sans fin
à penser et rêver à toi,
le premier que je crus aimer. »

Annotation :

18. - UN ALBUM POUR ÊTRE AMOUREUX.

Parce qu'Erykah Badu est en mesure de chanter la relation amoureuse d'un souffle cru, jamais complaisant, qui m'émeut particulièrement.

Annotation :

19. - UN ALBUM POUR CONSEILLER À MES AMI.E.S.

Jane Bunnett demeure méconnue du grand public, hélas. C'est pourtant par l'entremise de cet album que je me commençai à me passionner pour sa musique, de même que, à plus forte raison, pour le jazz.

Annotation :

20. - UN ALBUM POUR FAIRE L'AMOUR.

La musique nous meut. Le sexe nous moud.

Annotation :

21. - UN ALBUM POUR L'HIVER.

Un concerto qui me ramène aux glaces du château Frontenac, aux glissades de la rue Saint-Jean, aux touristes gaillardement emmitouflés, aux flocons que quête d'un coup de langue l'itinérant de la porte Saint-Louis, aux orteils transis, aux oreilles grenat, aux mains qui débouchent d'une poche en quête de main à saisir, et qui espèrent, et qui en gèlent, et qui en cuisent, et qui retournent en cavité, bleutées d'attendre.

Annotation :

22. - UN ALBUM POUR L'ÉTÉ.

«You thought the leaden winter
would bring you down forever,
but you rode upon a steamer
to the violence of the sun. »

Annotation :

23. - UN ALBUM À ÉCOUTER CHEZ SOI.

Il s'agit de la seule occurrence où j'assistai à un véritable concert de musique classique. La pompe qui gourmait de sa pesanteur tous les distingués spectateurs m'avait égaré, il me semble, loin des houles qu'agitait l'orchestre. Pressé par la rigidité bourgeoise de fuir ce milieu qui n'était pas le mien, je n'avais su apprécier à sa juste valeur le sublime des jaillissements plus vivants que tous ces corps fades qui m'environnaient de fatuité. Il faudrait, à l'occasion, que je le réécoute seul, dans ma petite chambre de con, plutôt en sous-vêtement qu'en costard.

Annotation :

24. - UN ALBUM QUE J'ÉCOUTE EN VOITURE.

Tout Écartillé constitue un peu le pinacle de ce qu'il est envisageable d'exulter à bord d'une voiture. Voilà.

Annotation :

25. - UN ALBUM POUR ME FÂCHER.

Rêche, bosselé de protubérances purulentes, crade à souhait, sombre et humide comme gorge de panthère ou vulve de fer, l'on tient là le sommet de ce que peut le Velvet en fait de brutalité sonore, cette virulence qui, pour se porter garante de bidouillages assumés, ne peut se permettre de farder ses accès d'alacrité avec l'attirail harmonique déployé à la même époque par tous ces groupes de pop-rock plus férus de molles sérénades que de rugissements.
À mon souvenir, Lester Bangs, grand critique états-unien, se vit si transporté par la boucle atroce que déploie Sister Ray presque vingt minutes durant qu'il en fracassa d'un coup de tête son armoire. Alors, qu'il le soit entendu, je l'imiterai sans broncher.

Annotation :

26. - UN ALBUM POUR ME DÉTENDRE.

J'avais coutume, du temps où je me prélassais l'après-midi, de faire tourner ce disque en guise d'endormitoire. Désormais que je touche moi-même la guitare, selon l'expression si juste de nos camarades hispanophones, il ne ne m'est guère plus possible de dormir en paix sans m'émouvoir d'arpèges chaque fois époustouflants de douceur.

Annotation :

27. - UN ALBUM QUI ME FAIT DANSER.

Tom Verlaine a ce don de composer des mélodies portées par juste ce qu'il faut de complexité pour enivrer, tout en déployant une rythmique cadencée au quart de tour, nous faisant battre pieds et bras d'affolements salutaires, et ce sans se forcer à tout prix.

Annotation :

28. - UN ALBUM QUI ME FAIT RÉFLÉCHIR.

Un peu facile, mais ça fait le travail... Non?

Annotation :

29. - UN ALBUM POUR GARDER LES PIEDS SUR TERRE.

Garder les pieds dans le fumier, oui.

Annotation :

30. - UN ALBUM POUR RÊVER.

Quand l'on connaît la méthode de composition qu'employa Fiori pour l'ensemble de sa carrière, c'est à juste titre que cet album peut être inclus dans cette catégorie.