Un passage, un frisson
Liste non exhaustive de passages de romans qui frôlent la perfection (no spoil)
7 livres
créée il y a plus de 7 ans · modifiée il y a plus de 4 ansMauprat (1837)
Sortie : 1837 (France). Roman
livre de George Sand
CyranodeChablis a mis 6/10.
Annotation :
– Avant de connaître les poètes, disait-il dans ses dernières années, j’étais comme un homme à qui manquerait un sens. Je voyais bien que ce sens était nécessaire, puisque tant de choses en sollicitaient l’exercice. Je me promenais seul la nuit avec inquiétude, me demandant pourquoi je ne pouvais dormir, pourquoi j’avais tant de plaisir à regarder les étoiles, que je ne pouvais m’arracher à cette contemplation ; pourquoi mon cœur battait tout d’un coup de joie en voyant certaines couleurs ou s’attristait jusqu’aux larmes à l’audition de certains sons. Je m’en effrayais quelquefois jusqu’à m’imaginer, en comparant mon agitation continuelle à l’insouciance des autres hommes de ma classe, que j’étais fou. Mais je m’en consolais bientôt en me disant que ma folie était douce, et j’eusse mieux aimé n’être plus que d’en guérir. À présent, il me suffit de savoir que ces choses ont été trouvées belles de tout temps par tous les hommes intelligents, pour comprendre ce qu’elles sont et en quoi elles sont utiles à l’homme. Je me réjouis dans la pensée qu’il n’y a pas une fleur, pas une nuance, pas un souffle d’air qui n’ait fixé l’attention et ému le cœur d’autres hommes, jusqu’à recevoir un nom consacré chez tous les peuples. Depuis que je sais qu’il est permis à l’homme, sans dégrader sa raison, de peupler l’univers et de l’expliquer avec ses rêves, je vis tout entier dans la contemplation de l’univers ; et, quand la vue des misères et des forfaits de la société brise mon cœur et soulève ma raison, je me rejette dans mes rêves ; je me dis que, puisque tous les hommes se sont entendus pour aimer l’œuvre divine, ils s’entendront aussi, un jour, pour s’aimer les uns les autres. Je m’imagine que, de père en fils, les éducations vont en se perfectionnant. Peut-être suis-je le premier ignorant qui ait deviné ce dont il n’avait aucune idée communiquée du dehors. Peut-être aussi que bien d’autres avant moi se sont inquiétés de ce qui se passait en eux-mêmes et sont mort sans en trouver le premier mot. Pauvres gens que nous sommes ! ajoutait Patience ;
Madame Bovary (1857)
Sortie : 1857 (France). Roman
livre de Gustave Flaubert
CyranodeChablis a mis 9/10.
Annotation :
"Parce que des lèvres libertines ou vénales lui avaient murmuré des phrases pareilles, il ne croyait que faiblement à la candeur de celles-là ; on en devait rabattre, pensait-il, les discours exagérés cachant les affections médiocres ; comme si la plénitude de l’âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles."
Anna Karénine (1878)
(Traduction Henri Mongault)
Anna Karenina
Sortie : 1936 (France). Roman
livre de Léon Tolstoï
CyranodeChablis a mis 7/10.
Annotation :
"Et la lumière, qui pour l’infortunée avait éclairé le livre de la vie, avec ses tourments, ses trahisons et ses douleurs, déchirant les ténèbres, brilla d’un éclat plus vif, vacilla et s’éteignit pour toujours."
Du côté de chez Swann (1913)
À la recherche du temps perdu / 1
Sortie : 14 novembre 1913. Roman
livre de Marcel Proust
CyranodeChablis a mis 8/10.
Annotation :
"Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir"
La Prisonnière (1923)
À la recherche du temps perdu / 5
Sortie : 1923 (France). Roman
livre de Marcel Proust
CyranodeChablis a mis 8/10.
Annotation :
"Car si nous allions dans Mars et dans Vénus en gardant les mêmes sens ils revêtiraient du même aspect que les choses de la Terre tout ce que nous pourrions voir. Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est; et cela nous le pouvons avec un Elstir, avec un Vinteuil, avec leurs pareils, nous volons vraiment d'étoiles en étoiles."
Nord (1960)
Sortie : 20 mai 1960. Roman
livre de Louis-Ferdinand Céline
CyranodeChablis a mis 7/10.
Annotation :
"Oh ! que vous incarnez la France, monsieur le Maréchal ! » le coup d’ « incarner » est magique !... on peut dire qu’aucun homme résiste !... on me dirait « Céline ! bon dieu de bon Dieu ! ce que vous incarnez bien le Passage ! le Passage c’est vous ! tout vous ! » je perdrais la tête ! prenez n’importe quel bigorneau, dites-lui dans les yeux qu’il incarne !... vous le voyez fol !... vous l’avez à l’âme ! il se sent plus !... Pétain qu’il incarnait la France il a godé à plus savoir si c’était du lard ou du cochon, gibet, Paraids ou Haute Cour Douaumont, l’Enfer ou Thorez… il incarnait !... le seul vrai bonheur de bonheur l’incarnement !... vous pouviez lui couper la tête : il incarnait !... la tête serait partie toute seule, bien contente, aux anges !... Charlot fusillant Brasillach aux anges aussi ! il incarnait ! aux anges tous les deux !... ils incarnaient tous les deux !..."
Rigodon (1969)
Sortie : 1969 (France). Récit, Roman
livre de Louis-Ferdinand Céline
CyranodeChablis a mis 6/10.
Annotation :
"Qu'est-ce qu'on envoie comme panache ! je vous disais fumée, mais aussi les escarbilles ! de quoi faire brûler toutes les meules ... et que c'est plein d'R.A.F en l'air, s'ils nous bombent pas c'est qu'ils nous méprisent"