zeitgeist 2022
11 livres
créée il y a environ 2 ans · modifiée il y a plus d’un anManuel de sagesse païenne (2020)
Sortie : 9 janvier 2020. Essai
livre de Thibault Isabel
Annotation :
Que les valeurs chrétiennes nous soient devenues si odieuses que n'importe quel livre de supermarché parvienne à en produire la critique "en bonnet difforme" en dit long sur l'état de la chrétienté française. Pas que ça importe, c'est le dogmatisme qui est plaisant et puissant dans le catholicisme, pas sa mièvrerie vaticarnavalesque. Néanmoins, derrière le creux des formules d'Isabel (pas catholique celle-ci) surnage une soupe pas si mauvaise, qui renvoie dans ses pénates l'idéalisme abstrait du divin Platon sans s'extasier pour autant sur le virilisme stoïcien (lequel ne déméritait pas sur le sujet des abstractions).
Mine de rien, pour une vulgarisation, le tour d'esprit vaut la peine d'être noté, quand bien même il irait chercher dans la "sagesse asiatique" (la confucianisme) les opinions conservatrices qu'il ne peut faire dire aux badauds Romains. Évidemment, ça coince sur les chapitres de la mort, où toute la morbidité des Antiques est mise sous le tapis pour en revenir au simple culte familial, à l'instinct de survivance par la procréation et la communauté (on appréciera la référence innocente à Alain de Benoist). Et de se permettre même une petite tape sur le nez des critiques faciles du panthéisme comme matérialisme athée qui s'ignore et s'illusionne. Rien de plus utile quand on ne croit plus que l'absurdité de l'existence et de toutes les existences n'est pas un argument contre elle(s), c'est l'air frais qui rentre à nouveau. On finirait presque par s'attacher à ce sensualisme magique à la Gioradano Bruno, couronné des vertus miraculeuses de la biologie, et qui sent un peu le bois sec.
En présence de Schopenhauer (2017)
Sortie : 4 janvier 2017. Essai
livre de Michel Houellebecq
Annotation :
Encore Houellebecq, histoire de répéter le bonheur de son HPL mais c'est raté. Ici pas grand chose à se mettre sous la dent si ce n'est une retrouvaille avec l'esthétique de Schopenhauer et quelques insultes (largement méritées) envers la philosophie des années 2000 — qui se souvient de "Philosophie des âges de la vie" ? Décidément Schopi est le roi de l'entre-deux, toujours à moitié feuillu de classiqueries (le Latin et le Grec, le kantisme avec un cuir noir sur les épaules), à moitié étincelant dans son costume de mage critique ou de sage bouddhiste. Le livre étant presque exclusivement constitué de citations de Schopenhauer, le commentaire de Houellebecq est transparent. Quand même, c'est un peu bizarre de décréter que les "Aphorismes sur la sagesse dans la vie" sont sa meilleure œuvre (même pas les Parerga).
Petits préceptes de vie selon Nietzsche
Sortie : 25 juin 2015 (France).
livre de John Armstrong
Annotation :
M’étais accordé cette courte lecture en guise de jeu. Heureusement j’ai plus ri de la naïveté extraordinaire des commentaires de l’incolore meneur de The School Of Life que pleuré devant leur nullité affectée.
Quelle drôle d’idée de fonder une dizaine de chapitres visiblement de développement personnel sur les Considérations Inactuelles et le Cas Wagner (« comme Nietzsche avec Wagner, essayez de comprendre pourquoi vous êtes tombé dans une relation toxique », « l’altruisme est une bonne chose mais Nietzsche nous rappelle qu’elle contient aussi des revers » YOU DON’T SAY). Au moins les extraits sont bien choisis.
Marx à la plage (2019)
Le Capital dans un transat
Sortie : mai 2019. Essai, Politique & économie, Philosophie
livre de Jean-Numa Ducange
Annotation :
Une petite sucrerie, pour preuve le livre pourrait être lu par n'importe qui. Marx ne finit donc par rentrer dans la tête des post-muraux que comme critique.
Encabanée (2018)
Sortie : 7 janvier 2021 (France). Roman
livre de Gabrielle Filteau-Chiba
Annotation :
Tout commençait plutôt bien avec la joie naturelle de lire une autre langue de sa langue jusqu'à ce que survienne le moment de faire mouiller la lectrice (ou bander le lecteur, m'en fous en fait) avec un eco-terroriste-bûcheron-chemise-à-carreaux baraqué-arabo-québecquois fort-mais-tendre-à-la-fois-tmtc — à deux doigts d'avoir un accent raciste à l'écrit (ouf, c'est pas encore adapté au cinéma).
La Conquête du bonheur (1930)
The Conquest of Happiness
Sortie : 31 août 2001 (France). Essai, Philosophie
livre de Bertrand Russell
Annotation :
Russell est un bonhomme marrant, dont les démonstrations d'intelligence en mathématiques ou logique inspirent facilement le respect à ceux restés dans le vestibule du savoir scientifique (comme votre serviteur), mais ses traités "mondains" de philosophie naviguent facilement entre le vulgaire bon sens anglais entièrement corrompu de sens pratique et les courbettes de pitié à l'égard de la situation économique, morale, culturelle et sociale de l'écrasante majorité des pays dits développés. Cela rend la situation de Russell, aristocrate fortuné, dépressif à force de n'être soumis à aucune contrainte, de donneur de leçons d'éthique assez difficile à avaler.
Quelques exemples :
* Russell prône un mélange de résignation et d'effort : effort pour parvenir à ses fins, résignation de ne pas les voir advenir. Exemple : pousser pour des réformes sociales mais les voir empêchées par la guerre → si le désir n'était pas égoïste, le souci de l'humanité prévaudra. Merci M. le rentier.
* il prêche la distinction entre les passions égoïstes et celles tournées vers l'extérieur → les passions égoïstes (besoin de satisfaire son ego par des compliments, plaisir sensuel excessif) nous replient sur nous-même quand les passions extérieures, tournées vers des objets ou des activités, nous protègeraient de ce repli. Ce n'est d'ailleurs pas tant les passions extérieures qui seraient bonnes que les passions intérieures qui sont mauvaises car, à terme, l'isolement et le mur qu'elles bâtissent entre soi et autrui (intransigeance et agacement extrême des actions d'autrui versus tolérance et ironie sur soi-même) confineraient au malheur. Merci M. le philosophe.
* sans surprise, pour Russell, le mieux est de ne pas avoir de masque social mais, quitte à en avoir un, autant avoir à disposition ceux qui permettent de prendre « du côté qui peut être porté » (pour parler comme Épictète) toutes les situations — souvent celui de l'humour (pas l'ironie féroce sûrement…) et du second degré est le plus utile. Y'a plus qu'à M. le moraliste.
Le livre, bien rangé par chapitres thématiques comme il faut, fait penser aux « Aphorismes sur la sagesse dans la vie » du bouddhiste de Francfort, sans le génie de la formule ni l'excuse du jeu intellectuel inconséquent.
Ressac (2021)
Sortie : 28 mai 2021. Récit
livre de Diglee
Annotation :
De l'introspection du vide à l'introspection d'un vide pour reprendre le ton des formules à deux balles qui gangrènent le livre par leur très agaçant premier degré. La couverture est chouette quand même.
L'Unité du corps et de l'esprit (2004)
Affects, actions et passions chez Spinoza
Sortie : 15 avril 2015 (France). Essai
livre de Chantal Jaquet
pedenys l'a mis dans ses coups de cœur.
Annotation :
Ne connaissant de Spinoza que le Tractatus theologico-politicus, j'avais entamé avec enthousiasme il y a quelques années son « Spinoza et la prudence »… livre court et intense (cmb) faisant montre de la geste habituelle des commentateurs de Spinoza, et de Spinoza lui-même : (re)travailler un objet donné (une émotion, un concept, un mot d'ordre, un phénomène social, etc.) par un petit nombre de concepts hiérarchisés (affection, affect, passion, action, etc.) d'abord rongés jusqu'à la moelle puis peu à peu farcis par le retour de l'intuition maintenant doublée par l'intellect. Une cuisine de philosophe quoi.
Avec ce livre-ci, Jaquet prend davantage son temps, donnant quelques coups de patte sur la tête de Damasio en montrant la tautologie hélas inféconde du parallélisme supposément spinoziste au profit de cette équivalence, parfois qualitative, parfois quantitative, entre corps et esprit — le même phénomène touchant bien les deux faces de la pièce mais pas de la même manière ou plutôt dont la conscience nous parvient différemment. C'est la même cause qui vaut des deux côtés, mais le liquide révélateur de la conscience n'imprime pas telle ou telle face avec la même intensité selon qu'il s'agit d'une peine de cœur (dont il existe assurément des symptômes physiques) et l'aigreur d'estomac. La mise au point avec la descartologie était donc indispensable et, une fois de plus, redonne au « Traité des passions de l'âme » son lustre perdu.
Le garçon sauvage
Carnet de montagne
il ragazzo selvatico
Sortie : 8 janvier 2016 (France). Roman
livre de Paolo Cognetti
Annotation :
Ce n'est ni vilain ni bien. Il y quelques scènes avec les locaux à garder ainsi qu'cette transcription exacte du malaise née de la rencontre entre le souvenir fantasmé (la Nature, le Calme) et la machine constamment agacée et anxieuse appelée conscience contemporaine. De là à en sortir agacé soi-même il n'y a qu'un pas.
Le Charme des penseurs tristes
Sortie : 28 août 2013 (France).
livre de Frédéric Schiffter
Annotation :
En bon nihiliste, Schiffter ne porte aucun intérêt à ce que pourrait être une œuvre — ça se sent. Mais on devine et l'on ressent quand même la joie (pardon pour la grossièreté) de passer le mot de certains noms (Cioran, Caraco, La Rochefoucauld, Joubert) et le plaisir de faire une place au soleil de minuit à d'autres (Mme Du Deffand, Hérault de Séchelles, Nicolás Gómez Dávila, Henri Roorda). Les choses qu'il peut raconter ailleurs sur ses "copains" et autres fadaises montrent simplement qu'il est un imbécile comme tout le monde.
Apprendre à philosopher dans l'antiquité (2004)
L'enseignement du Manuel d'Épictète et son commentaire néoplatonicien
Sortie : 2004 (France). Essai, Philosophie
livre de Ilsetraut Hadot et Pierre Hadot
Annotation :
La détestation du néo-platonisme peut continuer avec ferveur en ce qui me concerne. Les chapitres consacrés au commentaire donné par Simplicius… donnent simplement envie de rire avec les rieurs de la philosophie tant le propos est abscons, vain, complètement délirant et prétentieux sans qu'il soit possible de lui faire justice d'une quelconque manière. Quel chichi aberrant sous prétexte d'onto-théologie (classic shit).Quel maniérisme inutile : impossible pour le néoplatonicien d’utiliser des mots nouveaux (le christianisme devient « l’opinion la plus répandue de nos jours en matière spirituelle »). Les chapitres consacrés à un commentaire direct Epictète sont suffisamment savants pour être intéressants mais n'ont pas la flamme de quelques autres livres de Pierre Hadot.