Noé désespère. Le monde court à sa perte : la planète se réchauffe, on le sait, et on ne fait rien. Alors, il fuit les supermarchés qui lui rappellent trop la surconsommation, il houspille ses parents qui achètent du neuf plutôt que de l'occasion dès lors qu'il y a une promotion, il critique l'ex de sa meilleure amie en rappelant que s'il préfère prendre des vacances ultra-polluantes en partant en avion plutôt que rester avec sa copine c'est qu'il est bien idiot, il mange végétarien, et il arbore sur ses t-shirts des slogans à l'humour noir alertant sur l'état de la planète. Il rumine, il broie du noir, il pleure et s'énerve pour un rien, à cause de cette histoire d'effondrement du vivant : ça inquiète ses parents et sa meilleure amie, qui tentent de lui redonner le sourire, en l'incitant à voir un psy - un échec - ou en lui rappelant les centaines d'actions qu'accomplissent les militants écolos, autant de raisons d'espérer - et ça, ça marche. Noé se motive, trouve des alliés à son école pour lancer de petits projets et, à la fin du livre, ouvre son propre compte sur un réseau social pour communiquer sur le sujet.
Quand j'ai vu la couverture du livre, puis lu sa quatrième de couverture, j'ai été intriguée, et sceptique. Faire une liste de bonnes nouvelles écolos, ce serait assez pour contrebalancer l'angoisse de la potentielle extinction humaine prochaine, d'un potentiel effondrement prochain ? Douteux, mais allez, j'ai laissé sa chance au livre - après tout il est court et se lit bien vite. Résultat, j'ai été aussi déçue que je l'anticipait.
Que penser de la morale de cette histoire ? Et à qui s'adresse réellement ce livre ? Probablement pas à un éco-anxieux aussi sévère que l'est Noé au début du récit. Quand on est éco-anxieux, on n'est pas idiot, on se renseigne, on sait déjà que les militants luttent et accomplissent des choses, mais on sait aussi l'immobilisme des décideurs, hommes politiques et grands patrons, et on sait aussi la répression et les obstacles auxquels font face ces militants. Je comprends que l'autrice ait voulu pousser les jeunes à s'engager au travers d'actions concrètes, même petites, et à garder espoir, plutôt que ruminer dans leur coin. J'entends. Mais ça me semble si naïf. "Ne déprime pas, tu n'es pas si impuissant", semble dire ce livre : mais ces 113 raisons d'espérer, ne sont-elles pas dérisoires face à l'inaction politique, face aux méga entreprises pollueuses, face aux catastrophes naturelles qui s'intensifient ? On a là une méthode de développement personnel, "positive !", plus qu'une incitation au militantisme, et j'aurais été plus convaincue de voir un Noé agir avec l'énergie du désespoir après avoir rencontré d'autres gens tout aussi désespérés que lui.
Rire particulièrement jaune à la lecture de la conclusion du livre : comme si communiquer sur les réseaux sociaux, c'était là où on avait le plus de pouvoir. Et comme si l'industrie du numérique n'avait aucun poid sur le réchauffement climatique...
Au vu du sujet, on aurait aimé une puissance politique à la hauteur du message, à la hauteur de l'énergie donnée par des militantes comme Greta Thunberg ou Camille Étienne. À la place, on a des personnages superficiels et peu crédibles façonnés par un optimisme niais.