"Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui"
Par sa taille comme par son contenu, 2666 est un roman-monstre. Tout au long des cinq parties de ce qui restera son ultime oeuvre, Bolaño multiplie ad nauseam les histoires, les personnages, les digressions, en faisant appelle à des genres narratifs si variés qu'ils pourraient être jugés – évidemment, à tord – comme incompatibles.
Finalement, l'unique véritable lien entre chacun des protagonistes demeure la ville fictive de Santa Teresa au Mexique qui semble happer les vies comme un trou noir. Inspirée de Ciudad Juárez où des centaines de meurtres de femmes ont été perpétrés dans l'indifférence générale, Bolaño fait de cette cité moite et assommante un quasi huis clos qui apparaît alors comme la toile de fond parfaite pour traiter du sujet principal du roman : la barbarie, autrement dit l'absurdité du mal dans ce qu'il a de plus consubstantiel à l'Homme.
Difficile alors d'écrire à propos 2666 sans s'étendre trop en longueur tant ce roman est vaste et subtil. Mieux vaut encore le lire et se laisser porter par la narration remarquablement maîtrisée de Bolaño qui parvient à stimuler l'intérêt du lecteur tout au long des quelques 1400 pages de ce chef d'oeuvre, du vaudeville des quatre universitaires de la première partie, jusqu'aux révélations de la partie finale consacrée au mystérieux écrivain Benno von Archimboldi. 2666 est une oeuvre littéraire monumentale et définitive à lire, bien sûr, mais surtout, à relire et à relire encore à peine la dernière ligne atteinte.