Critique initialement publiée sur mon blog : http://nebalestuncon.over-blog.com/2017/03/lamentations-of-the-flame-princess-a-red-pleasant-land.html
RÔLISTES AU PAYS DES MERVEILLES
Il y a… Ouch ! Pas loin de deux ans de cela, je m’étais procuré, sur un coup de tête, cet étrange petit bouquin dont tout le monde parlait alors : A Red & Pleasant Land – ou la plus folle des donjonneries, dérivée des aventures d’Alice au pays des merveilles et de l’autre côté du miroir. Au fond, je n’en savais guère plus… Mais, oui, j’étais curieux.
Et je n’étais visiblement pas le seul, car on en causait alors vraiment beaucoup ; c’est même allé plus loin que ça : cette plus ou moins autoproduction, plus indé tu meurs (dans d’atroces souffrances), peut-être la plus bizarre excroissance du mouvement OSR (« Old School Renaissance »), a su convaincre et même fasciner bien au-delà du seul lectorat humblement visé à la base – d’où un succès commercial autant que critique (à l’échelle des jeux indé, du moins), mais aussi une belle performance aux ENnies de 2015, où « le truc » a remporté cinq prix, dans un contexte qui pourtant ne lui semblait guère favorable, car porté à récompenser « naturellement » les gros machins.
Derrière A Red & Pleasant Land, un homme à tout faire : Zak S., personnage haut en couleurs et iconoclaste, qui s’est semble-t-il fait beaucoup d’ennemis pour les plus mauvaises des raisons – et s’est ainsi retrouvé, bon gré mal gré, au cœur de pas mal de polémiques au sein de la communauté rôlistique américaine (et au-delà sans doute, jusque dans not’ beau pays eud’ chez nous, j’supposions…). Je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet – pour la bonne et simple raison que je n’en sais absolument rien. Je ne suis certes pas impliqué dans ce genre de choses, dont les quelques rares échos qui parviennent à franchir mes boucliers, généralement navrants, m’incitent plus que jamais à laisser pisser sans m’en mêler. Ce genre de polémiques à la con, j’ai donné dans le fandom SF, aucune envie de m’égarer encore dans ces bas-fonds trollesques, même bardé de d20.
NÉBAL N’Y CONNAÎT RIEN
C’est un fait : je ne connais de toute façon rien à tout ça. Outre que je ne ressens pas vraiment de sentiment d’attache à une communauté rôlistique – rien à voir pour le coup avec le fandom SF. Ça ne me facilite d’ailleurs pas la tâche quand il s’agit de noircir des pages de blog sur la base guère assurée de mes retours de lecture rôlistiques – un manque de légitimité…
Et encore ! Dégoiser sur telle ou telle campagne de L’Appel de Cthulhu, c’est peut-être vaguement envisageable… Mais quand on creuse dans l’indépendance-ta-mère, que la « théorie rôliste » se met de la partie, et plus encore quand des « mouvements » d’ensemble s’en mêlent à leur tour, je suis largué.
Ainsi dans le cas de l’OSR. Je n’y connais rien, et n’y comprends rien. Cette idée de retourner au vieux Donj’, à une certaine simplicité essentielle, n’est sans doute pas aussi réactionnaire qu’on pourrait le croire, et ce mouvement a semble-t-il constitué un vivier foisonnant d’idées… nouvelles – un paradoxe peut-être, ou peut-être pas. Mais pour ce que je crois en savoir, hein. Au-delà...
Le fait est que – et là ce sont probablement mes préjugés qui parlent – je ne fais plus dans le donjon depuis, ouf, près de vingt ans (OLD, Nébal, OLD !), et n’ai pas vraiment l’envie de m’y remettre (même si le mot n'est sans doute pas très approprié : même à cet âge-là, je jouais certes à AD&D2, mais les donjons étaient aussi rares que les dragons... J'avoue, en fait, qu'essayer, comme ça, une fois, en tant que joueur, maintenant, peut-être…) ; ce qui ne m’a pas empêché de jeter un coup d’œil à certaines choses qui, après tout, jouent aussi plus ou moins de cette carte, sur un format là encore indépendant (j’avais été très enthousiasmé par ma lecture de Tranchons & Traquons) ou probablement bien moins (bon ressenti aussi à la lecture de Chroniques Oubliées Fantasy) ; par ailleurs, sans être à fond dans la hype, je suppose que j’y suis nettement moins insensible que j’aimerais le croire, ce dont témoignent quelques achats intempestifs, dont justement A Red & Pleasant Land (eh), ou plus récemment Barbarians of Lemuria (et là, a priori, je vais tenter la chose sous peu)…
Exemple flagrant : A Red & Pleasant Land étant en principe un supplément pour le jeu OSR Lamentations of the Flame Princess (mais en principe seulement : la part de règles étant ce qu’elle est, A Red & Pleasant Land s’affiche en fait comme un supplément multi-supports, aisé à adapter à votre jeu donjonesque préféré), je m’en étais procuré à la même époque le livre de base, Lamentations of the Flame Princess : Player Core Book : Rules and Magic, et l’avais lu relativement vite.
…
Eh, euh, pas compris. Oui, c’est simple, c’est assurément « old school », putain, pas qu’un peu, mais je n’en voyais absolument pas l’intérêt…
Peut-être d’ailleurs cette lecture m’a-t-elle incité à repousser celle de A Red & Pleasant Land – bêtement, très bêtement.
Mais, tout récemment, on a reparlé de tout cela en Francie. En effet, Black Book (qui, décidément) a lancé un (énième) financement participatif portant sur la traduction française de Lamentations of the Flame Princess, et qui incluait – mis en avant, d’ailleurs – A Red & Pleasant Land ; petit indé ira loin ! Cela m’a rappelé que j’avais cette chose étrange dans ma ludothèque, et qu’il était bien temps pour moi de la lire…
UNE ŒUVRE D’ART
Et là, il est une chose qui saute à la gueule du lecteur, très vite : ce bouquin EST PUTAIN DE SPLENDIDE !
Vraiment. Et pas seulement pour sa finition déjà admirable : petit format, certes, mais hardcover toilé, doré, avec signet, un papier épais et de qualité, et (donc) tout en couleurs.
Disons-le : je ne connais pas d’autre livre de jeu de rôle (ou pas que, d’ailleurs) aussi beau et – ça fait vraiment partie du truc – aussi personnel en même temps. On est à mille lieues, et même probablement davantage, de la grosse artillerie putassière de pas mal de jeux de fantasy encore aujourd’hui (même si pas tous, certes, il y a de belles exceptions). On est là devant quelque chose de vraiment beau, bien pensé, inventif, et… intime, d’une certaine manière – singulier, en tout cas. L’expression a souvent été employée, mais le livre le vaut bien : c’est une œuvre d’art – et des meilleures.
À kiki la faute ? À Zak S. encore, qui fait décidément tout : les illustrations (abondantes) et les cartes (presque autant) sont toutes de son fait, et le bonhomme a un talent renversant, un style qui lui est propre, et un souci de la cohérence qui lui fait honneur. C’est parfaitement splendide, oui – et cela participe en même temps de l’ambiance du jeu, nonsensique et inquiétante, avec une sorte de touche gothique très à propos… et un goût prononcé pour les nuances de rouge qui noient ce monde « plaisant » dans son propre sang.
VOIVODJA
A Red & Pleasant Land est plus un cadre de jeu – même avec sa présentation… particulière – qu’une campagne à proprement parler. Zak S. nous y décrit à sa manière un monde fantasque et parfaitement déraisonnable, qui fait péter tous les records en matière d’improbabilité, mais n’en est que plus alléchant.
Il s’agit donc de Voivodja – « le lieu de la déraison », « que les dieux ne regardent pas ». Le nom est d’emblée évocateur de quelque Transylvanie transposée, et, oui, comme de juste, on y trouve nombre de vampires – et, comme de juste, les plus puissants de ces vampire s’y livrent une guerre millénaire (à moins qu’elle n’ait commencé qu’il y a deux secondes de cela), et la Voivodja est donc un cadre propice aux intrigues politiques, de l’espionnage et de la diplomatie aux sanglantes bataillées en rien décisives.
Ces vampires divers ont des attributs fort classiques, par ailleurs – ils ont comme un problème avec l’eau vive, et se pose aussi la question de leurs reflets dans le miroir… Ce qui change vraiment, c’est que la Voivodja « justifie », d’une certaine manière, ces attributs folkloriques dont le thème vampirique moderne s’est régulièrement passé.
Car la Voivodja n’est pas qu’un terrain de chasse vampirique. Ce petit monde anguleux – composé de carrés, oui, et avec des cours d’eau à angle droit –, coupé du reste de tout monde et peut-être accessible néanmoins par tous, est dominé avant tout par la folie et le non-sens. Et si telle vampiresse de haut rang, Elizabeth Bathyscape, est tout naturellement évocatrice de la fameuse comtesse Bathory, sa désignation de « Reine de Cœur » évoque une inspiration tout autre et probablement bien plus fondamentale : en Voivodja, Lewis Carroll passe avant son contemporain Bram Stoker.
Dans son Château Cachtice, au nord-ouest, la Reine de Cœur tranche des têtes et joue au croquet – environnée de larbins qui, assurément, « ne sont que des cartes ». Elle livre parallèlement une guerre acharnée au Roi Rouge, Vlad Vortigen, qui préfère quant à lui les échecs – et les miroirs, abondant dans son Château Poenari, au sud-est… à moins qu’il ne faille le considérer comme étant un miroir dans son ensemble.
Mais la situation est compliquée par l’arrivée inopinée de deux autres seigneurs vampires, qui observent et complotent, et entendent sans doute à leur tour mettre la main sur la Voivodja entière – avec ses jardins immenses et ses satanés canaux : le Roi Pâle, d’une part – qui a, si j’ose dire, dans sa poche un certain Chapelier Fou –, et la Reine Incolore…
UNE HISTOIRE DE REFLETS
Bien des reflets dans cette affaire – comme autant d’inspirations inattendues que Zak S. manipule sans vergogne, dans une distorsion du merveilleux carrollien qui a quelque chose de jubilatoirement pervers.
Mais justement : qu’est-ce donc que le reflet, et qu’est-ce que l’original ? À supposer que la question ait un sens… ou pas ? Mais, rappelons-nous, Alice elle-même, confrontée à un monde absurde, suppose bien hardiment qu’elle pourrait lui conférer un sens, s'il n'en a pas… Il est vrai qu’elle n’est pas des plus raisonnable.
Mais la question du reflet a son importance, oui. Original et reproduction, peu importe si ça se trouve, mais, en tout cas, nous sommes ici du « côté de la guerre », cette « guerre lente » et absurde qui sans doute ne prendra jamais fin. On n’ose guère, du coup, parler la bouche en cœur d’un « pays des merveilles »… ou alors disons d’un « pays de démons et merveilles ». Car la dimension délicieusement nonsensique de cet univers, certes une adaptation très bien vue, très pertinente, des rêveries de la petite Alice, se complique d’un « côté sombre » et violent, qui le rend proprement cauchemardesque et hautement périlleux…
Mais l’autre côté du miroir est-il dès lors plus sympathique ? Ce n’est pas dit… car ce « côté calme », si terne et atone, bien loin du chatoiement fantasque du « côté de la guerre », s’avère aussi inquiétant que déprimant – comme un monde qui, d’une certaine manière, ne pourrait tout simplement pas tolérer la vie, le mouvement, le sentiment, la couleur, etc. Il n’est pas exclu que les personnages y fassent un saut de temps à autre… mais sans doute vaut-il mieux pour eux ne pas s’y attarder, sous peine de devenir fous !
LE NON-SENS ROI (ROUGE), L’IMPROVISATION REINE (DE CŒUR)
Voivodja, donc. Un endroit fascinant et terrible, où le non-sens règne. Il est bien sûr une dimension essentielle de A Red & Pleasant Land, mais aussi la plus difficile à mettre en place à vue de nez – car, si l’endroit n’est pas dément, alors il n’aurait pas spécialement d’intérêt… Mais comment prendre en compte, dans pareil contexte, et rendre dans le cadre d’une session de jeu, l’aléatoire suprême, les distorsions temporelles soudaines, les architectures eschériennes qui compliquent quand même un peu le dungeon crawling et tant d’autres choses bien plus folles encore ? Comment rendre ce non-sens à la fois jouable et enthousiasmant plutôt que frustrant ?
En fait, il y a des moyens – que Zak S. nous fournit, avec une intelligence tant du merveilleux carrollien que de la pratique donjonneuse qui permet bel et bien d’aboutir à l’étonnante et enthousiasmante synthèse de A Red & Pleasant Land.
Chaque page, à vrai dire, est bourrée d’idées en ce sens : les longues sections de bestiaire et de donjon y sont tout particulièrement propices, peut-être, mais cela va bien au-delà. Et Zak S. dispose d’un outil essentiel du jeu, mais dont il use avec une grande habileté : les tables aléatoires. Il y en a plein ! Certaines, à n’en pas douter, sont « classiques », ainsi celles de rencontres aléatoires, inévitables – sauf que les résultats peuvent être sacrément détonants ! Mais d’autres tables sont plus directement liées aux spécificités du cadre, et abondent en résultats plus fous encore – les taxes exigées par la Maison Pâle à tout bout de champ, les manières idiotes d’entamer la conversation… L’ensemble, abondant, consiste donc en une boite à outils assez phénoménale, permettant d’improviser lieux, rencontres, événements, aventures, etc., en quelques jets de dés, et pour un résultat qui, à vue de nez, est toujours savoureux. Des tables du genre, on en trouve dans bien des jeux sans doute, mais, assez souvent, elles ne m’inspirent guère – je les trouve trop « froides », disons… Elles peuvent avoir leur utilité, mais, en fait d’outils, elles tiennent plutôt de la roue de secours – seule. Alors qu’ici, nous avons la roue, le cric, plein de tournevis, une colombe morte, un petit verre avec un cocktail bleu azur dedans et un petit parasol jaune, ainsi qu’une chauve-souris à lunettes spécialiste de l’opéra moldave en 1453 et revêtue d’un T-shirt dont les motifs psychédéliques peuvent inciter ses compagnons à chanter inlassablement « Si tu vas à Rio » en faisant des sauts périlleux arrières (en cas de jet de sauvegarde raté, bien sûr – sinon ce sont des sauts périlleux de biais).
…
Non, rassurez-vous, c’est mieux fait que ça dans le bouquin, beaucoup mieux, incomparablement mieux…
Parce que c’est là une autre difficulté essentielle de ce cadre, mais que ces outils, je crois, devrait permettre de dépasser : il ne faut certainement pas, au nom du non-sens et de l’absurde, tomber dans la blague plus ou moins potache. Le sérieux ne doit sans doute pas se montrer trop envahissant, au risque de devenir frustrant, mais il a clairement son rôle à jouer (lui aussi) pour que la partie fonctionne. D’où un exercice d’équilibrisme périlleux et intimidant, mais qui doit s’avérer extrêmement gratifiant s’il est correctement accompli.
Parfois, c’est un peu « technique », mais rien d’insurmontable le plus souvent. Comme dit plus haut, même en marquant Lamentations of the Flame Princess sur sa couverture (et en étant édité sous le même label éditorial), A Red & Pleasant Land, ouvertement, se présente comme un cadre de campagne très aisément adaptable à tout jeu – donjonnerie et OSR au premier chef, oui, mais probablement pas que. Je suppose qu’il est même possible d’user de la nouvelle classe de personnage qu’est l’Alice dans un autre système, table d’exaspération incluse…
DES CARTES ET DES PIONS – NON, PAS CEUX-LÀ !
Mais A Red & Pleasant Land a donc une perspective donjonneuse – qui plaira ou pas, c’est un autre problème, mais c’est, sans ambiguïtés, la proposition de jeu de Zak S. Dès lors, même si son livre contient çà et là des éléments de background et de technique, voire de règles (dont certaines, pour Lamentations of the Flame Princess, donc, qui peuvent être utiles en dehors du seul cadre de A Red & Pleasant Land : combat de masse, par exemple – ça m’a l’air assez bien foutu, d’ailleurs), présentés en tant que tels, il consiste pour l’essentiel en deux grosses sections bien touffues : un bestiaire, et les plans de deux donjons. Pas de scénario, non : les tables aléatoires sont là pour ça, outre les plans de donjons – alors : « Liberté ! » Et/ou : « Démerdez-vous... mais voici quelques choses qui devraient vous aider. »
Nous avons donc d’abord un gros bestiaire (une cinquantaine de pages). S’il contient quelques règles « étendues » (en fait, pour l’essentiel, les considérations applicables aux différents vampires de Voivodja), il fonctionne globalement par rubriques simplement présentées dans l’ordre alphabétique, sans faire de distinction entre les PNJ uniques et les PNJ génériques.
L’auteur encourage cependant, et c’est bien la moindre des choses, à envisager tout d’abord les quatre saign… seigneurs de Voivodja que sont la Reine de Cœur, le Roi Rouge, le Roi Pâle et la Reine Incolore, car les éléments les concernant peuvent avoir un impact sur leurs larbins, et l’affiliation des bébêtes est une dimension à ne pas négliger. Mais on trouve d’autres PNJ uniques, et d’importance – comme le Chapelier Fou, le Chat de Cheshire ou la Pseudo-Tortue… Tous ont leurs propres motivations, et diverses spécificités plus ou moins techniques mais toujours aisément transposables.
Autrement, nombre d’animaux, de morts-vivants, de monstres divers, et peut-être avant toutes choses les serviteurs des différents seigneurs, déclinés sous la forme de cartes de jeu ou de pièces d’échiquier, moyen commode de déterminer leur position dans une hiérarchie stricte et qui a son utilité.
C’est un bestiaire : c’est forcément d’une lecture un peu rébarbative. Mais, heureusement, les illustrations splendides de Zak S. sont là, et même, comme de juste, sont tout particulièrement là, qui permettent de faire passer bien plus facilement la pilule.
LES DONJONS LES PLUS FOUS
La seconde grosse partie du bouquin (là encore une cinquantaine de pages ; on peut éventuellement y ajouter une dizaine de plus, ensuite, aussi visuellement splendides que d’un usage délicat, et portant sur des lieux pas autrement décrits) consiste donc en les plans de deux énoooOOOooormes donjons, le Château Cachtice de la Reine de Cœur et le Château Poenari du Roi Rouge.
Et, sans surprise, c’est là que j’ai décroché – parce que les donjons, ce n’est vraiment pas mon monde… Même des donjons pareils, aux cartes étonnantes et belles, et bourrés d’idées toutes plus folles les unes que les autres à chaque pièce ou presque… Il y a des rencontres absolument géniales, des pièges redoutables autant qu'inventifs, des distorsions temporelles soudaines, des géométries eschériennes impliquant des développements abscons sur la gravité…
Et ça m’ennuie profondément. Cinquante pages de descriptions de pièces, une par une, c’est beaucoup trop pour ma gueule – et les « monstres errants » dans ce contexte me fatiguent plus encore qu’ils m’ennuient.
MAIS… ET MOI, J’EN FAIS QUOI ?
D’où problème – mais problème tout personnel : je ne prétends pas que A Red & Pleasant Land est injouable – en fait, la lecture m’incite à croire que c’est parfaitement jouable, étonnamment jouable, oui, mais parfaitement jouable, et ce n’est pas le moindre tour de force de Zak S. dans ce supplément hors-normes. C’est bourré d’idées très bien vues, qui permettent de rendre crédible et cohérent, en plus d’être attrayant, ce grand écart improbable entre Lewis Carroll et Gary Gygax (avec Bram Stoker – et Mark Rein•Hagen ? – au milieu).
Simplement, ce n’est pas pour moi : ce n’est pas injouable dans l’absolu, c’est injouable pour moi – même si je ne pense pas être le seul dans ce cas, loin de là en fait : il y a quelques échos assez éloquents, tout de même.
Ne pas y voir, donc, une critique contre le travail de Zak S., sur le mode « ça aurait été mieux si tu avais fait ça et pas ça », etc. Je suis intimement persuadé, oui, qu’une autre approche, même sur des bases similaires, m’aurait davantage parlé, mais le fait est que l’auteur avait une proposition de jeu fermement établie et affichée sans ambiguïté – et que je devinais au moins vaguement ; je n’ai pas de légitimité pour lui reprocher d’avoir fait ce qu’il voulait faire, ou, dit autrement, pour lui reprocher de ne pas avoir fait ce qui, moi, m’aurait botté… D'autant que, ce qu'il a fait, dans son registre, il l'a très bien fait.
HIT ME (WITH MY AXE), DRINK ME
Alors, oui, c’est un peu frustrant – pour moi : parce que j’adore ce cadre, très intelligemment conçu, aussi pertinent qu’improbable, mais sais que je n’en ferai probablement jamais rien : parce que la proposition donjonneuse est intimement liée au développement du cadre de jeu, et sans doute cette cohérence est-elle essentielle.
Je pourrais peut-être réfléchir à employer ce contexte fou dans un autre registre – en fait, j’y songe –, mais redoute en même temps que cela ne fonctionne jamais tout à fait parce que la proposition de jeu cohérente serait dès lors d’emblée battue en brèche. Mais j’imagine que ça se tente quand même… en relativisant certes l’utilité du bestiaire et des plans ultra-détaillés des Châteaux Cachtice et Poenari – soit plus de la moitié du livre ! Tout de même…
Alors, A Red & Pleasant Land ? Un livre absolument splendide ; un exercice de world-building merveilleux de cohérence sur les bases les plus improbables qui soient ; une intelligence des sources littéraires autant que rôlistiques parfaitement admirable ; et un cadre de jeu dont, hélas, je ne me servirai probablement jamais.