Alma a intégré dès son adolescence un des nombreux gangs du Guatémala, appelés pandillas en espagnol, qui participent en grande partie au climat de grande insécurité et corruption du pays.
Pour s'intégrer et ne pas devenir une victime de cette violence, elle décide de la créer, davantage par dépit que par envie; en tuant une fille de quelques années son ainé, que des garçons venaient de violer et dont il fallait s'assurer qu'elle ne les dénoncerait pas. C'est son épreuve du feu, ensuite, pour son baptême, elle aura le choix entre se faire elle-même violer ou se faire battre, dernier choix qu'elle choisira.
Ce livre raconte la dure et extraordinaire histoire d'Alma, devenue un membre imminent du gang: redoutée, crainte, haïe, mais aussi admirée pour la force qu'elle déploie en tant que femme (souvent soumises à leur mari violent dans ce pays) et adorée parfois; au travers des voix des personnes qui l'ont connues, qui s'adressent à Alma. Cela se rapproche en quelque sorte d'un roman épistolaire sans réponses d'Alma.
Nous avons les voix de la jeune fille tuée par Alma, la première fois, du père d'Alma, lâche et violent, de sa mère, faible mais aimante, mais également de l'épicière rackettée par Alma ou encore de la mort, qui suit Alma depuis sa jeune enfance: subie ou voulue, très souvent...
Ces voix sont imaginées et rédigées par l'auteur Isabelle Fougère, à la suite de la longue enquête de son collaborateur Miquel Dewever-Plana sur l'extrême violence du Guatémala ainsi que sur l'histoire d'Alma.
Miquel Dewever-Plana est également photographe et signe les photographies qui accompagnent les textes du livre: un véritable dialogue entre le texte et l'image se forme pour une émotion accentuée, une vérité plus prenante...
A ce propos si ce duo vous intéresse, penchez-vous sur le reste de la collection: "collatéral" qui adopte cette idée sur chacun de ses livre. La photographie accompagne la littérature chaque fois pour un résultat intéressant.
En fin de compte, vu le nombre d’atrocités dont Alma est l'auteur, on pourrait être tenté de la détester, mais lorsque l'on se penche sur le contexte qui est celui de son pays, totalement imprégné d'un violence et corruption des forces de l'ordre sans fin, on finit par être gagné d'empathie pour elle. En finissant ce livre, on voit également Alma comme une grande Femme: qui a décidé de se battre pour ne pas être battue, tuer pour ne pas être tuée, qui abandonnera son gang, en en payant les conséquences, lorsque la perte de son enfant attendu encore lui relèvera au plein jour l'absurdité de sa situation.
Pour aller plus loin, Arte en a fait un webdocumentaire que je vous recommande vivement!
http://alma.arte.tv/fr