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La naissance de la pensée scientifique, voilà bien un sujet digne de considération. L’idée d’avoir le point de vue d’un scientifique, Carlo Rovelli, sur la question était intrigante, car qui pourrait mieux rendre hommage à l’œuvre si fondamentale d’Anaximandre qu’un scientifique lui-même, qui doit tout, ou presque, au premier élan philosophique et scientifique de l’école ionienne. Rovelli se pose d’ailleurs un objectif, à travers son ouvrage : réconcilier une analyse philosophique, «littéraire», et une analyse scientifique de l’œuvre du philosophe de Milet, points de vue souvent bêtement opposés et qui, au contraire, peuvent bien être complémentaires.


Rovelli nous introduit donc les grandes lignes de la philosophie d’Anaximandre et la restitue dans son contexte. On fait donc un tour d’horizon assez rapide de l’époque archaïque, de la situation de Milet, et de la place unique de la pensée des premiers philosophes de l’Histoire, les philosophes ioniens Thalès, Anaximandre et Anaximène. Rovelli détaille certaines des thèses les plus importantes d’Anaximandre, le tout illustré de quelques schémas basiques. Les plus fondamentales sont peut-être celles qui établissent que la Terre ne repose pas sur une substance, mais se trouve au contraire au centre d’un espace, et n’est pas dominée par des notions de haut et de bas, mais reste au contraire immobile car, étant au centre de l’espace, la Terre est équidistante de tous les points du ciel. Aucune force, aucune direction ne prédomine donc, et l’on trouve ainsi théorisée et élargie à la nature la vision géométrique de la cité, comme Jean-Pierre Vernant l’expliquait dans son ouvrage Les origines de la pensée grecque. L’autre notion importante consiste dans le postulat de l’existence d’une substance «invisible» et inconnue qui constituerait le principe de base de l’univers.


Déjà, Anaximandre initiait ce mouvement de la pensée qui conduira aux grandes révolutions philosophiques et scientifiques : penser la nature de manière rationnelle, et sans faire intervenir les divinités. Rovelli en profite alors pour nous présenter en quoi consiste la science, à savoir qu’elle correspond à un système cohérent permettant d’expliquer de la manière la meilleure et la plus rigoureuse possible les phénomènes naturels, mais jamais la science n’est absolue. Bien au contraire, elle évolue en permanence et repose sur la prise de conscience de notre ignorance. Il faut être amené à douter pour mieux progresser… Et si cette analyse est assez intéressante et entre dans la continuité des observations sur la révolution conceptuelle des philosophes ioniens, l’auteur divague parfois dans certains chapitres peu intéressants dans lesquels l’auteur se lance dans des parallèles grossiers entre la Grèce archaïque et l’Europe contemporaine, ce qui fait douter par moments du sérieux de Rovelli.


Ces passages-là portent d’ailleurs préjudice à l’ouvrage, selon moi, et l’auteur divague assez souvent une fois passé les deux premiers tiers du livre, et l’on a parfois un peu tendance à perdre de vue Anaximandre, à un point où l’on en vient à regretter que ses thèses ne soient pas plus développées. On a vraiment l’impression, après avoir lu cet ouvrage, de n’avoir qu’effleuré la richesse de la pensée d’Anaximandre, et c’est donc un hommage en demi-teinte au philosophe que nous offre Rovelli, dans un bouquin qui n’est pas à la hauteur de ce que l’on pourrait attendre d’un scientifique analysant la manière de raisonner de l’un des pères fondateurs de la philosophie et de la science, et c’est bien dommage. Bien sûr, si Anaximandre vous intéresse, rien ne vous empêche de jeter un œil à ce livre, qui réussit malgré tout à rester intéressant, mais si vous souhaitez découvrir le philosophe ionien de manière plus noble et plus complète, je vous conseille vraiment de lire Anaximandre «dans le texte» et de vous orienter vers l’ouvrage de référence de Jean-Paul Dumont : Les écoles Présocratiques.

Charlandreon
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le 11 nov. 2020

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