Apprendre à lire, à quatre-vingts printemps, a-t-on idée ? C’est pourtant le prétexte - j’ai envie d’écrire pré-texte - que Sébastien MINISTRU nous propose pour entrer dans l’histoire d’un triangle étonnant : un vieux père acariâtre, un fils de 60 ans excédé et Ron, un jeune prostitué qui se dit aussi étudiant pour devenir instituteur. Ce trio évoluera dans un monde nouveau pour chacun des personnages avec masques et contre-masques et sèmera autant qu’il récoltera des pensées noires, des espoirs timides, des réussites, des avancées, des reculs, des heurts, beaucoup de heurts et pas mal de compréhension lente mais subtile, de tendresse cachée, de pudeur et de sens à rendre à la vie.
Le lecteur verra sa lecture canalisée par une certaine apologie de l’homosexualité qui, à mon sens, n’apporte pas grand-chose au récit mais qui a le mérite, ’quelque peu fabriqué’, de constituer une accroche nouvelle dans ce genre de récit. En fait, il faut lire bien au-delà du triangle père-fils-prostitué que le bandeau de la maison d’édition nommera amoureux pour ne pas choquer.
C’est dans le non-dit subtil d’un passé violent qui, pour quelques bonnes et beaucoup de mauvaises raisons, a éloigné un enfant-berger de l’école, lui conduisant à une vie d’analphabète, tare bien lourde à supporter, comme à partager. Il faut aller voir, au-delà des griefs père-fils, la tendresse qui se cache et se tait par pudeur, par manque de communication et, plus fondamentalement encore, par manque d’habitude de se parler.
Ce roman nous livre quelques belles pages de réflexions sur ce que fut la vie des sardes immigrés et sur le côté complètement déjanté d’une certaine jet-society dans le monde des galeries artistiques. Mais le cœur du récit est une quête des raisons à se donner pour se tenir debout et pouvoir, en se regardant dans le miroir, y retrouver sa famille, sa raison d’être, une soif d’absolu.