Erich Maria Remarque est un écrivain allemand dont le livre phare n'est autre que A l'Ouest, Rien de Nouveau qui obtiendra un succès immédiat, une adaptation à Hollywood et, moins amusant, de faire partie de ces auteurs dont les livres seront brûlés par Hitler lors des autodafés de 1933.
Pour la petite histoire, Remarque échappera à la prison car au début de la guerre, il était hors des frontières allemandes. Sa soeur aura moins de chance puisqu'elle finira décapitée.
Revenons-en à notre livre. Il est bien dommage après la lecture de Après que A l'Ouest, rien de nouveau soit finalement le seul véritablement connu de l'auteur. Après, sobrement intitulé de la sorte dans sa traduction française, ne s'intéresse pas du tout aux combats de la 1ère Guerre Mondiale et aux ressentis des soldats. Ou du moins, il l'aborde, de manière très furtive, en introduction du bouquin. Après évoque justement l'après-guerre, la réinsertion de ces hommes au sein d'une société "normale", les décalages qui existent, les cauchemars, etc.
Et on sent une justesse incroyable chez l'auteur. Normal, me direz-vous, Remarque a participé au conflit, soldat appelé sous les drapeaux (il n'était pas volontaire) et qui sera d'ailleurs blessé. Mais n'empêche, on peut avoir participé à quelque chose et ne pas savoir en rendre l'essence et la "saveur". Remarque fait très bien cela. Il imprègne le lecteur de cet esprit d'ancien combattant et d'homme brisé. Des cauchemars qu'il fait, de se sentir exclu de cette société et plus jamais à sa place. Comment parvenir à vivre normalement quand on a vu les rats se nourrir de vos camarades ? Quand on a vu des hommes hurler à la mort, les tripes hors du corps, et que celle-ci se faisait attendre ? Comment retrouver le sourire et vivre ?
Remarque égratigne également la belle société, celle du monde juridique et des instituteurs, celle aussi d'une aristocratie qui a vécu hors du conflit et qui vient avec un sens chevaleresque de la vie. Et dire que ce sont des hommes comme ceux-là que Remarque et ses copains sont partis au front pour être transformés en bouillie.
A la lecture de ce second bouquin, j'en sors encore une fois grandi. Il y a une telle justesse dans les propos de l'auteur. Et aussi, une telle humanité que l'on sent vivre chez lui, pour l'homme du peuple. Cet homme qui souffre et qui sera toujours celui qu'on envoie à l'abattoir. Remarque est un homme qui n'aura eu de cesse finalement à penser à ces hommes que l'on fauche, à ces jeunes qui avaient toute la vie devant eux et qui l'ont perdues pour rien. Car au final, c'est bien cela qui en ressort. Tout cela pour rien si ce n'est pour créer, encore, un peu plus de vingt ans plus tard, un nouveau conflit mondial. Un beau gâchis que tous ces jeunes, allemands ou français, que l'on a envoyé à l'abattoir.
"Mais vous avez pourtant tué un homme ! insiste le président.
- J'ai déjà tué bien des hommes", répond Albert avec indifférence.
L'avocat général sursaute. Le juré le plus rapproché de la porte cesse de se ronger les ongles : "Qu'avez-vous dit ?" demande le président, suffoqué.
Je lance vivement : "Pendant la guerre.
- Ce n'est pas du tout la même chose", fait l'avocat général déçu.
Alors Albert lève la tête : "Comment n'est-ce pas du tout la même chose ?".
L'avocat général se lève : "Oseriez-vous faire la moindre comparaison entre votre acte et le combat pour la patrie ?
- Non, répond Albert, les gens que j'ai tués à cette époque ne m'avaient rien fait."