Lorsqu'on choisit de lire un bouquin intitulé Asservir par la dette, on se doute bien qu'on ne va pas lire un panégyrique du capitalisme et du néolibéralisme... Bon, dans mon cas, il se trouve que je ne m'étais pas renseignée sur l'auteur et que je pensais que le thème allait être abordé du point de vue de l'économie, de la sociologie, de l'histoire. Sur quoi je me plantais (en partie), car la démarche se veut philosophique. Et pourquoi pas, après tout ? Bon, je pensais aussi qu'il s'agissait d'un essai qui m'éclairerait sur l'histoire et les mécanismes de la dette, publique comme privée. Et là, franchement, c'est raté.


Asservir par la dette tient davantage du pamphlet que véritablement de l'essai. Normal, en fait, pour les éditions Max Milo qui souhaitent "provoquer à juste titre" et "tente[nt] de prescrire des remèdes contre l'endormissement ou les faux emballements, les dressages ou les gavages sur mesure qui menacent notre société trop souvent déprimée par la vanité ou la vacuité" (je cite). Ce que je n'irai pas leur reprocher, étant donné que je suis assez d'accord sur le principe. Comme je suis en gros d'accord sur les idées générales de Jean-Clet Martin sur le capitalisme, le libéralisme économique et leurs dérives. Maintenant, je suis moins en accord avec la méthode...


Sous prétexte de dénoncer un discours et un concept qui sont rentrés dans les mœurs et qu'on nous assène à coups de fausses vérités et à longueur de temps, Jean-Clet Martin se perd et manque pas mal de rigueur. Certes, il paraissait intéressant de prendre le sujet par le biais de la philosophie et de l'élargir à un concept qui dépasse la sacro-sainte économie. Toute personne qui ne ferait pas partie d'une élite, bref, le tout-venant serait, moralement, liée par une dette imaginaire envers la société, dette qui le transforme en personne corvéable à merci pour servir les intérêts de quelques-uns. C'est une idée qui se tient et c'est, ma foi, un bon résumé du fonctionnement des sociétés inégalitaires (bon, pour ma part, j'estime que Jean-Clet a tort de faire remonter ce système au XVIIIème et que le capitalisme trouve ses toutes premières origines au Néolithique, lorsque sont apparues et se sont développées les premières sociétés inégalitaires). Mais l'essai, ou le pamphlet, de Jean-Clet Martin ne va guère plus loin. Du coup, on ne peut pas dire que j'en ai appris grand-chose. Il manque d'argumentation, de précisions, de logique, et, avant tout, d'un résumé historique de ce qu'est et a été la dette. De l'idée de dette morale comme concept appréhendé par la philosophie, on passe à la dette économique de la Grèce, ou aux dérives de la dématérialisation et du numérique. Si bien que j'en suis venue à ne plus savoir quel était le sujet du livre.


Un livre qui, s'il comporte quelques passages intéressants, comme celui sur les mutations de la société aux XVIIIème et XIXème siècles, tourne en rond et tombe dans le piège du discours un peu vain, un peu creux, qui dénonce pour dénoncer. Tout ce qu'écrit Jean-Clet Martin, j'aurais pu en gros l'écrire également, certes en beaucoup plus court, avec moins de panache et avec beaucoup moins de références philosophiques, mais enfin... (j'exagère un brin, il est vrai) Or, si je lis un livre intitulé "Asservir par la dette", c'est tout de même pour aller un peu plus loin que mes réflexions et récriminations personnelles sur le sujet... Bien que l'essai soit court et se termine rapidement, j'en ai trouvé la lecture assez fastidieuse, notamment les passages sur le numérique et la dématérialisation qui m'ont paru peu inspirés, un peu farfelus, pour ne pas dire très peu documentés. J'ai eu l'impression, qui m'agace régulièrement lorsque je regarde des émissions de télé, que Max Milo avait cédé à la mode du "tout philosophique" , c'est-à-dire à cette mode qui veut qu'on invite des philosophes (il semble que beaucoup de monde soit philosophe, de nos jours) pour parler de tout et de n'importe quoi, quitte à ce que ceux-ci maîtrisent mal, voire pas du tout, leur sujet et ressassent des idées pas bien originales. Ce qui va complètement à l'encontre de la ligne éditoriale des éditions Max Milo, qui se targuent de mettre un coup de pied dans la fourmilière.


Pour terminer, je noterai l'absence de bibliographie à la fin de l'ouvrage, qui est un mauvais signe en soi. Cependant, cet essai est régulièrement annoté et donne beaucoup de références intéressantes pour aller plus loin sur le sujet.

Cthulie-la-Mignonne
5

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Prévisions 2017 : Livres, Lu (ou relu) en 2017 et Ma bibliothèque

Créée

le 10 mars 2017

Critique lue 149 fois

1 j'aime

Critique lue 149 fois

1

Du même critique

Solaris
Cthulie-la-Mignonne
9

Mélancoliques mimoïdes

Un des romans les plus marquants qu'il m'ait été donné de lire, et qui demande sans doute à être lu et relu pour en saisir toute la portée. L'histoire de Kelvin, rejoignant trois collègues sur la...

le 5 mars 2016

17 j'aime

6

« Art »
Cthulie-la-Mignonne
1

Halte au plagiat !!!

J'ai presque envie de débuter ma critique par "C'est une merde", pour reprendre les propos d'un des personnages de la pièce. Certes, c'est un début un peu vulgaire, mais certainement pas plus que...

le 14 févr. 2019

14 j'aime

7

Bleu
Cthulie-la-Mignonne
8

Incontournable Pastoureau

J'avais commencé par regarder, il y a déjà quelques temps, les conférences en ligne de Michel Pastoureau sur les couleurs à l'auditorium du Louvre. Et c'est parce qu'elles m'ont captivée que j'ai...

le 7 mars 2015

14 j'aime

8