Il y a plein de choses dans ce livre. D'abord le Paris mondain du début et du milieu du XIX° siècle, loin, très loin des préoccupations des ouvriers. Tellement loin que certains n'en connaissent même pas l'existence. Puis, la découverte par l'un des plus éloignés de ce monde du Paris des bas-fonds. Il y a aussi l'amour, parce que pas de roman populaire sans histoire d'amour. Il y a surtout la littérature ; comment naît l'envie d'écrire ; comment la littérature peut plaire aux plus snobs et chics comme aux plus pauvres et même aux illettrés qui se la font lire : elle peut donc momentanément relier les peuples ; comment elle peut également changer les vies, offrir de nouvelles perspectives, bien sûr lorsqu'on en est l'auteur, mais aussi lorsqu'on en est lecteur ; elle ouvre les esprits, oblige à se poser des questions, fait naître des vocations, des rébellions. Ne l'enterrons pas trop vite au profit des séries télévisées, des jeux débiles et des grandes messes sportives, qui, elles aussi peuvent relier momentanément les peuples (cf. les victoires des équipes nationales). Il y a aussi et surtout la belle aventure des feuilletons publiés dans les journaux d'alors. Les feuilletonistes étaient à part la littérature, mal considérés par les puristes qui les jugeaient populaires voire populistes, et pourtant encensés par les lecteurs qui attendaient la suite avec impatience.
Amateurs de romans populaires, d'aventures, de culture, ce livre est fait pour vous. Si en plus vous aimez baguenauder dans les rues parisiennes qui ont bien changé depuis, c'est encore mieux. Lorsque je "monte" à Paris, j'adore y marcher, lentement, en levant les yeux pour ne rien rater des façades, des lieux, je suis un touriste agoraphobe qui ne recherche pas les endroits de rassemblement mais les lieux insolites, les petites rues typiques... On retrouve aussi ce genre d'endroits dans ce Paris du XIX° siècle, mais les rues sont des coupe-gorges, les tripots des endroits sales et pas vraiment aux normes d'hygiène actuelles. C'est pourtant là que vit la majorité des Parisiens, dans des logis miteux, petits et branlants -cette histoire se passe avant les grandes rénovations haussmanniennes.. C'est là que se déroule l'aventure de Rodolphe et Fleur-de-Marie, les héros des Mystères de Paris.
Paul Vacca écrit et décrit tout cela, et comme il le fait avec son humour, sa finesse et toute la tendresse qu'il peut avoir pour ses personnages, toutes ces qualités désormais célèbres depuis La petite cloche au son grêle et Nueva Königsberg -j'avoue une petite préférence pour ce titre-, eh bien, le plaisir du lecteur, le mien au moins -mais je ne doute pas que nous serons très nombreux- est au rendez-vous. L'humour se sent surtout dans les interventions du romancier, lorsqu'il joue l'anachronisme ou la référence : "Bien sûr, Eugène savait qu'il allait subir quelques désagréments, la perte des subventions familiales n'étant pas le moindre. Mais n'était-ce pas le prix à payer pour une liberté enfin acquise ? Il écrirait davantage. Écrire plus pour gagner plus." (p.148). Il lui fait également inventer un air célèbre de nos jours mais encore loin d'être écrit, rendu populaire par une comédie musicale des années 50. 1950, bien sûr ! Il y a tout dans ce livre : de la légèreté, de la profondeur, de l'histoire -romancée, certes, mais qui incite à aller chercher plus loin sur la personnalité d'Eugène Sue et sur son œuvre majeure, il provoque donc la curiosité. Belle qualité. Un vrai roman populaire, l'un de ceux que l'on a plaisir à lire et à partager.